Finalement, je vais en parler, va, de ce voyage... Oui, il serait temps d'y revenir (à défaut d'en être vraiment revenu, huhuhu).
Pas directement, (raconter, après quinze jours, ça n'aurait plus beaucoup de sens), mais par la tangente, et le biais théorique (et fumeux sans doute) d'une petite digression personnelle sur la photographie (et l'acte de photographier). Tandis donc qu'on a fait le point, d'une certaine façon, par le double moyen de la régurgitation onirique (oui, pendant une dizaine de jours j'ai rêvé d'Inde, et uniquement de ça) et de, justement, le visionnement des photos (de soi, d'abord, et celles des autres).
Chacun entretient avec la photo un rapport personnel -et sans doute significatif-. Ainsi, sur notre groupe de 10 personnes, une seule avait choisi de photographier "seulement avec les yeux" et ne s'était donc encombrée d'aucun autre matériel de prise de vue, une autre avait bien un appareil, mais pourvu d'une toute petite carte et surtout sans chargeur de batterie -et ne pouvait donc prendre qu'un nombre très limité d'images avant que ladite batterie ne soit kaput-, et les huit autres étaient tous joyeusement équipés en numérique (toutes tailles et tous gabarits, du compact première génération au réflex numérique qui impose le respect -avec son vrai gros zoom-)
A partir de là, chacun fait comme il l'entend.
Je m'étais au départ fixé quelques règles simples, énoncées ainsi : "Je ne fais pas les monuments, je ne fais pas les femmes...". Soyons précis. J'ai ainsi peu ou prou continué le long des pistes choisies il y a deux ans :
1) les mecs
2) les murs
3) les machins par terre
4) le trafic
(voilà pour L'inde) et
5) le groupe (parce que, avec le recul, c'est toujours une des choses qui me fait le plus plaisir à regarder...)
J'ai donc regardé les presque 2000 photos que j'avais prises là-bas. Un petit mot à propos du nombre. Paradoxalement, j'ai déclenché moins que d'autre personnes qui pourtant avaient à l'arrivée moins de photos que moi. L'explication de ce paradoxe est simple, elle est due à la position dite "en rafale rapide" où c'est l'appareil qui fait le boulot pour vous, et prends les photos l'une après l'autre aussi longtemps que votre doigt reste appuyé sur le déclencheur. Ca permet de prendre ainsi une centaine parfois de photos d'affilée, dont il faudra (puisqu'on n'a pas vraiment ni cadré ni choisi) jeter un certain nombre mais parmi lesquelles il est possible de dénicher une authentique pépite (c'est rare mais ça arrive...)
L'inconvénient de la méthode ? Il y en a plusieurs : on ne peut pas vraiment cadrer ni mettre au point, puisque, par définition ça bouge tout le temps (bien entendu, pour photographier un machin immobile, mieux vaut avoir recours à une prise de vue normale!) donc risque de décadrage, d'inclinaison, de flou, de surexposition, de mauvaise mise au point -sur le bitonio du fond plutôt que sur le premier plan qui était tellement plus intéressant- etc. De plus les photos ainsi prises ne pourront pas beaucoup être recadrées puisqu'elles sont plutôt "petites" (enfin, elles font moins d'un méga), et donc, pour la publication, ça sera quasiment du "tout ou rien".
Mais plus ça va et plus je les aime, ces photos. Et plus elles me semblent faire correspondre idéalement le fond (le sujet, l'Inde et les Indiens) et la forme (la rapidité, l'imperfection, la multiplicité, l'urgence, le petit détail qui cloche...) Ca me semble résumer grosso modo le rapport que j'ai avec ce pays et ses habitants. D'abord parce que tout y a déjà été photographié, simplement, amoureusement, artistiquement, touristiquement, académiquement. Et que peut-on faire d'autre alors, que de vouloir simplement, aléatoirement, amateuristiquement, idéalistement, vouloir saisir l'instant. Juste ça. Et de la façon dont un "instant" est fait de milli-secondes successives, et un événement de micro-événements contigus. Le fouillis. La succession. La série. C'est ça qui me plaît, c'est ça qui m'a plu. Et ce n'est pas du tout une tentative de justification quelconque pour expliquer que telle image est floue, et telle autre de traviole, et telle encore, surex. Simplement je trouve, en général, qu'elles "fonctionnent mieux" que la plupart de celles que je me suis efforcé de cadrer, de chiader, de composer...
Le hasard est souvent un allié extraordinaire, me semble-t-il.
(par exemple. et là, je n'ai rien "choisi", rien prémédité...)