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lieux communs (et autres fadaises)
25 septembre 2010

tamarin et miel

Uncle_Boonmee

ONCLE BOONMEE
d'Apichatpong Weerasethakul

Je n'ai pas pu m'en empêcher, et je suis retourné le voir, à l'avant-première de mardi soir. Je voulais ne pas en perdre une miette. A la sortie de la projection de presse, j'avais entendu un critique dire "c'est encore mieux la deuxième fois...". Je confirme. De savoir à l'avance là ou Apitchounet va nous entraîner, d'essayer de deviner les "coutures", de savourer l'ambiance sonore amniotiquement apaisante, de tenter de sérier les choses (là c'est en vrai, là c'est un souvenir, là c'est une vie antérieure, là c'est une légende, là c'est je ne sais pas...) pas d'essayer de comprendre à toute force ni d'intellectualiser, non, juste se laisser porter,  prendre place, accepter le jeu...
Dériver
(Il y avait, à côté de moi, une dame, qui, visiblement ne partageait pas mon enthousiasme et dont l'agitation croissante m'a presque un peu gâché mon plaisir (à la fin, elle était occupée à ôter, en les grattouillant, les bouloches de son pull, qu'elle jetait ensuite négligemment devant elle. j'ai failli lui dire "Mais sortez donc!" lorsqu'elle s'est enfin décidée à le faire, cette cruchasse ( juste deux minutes avant la fin du film.)

Je n'en perdais donc, effectivement, néanmoins pas une miette, les conditions de projection étaient top (le Plazza Victor Hugo à Besançon, pour ne pas le nommer) et je savourais les moments successifs (le buffle, les fantômes, les tamariniers, la dialyse, la grotte, le moine, le karaoké), en réalisant que ces personnages de grands singes noirs aux yeux rouges, qui avaient pu, à la première vision, me sembler presque un poil too much, étaient devenus un des éléments les plus importants pour moi dans cette histoire, (et sans doute l'unique "point commun" à plusieurs parties).
C'est vrai que le film est lent, et que certaines séquences, filmées par d'autres, eussent sans doute perdu leur charisme. Justement, on est là, on prend son temps on se laisse aller...

"Paisible" le mot est dit, et fut répété par plusieurs spectateurs et critiques, d'ailleurs.
Je pus donc vérifier que, contrairement à ce que je pensais, je n'avais -pratiquement- rien perdu du tout, (car c'est un film qui porte à la rêverie, et auquel il est quasiment impossible d'être attentif complètement, tout le temps...) et que, contrairement aussi à ce que je croyais, il n'y avait aucune "couture" entre la plupart des scènes qui sont juste, comme on dit (j'espère que je ne me plante pas) "montées cut".
Et que, si l'élément de surprise ne jouait plus (même si j'ai raté l'apparition du fantôme de l'épouse), la fascination , elle, jouait toujours à plein. J'avais le coeur qui battait, j'étais souvent béat, avec un léger sourire un peu bête me retroussant les commissures.J'étais bien. J'aime la jungle chez Apitchounet.
Comme si j'étais, (oui je sais, c'est stupide) amoureux de ce film, en quelque sorte, et sans parvenir du tout à l'expliciter ou le rationaliser. Les raisons de, je veux dire.

J'ai fini par y revenir, une troisième fois (hier), car il était programmé -par nos soins- dans le bôô cinéma. Et, oui, comme un fiancé, j'étais impatient que les lumières s'éteignent, que l'horrible musique de la salle s'arrête, que le buffle fasse son apparition... Et, dès que ça s'est produit, j'étais à nouveau dans le même état : bien. Même si les conditions de projection m'ont semblé, cette fois, être les moins bonnes des trois fois. Pas à la hauteur. Pourtant l'écran est gigantesque, mais, peut-être à cause de, le film m'est apparu, (certaines séquences tout du moins), pas net, voire quasiment flou (les scènes d'intérieur surtout, ce qui est tout de même un peu dommage). Et je pense que la barre noire en dessous de l'écran n'était pas indispensable (d'ailleurs était-il normal que les têtes tout en haut soient plusieurs fois carrément coupées ?), et même la bande-son m'a semblé beaucoup moins enveloppante (j'avais pourtant pris soin de nous installer (j'étais avec Emma) au centre de la salle... Pour profiter au maximum.
Pourtant je ne me suis même pas levé pour aller ronchonner, tant pis me suis-je dit en me faisant une raison (et surtout, je  crois que je n'avais pas envie de me heurter aux sarcasmes du projectionniste, aussi irascible que caractériel, qui m'auraient sans doute gâché mon plaisir doux et sorti manu militari de cet état bienheureux...)
Et bien, figurez-vous que, même à la troisième vison, c'est kif-kif. Autant de plaisir, et même redécouvrir de nouveaux bonheurs supplémentaires (ou qu'on avait oubliés) : L'eau à la fin de la scène de la princesse, les gens sous les moustiquaires, les quelques mots de français sous les tamariniers, la lune dans le feuillage) ajoutés à ceux que je connaissais déjà et que j'attendais donc : la scène d'ouverture, l'arrivée des fantômes (j'ai été très attentif à l'apparition de l'épouse, même si je n'arrive plus à me souvenir exactement quand /comment disparaît le fils.

Et mes copains aux yeux rouges, dont j'apprécie la pose et peut-être, surtout le silence. Singes attentifs, empathiques quasiment.

Oh que tout ça est bienfaisant.

Jusqu'à la scène de l'enterrement (c''est joli toutes ces guirlandes) le film suit une trajectoire plutôt rectiligne, relativement (je devrais mettre des ") facile à suivre (hormis les zigzags narratifs penseront certains du buffle et de la princesse) jusqu'à cette intrigante scène finale (les personnages dans la chambre, regardant la télévision) et son étrange, aussi soudaine qu'inexplicable, duplication. Comme si, semblait nous dire le réalisateur, oui oui on peut tout à fait être ici et là en même temps, ou, mieux encore, en train de faire quelque chose et de se regarder en train de le faire.
Et une chansonnette guillerette  pour terminer (une de celles du dentiste-chanteur de Syndromes and a century, celui justement qui était amoureux du moinillon ?)
Pour arriver tout à la fin du générique et y découvrir, comme a dit Nicolas, "que, même là, il y a des fantômes..."
C'est peut-être ça finalement qui me plait tant dans ce film, cette façon complètement dédramatisée d'évoquer, justement, les fantômes. (comme à la fin de Madame Muir, non ?)
Peace and love, quoi (et éternité, surement aussi...)
Accepter la mort avec sérénité, même si on a des regrets. Et que la vie continue pour les autres...

(et, dans le noir, une créature silencieuse aux yeux rouges qui vous contemple...)

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