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lieux communs (et autres fadaises)
25 juillet 2015

de fil en aiguille

VICTORIA
de Sebastian Schipper

Cela faisait un certain temps que Zabetta m'en avait parlé (avec des petits airs gourmands) et voilà qu'il remplace cette semaine au pied levé AMY qu'on avait programmé dans le bôô cinéma et que le distributeur  nous a sucré (avec des petits airs gourmands aussi) pour cause de trop bon démarrage... exit Amy, welcome Victoria, donc!
Je connaissais le pitch (un hold-up), le gimmick (un unique plan-séquence) et la durée (2h14), et l'ensemble en faisait un objet de curiosité (et en allemand, en plus!). On y entre donc à cinq heures et quelques du mat' (on danse) et on en sort à sept heures et quart et quelques (on marche et on s'éloigne), et on réalise que le réalisateur (!) a réussi son pari de petit fûté.
Victoria, donc, qui donne son titre au film est une jeune espagnole (avec des airs d'Elodie Bouchez) qui vit à Berlin depuis quelques mois, et qui au petit matin, à la sortie de la boîte où elle vient de danser (de transer, jolie scène bleutée électro électrique d'ouverture), croise un groupe de jeunes gens, Sonne, Boxer, Blinker, Fuss, "berlinois de pure souche", qui la draguouillent gentiment, et en compagnie de qui elle va passer la première heure du film. Jeunes gens hâbleurs, rigolards,  testostéronés juste ce qu'il faut, visiblement sans le sou mais démerdards et amateurs de bon temps. Déambulation nocturne urbaine, bières volées en douce chez l'arabe (endormi) du coin, joint partagé sur un toit d'immeuble illégalement réquisitionné en toute bonne foi, rigolades, plaisanteries clins d'oeil et doigts d'honneur bon enfant(s) entre les quatres loustics quand il s'avère que c'est Sonne qui a gagné le droit de raccompagner la jolie Victoria dans le café où elle travaille et dont elle doit bientôt faire l'ouverture...
(S'ensuit une charmante séance de roucoulage et marivaudage entre les deux tourtereaux hispano-germains -et on se demande à ce moment-là comment le film va pouvoir tenir encore une heure et quart à ce rythme : le vélo en amoureux, le piano en concerto, et le chocolat double mais froid c'est mignon, mais bon...-)
C'est alors que reviennent frapper à la vitre du café les trois autres jeunes gens (qu'on avait laissés sur le toit avec bières et pétards), et que Boxer (celui qui a le crâne rasé et le cou tatoué, parce qu'il a fait de la taule) a l'air très énervé, parce que Fuss est ivre mort et plus bon à rien et qu'ils avaient justement besoin de lui, rapport à une dette envers un ganster local (un "vrai gangster" s'émerveillent les garçons) qui nécessitait absolument qu'ils soient quatre pour l'accomplir (3 +1 chauffeur). Ay, problema! Mais Victoria, n'écoutant que son corazon, se propose de les accompagner et de faire la chauffeuse. Finie la bluette, en route pour l'action!
(Début de la deuxième partie, que je ne vais pas vous raconter in extenso eh oh, et je réalise d'ailleurs avec un peu de retard que j'aurais du rédiger un post à l'image du film, c'est à dire constitué d'une seule et unique phrase mais bon il est trop tard et les regrets sont stériles n'est-il pas.) Chapeaux de roue. On part en bagnole (volée) et on change de ton et de rythme : des flingues, des malfrats, un hold-up, des flics, etc. On est alors en territoire beaucoup plus connu et balisé (et donc a priori moins original), mais avec toujours cette gageure tenue du plan-séquence (la caméra suit Victoria) et du temps réel. Qui fonctionne (on se surprend à guetter des raccord mais on n'en voit pas). Et forcément, comme dans la vraie vie, il y a des moments plus palpitants que d'autres on n'est pas à 200% à l'heure 100% du temps), des accélérations et des apaisements, des moments pschiiit! et d'autres plus plan-plan.
"C'est normal..."
diraient Fontaine et Areski, d'autant plus que, si le scénario a été écrit ("une douzaine de pages" précise le réalisateur), les dialogues (ne) sont (que) le fruit des improvisations des acteurs (avec malgré tout une assez longue période de répétitions en amont.) On est donc dans une forme proche du reportage scénarisé, avec une caméra portée accompagnant les personnages, souvent de très près, et on est néanmoins dans un "vrai" film, (avec des vrais beaux gros morceaux de cinéma dedans), immergé dans une expérimentation filmique couillue (récompensée par un Ours d'argent à Berlin) et qui tient la durée, haut la main (Il aurait peut-être été possible de grappiller au moins une dizaine de minutes en moins mais n'ergotons pas.) d'autant plus que le réalisateur aura été assez malin pour, dans un premier temps, prendre son temps, justement, pour nous les faire connaître, ces pieds-nickelés berlinois, ces americanische freund (comment marque-t-on le pluriel en allemand ?), nous disant et redisant leurs prénoms, étoffant suffisamment le portrait de chacun pour qu'ils soient parfaitement individualisés (chacun étant attachant à sa manière, mais je me suis davantage focalisé sur Sonne (Frederick Lau, déjà vu dans Oh boy ) et surtout Blinker (Burak Yiğit, vu -et revu- récemment dans Mustang), sans oublier bien sûr, à toute seigneure toute honneure la délicieuse et impressionnante -elle est de tous les plans ou presque- Laia Costa dans le rôle-titre.)
Ce qui est drôle, c'est que, après "la" grosse scène, celle pour laquelle nos compères ont joué les gangsters, il reste encore une certaine durée de film, et, candidement, on se dit "mais avec quoi va-t-il remplir, à présent, pas encore des roucoulades, quand même ?" Non non, pas des roucoulades, on va continuer sur notre lancée. On repasse un petit coup à la boîte de nuit pour fêter ça, on se lâche un peu (hmmm il y en a même deux qui dansent à poil mais pudiquement, pas l'ombre d'une QV, dommage) et on s'en fait jeter par les videurs.
Et démarre la dernière partie du film, assez rapidement centrée sur deux des protagonistes, qui monte encore les curseurs du speed et de l'adrénaline. Et de la violence. Qui dit casse dit aussi qu'il risque fort d'y en avoir après (de la casse hihi). Et Qui dit Le jour se lève dit aussi que ça risque de ne pas finir si bien que ça, aussi... On est à présent en huis-clos, l'heure est aux larmes (tiens, c'est comme ça d'ailleurs que finit la bande-annonce -que je vous recommande-, qui avec beaucoup beaucoup d'images retranscrit scrupuleusement la chronologie du film en en respectant l'esprit). C'est bientôt l'heure de la séparation,  et on a même, dans l'avant- dernière scène, une confirmation du tournage en continu (et du fait qu'il n'était pas possible d'arrêter) : Victoria quitte à un moment l'endroit où elle était, pour permettre à son partenaire de faire ce qu'il n'avait pas eu le temps de faire (ça, c'est être réactive!) et du coup, il y a un joli moment de flou sur son visage en plan rapproché, le temps que le caméraman (re)mette au point et que l'action reprenne là où on l'avait arrêtée. Et action!
Une très bonne surprise, donc, et un très bon moment de cinéma efficace et malin.

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