brasier
CA BRÛLE
de Claire Simon
Hmm quelques degrés supplémentaires, ça réchauffe par ces temps de novembre en août. Vu cet après-midi le très beau film de Claire Simon, en suis sorti un peu troublé, ai essayé d'en comprendre un peu le pourquoi. La réalisatrice, comme on dit, "vient du documentaire", et ça se sent, tant la caméra est proche des personnages, attentive, tant les cadrages sont minutieux, composés, tant la narration est documentée.
Livia est une adolescente qui, tombée de cheval (très beau premier plan que cette chute off), est ranimée par Jean, un pompier (que le spectateur -bonjour l'identification arghhh déjà je bave- découvre par l'intermédiaire de Livia) et va illico en tomber amoureuse (se persuadant en même temps que cette passion est réciproque), et qui va faire tout ce qu'elle peut (et qu'il ne faut pas) pour que son beau pompier la puisse tenir dans ses bras. Elle ira jusqu'au bout... (lui aussi d'ailleurs)
La djeun, c'est Camille Varenne, une nouvelle venue (peut-être un peu trop regardez comme je fais la gueule à mon goût mais bon je ne suis pas réalisatrice). Le pompier c'est Gilbert Melki (là ,je pense que les sourcils de certain(e)s vont commencer à se dresser, en signe d'intérêt soudain) toujours aussi craquant (je n'y peux rien, il me fait fondre, surtout qu'ici Gilbert a la délicatesse de nous exposer -fugitivement- son Melkiki lors d'une scène de douche aussi frontale qu'humide...) Il y a aussi, en contrepoint, la mère de Livia et sa copine, le père de Livia et son copain (?), et, surtout le groupe des ados désoeuvrés -c'est le début des vacances- au sein duquel évolue Livia (copains, copines, dérapages en scooter, premiers émois, mise en commun des infos ("alors, t'as vu sa queue ?") premières leçons de bisou avec la langue, et j'en passe...)
Le téléphone portable (et les sms) joue(nt) un rôle important dans l'échafaudage de cette passion (un peu comme dans la partie adolescente du très beau Be with me d'Eric Khoo). Echange de numéros, attente de l'appel de l'autre, envoi de sms auxquels l'autre ne répond pas, conversation téléphonique alors qu'on pourrait se parler directement (très belle scène solaire au téléphone entre Jean, torse nu sur le toit et Livia, juste en dessous -elle le voit, mais lui pas- ). Et le feu aussi, bien evidemment, a une grande importance, qui ira croissante au fil du film. On l'attend, on sait qu'il ne peut pas en être autrement. Car, à force de souffler sur les braises, ça finit par cramer, et, c'est bien connu, les petites flammes font les grands incendies...
Tout ça est très juste : justement vécu, justement filmé. Sans insistance moralisatrice ni procédurière. Que ce soit la famille pour le moins bringuebalante/recomposée de Livia, le foyer de la caserne des pompiers, les soins aux chevaux, une balade dans la garrigue, une alerte au feu, tout est filmé avec la même acuité, la même attention. Avec ici et là les balises sonores de la superbe musique de Martin Wheeler, quelques boucles râpeuses, guitare électrique, clavier. Comme posées en équilibre instable. Prudence.
Et quoi de plus touchant/troublant que ces premiers émois d'une adolescente, face à un adulte à peine croisé, qui va subitement dans sa vie prendre de la place, puis toute la place, où chaque geste ou mot ou silence ou attitude de l'autre est interprété (bien sûr dans le sens qui l'arrange) par Livia comme un signe, une preuve de plus, elle se bâtissant ainsi une cathédrale chimérique, refusant de se plier à la réalité des mots, des signes, jusqu'à préférer tenter d'infléchir cette réalité, justement, pour la rendre conforme à son espoir.
(Hmmm à mon âge si c'est pas malheureux de m'identifier ainsi et de projeter, et de midinettiser... Tiens, on dirait que je me mettrais à faire du cheval, et que j'aurais un accident ???)