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lieux communs (et autres fadaises)
1 novembre 2016

bakchich et mcguinn

"Le chien se payait du bon temps.
Le fait est, quand on est un labrador retriever - c'est qu'on est né pour le fun. Il est rare que votre mental loufoque et indépendant s'encombre de méditation transcendentale et jamais, au grand jamais, d'idées noires ; chaque jour c'est le pied. Que demander d'autre à la vie ? Bouffer, c'est la fête. Pisser, un délice. Chier, la joie. Et se lécher les couilles ? La félicité suprème. Et où que l'on aille, plein d'humains crédules vous caressent, vous serrent dans leurs bras, tout à vos petits soins.
Donc le chien s'éclatait un max à marauder en break avec Twilly Spree et Desirata Stoat. Son nouveau nom ? Super. Mcguinn, c'était super. Bakchich, c'était bien aussi. A vrai dire, Le chien n'en avait rien à battre de comment on l'appelait ; il aurait répondu à n'importe quel nom."Viens voir ici, Face de Cul, c'est l'heure de la bouffe!" - et il aurait été en extase, sa queue en matraque frétillant tout autant. Il ne pouvait s'en empêcher. Les labradors sont mus par la philosophie que la vie est trop brève pour la passer à autre chose que s'amuser, faire des bêtises et se livrer à leurs pulsions charnelles spontanées.
Palmer Stoat lui manquait-il ? Impossible de le savoir, la mémoire canine est plus avide de sensations que sentimentale ; plus approvisionnée en odeurs et en sons qu'en émotions. Le cerveau de Mcguinn porterait à jamais l'empreinte des cigares de Stoat, par exemple, et des cliquetis résultant de ses difficultés avec la porte d'entrée quand il rentrait tard, fin soûl. Tout comme il se rappelait ces aubes frisquettes dans l'affût aux canards, quand Stoat essayait encore d'en faire un retriever digne de ce nom - le volettement affolé des oiseaux, le pan-pan-pan des fusils, le timbre des voix d'hommes. Logés aussi dans la banque de mémoire de Mcguinn, on trouvait le moindre sentier qu'il avait parcouru, le moindre matou qu'il avait coursé jusqu'à un arbre, la moindre jambe qu'il avait essayé de tringler. Quant à savoir si la compagnie de son maître lui manquait pour de bon, qui aurait pu le dire ? Les labradors ont tendance à vivre l'instant présent, exclusivement, joyeusement, en oubliant tout le reste.
Et pour le moment Mcguinn était heureux. il avait toujours aimé Desie qui, chaleureuse, l'adorait et dont l'odeur était absolument grandiose. Quant au jeune costaud, celui qui l'avait emporté de chez Palmer Stoat sur ses épaules, il était amical, attentionné, et, sur le plan fumet, tolérable. Quant à l'épisode morbide du chien dans la malle-cabine - eh bien, pour Mcguinn, l'incident était déjà clos. Loin des yeux, loin du coeur. Tel est le credo du labrador."

(Carl Hiaasen "Mal de chien")

Je n'ai pas pû m'empêcher de vous recopier ces deux pages, juste pour vous donner une petite idée du héros noir et poilu (et à quatre pattes) de ce roman de Carl Hiaasen (le neuvième, déjà!) que je viens juste de terminer, et qui m'a tout autant réjoui que les précédents... Ce mec, vraiment, je l'adore. Enfin, plutôt, ses romans, je les adore (et encore un immense merci à Jean-Marc Laherrère et à son blog Actu du noir, sans qui je serais à jamais passé à côté de ces bonheurs de lecture!)
Il doit m'en rester encore quatre à lire (L'arme du crocodile, Strip-tease, Presse People et Fatal song), alors, savourons...

https://pictures.abebooks.com/isbn/9782266119061-fr-300.jpg

23 octobre 2016

encore des polars 3

CROCO DEAL
de Car Hiaasen

Un Hiaasen que j'ai particulièrement apprécié, même s'il n'est pas forcément le plus représentatif. Un personnage d'indien taciturne (jeune) particulièrement sympathique, réfugié sur une île avec une demoiselle énervante au début mais attachante ensuite. Une île où vont se croiser pas mal de brindezingues de tout acabits, notamment une mère de famille un peu zinzin qui a organisé une fausse excursion en canoé pour se venger d'un vendeur téléphonique qu'elle a trouvé spécialement goujat. On y verra aussi l'ex-mari de la dame, et son fils aussi. Sans oublier le fantôme d'un touriste revenant en rêve réclamer une sépulture décente... Des embarcations, des roseaux, des mangroves, des va-et-vient sur terre et en mer, des mensonges, des révélations, des combines plus ou moins foireuses, tout ça dans un décor insulaire à peine plus "exotique" que d'habitude... Un de mes Hiaasen préférés je pense.

crocodeal

LA COLLECTION
de Paul Cleave

Celui-là m'attendait depuis quelques temps, et j'ai pensé que ça serait bien de changer d'air et de style. Erreur! Après toute une série de Hiaasen et de Smith, celui-ci m'a semblé si effroyablement "sérieux" que je n'ai pas réussi à le mener jusqu'au bout... J'avais adoré son premier (Un employé modèle), puis un moins le deuxième (Un père modèle), et encore moins le troisième (Nécrologie, où grosso modo chacun passe son temps à enterrer, déterrer, ré-enterrer des cadavres...) Nous sommes toujours à Christchurch, NZ, ce trou-du-cul-du-monde où chacun(e) est soi serial killer, soit victime de serial killer, soit enquêteur sur les serial killers, parfois même appartenant à plusieurs des catégories susnommées. Avec un collectionneur de serial kilers qui a enlevé quelqu'un qu'il prend pour un sérial killer, et le séquestre dans un endroit où lui-même eut affaire à des serial killers, etc. Et une jeune fille innocente a été enlevée et séquestrée comme dans le silence des agneaux. Et comme dans le silence des agneaux, au bout d'une centaine de pages "en alternance" (un chapitre sur deux  concerne un mec juste sorti de prison - pas parce qu'il a tué un serial-killer à la fin de Nécrologie mais parce qu'il a tué une femme et sa fille sans le faire exprès-  , et l'autre l'histoire du collectionneur de serial-killers) je n'ai pas pu m'empêcher d'aller voir à la fin si elle était toujours vivante. Et j'ai lu les 100 dernières pages à reculons. Voilà, ça ne m'a pas du tout enthousiasmé. Peut-être ne pourrai-je plus lire de polar "sérieux" ?

-Cleave-Collection-8

MAUVAIS COUCHEUR
de Carl Hiaasen

Je me suis donc remis illico aux choses plus drôles... Et j'ai bien fait. Tiens, ça commence comme du Mark Haskell Smith (à moins que ce ne soit le contraire) : il est question d'un bras coupé retrouvé par des pêcheurs (du dimanche) au fond de l'eau. Ce bras appartient à un financier un peu véreux, dont la veuve vient faire constater le décès et revendiquer la succession, soupçonnée aussitôt de meurtre par la fille dudit. Et l'enquête est menée par un flic rétrogradé à la "brigade des cafards" (inspections sanitaires dans les cuisines des retaurants) parce qu'il a sodomisé avec un tuyau d'aspirateur le mari de sa maîtresse... Du Hiaasen pur jus, donc. Avec des promoteurs (comme toujours) véreux, des sorcières vaudou, des Bahaméens spoliés, des spéculateurs immobiliers, des voisins sans scrupules, et, comme trait d'union entre tous ces agités du bocal, un singe qui a tourné avec Johnny Depp mais s'avère spécialement mal embouché. Un roman dense, foisonnant, où ça court dans tous les sens, et, comme toujours, extrêmement drôle. Avec beaucoup d'humour (noir donc) et un retournement de situation que je n'avais pas du tout envisagé. Hautement recommandé.

mauvaiscouch

TRIGGERFISH TWIST
de Tim Dorsey

Celui-là a une histoire, il ne coûtait qu1€ chez Bouliniuche, mais m'a coûté, en plus, mon porte-feuille, ma carte visa et 25€. C'était le seul bouquin de Tim Dorsey que j'ai pu trouver dans tout Paris! Quelle mystérieuse confrérie les a donc tous fait soigneusement disparaître des rayons des libraires ? Ce monsieur est rangé (dérangé aussi, un peu, il faut le reconnaître) dans la clique des "joyeux drilles", cousinant avec Hiaasen et Haskell Smith. D'où mon intérêt.

(un blanc pour exprimer que le temps -de la lecture- a passé.) Je viens de le reposer, et c'est vraiment quelque chose. La scène finale, celle vers laquelle auront convergé, pendant 350 pages, les différents protagonistes du bouquin, peut être taxée de feu d'artifice et/ou  de folle furieuse (mais au sens zygomatique du terme). Si l'intrigue policière pourra sembler un peu lâche à certaines, la galerie de personnages croqués par Tim Dorsey justifie à elle seule la lecture (de ce qui, coup de bol, semble être d'après wikipédiuche le premier de la série, publiés dans le désordre qu'il ont été, dixit l'auteur- aux US d'abord et en France ensuite, donc le hasard a très bien fait les choses. Bien que, tiens j'y repense, il soit fait allusion (en note de bas de page) à un autre, Florida Roadkill, qui a donc été écrit avant, et d'ailleurs été traduit effectivement en premier...*) Avec, visiblement, un personnage récurrent de... serial-killer! (mais beaucoup plus drôle que chez Cleave), prénommé Serge. Un mec érudit, charmant, plein de bonne volonté mais un peu perturbé, et qui tue plutôt, dirons-nous... à bon escient. Le Serge en question étant flanqué de deux comparses "à la vie à la mort" : une bombasse cocaînomane et un grassouillet fumeur de pétards... C'est vraiment très drôle, férocement drôle même, et je me réjouis qu'il m'en reste donc une bonne quinzaine à lire (en comptant ceux qui n'ont pas encore été traduits...) Tout ça valait bien un portefeuille sans doute!

triggerfish

 

* Vérification faite, Florida Roadkill est bien le premier de la série, puisqu'il raconte la rencontre de serge et de Coleman (le grassouillet haschischin)... celui-ci serait donc le deuxième...

 

Peti

21 août 2016

encore des polars 2

PROMESSE
(les enquêtes du Département V/6)
de Jussi Adler Olsen

C'est Marie qui m'a fait découvrir cette série, et il était donc logique que ce fût elle qui me le prêtât. On retrouve donc notre trio d'enquêteurs chéris (Carl le grincheux, Assad son assistant syrien et aussi délicieux qu'un loukhoum, et Rose la gothique bipolaire), qui vont rouvrir le dossier d'une affaire vieille de 20 ans : une demoiselle, à bicyclette, un beau matin, a été percutée par un chauffard (et projetée dans un arbre, où elle est morte) qui a pris la fuite. Et le flic qui a mené l'enquête en vain pendant vingt ans les contacte en faisant d'eux son unique espoir...
Je dois avouer que les précédents m'avaient graduellement un peu déçus (en fait, depuis le début de la série, l'intérêt pour les enquêtes racontées -minutieusement, oui, avec le même rythme que celles racontées par Sjowal et Wahloo, que j'adorai en leur temps : une enquête où au départ il n'y a rien, et ou, par un extraordinaire et patient travail de fourmi, on va finir par découvrir, à force d'acharnement, un genre de brindille minuscule qui va permettre de débloquer la situation et de faire démarrer véritablement les recherches -, l'intérêt, donc, décroit, tandis que ce qui nous "tient" -et l'auteur est dué pour ça- c'est la description des rapports entre les trois acolytes -avec un gros faible bien sûr pour Assadchounet) et que les 650 pages bien tassées de celui-ci m'ont donné au début une certaine appréhension. Construit suivant la technique habituelle  à JAO, le récit alterne les chapitres "maintenant" et ceux "il y a un certain temps", nous dressant ainsi le portrait d'une (ou d'une) méchant(e) -je vous laisse le découvrir- tout spécialement salop(e) -idem- et multi-récidiviste.
D'autant plus qu'au début cette histoire de secte et de gourou ne m'intéressait pas particulièrement. L'auteur est assez roublard pour nous donner quelques nouvelles informations sur des "affaires annexes" qui concernent notre trio (on retrouve de loin en loin des personnages de l'entourage de Carl, privé et professionnel (cette affaire du pistolet à clous sera-t-elle un jour résolue ?) et faire ainsi durer le plaisir jusqu'à un volume ultérieur.
C'est très lent pendant très longtemps, un peu trop bavard par moments, et ça accélère (enfin!) dans la toute dernière partie (il se passe, grosso modo, autant de choses dans les 50 dernières pages qu'il s'en est passé dans les 600 précédentes...). La résolution est assez habile, et quand on repose le bouquin, on se dit, allez, qu'on reviendra volontiers pour le prochain volume...

SALTY
de Mark Haskell Smith

... et je n'ai pas pu m'empêcher de redémarrer aussi sec un MHS (le troisième). Après les cuisiniers hawaïiens (Delicious) et les bras coupés américains (A bras raccourci), nous voici face à une rock-star (le bassiste d'un groupe de métal mondialement célèbre) en vacances en Thaîlande avec son épouse. Bière glacée sur la plage et doigs de pieds en éventail au programme. Sauf que l'épouse en question va se faire enlever par un groupe de pirates, et que la mécanique délicieuse va se mettre en place. Qui dit enlèvement dit rançon, et voilà qu'un agent américain va entrer en scène, pour perturber ladite remise de rançon, puis vont apparaître -plop! et replop!- toute une flopée d'autres personnages qui vont fou-furieusement faire mousser la bière fraîche de ce pauvre Turk Powell (c'est la rock-star).
C'est à la fois très improbable et très excellemment raconté. Impeccable. Ettrès digeste. Après les 650 pages roboratives de JAO, ces 350-là filent à toute berzingue (une écriture nerveuse, acérée, drôle, bandante, tout pour plaire, quoi.) Encore un PAQV (et avec un sous-texte gay extrêmement affleurant, sauf que c'est fois, il s'agit d'amours au féminin). Comme dans tout cocktail exotique savamment dosé, on pourrait y voir un certain second degré désinvolte et dézingueur, plaisant, plus un-je-ne-sais-quoi qui apporte un zeste d'amertume -ô très légère-, qui viendrait contrebalancer le sucre et les épices, mais ça se boit vraiment vraiment avec délices.
Hautement recommandé!

6 août 2016

encore des polars

9782743625368

DELICIOUS
de Mark Haskell Smith

Toujours grâce au même blog providentiel, Actu du Noir, ici) qui m'vait déjà fait découvrir les délices de Carl Hiaasen, voici donc un petit nouveau (qui lui n'a publié que cinq romans), et dont la filiation avec ce cher Carl Hiaasen semble assez justifiée. Même structure "en étoile", avec des personnages différents (voire très différents) s'agitant tout autour d'un thème "central", qui sont déjà, au départ plutôt attachants (ah oui, le roman commence par l'épilogue, on sait qui a fait quoi (bien qu'on ne sache pas précisément quels sont les quois en question) et ça commence suffisamment fort, pour qu'on soit tout de suite harponné, alpagué, crocheté (etc., complétez avec le qualificatif de votre choix) et qu'on ait envie d'aller plus loin. Il est ici question d'Hawai, d'un jeune cuisinier (local) plein d'avenir, de son oncle et de son cousin (dans la restauration, des équipes de cinéma en résidence notamment), d'une équipe de cinéma, justement (le réalisateur et son assistante), et d'un mafioso aux dents longues qui souhaite venir s'installer sur l'île pour y gagner beaucoup de pépettes (au détriment des petits entrepreneurs locaux). Il y aura aussi des tueurs, un, puis deux et trois. les personnages sont très bien croqués, avec certains revirements plutôt surprenants mais qui rajoutent encore au plaisir.
Et comme chez Hiaasen c'est une formidable mécanique, comme chez Hiaasen c'est très drôle (drôlement noir ou noirement drôle ?). Mais, encore mieux que chez Hiaasen (enfin, pour moi), c'est très cul. Très cru. Il sera beaucoup question de bites, en des états d'émoi divers (après le FAQV, voici le PAQV : le polar à quéquette visible, merci MHS!) et en plus, ce qui n'arrive pas si souvent non plus, pas strictement hétéronormé, donc, (pour moi, encore) que du bonheur...
Pour résumer, Mark Haskell Smith, c'est bon comme du Carl Hiaasen mais en encore plus couillu (ceci dit les romans ont quand même été écrits à vingt ans d'intervalle, il faudra que j'arrive aux bouquins plus récents de Carlounet pour éventuellement réviser ce jugement...)

9782264045874

QUEUE DE POISSON
de Carl Hiaasen

Retour à Hiaasen, donc (il m'en reste encore quatre, je crois) et à la Floride, après ce détour par Hawaiï. J'essaie de les lire dans l'ordre mais c'est compliqué, il me manque les premiers. Celui-là vient après Pêche en eau trouble, me semble-t-il, et il y est beaucoup plus question d'eau que de poisson, d'ailleurs. Ca commence avec un mari qui pousse sa femme du pont d'un bateau lors d'une croisière, et pense avoir commis le crime parfait. sauf que l'épouse en question non seulement a survécu (et elle est recueillie par une vieille connaissance, Mike Stranahan -toujours aussi viril et craquant-) mais décide de se venger... Le mari est un fieffé pourri, le genre de mec sans crupules et qui aime beaucoup les dollars et entreront successivement en jeu un flic très obstiné (qui a des serpents come animaux de compagner et rêve de se faire muter dans le Montana), le patron du mari (un businessman sans scrupules ni états d'âme) la maîtresse du mari (une esthéticienne au sang chaud) et le garde du corps du mari (attribué par son patron) une montagne en salopette couverte de poils... Touillez joyeusement, et c'est parti pour cinq cent pages extrêmement plaisantes (comme d'hab', Hiaasen sait être drôle, écolo, anti-capitaliste, cynique, fleur bleue, et il arrive même à nous émouvoir, si si! avec des twists de personnages, qui vont se comporter soudain comme on n'aurait jamais cru qu'ils se comporteraient...)

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MIAMI PARK
de Carl Hiaasen

Celui-là me disait un peu moins parce qu'il est vieux, publié chez j'ai lu et qu'il accuse un peu son âge (mais bon le papier jauni a son charme, hein...) C'est comme rentrer dans la piscine, affronter le choc thermique. Et bien là, en deux pages c'était fait : une famille en décapotable rouge de location et en route vers un parc d'attractions reçoit soudain un rat, jeté depuis leur van par une paire de malfrats. Et c'est parti ! Car il s'agit en fait d'un campagnol du manguier à langue bleue, un spéciment rarissime, volé dans un parc d'attractions (dirigé par un boss sans scrupules ni états d'âme, promoteur véreux, en délicatesse avec la mafia, genre de personnage récurrent chez Hiaasen) par un duo de bras cassés (tandem de personnages tout aussi récurrents chez Hiaasen, et toujours aussi attachants) pour le compte d'une  mamie  très riche très écolo (et au révolver très facile, style Calamity Jane). Et là, on n'a encore lu que quelques pages! Il y a aussi un journaliste pourvu d'éthique, sa copine qui bosse pour une sex-line au téléphone, une jeune fille qui joue les ratons-laveurs dans le parc d'attractions qui est au centre de l'intrigue et des préoccupations de chacun (sans oublier un chef de la sécurité un peu trop porté sur les stéroïdes et anabolisants, un dauphin un peu trop entreprenant, un tueur mafieux souffrant d'aérophagie, et, cerise sur le gâteau, notre ami Skink toujours avec son imper fluo et son bonnet de bain à fleurs...) et fera l'objet d'ailleurs d'une scène finale plutôt apocalytique... De la littérature idéale pour ces vacances à soleil et chaise-longue au bord de la piscine!

9782743612450

A BRAS RACCOURCI
de Mark Haskell Smith

S'il y a une chose que j'ai en horreur (ceux qui me connaissent le savent) c'est bien les histoires de mafia, mafieux, mafiosi, parrains et tutti quanti (parle plus bas...), et il suffit en général que le sujet soit évoqué sur la quatrième de couv' pour que le bouquin me tombe des mecsn et je pensais que c'était irrémédiable. Mais je ne connaissais pas Mark Haskell Smith. Celui-ci est, chrnonologiquement, le premier des cinq parus (tous chez Rivages). Et donc je l'ai pris après avoir reposé le Miami Park précédent. ici, tout tourne autour d'un bras, malencontreusement coupé par une porte de garage, celui d'un mafioso haut placé, bras autour duquel vont se poursuivre des mexicains (toute la hiérarchie du crime, du jefe (le big boss) à ses différents fifres et sous-fifres, un flic entêté, un employé de la morgue (celui qui devait livrer le bras au flic), sa copine, son autre copine (sachant qu'untel ou unetelle est thérapeute et donne des leçons de branlette, écrit un livre de cuisine, tombe amoureux d'une femme vue sur un tatouage, découvre le pouvoir érotique d'un flingue, veut devenir scénariste de telenovela, rencontre l'amour, veut passer le septième niveau de tétris, passe son temps à fumer des pétards, se fait tatouer contre sa volonté, j'arrête là...). Ca s'agite beaucoup, sous le soleil de Los Angeles et parfois de ses environs.Les personnages sont plaisantissimes, les événements qui les rassemblent vont du loufoque au fou-furieux en passant par le clin d'oeil ou l'inattendu. C'est superbe, c'est -encore une fois- construit comme une mécanique de précision  (tout est donc plus ou moins parti d'un bras, et tout ou presque se résoudra dans une chambre d'hôpital), c'est drôle, c'est alerte, c'est cynique, c'est même parfois fleur bleue (oui oui il y en a même des qui recontrent l'amûûûr), bref, c'est idéal... A recommander violemment, donc! (C'est un peu moins cul (un peu moins cru) que Delicious, du même -mais bon là il était plus jeune hihihi-)

Mais je vais arrêter là pour l'instant les Hiaasen et les Smith pour changer d'air avec un autre poids lourd dont je vous parlerai la prochaine fois.

16 juillet 2016

estivales

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JACKPOT
de Car Hiaasen

Après de l'orage dans l'air, j'ai tout de suite enchaîné avec celui-ci. Deux tickets de loto gagnants. Le premier par une jeune fille, le second par une paire de malfrats à la petite semaine. 14 millions de dollars c'est encore mieux s'ils peuvent en avoir deux fois plus, et ils décident d'aller voler le ticket de la demoiselle. Une course-poursuite avec tout un contingent de personnages toujours aussi déjantés, une intrigue conçue comme une mécanique de précision à l'efficacité (et à l'humour) redoutable(s), avec toujours la même sensiblité écolo, et cette façon innée de mixer le  documentaire (ici, ça tire tous azimuths sur le bizness des miracles et des pèlerins cathos) avec les scènes les plus improbables, et en prime  le retour de Skink, avec son imper fluo et son bonnet de bains à fleurs... polar, BD, roman d'aventures, loufoqueries, sans oublier un poil de sang et un zeste de noir (noir). Le bonheur! J'aime vraiment la façon dont carl Hiaasen nous tricote ces récits en forme de patchworks en apparence plus ou moins disparates mais où tout s'assemble clic clac hop merveillerusement in fine (Même si j'y mettrais peut-être quelques minusculissimes réserves sur la toute fin un tout petit peu trop roucoulante à mon goût mais bon je chipote...)

PÊCHE EN EAUX TROUBLES
de Carl Hiaasen
J'ai enchaîné avec celui-là, où l'on apprend pourquoi Skink a un oeil de verre (j'ai entrepris de les lire dans l'ordre, même si je n'ai pas pu mettre la main sur le tout premier, L'arme du crocodile...) qui se passe dans l'univers (jusque là de moi inconnu) des compétitions de pêche, plus précisément des pêcheurs de bass a large bouche, où l'enquête sur la mort accidentelle d'un pêcheur va déboucher (comme souvent) sur des scandales immobiliers (Hiaasen ne se lasse pas de nous épingler toutes les magouilles de ces affreux spéculateurs) où entreront dans la danse aussi bien un faux prédicateur télévisuel que divers pontes de la mafia, dans un récit orchestré avec la maestria qu'on connaît déjà à l'auteur (la fin est une réussite totale). Et notre Skink préféré est là, et il est en pleine forme! (même si l'évocation de ses repas est parfois susceptible de lever le coeur...) Sans oublier une prothèse manuelle des plus originales.

COUSU MAIN
de Carl Hiaasen
Et de quatre! Celui-là n'est pas en poche, mais dans la collec' "Albin-Michel Suspense" à la jaquette blanche, qui m'apporta, en son temps (par le passé), autant de bonheurs (King) que de désceptions (Higgins Clark, Mc Donald, Barker)... J'étais quand même plutôt confiant sur ce coup-là. Il sera question cette fois de chirurgie esthétique (pas mal de personnages d'ailleurs vont s'y faire refaire le portrait), d'une enquête menée par un ex-privé buriné bourrinant  supermalin trop fort comme on les aime, qui cherche à savoir pourquoi un célèbre chirurgien cherche à le faire assassiner (on le saura assez vite). Interviendra dans l'histoire un personnage de tueur extrêmement réjouissant (on pourrait même dire attendrissant, oui), surnommé Chimio, et une palanquée de personnages, dans la mise en place d'une intrigue toujours aussi chiadée et virtuose de notre cher Carl Hiaasen (le seul petit regret c'est que n'y intervient pas Skink, mais, rassurez-vous vous, il sera encore question, même si par la bande, de magouilles immobilières et de combines foireuses.) Déjà très plaisant (le roman date de 98!). Même s'il met un tout petit peu plus de temps à démarrer (quoique... quand il met les gaz, ça décoiffe grave!) Mais déjà, notre Carlounet avait le goût des prothèses manuelles plutôt originales! (cf ci-dessus)

ARRÊTEZ-MOI LA!
de Iain Levison

Après le quatrième Hiaasen (j'étais au milieu de ma pile, tout juste), j'ai décidé de faire un break, de changer d'air et j'ai pris le dernier Levison qui me restait à lire, (le sixième, donc) que je me gardais pour la bonne bouche. Comme d'hab, c'est bien une histoire de looser, racontée à la première personne, d'un mec dans la mouise, mais  cette fois il a un emploi, il est  chauffeur de taxi (le titre original du roman). Et accusé -à tort, on le sait dès le début- de l'enlèvement et d'une meurtre d'une fillette. Et tout va aller très vite. On va  suivre ça "de l'intérieur" de a jusqu'à z : arrestation, garde à vue, détention, procès, suites du procès... et ça fait froid dans le dos, le système judiciaire américain (Ca ne serait sans doute pas beaucoup plus cool en France). On sait que le narrateur est innocent, et c'est d'autant plus terrible de le vivre avec lui. Flics  incompétents, avocat qui l'est presque tout autant, médias qui s'acharnent, vindicte de la populace, tout se ligue contre notre narrateur, qui s'acharne à clamer son innocence et que personne ne veut croire, tellement il fait un coupable idéal. Pourquoi chercher plus loin ? Le ton est aussi différent des autres romans de Levison : tout ça est bien plus noir, plus amer. Plus grave. Mais tout aussi fort. Une belle et juste évocation de la vie carcérale, et (surtout ?) de ce qui se passe après, ce à quoi on ne pense pas si souvent... très impressionnant, et tendu jusqu'aux dernières lignes. Moralité : ne touchez pas les fenêtres chez les gens. ne nettoyez pas votre véhicule à la vapeur, Même si une cliente a vomi dedans la veille...
Message personnel à l'auteur : Bon ça y est, j'ai tout lu de vous, auriez-vous la gentillesse d'en réécrire bientôt un autre ? Merci d'avance, Iainchounet.

24 juin 2016

avis(s) de tempête

(trois pour le prix d'un)
les hasards de lecture ont fait que je viens de lire successivement trois bouquins qui ne m'ont pas laissé indifférent (et je reste mesuré dans mes propos):

la belle vie

LA BELLE VIE
de Matthew Stokoe

Il était dans la pile "acheté mais pas encore lu", et, comme je venais de terminer Trois hommes deux chien et une langouste de ce (très) cher Iain Levison (et que je ne voulais pas tout de suite comme ça goulûment dans la foulée attaquer Arrêtez moi là, le dernier de lui qui me reste à lire, je me suis senti assez fort pour attaquer celui-ci, dont j'vais lu pluslieurs fois sur le ouaibe combien il était raidos à encaisser... d'autant plus que la référence à Brett Easton ellis (et la préface de Dennis Cooper étaient encore moins là pour me rassurer. Je me suis lancé (c'est bien le mot) et je l'ai lu jusqu'au bout, d'une traite ou presque, en reprenant le moins possible ma respiration. Oui, c'est raide. c'est très raide (pour moi, en tout cas). sur une trame vaguement polardeuse (un jeune ambitieux dont l'ex petite copine, prostituée et camée a été retrouvée morte, éviscérée et violée post-mortem, décide de mener son enquête, et va rencontrer successivement un flic assez chtarbé et une riche héritière qui ne l'est pas moins, et roulez jeunesse...), ce (gros) roman ne va plus vous laisser la plus minime étincelle d'espoir. C'est raconté à la première personne par le jeune homme qui ne rêve que d'une chose devenir célèbre et, surtout, riche. Et est prêt à tout pour percer (c'est le cas de le dire, la suite le confirmera). C'est malsain et dérangeant dès le début, et ça n'ira pas en s'arrangeant. Le roman peut se voir comme un catalogue de déviances et perversions diverses (certaines tellement "pointues" que je ne suis même pas sûr qu'elles aient un nom), avec notamment une fascination assez marquée pour la merde (une fois ça va, à la quatrième, bon... je parlais de ne pas reprendre sa respiration).
Et pourtant le bouquin on ne le lâche pas (même si à plusieurs reprises on lit certaines scènes extrêmement en diagonale... le marteau-piqueur, c'était vraiment vraiment indispensable ???) car l'auteur a l'intelligence (ah je le sentais venir celui-là, tant pis j'assume) de nous placer, par rapport à son bouquin, dans la même situation que le personnage personnal par rapport à la situation qu'il décrit (qu'il vit). Un genre de fascination perverse. De sidération. On est là et on tourne les pages, et on va jusqu'au bout. Extrême, et extrêmement fascinant (l'auteur ayant, de plus, su entretenir un grand mystèresur son identité vis-à-vis des médias : pas de photos, par d'interviews, rien). Pas pour les chochottes donc. Pour vous donner un intervalle de grandeur, Goodis ou Thompson rewrité par Sade (ou le contraire). Prêt(e)s ? Mon exemplaire reste à disposition.

*

thérapie de choc

THERAPIE DE CHOC POUR BEBE MUTANT
de Jerry Stahl

Et j'ai enchaîné in petto sur celui-ci, qui était juste à côté sur l'étagère "acheté mais pas encore lu", à la seule différence que j'en connaissais l'auteur (et c'est d'ailleurs pour ça que je l'avais acheté). J'avais adoré son A poil en civil (que je reconnais avoir acheté au départ quasiment juste sur son titre), plutôt fou furieux, beaucoup aimé son Anesthésie générale (malgré une dernière partie vraiment "pas pour les chochottes" on y revient) tout aussi fou et encore plus furieux, et donc je me sentais comme qui dirait prêt. Surtout juste après le Stokoe.
Quelle erreur!
Pourtant ça commence plutôt très bien comme j'aime, un héros déglingué qui nous raconte sa vie de looser (un peu comme chez Levison, sauf qu'ici il s'agit de sa vie de camé, d'extrêmement camé, surtout, ce qui faisait donc bien le joint -le shoot plutôt- avec Le Stokoe) avec précision et avec humour. Cet humour bien noir et bien destroy que j'aime chez Stahl. (il ne prend pas de gants, et il dégomme.) Jusqu'à ce qu'il prenne le bus et qu'il rencontre -tadam!- une jeune et jolie jeune fille, qui va se révéler tout aussi  camée que lui, et beaucoup plus folle. Et l'escalade (la dégringolade) commence : un premier meurtre (gratuit), dans les toilettes pour hommes d'une gare routière (avec un trombone!) où il s'avèrera que la victime n'est pas la bonne, qui sera suivi d'un second, tout aussi précis et encore plus violent (complaisamment) -de l'utilisation du taser sur un adjoint au shérif qui n'avait rien demandé- où il s'avèrera encore une fois que ce n'est pas le bon bonhomme

et là j'ai tout laissé tomber. A quoi bon ? Défonce, d'accord, folie, d'accord, violence d'accord, ce qu'il faut, mais tout à coup c'était trop, juste trop, et l'humour n'était plus suffisant comme justification pour que je continue cette odyssée pharmaceutique épouvantable (j'ai juste regardé la dernière page, pour me faire une idée). C'était drôle au départ, puis c'était violent mais ce n'était plus que gratuit. Méchamment gratuit. Et la complaisance ayant des limites (la mienne) j'ai donc refermé le bouquin -ça faisait quelques dizaines de pages que j'avais commencé à me poser la question et ce genre de choe m'arrive rarement- et l'ai reposé sur l'étagère. Une autre fois peut-être ?

*

de l'orage dans l'air

DE L'ORAGE DANS L'AIR
de Carl Hiaasen

En traînant sur mon blog polar préféré (ici), Actu du noir, j'ai repéré dans une chronique un nom en gras qui revenait, celui de Carl Hiaasen, dont jusque là j'ignorais tout, et dont l'auteur du blog précisait qu'il était un de ses écrivains préférés... Hmm hmm. J'ai fouiné un peu sur le ouaibe, me suis documenté sur le bonhomme, écouté les sons de cloches, et couru enfin chez le bouquiniste local, où j'en ai -heureusement- trouvé deux. J'ai donc attaqué celui-ci, aussi sec.
480 pages écrites serré, et un univers joyeusement déjanté, fou furieux lui-aussi à sa manière, mais -heureusement- d'une grande drôlerie. La Floride, un ouragan maousse costo, et tout ce qui peut bien se passer après. Oui, quasiment tout. vont venir s'y agiter une palanquée de personnages plus ou moins... honnêtes (un conseil, ne fractionnez pas trop la lecture au début, ou bien faites une liste au fur et à mesure, tellement il y en a), chacun(e) s'avérant à la poursuite d'un ou plusieurs autres personnages mais étant lui-même (elle même) poursuivi(e) par d'autres, tout ça convergeant / tournant autour d'une maison précise, d'un reste de maison plutôt, dévastée par l'ouragagn en question.
Des jeunes mariés, un tueur à la mâchoire de travers, une intriguante qui veut se taper un Kennedy Jr, un ex-sénateur redevenu sauvage, un (jeune) rescapé d'un accident qui jongle avec des crânes, un entrepreneur peu scrupuleux, un vendeur de mobile homes qui ne l'est pas davantage, une veuve repentie mais surtout motivée par l'appât du gain, un assureur malléable, un flic intègre, et pas mal d'animaux sauvages en liberté... On est vraiment en plein milieu de l'oeil d'un cyclone bienvenu, presqu'à la limite du comic d'ailleurs, tant l'auteur est parfaitement à l'aise dans la gestion de ses multiples histoires, avec leurs multiples personnages et leurs encore plus multiples intersections (il est très doué pour le découpage, et la gestion du temps aussi.) Bref ça se déguste, ça se savoure, ça se sirote, ça fait du bien, et on en redemande (quel bonheur de découvrir un écrivain qui écrit depuis très longtemps!). Et ça se range sur l'étagère "livres délectables". Je vais de ce pas m'attaquer au deuxième, Jackpot, dont on m'a également dit le plus grand bien... A suivre!

21 juin 2016

c'est rouge et puis c'est amusant

Je viens d'apprendre le décès de Benoîte Groult. J'avais lu et bien aimé, il y a trèèèès longtemps (1977!),  son bouquin Ainsi soit-elle. M'en était surtout resté un chapitre nommé "C'est rouge et puis c'est amusant", et, surtout, le passage ci-dessous (je me souvenais d'une ou deux phrases, de mémoire, les "crapaud tapis sous une branche trop frêle"... c'est cette expression que j'ai googlée, et je suis tombé là-dessus. Une gentille dame avait recopié l'extrait en question, dans la rubrique "rions un peu" sur le site marmit*n. Je ne peux en grantir lo totale exacte exactitude -j'ai corrigé une faute d'orthographe ou deux, dûes je pense à la recopie- mais ça ressemble beaucoup à ce dont je me souvenais... Profitez-en donc , amies et amis!) :

"C'est dur, mais y a pas d'os dedans. Ça bouge tout seul, mais ça n'a pas de muscles. C'est doux et touchant quand ça a fini de jouer, arrogant et obstiné quand ça veut jouer. C'est fragile et capricieux, ça n'obéit pas à son maître, c'est d'une susceptibilité maladive, ça fait la grève sans qu'on sache pourquoi, ça refuse tout service ou ça impose les travaux forcés, ça tombe en panne quand le terrain est délicat et ça repart quand on n'en a plus besoin ; ça veut toujours jouer les durs alors que ça pend vers le sol pendant la majeure partie de son existence...
Il parait que nous aurions adoré avoir un truc comme ça. Il paraît que quand on n'en a pas, c'est bien simple, on n'a RIEN.
Et puis ce n'est pas fini : à côté du machin, il y a les machines. Et là c'est nettement pire. Où elles sont placées, pauvres minouchettes, on dirait deux crapauds malades tapis sous une branche trop frêle. C'est mou, c'est froid, ni vide ni plein ; ça n'a aucune tenue, peu de forme, une couleur malsaine, le contact sépulcral d'un animal cavernicole ; enfin c'est parsemé de poils rares et anémiques qui ressemblent aux derniers cheveux d'un chauve. Et il y en a deux !
Disons le tout net : votre panoplie, mes chéris, même si vous ennoblissez la pièce maîtresse de phallus ne forme pas un ensemble extraordinaire. Et pourtant nous l'aimons, cette trinité, avec humour parce qu'elle est objectivement laide, avec amour parce qu'elle est subjectivement émouvante. Mais qu'on ne nous empoisonne plus avec cette prétendue envie de pénis, qu'on ne nous définisse plus, au physique et au moral, par rapport au pénis et qu'on nous soulage de tous ces psychanalystes et sexanalystes qui s'acharnent à réanimer nos vieux conflits au lieu de nous apprendre à nous aimer nous mêmes, ce qui est une condition essentielle pour aimer l'autre. Sinon, nous allons le prendre en grippe, l'objet, comme certaines ont commencé à le faire. Ce serait dommage pour tout le monde."
Benoîte Groult, Ainsi soit-elle.

7 juin 2016

à lire

TRIBULATIONS D'UN PRÉCAIRE
de Iain Levison

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Mon quatrième livre de Iain Levison (mais chronologiquement, c'est le premier) et différent des autres juste dans la mesure où il ne s'agit pas d'un polar, mais du récit des expériences professionnelles de l'auteur à son arrivée aux Etats-Unis (il y a exercé une quantité impressionnante de " petits boulots de merde" et il nous raconte tout ça dans son style habituel, humour vachard, dérision attendrissante, cynisme doux.) C'est en même temps très documentaire et réaliste (ah la pêche en Alaska) mais ça se lit comme un thriller. Un petit bouquin par la taille, dont je me suis dit qu'il plairait certainement à mon ami Philou. Epatant.

MAUVAIS KARMA
de Jason Starr

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Etonnant. Je ne sais plus pourquoi je l'avais acheté. La quatrième de couv', où une citation de Bret easton Ellis évoquait jim Thompson ne devait pas y être pour grand-chose. Un curieux cas de figure, où un cadre moyen nous raconte son hsitoire, ses problèmes de boulot, de couples, de façon très plate au début. (j'avais même abandonné le bouquin quelques temps pour cause de Levisonite et de Rigoni sternite conjuguées). Et soudain apparait dans le ciment de la fiction une pousse minuscule, celle de la folie du personnage principal, qui va dès lors grandir de plus en plus jusqu'à occuper tout l'espace de la narration. Jusqu'à une chute qu'on qualifiera de mémorable. Impressionnant. (j'ai commandé trois autres livres du monsieur).

LE SERGENT DANS LA NEIGE
de Mario Rigoni Stern

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Encore de la vraie vie (comme le iain Levison) qui raconte là où ça fait mal. Chronique de la fin de la guerre où l'auteur, sergent dans l'armée italienne, nous conte son retour vers la chère patrie (Forza italia). Nous sommes en 44, dans la neige, dans les froid extrême, dans les tranchées, dans la saleté, dans la débandade. (Les italiens sont les alliés des allemands, et du coup ce sont les Russes qui sont présentés comme les ennemis, perspective dont on n'a pas trop l'habitude). Ca patine sévère sur le front russe (oui Barbara quelle connerie la guerre), et l'auteur nous raconte ça simplement dans une langue forte et belle. Très touchant. Je lirai les autres écrits de ce monsieur.

BASSE FIDÉLITÉ
de Philippe Dumez

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Je l'avais mis dans ma liste de souhaits, après l'avoir vu chroniqué dans Libé, je crois. Un "Je me souviens" qui ne traite que de la musqiue, sous toutes ses formes successives (vivante ou enregistrée. L'auteur est un collectionneur compulsif (pléonasme ?) mais il en parle excellemment. je ne connais pas les trois-quarts des groupes dont il parle, mais je prends énormément plaisir à le lire. Et ça donne envie, incidemment, de lire tout ce que le bonhomme a produit d'autre (chroniques, blog(s), tirages confidentiels, etc.) Piste à suivre.

TROIS HOMMES DEUX CHIENS ET UNE LANGOUSTE
de Iain Levison

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Mon cinquième (et avant-dernier) bouquin de Iain Levison (j'ai dû me retenir pour ne pas tous les lire goulument la même semaine). D'habitude, l'auteur nous fait le portrait d'un raté (ou looser ou branleur ou appelez-le comme vous voulez), ici on  en a trois! Kevin, Mitch et Doug, trois potes adeptes de fumette, de glande et de coups foireux. Les perdants magnifiques.  Je suis en train de le lire et je le fractionne pour que le plaisir dure plus longtemps. C'est drôle, c'est noir, c'est cynique, c'est attendrissant. je ne sias pas pourquoi, mais j'ai toujours l'impression que le bouquin se passe en angleterre, alors je suis toujours étonné quand il est question de dollars. Hautement recommandable.

13 mai 2016

laissés-pour-compte

Quel plaisir de découvrir un auteur qui vous emballe, et de se lancer dans la lecture de son intégrale... Dans le cas présent, il y en a 6. et l'heureux élu se nomme Iain Levison.

Je l'ai découvert un peu par hasard (et à rebours). Par son dernier roman, dont j'ai lu des critiques sympathiques sympathiques et enjouées sur divers blogs de polar que j'aime bien, qui était aussi en "coup de coeur" chez un libraire, et qui se présente ainsi :

ils savent tout de vous

et qui, dixerunt les blogs, ne ressemble pas tout à fait à ses bouquins précédents, qui étaient publiés comme "polars" (tous chez liana Levi), tandis que celui-ci a, en plus, une coloration s-f puisque le "héros" en est un flic télépathe. Je n'avais d'ailleurs l'intention de lire que celui-là, (puisque je ne connaissais pas les autres) qui m'a vraiment  bien bien plu même si je l'ai trouvé un peu short et rapidos sur la fin, mais voilà que, de ci, de là, je tombe, en me promenant dans les critiques, sur des commentaires élogieux sur tous ses bouquins précédents, que je me procure aussitôt chez un unique vendeur (qui ne demande pas de frais de port), et de qui je reçois quelques jours plus tard (c'est un vendeur rapide) lesdits ouvrages dans 2 grandes enveloppes matelassées :

- UN PETIT BOULOT
- UNE CANAILLE ET DEMIE
- TRIBULATIONS D'UN PRECAIRE
- TROIS HOMMES DEUX CHIENS ET UNE LANGOUSTE
- ARRÊTEZ-MOI LA!

et je m'y mets illico, en les lisant dans l'ordre...

Ce sont des livres brefs, qui se lisent assez vite (et qu'on preut prendre le temps de savourer). Un style plaisant, des dialogues tout aussi (plaisants), et  ce qui ne gâche rien, un humour omniprésent, allant du noir clair au noir noir. Iain Rankins parle des Etats-Unis, des victimes du rouleau-compresseur du capitalisme, des petites gens, des licenciés, des habitants des faubourgs miteux, des banlieues pourries, ce qu'on nomme avec des pincette et des guillemets "les quartiers défavorisés".
Dans Ils savent tout de vous, le héros est un flic (qu'on a) doué de télépathie
Dans Un petit boulot, le héros est un chômeur (il s'est fait licencier) qui devient tueur à gages par hasard (autant que par nécessité).
Dans Une canaille et demie, le héros est un braqueur multi-récidiviste qui rêve d'aller s'installer en Alberta pour élever des poulets.

Des mecs simples, "de base", que l'auteur croque avec justesse et délectation. (ça sonne toujours très juste), qui se retrouvent dans une situation plus ou moins  inhabituelle et qui réagissent (ou tentent de).
Il m'en reste encore trois à lire, et je m'en réjouis d'avance (et je diffère un peu ce plaisir que j'anticipe).

21 avril 2016

division q

LA MEUTE
de John King

Je viens de le terminer, et j'en reste baba. Il faisait partie de ces livres achetés déjà il y a un certain temps (probablement à la Foire aux livres) mais pas lus immédiatement et donc rangés sur une étagère en attendant. Et là, le temps était venu. Je l'ai pris et je l'ai lu. Trois cent et quelques pages très denses, découpées en chapitres indépendants, chacun muni d'un titre, à la façon d'une nouvelle.
Quasiment un manuel de zoologie. De bourrinologie, pour être précis. L'auteur s'intéresse à un groupe de potes, à Londres, de nos jours, ou presque (un peu juste avant, 90/2000 pour être précis). Des potes nommés (sur-) Balti, Mango, Carter, Will, Harry, unis par des passions communes : le foot, la bière, la baise (et la musique, aussi, allez). oui, des bons bourrins, qui se retrouvent régulièrement au pub pour s'y bourrer la gueule (s'envoyer huit pintes de Guinness ne peut pas s'appeler autrement), refaire le match, faire le point et surtout en surveiller le décompte (des points) dans leur propre championnat, celui de la ligue imaginaire qu'ils sont créée, la division Q. Ils comptabilisent, au fil des semaines, des points chaque fois qu'ils baisent (on peut dans la plupart des cas difficilement parler de faire l'amour), plus ou moins celon ce qu'ils ont réussi à faire (la pipe vaut un point, le rapport vaginal deux, et ainsi de suite...).
Je vois déjà vos mines déconfites...
S'il ne s'agissait que de ça le bouquin serait effectivement aussi cynique que sinistre. Mais l'auteur effectue une véritable immersion dans le quotidien de ces mecs, un genre de radiographie microscopée, une vue en coupe de la vie de ces prolos anglais (londoniens, plus exactement, et encore plus précisément d'un certain quartier de Londres) vue au plus près. C'est attentif, précis, documenté, "haut en couleurs" on pourrait dire (c'est à dire brutal, cru, obscène, violent... oui oui on peut penser à Selby dont le Last exit to brooklyn m'avait un peu produit le même effet), et on n'est pas étonné d'apprendre, quand l'auteur est interviewé, qu'il n'a pas eu à inventer grand chose, qu'il sait de quoi il parle, qu'il a été (et qu'il est sans doute encore) taillé du même bois que ses héros, -plutôt celui dont on fait les battes que celui dont on fait les flûtes-.
C'est un bouquin viril, et c'est peut-être pour ça qu'il me fascine autant, comme me fascinent et m'impressionnent les "vrais" bourrins dans la "vraie" vie.
Ceux de La meute ont (presque) des excuses : ils se sont pris en pleine gueule la mère Thatcher, la crise, le chômage, le climat britton, et John King a l'intelligence de nous présenter un panorama (presque exhaustif) de trajectoires personnelles "en situation de crise" (avec les pensées, les rêves, les délires, qui les accompagnent), on repense bien sûr à Ken Loach, et ses prolos rugueux dans la mouise, ou au Stephen Frears des débuts, ces peintures  d'univers brittons auxquels le cinéma nous a habitués, pubs, fish and chips, cup of tea, hooligans, et même les bouilles de ces mecs, on les imagine, et leurs fringues, et leurs vans pourris, (sauf celui qui a réussi et qui roule en jaguar, mais la jag on se la figure tout aussi bien...) So british, isn't'it ? et John King nous balade de l'un à l'autre de ces (de ses) bourrins magnifiques, et le bouquin est tellement dense (et je l'ai aussi tellement fractionné) qu'il faut un certain temps au début pour se familiariser avec cet aréopage à cheveux ras et à gros bras (et à sang chaud).
Et, plus on avance dans le bouquin et plus on se rapproche d'eux, mieux on s'y sent, mieux on les renifle... Le dernier chapitre ("Biture") est admirable de ce point de vue-là. On revient en détail sur Balti, sans doute mon préféré dans le lot (celui qui a cassé la gueule à son chef de chantier, s'est retrouvé au chômage, s'est re-fait casser la gueule par ledit chef de chantier, s'est re-vengé, a fini par retrouver un job -et l'assurance biffetonnière que cela confère, au pub, avec les potes notamment- et ne va pas hésiter à utiliser in extremis un stratagème pas très reluisant pour bouleverser le classement de la division Qoù il était pourtant plutôt mal barré)  que l'auteur accompagne dans des dernières pages presque lyriques, jusqu'aux trois dernières lignes qui font quasiment sursauter le lecteur.
Un grand bouquin (dont j'apprends qu'il fait partie d'une trilogie, parue à L'Olivier dont le premier s'appelle Football factory et est aisément procurable, tandis que le troisième  Aux couleurs de l'Angleterre n'a visiblement pas été réédité et est donc vendu à des prix prohibitifs (voir )  (et aussi!) par des margoulins sans scrupules... qui mériteraient bien un bon coup de boule, ou un coup de genou dans les couilles, non ?)

1507-1

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