Aimer, c'est comme sentir.
(Où plutôt, ne pas aimer, c'est comme ne pas sentir.)
On vit dans un monde clos, lisse, exempt de sensations, agréables ou désagréables, d'ailleurs. Vide et rassurant, justement à cause de ça. Pas de grands bonheurs, mais pas de grands malheurs non plus. Tout est moyen, monochrome, uniforme. Au bout d'un certain temps cette platitude-même devient agréable, confortable, rassurante. C'est là-dedans qu'on vit, le bocal, l'aquarium, au chaud dans l'eau derrière les parois. Qu'on tourne en rond (revenir forcément à l'image du poisson rouge parce qu'elle semble d'une extrême justesse).
Que le nerf olfactif se remette au boulot (Y a-t-il, de la même façon, un nerf pour aimer ? le nerf amatif ?) et voilà qu'on a d'un coup perdu tous ses repères, sa stabilité, ses certitudes. Largué dans le blizzard sans compas ni carte, allez vas-y démerde-toi.
Depuis quelques temps (quand je dis qu'il est temps que j'aille voir un psy, hein...) , voilà que les deux choses sont liées. Voilà que, en même temps que je suis in love, mon odorat, ces dernières semaines, réapparaît en pointillés, de façon tout à fait aléatoire, cinq minutes par-ci, une heure par-là, en même temps que mes sentiments font du yoyo -hop un coup au top un coup au fond-, sans que ça corresponde tout à fait vraiment (ça serait trop facile)
Retrouver donc, brièvement, les sensations, agréables ou désagréables : le parfum délicieux de ma voisine, le goût du café, le "ptit côtes" du midi, les chiottes du RU qui puent, l'odeur des bozarts tout simplement. En profiter avant que ça reparte. Je sais que ça va repartir, mais je ne sais ni quand ni jusqu'à quand (et là, question heart, c'est idem...)
Aimer c'est comme fumer.
(et je ne parle pas des cigarettes hihi)
Quand je n'ai pas de matos, j'en ai très envie.
Et dès que j'en ai et que je peux m'en rouler un méga comme un gros goinfre, et qu'après je suis en vrac dans mon lit quasiment terrassé parce que vraiment je crois que j'ai un peu trop chargé et que j'ai un peu mal au coeur et que je voudrais redescendre un peu , je me dis mais est-ce que ça vaut vraiment le coup de méfu, hein, si c'est pour se mettre minable comme ça ?
Je sais, je sais, je suis excessif (et c'est pas à mon âge (respectable) que çà risque de changer...
Être amoureux, pareil. quand j'en ai pas, j'en ai très envie, et dès que j'en ai un, que je recommence à faire les mêmes conneries (quand je parle d'aller voir un psy, hein, bis...), à essayer d'analyser d'introspecter de supputer de décortiquer de ne pas savoir de passer du sourire aux larmes (comment dit Lagarce ? "... me mena vers le bord des larmes et j'eus peur d'y sombrer..." ),des fois le soir dans mon lit (ça coîncide des fois avec le terrassage susdit) j'en viens presque à me dire Purée mais c'est plus de ton âge, des trucs comme ça, surtout avec son âge à lui... et peut-être que c'était plus simple, avant.
Comme avec le pét', se sentir presque un peu (trop) malade et avoir envie que ça s'arrête. Redescendre. Le sentiment amoureux pourrait-il donc être assimilé à un quelconque adjuvant psychotrope ? Voire...
En tout cas, high ou down, ce qui est sûr c'est qu'on se sent vibrer, exister, et c'est bien ça qui compte, isn't'it?
Aimer c'est comme parler
Y a ceux qui parlent trop, et ceux qui aiment trop,
ceux qui parlent dans le vide, et ceux qui aiment dans le vide,
ceux qui parlent tout seuls et ceux qui aiment tout seuls,
ceux qui parlent trop fort et ceux qui aiment trop fort,
etc...
Toujours est-il qu'il est par contre difficile de parler aux autres, quand on aime.
Enfin, de parler de ce qu'on ressent. On a beau avoir dans la tête des grands mouvements lyriques, des soubresauts explicatifs, des suppositions rassurantes, des inquiétudes démesurées, des certitudes flageolantes, toujours est-il que lorsqu'on tente de les exprimer, de les expliquer, de les transformer en chose parlée, ça n'est plus ça du tout.
C'est comme les fanons de la baleine qui filtrent, ne laissant passer vers l'extérieur que les brimborions, les petits machins ridicules, alors que tout le reste continue de tournebouler dedans. Oui, on ouvre la bouche pour tenter d'expliquer, et ne parvient à l'oreille de l'auditeur compréhensif qu'une bouillie régurgitée, un bouillon clair où flottent des broutilles que l'on n'arrive même pas à rendre cohérentes...
La montagne de vos pensées a accouché d'une souris de mots. Comme s'il y avait entre votre interlocuteur et vous un genre de grillage de garde-manger qui ne laisserait passer que les miettes les plus dérisoires, alors que le plus important reste à l'intérieur.
Mais de toutes façons on se dit que ce n'est pas la PEINE de parler. On voudrait que tout le monde COMPRENNE spontanément. c'est tellement FACILE A COMPRENDRE....
Alors on se tait.
Ou on essaie d'écrire.
(Pour moi) c'est plus facile.