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lieux communs (et autres fadaises)
23 septembre 2015

mécaniciens

LA PROMESSE
de Hubert Mingarelli

De retour à mon Intégrale Mingarelli après une parenthèse estivale, et, surtout, la non-lecture de Marcher sur la rivière, que je n'ai pas réussi à terminer, bien que je l'aie repris plusieurs fois (je crois bien que l'Afrique me désintéresse).
Et retour triomphal. Car cette Promesse est un grand Mingarelli.
Même pas 140 pages, mais des émotions de lecture aussi intenses que celles que m'ont procuré Réparer les vivants (dont il faudra que je parle ici) avec pourtant des moyens plus simples, un style moins flamboyant. La minutie de Mingarelli, son minimalisme pourrait-on dire.

Un homme en barque sur un lac. Avec une boîte dans sa poche. Il s'appelle Fedia, il se rappelle qu'il a été marin, et qu'il avait un ami prénommé Vassili, à l'école de mécaniciens qualifiés. Et tandis que la barque progresse au fil de l'eau, que la journée passe, Fedia se remémore l'histoire de son amitié avec Vassili...
C'est très fort parce que c'est très simple. Aussi simple que ça. on est incontestablement dans  un univers familier (pour les lecteurs de Mingarelli). Deux hommes (et quelques autres, satellitaires), deux marins à terre (Hommes sans mère) qui hésitent entre aller voir les Polonaises et rester assis entre eux sur la jetée. Un père et son fils, aussi, en filigrane (comme dans beaucoup de romans de l'auteur). Des conversations minimales. Un récit fracturé d'ellipses. Des émotions ressenties mais non dites, comme si à peine effleurées. Tout ce que j'aime chez Hubert Mingarelli.

Une pudeur virile, comme la surface de l'eau qui en laisse juste deviner la profondeur sous la coque du bateau, et empêche d'appréhender pleinement ces sentiments qui filent dans l'obscurité. L'amitié entre Fedia et Vassili est tellement intense qu'elle pourrait aussi bien s'appeler de l'amour, si elle l'osait, si elle osait en prendre conscience.
Cette amitié romanesque est si forte qu'elle fait venir les larmes aux yeux. on serait presque jaloux de ces deux-là (on c'est surtout moi) d'autant plus que ce sont des choses tellement simples qui la matérialisent : une maquette d'avion, des boîtes de conserve, des cigarettes, un tas de bois, des couvertures. Et même un joint, tiens, fumé à deux dans la nuit face à la mer. On rêve d'avoir un ami comme ça (on c'est encore moi), et le livre m'a fait revenir d'autres feux de bois dans la nuit et d'autres joints partagés (nostalgie).
Fedia rame, il se parle de temps en temps (toujours aussi simplement), et toute son histoire est résumée, finalement, dans les cendres contenues dans la petite boîte en carton qu'il garde dans sa poche, et qu'il a emportée en vue de ce jour précis. (de cette nuit, plutôt, et du reflet de la lune dans l'eau).

Et c'est -tout simplement- beau à pleurer (je me répète mais j'insiste).

minga promesse

22 septembre 2015

c'est la rentrée (littéraire)

Dilemne...
J'avais un chèque-cadeau à utiliser, et je ne trouvais rien d'assez bien...
J'ai erré longuement au rayon "nouveautés" et donc "rentrée littéraire", mais je n'arrivais pas à me décider... Pas de coup de foudre indiscutable, comme s'il ya vait eu, disons... un Jean Echenoz, un  Rick Moody, un John Cheever, un Richard Yates...
J'en ai tenu plusieurs, successivement, j'ai lu les quatrièmes de couv', j'ai hésité et finalement je n'ai rien pris.
Ce n'est qu'en rentrant chez moi, le soir, que j'ai regretté de ne pas avoir pris Les amygdales, le premier roman de Gérard Lefort. (Ah, les regrets les regrets les regrets... air connu). Quand je suis revenu au magasin, deux jours plus tard, je me suis précipité dans le même rayon, je savais ce que je voulais, et, ô chance, je le trouve illico, posé en travers sur la pile d'exemplaires d'un autre roman publié aussi à L'Olivier. Un seul! Et de traviole, il m'attendait, et je l'ai donc pris (je l'ai tenu, ensuite, pendant un certain temps, cherchant un autre volume pour l'apparier afin de dépenser exactement le montant du chèque cadeau, mais hélas je n'ai rien trouvé d'autre d'aussi bien... il y avait bien le bouquin de Delphine de Vigan qui m'appâtait, mais bon, il y en avait au moins une pile de 25, et j'ai horreur de faire comme tout-un-chacun, surtout pour les livres, et je ne l'ai donc pas pris.)
Je suis sorti avec mon petit roman, dans mon petit sac, avec un joli bandeau Gérard Lefort écrit en blanc sur fond bleu, assez joyeux. Du bouquin je ne savais strictement rien, à part son titre, et le fait que j'ai toujours pris un énorme plaisir à lire les chroniques de Gérard Lefort (surtout les critiques de films, qu'il devrait bien rééditer, comme le fit en son temps Jean-Louis Bory (? non non, j'ai dit ce nom-là comme ça, presque par hasard...). Je ne l'ai pas ouvert tout de suite, d'ailleurs, j'en avais un autre à finir. Et j'ai vu entretemps une chronique qui en parlait, dans Libé justement, dont le titre m'a semblé hélas un poil trop révélateur (je ne l'ai donc pas lue en entier).

Je l'ai donc entamé hier. Il est question d'un enfant. D'une enfance, plutôt, de l'enfance d'un garçon racontée par lui-même. Il faut bien un ou deux chapitres pour se mettre dans le bain, à bonne température. L'écriture, le style, je les connais, je m'en suis toujours régalé (cf plus haut), mais là il s'agit d'autre chose. Un roman, une fiction (pas question d'auto-) dont la  construction évoque, assez vite, celle d'une autre enfance romanesque (mais, elle très auto-, justement) célèbre : le Poil de carotte de Jules Renard. sauf que l'enfant depapier ne sera, ici, jamais nommé. Une suite de chapitres courts, chacun avec un titre court (les amygdales en est un, justement), qui ne constituent pas une narration strictement chronologique -on pourrait les permuter-, mais plutôt une série de vignettes, d'instants, de madeleines, d'épiphanies (chacun les nommera selon son envie). Et qui  comme les madeleines justement, ou les chocolats, ou les pistaches,  quand on met le nez dedans, se révèlent assez vite terriblement addictives. Une première juste pour goûter en appelle une autre qui à son tour, etc.

le seul regret que j'aurai à propos de ce bouquin, c'est qu'il est trop court (288 pages), j'en aurais voulu plus, encore et encore.

Car tout ça me plaît d'autant plus que c'est un gamin dans lequel je me retrouve, au moins à double titre : d'abord parce qu'il lit beaucoup et, par cette appréhension livresque du monde, il s'est donc construit un univers fantasmatique très riche et flamboyant, passionné, dramatique, violent, romanesque (le naufrage du Titanic, par exemple, y occupera un chapitre de choix), mais aussi, -et surtout-, parce que cet enfant éprouve une fascination (que j'ai aussi ressentie très tôt) pour un objet qui m'est toujours très cher, le corps des hommes (et, donc, l'amour des hommes aussi).

Les amygdales se compose de 5 parties, au début on se demande pourquoi, puis on réalise qu'on pourrait les qualifier de concentriques (ou d'oignonesques) par cette façon qu'elles ont de faire progresser le lecteur de l'extérieur "réel" (la famille, les événements) vers l'intérieur -de plus en plus intimement-. Ca commence par le chapitre intitulé La maison et ça se clôt (ou s'ouvre, justement) sur le chapitre intitulé Le paradis. Le gamin des Amygdales est un héros de fiction, mais doit avoir avec son auteur  les points communs les plus intimes (le goût des hommes tel qu'il est dépeint, ça ne s'invente pas, d'une façon aussi juste -et réjouissante-, non ?) . Comme tout bon (jeune) lecteur, il s'identifie aux héros de ses livres ou des récits des faits divers, il les incarne, il les joue, il les accommode à sa sauce, il les fait vivre (et parfois mourir) au gré de ses envies. C'est drôle, tristounet, juste, exagéré, tendre, vachard, troublant... Bref, j'ai adoré ça.

En plus, Lefort aime les énumérations (moi aussi, ça tombe bien!)

Un livre à ranger au rayon (pas si fourni) des livres qui parlent, justement, de l'enfance, par fragments : Poil de Carotte, donc, déjà évoqué, et Les Contes du Chat perché, l'Opoponax, Le Grand Cahier, Le Crispougne, Les Malheurs de Sophie (oui oui!). On a souvent évoqué le vert paradis des amours enfantines, il faudrait voir à ne pas oublier celui des cruautés du même nom (ça va forcément avec, non ?) Chapeau, Gérard!

lefort

21 septembre 2015

le kiki tout serré

MARGUERITE
de Xavier Giannoli

(Je suis devant mon clavier et je reste sans voix -!- tandis que me continue de résonner dans les oreilles celle qu'est censée avoir dans le film Marguerite, celle du titre, et que ça fait vraiment mal à entendre. Hervé m'avait fait écouter chez lui il y a quelques temps l'enregistrement de "la vraie", Florence Foster-Jenkins, celle qui a grandement inspiré le personnage que joue -divinement!- Catherine Frot, et il me semble que c'était encore pire... Quoi ? Oui oui, le disque, il l'a acheté...)

Bon, ce film, on en parle beaucoup, l'affiche s'est déjà couverte des laudatifs et superlatifs de pas mal d'organes critiques (manqueraient à l'appel ceux de Libé et des Cahiaîs), on le passe dans le bôô cinéma tous les jours à presque toutes les séances, je connais quasiment la bande-annonce par coeur, j'ai vu en promo André Marcon (magnifique dans le film) et Michel Fau (méritant tout autant de compliments), bref il était temps que je réagisse, avant de ne plus trop avoir envie de le voir (j'ai déjà zappé les projections d'hier).

J'avoue que j'étais un peu curieux de savoir ce qu'avait fait de cette histoire Xavier Giannoli, dont nous avions déjà programmé A l'origine (Cluzet en mythomane et Devos en mairesse) et Quand j'étais chanteur (Depardieu en chanteur de balloche et Cécile de France en... en quoi déjà ? en jeunesse, disons), que j'avais me semble-t-il plutôt bien aimé.  (Oui oui je viens de relire et de mettre un lien pour chacun des posts. Tiens c'est drôle, Libé avait déjà, pour le deuxième, détesté, à l'époque, tss tss).

Et bien, finalement, Marguerite pourraît être un genre de mélange des deux : il est question de chanter, d'aimer (ou de ne plus), de croire (ou ne pas croire, ou faire croire) et figurez-vous que ça m'a beaucoup plus et touché (mais sans doute parce que je suis premier degré, et que ça m'émeuh quand ça parle d'amour). J'ai trouvé tout ça très intelligemment goupillé (et qui dit goupille dit grenade et donc forcément explosion), oui, très finement construit.

Avec le plaisir, dès le début, d'y retrouver l'intéressant Sylvain Dieuaide (vous souvenez-vous du jeune homme mystérieux de J'attends quelqu'un, de Jérôme Bonnell) qui joue ici, au départ, un jeune salaud mondain (mais attachant quand même) et intéressé (mais comme il le dit lui-même dans le film "on finit par s'attacher..."), qui au début du film, en compagnie de son copain Kyril (un autre jeune, anarcho-surréaliste exalté) s'introduit clandestinement dans un raout mondain, un gala de charité avec assistance redingotée et emperlousée, où va justement chanter Marguerite, la maîtresse de céans, en clou du spectacle, tandis qu'interviendra juste avant, engagée pour l'occasion, une jeune chanteuse pauvre, qui tape dans l'oeil (et dans l'oreille, elle chante très joliment) du jeune homme et dont on va suivre la carrière tout au long du film.

Tandis que Marguerite, si elle est généreuse, un peu fofolle, elle chante, surtout, effroyablement faux. Le problème c'est que personne n'ose le lui dire, et chacun(e) l'entretient dans l'illusion (pour des raisons qui lui sont propres, et c'est étonnant justement le nombre de raisons différentes qu'il peut y avoir) qu'elle est une grande chanteuse lyrique. Son pauvre mari (André Marcon) ne comprend pas cette folie où elle s'entête, cette obsession lyrique, et s'arrange pour rater chacun de ses "concerts" privés en prétextant une panne de voiture. il n'arrivera jmais à lui dire la vérité, de la même façon que le majordome noir, qui est aussi photographe des incarnations lyriques successives de la dame, l'entretient consciencieusement dans l'illusion, en lui faisant envoyer des fleurs d'admirateurs fantômes, tout en distribuant des bouchons pour les oreilles à tout le personnel de maison.

Marguerite est confortée dans ses illusions et ses rêves de grandeur lyrique et de casta diva, jusqu'à ce que Lucien et Kyril l'invitent à se produire en public dans un cabaret, en Marianne, pour donner une Marseillaise de son cru, et causer ingénument  un énorme scandale pour cause de lèse-patrie (on est en 1920 et il ne fait pas bon rigoler de la guerre et des vaillants Poilus). Mais le fait de monter sur scène lui a causé un choc et une révélation : elle veut organiser un "vrai" concert dans une "vraie" salle avec un "vrai" public, et toute la suite du film va se focaliser sur la préparation de cet événement (et les différents moyens employés par les uns ou les autres pour que cela se fasse ou ne se fasse pas.) je le redis, c'est vraiment très bien construit. Je ne sais pas comment cela s'est passé en réalité, mais Xavier Giannoli a su reconstruire sa propre réalité du concert qui fut donné, et c'est bien entendu "le" moment du film, un moment très fort de tension(s) (avec une suite de micro-rebondissements et une issue assez maligne, qui lui permet de rebondir sur une ultime partie qui est peut-être la plus instable du film, entre mélodrame pâmé et coda lyrique.) que je vous laisse le plaisir de découvrir (et d'apprécier).

On n'a pas tari d'éloges sur Catherine Frot, et ils sont mérités, tant elle semblait faite pour ce rôle (qui a d'ailleurs été écrit pour elle, le réalisateur ne pouvant imaginer personne d'autre à sa place), -avec le danger justement, que cette adéquation parfaite risque de vampiriser la suite de sa carrière-, mais les applaudissements sont tout autant requis pour tous ceux qui l'entourent (le mari, le majordome, le professeur de chant, les jeunes gens) tout au long du film, constituant une sorte de garde rapprochée, de rempart, de haie d'honneur pour la folie de Marguerite.

Pendant tout le film, j'ai tenté de formaliser mentalement le parallèle avec le personnage de Cluzet dans A l'origine : il s'agissait d'un homme qui s'emploie à faire croire à tout le monde  son mensonge, tandis que Marguerite est une femme que tout le monde pousse à croire au sien. Il est dans les deux cas question d'illusion, d'identification, de l'envie de croire et du bien que ça fait. D'entretenir l'illusion (qui est comme une combustion lente) par tous les moyens possibles. "Faire feu de tout bois".

Et c'est bien ce que Xavier Giannoli fait, vis-à-vis de nous autres, spectateurs. Il a bâti  ce film qu'il a rempli à ras bord, à l'image du  décor des salons de Marguerite, où l'on perçoit beaucoup de choses en même temps sans pouvoir toutes les analyser.  Un bel objet luxueux, raffiné, composé, codé, presque à l'excès. A l'image du collage que Kyril offre à Marguerite (et qu'elle offrira à son mari en y rajoutant je vous aime.) Une superposition d'intrigues (chaque personnage a la sienne) conçue comme une technique mixte. Une exposition à laquelle on aurait convié les neuf muses. Sans oublier la poésie. Aboli bibelot d'inanité sonore, Marguerite pourrait être juste un personnage de Mallarmé, aussi bien incarner le crédo des surréalistes : La beauté sera convulsive etc. Convulsions, profusion. De détails, de sensations, d'instants, de sentiments. De l'histoire, de l'art lyrique,  des illusions, de la poésie, du cinéma, des désillusions, et de l'amour, des amours, tellement d'amour(s)...

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(Ce post donne envie d'utiliser des mots précieux, entre panégyrique et dithyrambe...)

 

18 septembre 2015

service à café noir et blanc

UNE SECONDE MERE
de Anna Muylaert

Tiens, encore un film brésilien qui m'a bien plu! Tiens, encore un film brésilien qui se passe dans une grande maison avec piscine! Tiens encore un film brésilien qui focalise sur les rapports sociétaux par le biais des frictions patrons/domestiques!

Val est bonniche dans une jolie maison de bourges de Sao Paulo, entre maman qui designe, papa artiste peintre contrarié qui déprime un peu, et fiston ado qui fume en cachette (des cigarettes qui font rire) et va le soir se réfugier dans la chambre de Val (en tout bien tout honneur, c'est la "seconde mère" du titre, et tiens, c'était déjà pareil dans Casa Grande). Tout va donc pour le mieux dans le plus impeccable des mondes ancillaires (Val est une perle), jusqu'à ce que.

(bien évidemment, on ne pourrait pas faire un film où tout va bien tout le temps, avec des patrons contents de patronner et des servantes contentes de servanter, ça serait ennuyeux...)

Jusqu'à ce que, donc, Val reçoive un coup de téléphone de Jessica, (sa fille qu'elle n'a pas vu depuis dix ans) sa fille qui lui annonce qu'elle veut s'inscrire en fac à Sao Paulo, justement, et lui demande de l'héberger. Val sollicite l'autorisation de sa patronne (Barbara,  bourge assez puante) qui accepte que Jessica dorme dans la chambre de bonne de sa mère, et que, oui, d'ailleurs bien sûr elle lui payera même le matelas qui servira à ça (elle peut prendre le meilleur, bien sûr...).
Jessica arrive, et va immédiatement jouer le grain de sable qui coinçouille les rouages bien huilés de ce Cuisine et dépendances (les trois-quarts du film se passent dans la maison, où les rapports de force se jouent de chaque côté des portes, ou de part et d'autre des escaliers, par exemple (une utilisation judicieuse de l'espace). En s'y déplaçant comme en terrain conquis, en forçant la main du maître de maison pour squatter la chambre d'amis, en jouant dans la piscine avec le fiston et son copain, en mangeant à la table du papa (elle y a été invitée), voire même -sacrilège ultime, en osant manger la glace perso chocolat/amandes du fiston, sous l'oeil horrifié de Val, qui n'aurait jamais envisagé que puissent être ainsi transgressés certains interdits. Pour elle, et depuis toujours, les domestiques n'agissent que d'une certaine façon, ils sont cantonnés dans certains espaces, et ne sont autorisés qu'à certaines choses. Et c'est comme ça.

Et voilà que ce système se lézarde soudain, (se voit menacé, par exemple aux yeux de l'odieuse Barbara) par cette jeune fille, fille de bonniche mais qui se comporte comme une invitée. La situation devient de plus en plus instable (d'autant plus que le maître de maison commence à regarder la jeune fille en roucoulant, puis carrément à lui faire la cour) aux yeux de Val, qui tente d'accélérer les choses pour que Jessica puisse déménager au plus vite, manque de bol, la première tentative est ratée et Jessica doit revenir à la maison (où on la vire définitivement de la chambre d'amis, comme on l'avait précédemment chassée de la piscine en la vidant.)
Et voilà que les résultats de l'examen d'entrée en fac arrivent (le fiston le passait aussi). Une claque pour les bourges : le garçon l'a loupé de deux points tandis que Jessica (Val vient l'annoncer à ses maîtres, triomphante) l'a obtenu haut la main. Pour fêter ça, Val sort pour téléphoner à sa fille et la féliciter, et va oser commettre un acte que jamais jusque là elle n'aurait envisagé une seconde pouvoir faire, une transgression insensée... (mais tellement minime aux yeux du spectateur qu'elle en devient très drôle)
Et ce serait parfait si le film s'était arrêté là.

Dommage que l'épilogue vienne en rajouter une couche (la famille, ah... les enfants aaaah... et les petits enfants aaaaah...) dans le yop la boum, dont on n'avait pas vraiment besoin.

Un film plaisant, donc, mais en fin de compte pas aussi fort que Casa grande, sur un thème somme toute très voisin (mais où c'était le jeune homme, le fils de famille, qui était le personnage central, ce qui explique peut-être cela -je me connais, hein...-).

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14 septembre 2015

bordel, fais pas ta chochotte

AFERIM!
de Radu Jude

Et hop! Une perle de plus à enfiler sur le chatoyant collier de la cinématographie roumaine que nous avons déjà programmée dans le bôô cinéma... (je parle comme le personnage principal du film, Costandin, un brigadier, qui chevauche avec son fils Ionita dans la pampa campagne roumaine, à la recherche d'un esclave en fuite, et qui parle tout le temps, mais passe tout ce temps à dire des conneries, des horreurs, à aligner les lieux communs, les platitudes et autres expressions populaires,  sans oublier les injures insultes jurons et autres joyeusetés -le titre de ce post vient de lui-...)
Radu Jude, on a déjà programmé ses deux films précédents (La fille la plus heureuse du monde et Papa vient dimanche), et donc on le connaît, et on l'aime, comme on connaît (et on aime) la production roumaine de ces dix dernières années, mais là il réussit à  nous surprendre (nous bluffer) et nous dépayser en tournant un film en noir et blanc (somptueux), en costumes (on est en 1835), et "de genre" puisqu'il pourrait s'agir d'un western (ils se déplacent à cheval) mâtiné d'un récit picaresque (ils croisent des gens "remarquables" en route, avec qui ils échangent, plus ou moins cordialement) doublé d'une chronique historique (la Roumanie au 19ème et "dans son jus", ça n'est pas très joli joli) et étoffé d'une reconstitution quasi-moyenâgeusante (j'ai pensé plusieurs fois au démesuré Il est difficile d'être un Dieu, d'Alexei Guerman, en tout aussi crasseux mais en beaucoup moins excrémentiel).

Ouah! un western roumain historique de 2h en noir et blanc! Voilà qui devrait attirer les foules par tombereaux et par charrettes! (On était 6 à la séance de 18h, normal...)
Et c'est somptueux. (Ours d'argent du meilleur réalisateur à Berlin, et c'est mérité) (Déjà, avec le noir et blanc, je suis, dès le départ, dans les meilleures dispositions - Ô Jarmusch, Guerman, Tarr, Corti, Maddin...- )
Aussi visuellement grandiose qu'humainement étriqué (et grinçant). Le film évoque la société roumaine de l'époque, cadenassée par le pouvoir des boyards, les seigneurs locaux, reposant sur un système de castes féodal, l'esclavagisme, avec tout en bas les serfs et, encore plus bas, la condition effroyable des Tziganes (esclaves des esclaves, grosso modo. Mais il le fait avec assez de finesse (et d'ironie) pour qu'on se dise que, finalement, pas grand-chose n'a changé. On y a juste (re)mis un peu les formes, changé un peu les dénominations, remis une petite couche de vernis social, mais pour ce qui est des rapports de classe, de l'exploitation, de la xénophobie, de la connerie humaine, bref de l'inhumanité, tout ça est encore en l'état, et toujours (plus que jamais même) d'actualité.

Radu Jude n'y va pas de main morte, mais on cliticlope volontiers avec lui à la suite de ces deux zigotos "justiciers" (le vieux qui parle et le jeune qui écoute), on se régale de la réjouissante loghorrée (certains critiques ont déploré que le film soit "trop bavard" mais c'est justement ce qui fait son intérêt, sa caractéristique principale, c'est le contrepoids nécessaire, parfois pénible mais indispensable, à la magnificence des cadrages (Les Cahiaîs ont trouvé que c'était trop joli, les paysages), c'est ce qui permet au réalisateur de mettre en place une infime distance ironique, en insérant dans des paysages de rêve des personnages de merde, pour faire court.

Costandin (le père) est tout gonflé de son importance, il se plaît à jouer les fiers-à-bras, les matamores, les gardiens de la loi, il est le modèle parfaitement assujetti d'un rouage zélé de la protection d'un système dégueulasse, juste un exécutant appliqué, qui fait ce qu'on lui dit sans chercher plus loin ni se poser de questions (ce que fait encore son fils, un blanc-bec maigrichon, dont les scrupules et le doute embrument encorent par instants la jeune cervelle). Ils sont partis à la recherche du tzigane, ils le retrouvent assez facilement, et ils le ramènent, comme ils sont supposés le faire. Le voyage de retour est encore passionnant que l'aller, puisque Carfin,  le fugitif, saucissonné en travers du cheval du brigadier, en profite pour raconter sa propre version des faits, où il met en cause la femme du boyard (qui est venue "frotter sa chatte contre sa nuque", et est donc, techniquement, au moins aussi coupable que lui).  Où il s'avère alors que ce Carfin n'est pas juste un animal fugitif, mais un être humain, si si, et qu'il a voyagé, vu d'autres pays, qu'il a une certaine expérience de la vie, une conscience même, et voilà qu'il implore la clémence de Costandin, qui lui promet qu'il demandera au boyard de modérer sa punition, qu'il lui parlera, qu'il interviendra en sa faveur (avec cette très belle scène nocturne à l'auberge, entre le fils et le père, où celui-là essaie d'infléchir la rectitude paternelle ("et si on le laissait partir ?") en vain.)

Car la suite du film (le retour chez le boyard) remettra vite le brigadier à sa place. Si, de nos jours, il a été dit par certain président nabot que "les fonctionnaires, c'est fait pour fonctionner", (ce fut même redit, et récemment, dans une école, oui oui on me l'a rapporté), là, il semble bien que les brigadiers soient faits juste pour brigader, et surtout fermer leur gueule devant le boyard, (c'est peut-être  pour ça d'ailleurs que lui l'ouvre si grande tout le reste du temps).
Et la justice (épouvantable, expéditive et "de classe") tranchera, sans qu'il puisse intervenir. (Ouille!)
C'est horriblement drôle la plupart du temps, et parfois simplement horrible  (la scène finale), mais nos deux héros repartiront vaillamment cliticlop cliticlop vers de nouvelles aventures, comme si de rien n'était.
C'est très fort, et c'est vraiment du cinéma comme j'aime.

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13 septembre 2015

à capuches (s)

 (c'était un peu, involontairement, le thème du jour, le fil rouge, lors de cette rencontre "exploitants" au Mégarama)

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Une rappeuse suisse débarque à St Denis... Un film qui rappelle les approches de Rachid Djaïdani (Rengaine) ou de Djinn Carrenard (Donoma)  par les personnages (des jeunes de banlieue) , le cadre (la cité), en variant un peu le thème (ici, le rap). Mais tout autant par la précarité des moyens mis en oeuvre (des films au budget drastique mais à la niaque inversement proportionnelle). C'est nerveux, tendu, aussi touchant dans les scènes musicales qu'approximatif parfois dans celles qui ne le sont pas. Un peu brouillon, mais attachant. Dans l'urgence. (Même si ce n'est pas a priori ma tasse de thé, les scènes live sont très attachantes.)

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Tiens, encore une affiche jaune! Tiens, encore la téci! Mais nous sommes ici chez Philippe Faucon, (un réalisateur qu'on aime bien, et dont a déjà programmé plusieurs films dans le bôô cinéma) qui nous raconte la vie d'une mère maghrébine et de ses deux filles, mais qui a la particularité d'être "d'après une histoire vraie" (comment cette femme, suite à un accident du travail, a découvert l'écriture et s'est mise à raconter sa vie) puisque celle dont il raconte la vie est celle qui l'a racontée. Les ménages pour la mère, qui paye les études de son aînée inscrite en première année de médecine, tandis que la cadette se rebelle et vit son collège de plus en plus difficilement. Comment les difficultés d'expression dans une langue étrangère peuvent être un obstacle parfois insurmontable. Un film social, un film droit, un film juste. (Même si on peut, justement, émettre parfois quelques réserves sur celle-ci, la justesse, dans le jeu de la cadette...).

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Tiens, re-encore la té-ci! Dans un film formaté "plus large public", l'histoire de deux petits  blacks, (avec maman méritante qui fait des ménages),  qui découvrent que c'est trop cool de dealer, et qu'on peut même comme ça acheter une nouvelle machine à laver à sa maman méritante, et racheter des baskets neuves à toute sa demi-famille, et même pousser la gentillesse jusqu'à co-financer le voyage scolaire à Londres de la classe, compromis à cause du manque de crédits. La moralité, quand même sujette à caution, étant "avec un peu d'organisation, tu peux même réussir en classe tout en te faisant un max de blé en dealant un max de shit". Mais bon, les gamins sont justes, le plus petit est vraiment craquant, le film est produit par le tandem Nakache et Tolédano (d'Intouchables) et donc le film pourrait bien rapporter lui aussi un max de thune. En tout cas, il est vraiment conçu pour ça. Tiens, on retrouve Joséphine de Meaux et Vincent Rottiers dans les mêmes rôles que ceux qu'ils avaient dans Dheepan (l'enseignante et le dealer énervé) et on a Guigui Gouix chéri d'amour en prime (dans un rôle infiniment plus crédible que dans Les rois du monde, même si beaucoup trop facile.)

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C'était le dernier film de la journée, film-surprise qui plus est, puisque c'était la dame d'Ad Vitam qui avait insisté pour que nous le vissions. Une histoire qui démarre simplement : devant un immeuble (arghhh j'ai eu peur : re-re-re la téci ? mais non fausse alerte) une jeune fille (Hafsia Herzi) a percuté un homme par accident. Et de sa faute. Elle est sortie d'affaire grâce au témoignage d'un(e) témoin oculaire (Emilie Dequenne, parfaite) mais continue de s'inquiéter pour le sort de sa victime (il est toujours dans le coma) et ne parvient pas à évacuer son sentiment de culpabilité. Les choses vont se compliquer lorsque la jeune femme qui a témoigné demande à la rencontrer, puis noue avec elle (et son mari) des relations de plus en plus proches (et inquiétantes ?). Un film très bien construit, sur le dote, avec des références hitchcockiennes extrêmement bien digérées, (Soupçons, notamment) et réinjectées avec habileté. Une belle montée dramatique, on s'interroge sans cesse, d'autant plus qu'on ne voit -et interprète- les détails que par les yeux de Hafsia Herzi. Et la situation devient -habilement- de plus en plus anxiogène. Bonne copine ? Psychopathe? Les deux ? Jusqu'à la fin on est tiraillé, le film se concluant par un trajet en automobile particulièrement éprouvant pour les nerfs (tiens, comme dans Soupçons, justement, mais pas pour les mêmes raisons). Un exercice de style prenant, avec des acteurs impeccables.

nn

9 septembre 2015

le tigre caché

DHEEPAN
de Jacques Audiard

Je rentrais dans la salle un peu inquiet, doublement même, à cause de la relation compliquée que j'ai avec Jacques Audiard et ses films (j'ai un réel problème avec son rapport à la violence et à la virilité, j'en ai déjà parlé me semble-t-il) et à cause aussi de l'effet Palme d'or (et de sa légitimité ?).
Nous étions (avec Céline et David) dans une grande salle de l'UGC Les Halles, (très bien remplie pour cette séance de 18h), où nous avons subi quelques bandes-annonces désamorçantes avant de plonger dans le vif du sujet. Plof! Et on y rentre d'ailleurs assez énergiquement. Si Cemetery of splendour, vu le matin,  était  une eau tiède et parfumée, accueillante, celui-ci serait un genre de choc thermique, genre seau d'eau glacée dans la figure. Et pas forcément propre.Tonique, quoi.

(entre les lignes qui précèdent et celle-ci, j'ai eu le temps de lire la critique de Libération et celle des Inrocks, qui m'ont toutes les deux exaspéré par leur mauvaise foi, et du coup j'ai encore plus envie de le défendre, ce film, qui me semble être le moins inconfortable des films de Jacques Audiard)

Le film se découpe en plusieurs parties :
- l'"avant" (ce qui se passe avant l'arrivée en France)
- l'installation dans la cité
- la "guerre"
- l'épilogue

Beaucoup de gens semblent gênés par les deux dernières, à des titres différents. mais les deux premières ont aussi leur poil à gratter : la violence de la guerre, de la guérilla et des camps de réfugiés dans la première (et celle de la constitution de la "fausse famille", et la violence de la représentation de la "cité", dans la seconde, qu'Audiard nous stylise comme un no man's land rempli de rebeus à casquette et/ou capuche, qui ne s'expriment qu'en bâtard et autre fils de pute et final j'm'en bas les couilles. Jacques Audiard est toujours aussi fasciné par la représentation des caïds, des gangsters, des petites frappes, où le flingue et le véhicule tiennent lieu d'organe viril, l'agression verbale comme affirmation de soi, et le dressage permanent sur les ergots des petits coqs testostéronés comme pratique sociale généralisée. Fascination est bien le mot, et la façon dont, à chacun de ses films, il s'empare d'un acteur (ici, Vincent Rottiers, comme ce fut le cas précédemment pour Mathias Schoenarts, Tahar Rahim, Vincent Cassel, ou, encore plus remarquable, pour Romain Duris) et  l'iconise, le "survirilise", est significative. Un homme, un vrai de vrai, un qui a des couilles, qui se sert de ses poings (et/ou de son flingue) pour se faire respecter. Et donc s'affronte, forcément à d'autres mâles du même acabit, qui prétendent aussi devenir le mâle alpha de la tribu. Mais c'est lui qui triomphe à la fin, lui qui a les plus grosses couilles, qui devient le chef de meute. Hiérarchie virile.

(C'est drôle, tout ça était déjà dit dans son premier film -et de loin mon préféré, Regarde les hommes tomber-, où il mettait en place un triangle viril parfait : Matthieu Kassowitz en blanc-bec (prétendant), Jean-Louis Trintignant en protecteur (confirmé), et Jean Yanne, sublime, en mâle dominant (vainqueur).)

Sauf qu'ici cette classification est remise en question par celui qui donne son titre au film : Dheepan. L'acteur qui l'incarne, au nom presque aussi compliqué que celui d'Apichatpongounet : Anthonytasan Jesutasan, y est magnifique, sidérant, et mérite vraiment la montagne d'éloges qu'il a reçu. Dans le film, il a, dès le début, on le sait, les qualités requises pour être le plus fort, il a les cojones et tout. Seulement il n'a pas du tout envie, justement, d'en faire usage. Il veut juste avoir la paix, profil bas, faire son boulot de gardien d'immeuble, faire semblant de vivre sa petite vie de famille, rester calme, ne pas faire de bruit, ne pas se faire remarquer. et ça, ça n'est pas du tout un profil habituel de héros de film d'Audiard. Mais bon, avec les mecs à capuche, ça n'est jamais aussi simple (c'est vrai que ce film m'a fait expérimenter un genre de psychose et d'obsession pour les mecs à capuche).

J'aime beaucoup le temps que met l'installation de Dheepan et de sa "famille" à se mettre en place, les difficultés de langage et de compréhension (un peu comme Emmanuelle Devos dans Sur mes lèvres, finalement) entre hindi et français, le processus d'adaptation, d'assimilation, qui pose les choses progressivement (pas "en douceur" mais presque) jusqu'à ce que la femme de Deephan soit engagée pour s'occuper d'un vieux monsieur mutique dont le (neveu ? petit-fils ?)  vient de fêter sa sortie de prison (Vincent Rottiers, justement) et "reprend les choses en main" pour confirmer que c'est bien lui qui commande dans la cité (un assez attachant personnage, qui joue énormément sur l'ambivalence, douceur et gentillesse avec la femme de Dheepan et violence tonitruante à gros pétard de l'autre côté.)

et (inévitablement, on est chez Jacques Audiard) tout ça (ce "fragile équilibre") va être soudain remis en question (on ne comprend d'ailleurs pas tout à fait exactement pourquoi), la situation va voler en éclats ET C'EST LA GUERRE! (troisième partie du film, celle qui fait ricaner Libé et Les Inrocks). Celle où la ligne blanche est -littéralement- franchie. Où Deephan va prendre les choses en main et leur montrer de quel bois il se chauffe. Il y a beaucoup de bruit et de fureur, de la fumée, une machette, un escalier qu'on monte (stairway to heaven). Et, en ce qui me concerne, je dois reconnaître que j'ai trouvé ça plutôt plaisant (j'avais écrit présent), cette re-stylisation, cette quasi-abstraction, de la violence. Violence primaire, primitive, essentielle de la problématique de Dheepan (et, derrière, d'Audiard, bien évidemment.) "A feu et à sang", oui, c'est à peu près ça.

jusqu'à ce fabuleux dénouement anglais, qui a fait couler beaucoup d'encre et fait carburer (surchauffer) beaucoup de méninges. Sur une musique angélique (séraphique) voilà que soudain tout va bien, tout est clair et lumineux, pénible et joyeux. Dimanche, England,  green grass, chemise blanche, barbecue avec les voisins, bébé joli, sourire... trop beau pour être vrai ? On s'est beaucoup interrogé, avec Céline et David,  sur la fonction -et l'utilité ?-  de cette coda. Je pensais même, sur le coup, qu'il aurait peut-être été mieux d'arrêter le film avant, juste avant. Mais je réalise maintenant que c'est elle qui fait, très justement, le contrepoids. La force. Et qui me fait aimer encore plus le film.
Ca finit bien ? Ca fait croire que ça finit bien ? Ca rêve que ça finit bien ? J'aime que le point d'interrogation subsiste, qu'on nous montre une porte ouverte en nous disant tout bas qu'elle est peut-être fermée...

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(et je trouve l'affiche magnifique)

8 septembre 2015

micro148

(from Paris Back to Vesoul)

*
"C'te guerre-là, on la fait jusqu'au boutte
ou on la fait pas pantoute"
(bande-annonce avec l'accent québecois)

*

recrudescence des chignons de samouraï

*

paire de jumelles élevées au grain
prenant toute la place sur leurs deux sièges
(leurs sacs "cloutés")

*

"et il vend ça 3,50€, ce bâtard..."
(un gros papa, au Franprix, devant un sac de pain tranché Poilâne)

*

le joli jeune homme huilé frisotté cranté
et son téléphone rose dans sa poche arrière
(contraste)

*

envie de lui dire
"Madame vous êtes triste, ou vous avez un truc dans l'oeil?"

*

deux mecs, le soir, rue des Lombards :
"T'as un peu de salive, là, au coin de la bouche"

*

 un t-shirt avec un taureau derrière un mur
en deux images superposées

*

ce spécimen sublime que je suis jusqu'au métro Arts et métiers
il composte et part tout droit direction Levallois
alors que j'ai tourné à droite direction Galliéni

*

pas facile pour un couple de tenter de s'engueuler
dans un appart minuscule où deux autres personnes sont déjà en train de discuter

*

ce mec qui se lève chaque fois que le train arrive dans une gare
pour vérifier que personne ne va lui voler ses bagages

*

Roulant à 80 sur ce tronçon récemment limité à 80, je suis doublé rageusement par trois véhicules coup sur coup, qui ne ralentissent qu'après avoir croisé l'estafette des gendarmes qui leur fait des appels de phare, rageusement aussi

*

 le temps change,
comme un papier qu'on plie

*

7 septembre 2015

vuzaparis

(Dans l'ordre chronologique... il était temps!)

1 CEMETERY OF SPLENDOUR (PP) *****

... Que dire de plus ? un de mes films chéri-chéris de l'année

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2 DEEPHAN ****

Un post est en cours de rédaction... Curieusement, je l'ai trouvé plutôt moins dur que les films précédents de Jacquounet Audiard, toujours aussi fasciné (béat d'admiration) par le caïds et les petites frappes...

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3 LES SECRETS DES AUTRES ****
de Patrick Wang

J'ai raté le premier film du monsieur (In the family, et celui-ci pourrait d'ailleurs s'intituler In the family 2) et du coup, j'y allais un peu au petit bonheur, juste au vu de la bande-annonce (qui n'en raconte juste pas assez trop). Petit bonheur, justement, et même bonheur tout court... Une famille "moyenne", le papa, la maman, le fiston (en surpoids) la soeurette (en révolte) et la demi-soeur (en cloque). Il y a encore un autre personnage, absent, dont on va découvrir la présence progressivement, et l'importance qu'il a, en creux, dans l'histoire de cette famille. Un filmage magnifique, utilisant les surimpressions, le flou, le ralenti pour passer d'une strate temporelle à l'autre. Des séquences belles à pleurer (et j'ai pleuré, d'ailleurs). Un grand bonheur de cinéma.

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4 FRENCH CONNECTION ****

J'y suis allé parce que je ne l'avais jamais vu, à lépoque de sa sortie (je n'en avais pas du tout eu envie), qu'il ressort en copie neuve, et que dans la bande-annonce, Gene Hackman est vachement bandant. Le film n'est pas du tout un nième polar des seventies de came et de truands de plus, mais bien la description minutieuse d'une obsession (oui, on est bien chez Friedkin...). Hackman y est effectivement à couper le souffle. Au moins autant que "la" poursuite automobile/métro.

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5 LES ROIS DU MONDE (PP) ***

L'affiche était prometteuse (y jouent trois homme que j'aime énormément : Lopez, Cantona et Gouix, d'autant plus qu'il y en a deux qui se roulent une pelle dans le film je ne vous dis pas lesquels), le film tourne autour d'une Céline Sallette solaire (qui, ô joie n'est ni zonarde ni shootée ni malheureuse, au moins au début...) Dommage que la situation se grippe assez vite, dans ce village de Casteljaloux. Les personnages font du sur-place (Lopez, notamment en fait des tonnes, je devrais plutôt dire des litres, Gouix et Cantona sont résumés à des clichés, quant à Romane Bohringer elle est scandaleusement sous-employée). Et Céline Sallette finit vraiment très malheureuse (et le spectateur aussi).

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6 BOYS ****
Vu un matin au MK2 Beaubourg (ça ne passait d'ailleurs que le matin). Une belle histoire d'amour, de premier amour (l'affiche dit juste) entre deux jeunes gens, qui font partie de la même équipe (!) et s'entraînent pour une course de relais. J'adore ces histoires, les premiers émois adolescents, les tâtonnements, les hésitations, les "- Je ne suis pas gay..." "-Mais bien sûr que non...", et la jolie fin, qu'on espérait bien entendu depuis le début. Aussi jolie que les deux protagonistes. Délicieux.

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7 UNE FAMILLE A LOUER ***

J'ai longuement hésité : Y aller ou pas ? J'étais à l'UGC juste à l'heure de la séance, et j'avais un trou de deux heures. Et puis il y avait Benoît Poelvoorde. Eh bien c'est plutôt une bonne surprise, dans ce créneau a priori sans surprise de "la comédie formatée"... je l'ai préféré  au film précédent de Jean-Pierre Améris (Les émotifs anonymes, avec, déjà, Benoït Poelvoorde). Le couple-vedette fonctionne bien (lui en rajoutant dans l'engoncé et elle dans la surchauffe), et on voit même une Edith Scob très convaincante en mère désaimante. Les enfants me convainquent moins (on les dirait castés pour une pub l'ami-Ricoré-de-la-famille-recomposée), mais, encore une fois, tout finit bien, exactement comme on l'avait deviné depuis le début, (et François Morel est grand.)

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8 LE BOUTON DE NACRE (PP) ****

J'avais raté Nostalgie de la lumière, et j'ai donc saisi ma chance avec celui-là. Bonne pioche. Un documentaire chilien fascinant, qui démarre en nous parlant de la place de l'eau dans l'univers et se clôt sur les horreurs commises pendant la dictature de Pinochet, en évoquant les derniers survivants des tribus indiennes qui peuplaient le pays avant l'arrivée des conquistadors. Un récit comme au fil de l'eau, qu'on suit en écoutant le voix du réalisateur. Emouvant, impressionnant, bouleversant.

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9 VENTOS DE AGOSTO ****

Failli ne pas le voir (il ne passait qu'à une séance par jour au Luminor). J'ai bien fait d'insister. Encore un film brésilien passionnant (même s'il est très court et quasiment documentaire), construit autour d'un personnage de femme forte, et qui faisait parfaitement le joint avec le précédent, puisqu'il y est aussi beaucoup question d'eau (la mer, surtout). C'est très humide mais très chaud (avec une très jolie QV). Il y est aussi question des cimetières marins , et, accessoirement, d'un cadavre bien encombrant. J'ai vraiment beaucoup aimé ça.

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10 LA NIÑA DE FUEGO ***

Comme pour Une famille à louer, j'ai hésité parce que j'avais deux heures de libres, que c'était pile-poil le début de la séance, mais, surtout que je l'avais déjà vu (et pas trop aimé). J'y avais effectivement beaucoup dormi, et j'ai donc mieux compris certaines choses, et accessoirement un peu tempéré la sévérité de mon jugement initial (c'était le troisième film de la journée, quand je l'ai vu pour la première fois). Je maintiens qu'il se prend vraiment trop au sérieux, mais tout ça est plutôt bien fichu...

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11 LES MILLE ET UNE NUITS 2 LE DÉSOLÉ ****

J'ai vu le deuxième volume tout seul, et c'est celui que j'ai préféré dans la trilogie (même si je me suis un peu assoupi pour la première histoire, le reste est vraiment impeccable). J'adore l'histoire des Larmes de la juge, et celle du petit chien aussi...

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12 LES MILLE ET UNE NUITS 3  L'ENCHANTÉ***

... Et j'ai enchaîné aussitôt sur le troisième, avec Céline et David, cette fois, et je dois dire que si j'ai beaucoup aimé la première histoire (celle de Shéhérazade), je me suis beaucoup ennuyé à la seconde (celle des pinsons), qui aurait pu sans problème durer une heure de moins; (et c'est dommage de terminer, justement là-dessus, il aurait pu juste intervertir les deux.) Ceci confirme que, si Miguel Gomes est un cinéaste talentueux, il ne fait pas partie de mes chéris-chéris préférés.

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13 FEMMES AU BORD DE LA CRISE DE NERFS ***

... Et celui-là, pour fêter mon dernier jour, je l'ai revu avec grand plaisir, ça m'a rappelé ma jeunesse, les actrices sont grandioses, Banderas est tout jeune et tout mimi, les hommes sont des salopards et le gazpacho assaisonné aux somnifères. L'Almodovar que j'aime, celui des débuts, le chauffeur de taxi péroxydé, les doigts joyeusement dans la prise de la Movida...

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6 septembre 2015

petite musique des gens

LE TOUT NOUVEAU TESTAMENT
de Jaco Van Dormael

Dieu est belge.
Dieu est méchant.
Dieu est un sale con.
Dieu est une tête de noeud.
Dieu visse des boulons sur des lave-linges en Ouzbekistan.

Rien que pour m'avoir permis d'écrire des phrases comme ça, je dois remercier Jaco Van Dormael d'avoir fait ce film. Et j'en remettrais même une couche, pour m'avoir aussi permis de rajeunir. De 25 ans, même. En 1990 j'avais vu Toto le héros, son premier long-métrage, et j'avais adoré. C'était déjà le monde vu et raconté par un enfant, et j'avais trouvé ça touchant et drôle. Et puis, je ne sais pas pourquoi, je n'ai plus rien vu de lui, pendant longtemps. Et voilà que celui-là, juste par les affiches et le pitch, me faisait très envie. Et encore plus quand il s'est avéré que tous les critiques ou presque lui tombaient sur le râble en chantant en choeur "oh comme c'est nuuul" (avec les inflexions d'Orelsan).Alors que moi, j'ai juste retrouvé mes sensations de Toto le héros...
Mais quelle mouche les a donc piqués tous (ou presque) ? Sont-ils donc si pieux -rien que le mot fait mal- ("confits en dévotion", tiens on pense à Tartuffe) qu'ils ne supportent pas de voir l'être suprême ainsi (re)présenté (incarné, et c'est un sacré ongle, de Benoît Poelvoorde, même, bon qui nous la joue, ici, un peu -trop peut-être ?- Jack Nicholson dans Shining, même si c'est très plaisant de constater (cf plus haut) que Dieu est fou -de rage, mais pas que-.) S'agirait-il là d'une caricature ?
Non non non, juste une pure invention, et sacrément plaisante.
Donc c'est Ea, la fille de Dieu (elle a10 ans) qui nous raconte tout, la vie dans leur appartement d'éden ("sans entrée ni sortie") entre son père odieux (odieux le père hihi), sa mère déesse au foyer un peu nunuche (Yolande Moreau, qui nous la joue un peu -trop ?- femme de Jack Nicholson dans Shining (vous souvenez-vous qu'elle s'y appelle Wendy Torrence, et qu'elle est jouée par Shelley Duvall ?) mais en plus souriante) et la présence/absence de son frère J-C (on met son couvert à table , mais "c'est pas ça qui va le faire revenir...", heureusement la statue qui le représente s'anime de temps en temps pour qu'il puisse discuter avec sa soeurette, et lui donner notamment le moyen de quitter l'appartement par un passage secret, situé dans le tambour du lave-linge...)
Un jour, n'en pouvant plus (tiens, c'est du Gainsbourg ça) Ea décide de fuguer, mais avant, bidouille l'ordinateur paternel (Dieu passe son temps à inventer des lois idiotes de l'emmerdement maximum, à destination des hommes, sur un vieil ordi, posé sur une vieille table qui est le seul mobilier de sa table de travail, dans une pièce à mi-chemin entre l'adminsistratif de Brazil et l'archive funéraire de Boltanski), et en profite pour envoyer par sms à chaque humain la date de sa mort. Ce qui cause ici-bas (enfin, là-bas-bas vu depuis chez eux) un sacré barouf.  Chaque humain (pourvu d'un téléphone) peut désormais suivre en temps réel le décompte du temps exact qu'il lui reste à vivre (oh la jolie idée).
A peine sortie de son tambour de machine à laver (arrivée sur terre donc)  Ea entreprend de trouver des disciples comme l'avait fait son frère, mais juste 6, (pour parvenir au nombre de 18, le nom de joueurs d'une équipe de hockey, le sport préféré de sa mère) et réquisitionne un clochard qui dormait là pour servir de rédacteur du tout nouveau testament qu'elle entreprend de rédiger... et Ea découvre donc la condition d'humain... Ce que ne va pas tarder à faire non plus son furibard de (dieu le) père, parti à sa poursuite par le même chemin, et déboulant dans le même lavomatic mais pas du tout dans le même état d'esprit...
On suit Ea, à la recontre de ses 6 apôtres (elle a tiré six fiches au hasard) dont les histoires nous seront contées l'une après l'autre, tandis que pour eux, c'est le temps qui leur sera,  compté.
Dans ce "il était une fois", c'est comme s'il y en avait six autres, plus petits (un pour chacun des "apôtres"), et on découvre ces portraits avec grand plaisir, toujours à mi-chemin entre le sucre et l'aigre-doux. Avec l'absolue méchanceté de Dieu/Poelvoorde pour faire contrepoids. (Plus le méchant est réussi, et plus le film l'est, et quand le méchant est Dieu, alors...) D'autant plus, qu'en face, les nouveaux apôtres, ils pourraient  bien assurer dans le malheur et le tire-larme (une demoiselle avec un bras artificiel, un tueur insensible, un obsédé du cul, une bourgeoise bovaryenne qui cherche son Max, un garçon qui veut devenir fille) sauf que non justement, Jaco Van Dormael et Thomas Gunzig, son co-scénariste ne s'appesantissent jamais sur le pathos, et réussissent à chaque fois à tirer les commissures de la sitution vers le haut, du côté du sourire (une pensée spéciale pour François Damiens dans un rôle tout en retenue) mais ils sont bien aidés par la dea ex machina (oui, cette fois, c'est au féminin.)
C'est vrai (les méchants critiques l'ont persiflé, les gentils aussi l'ont admis) qu'il se mêle à tout ça (tiens ça c'est du Brigitte Fontaine) un parfum d'Amélie Poulain (mais Amélie Poulain n'avait-elle pas elle-même, justement, comme un parfum de Toto le héros ? Je vais aller vérifier ça bientôt...) en tout cas, si c'est le cas, ça ne me gène absolument pas. J'ai aimé Amélie Poulain autant que j'ai aimé Toto le héros, (et autant que j'aime ce Tout nouveau testament) et j'adore la tendresse, la poésie, l'humour, l'irrévérence, les références à l'enfance, les adresses au spectateur, les références et les clins d'oeil, le mélange de candeur et de roublardise, et cette façon de passer du sourire à la larmichette (et vice-versa), proprement jubilatoire.
Un film que je reverrai avec grand grand plaisir, ce qui est un signe qui ne trompe pas... En ces époques mollassonnes de "comédies à la française" formatées grande distribution, sans grande saveur ni imagination, industrielles, ça fait grand plaisir d'avoir à se mettre sous la dent ce truc qui grince et qui croque, parfois même qui poisse et qui colle (il y en a pour tous les goûts, vous dis-je) mais qu'on déguste avec gourmandise, jusqu'à la dernière miette (le générique de fin, 100% brodé main, est une merveille, et restez bien jusqu'au bout du bout!).

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