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ANSELM
de Wim Wenders
Troisième semaine de notre Mois du Doc, et programmation double (deux films à trois séances chacun). Après CORPS la semaine dernière, là il était question d'ART, avec un focus sur deux artistes chacun par un réalisateur. Jeudi après-midi, on a donc commencé par celui-ci (j'étais avec Catherine). Anselm Kiefer vu par son "jumeau" Wim Wenders. J'avais découvert Kiefer au Grand palais Ephémère, en 2021, dans une expo monumentale (dans tous les sens du terme), grâce à Dominique, qui nous y avait emmenés.
(J'ai d'ailleurs retrouvé dans le film des fragments de cet accrochage très très impressionnant, ou qui en tout cas y ressemblaient beaucoup.) d'après ce que j'ai pu en voir.
(Oui oui je dois l'avouer, je n'ai pas été du tout à la hauteur, sur le coup, tellement j'ai été terrassé par le sommeil... Pourtant je luttais. Mais dans ces cas-là, vous savez comme c'est : on n'y peut rien, on ne peut pas lutter.
J'ai aimé tout ce que j'ai vu (ce mec est quand même un sacré bonhomme, et on sent l'admiration que WW lui porte), découvert que la dernière exposition n'était que la partie émergée de l'iceberg d'une oeuvre gigantesque et protéiforme qui évolue et se ramifie depuis les années 70.
Sur l'écran c'était passionnant, mais j'étais juste un peu gêné par la musique. Que j'ai trouvé par moments (surtout au début quand j'étais encore les yeux grands ouverts) pompeuse et envahissante.
A la toute fin, quand les lumières se sont rallumées (bien entendu juste avant le générique de fin) mes yeux aussi avaient fait la même chose, mais je me trouvais un peu... déplacé. Ahuri, ne méritant pas ma place là, ni bien sûr le droit d'émettre la moindre critiuqe ou remarque (j'ai quand même parlé de la musique, mais ça n'avait pas du tout dérangé Catherine, dont les yeux brillants me signifiaient combien elle avait -beaucoup- aimé le film... Et moi comme un gros benêt, j'en ai manqué plus de la moitié.)
à bicyclette
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RICARDO ET LA PEINTURE
de Barbet Schroeder
Celui-ci, c'est Hervé qui l'avait -avec une certaine insistance- suggéré, dès le départ, pour faire la paire avec le Wenders, et j'avoue que le projet ne m'enthousiasmait pas plus que ça : un peintre que je ne connaissais pas, filmé par un cinéaste qui ne m'était pas plus proche que ça... "Eh bien allons-y donc voir..." me suis-je dit.
Je n'en attendais rien, et j'en ai donc pris une claque d'autant plus phénoménale, à la hauteur de la dernière phrase prononcée par le réalisateur, Barbet Schroeder, avant qu'il ne disparaisse du champ : "CE SERAIT BIEN DE POUVOIR CONTINUER DANS CE BONHEUR TOUS LES JOURS..."
(Il me semble bien que le film a produit ce même effet euphorisant sur TOUS les spectateurs, d'après les discussions que j'ai pu saisir à la sortie de la salle).
Soit donc un peintre (d'origine argentine), Ricardo Cavallo, qui parle (beaucoup, avec un délicieux accent argentin) de peinture et de peintures (de la sienne et de celle des autres), qu'on voit peindre, aussi (il réalise des images monumentales qu'il fractionne en centaines de carrés ou de rectangles juxtaposés, avec ou sans solution de continuité -terme qu'il me semble utiliser à contresens mais bon- .) Qu'on voit peindre, qu'on écoute parler, et qu'on regarde vivre aussi. Des choses simples : on marche, on discute, on mange, on se souvient. Les deux hommes (le peintre et le cinéaste) se connaissent depuis longtemps, sont amis de très longue date, et le film, donc, évoque autant le thème de l'amitié que celui de la peinture. (Est passée d'ailleurs fugitivement, dans le champ de ma mémore, l'aile tutélaire et amicale de l'ange bienveillant Alain Cavalier, surtout dans son tout dernier opus, le bien nomme L'AMITIÉ, justement).
On en apprend de belles. Hygiène de vie spartiate de celui qui s'est habitué à manger du riz à tous les repas, à dormir par terre et avec la fenêtre ouverte quelle que soit la saison. Goûts picturaux (notamment une admiration immodérée pour Velasquez, dont plusieurs tableaux seront commentés, notamment le -déjà connu mais néanmoins fascinant- LA FORGE DE VULCAIN.)
Cet homme pour qui la peinture -et l'acte de peindre- constituent la majeure partie de sa vie. Et qu'on ne se lasse pas d'écouter, médusés, émerveillés, enthousiastes (même sans être forcément aussi subjugués par ce qu'il peint). La peinture, entre vocation et religion.
Avec, en plus, vers la fin, une scène touchante, où il nous ouvre les portes de son "école de peinture" (gratuite) où il donne à des gamins la possibilité de peindre ("avec du bon matériel") et de représenter les animaux en plastique qu'ils auront choisis (leurs sujets). La séquence est particulièrement plaisante, d'autant plus qu'elle est montée en parallèle avec Ricardo en train de peindre, dans sa grotte (qu'on verra depuis le début jusqu'à la toute fin du film) mettant à plat, sur le même plan, les coups de pinceaux, les tracés, les à-plats, des tout petits et du grand (du papy). Une sorte d'universalité de la trace colorée qu'on pose et de la force qu'elle génère.
Sans oublier l'autre parallèle, cette fois induit délibérément par le réalisateur, entre le tableau en train de se faire et le film, lui aussi, en train d'être fait. Work in Progress. On voit les techniciens, la perche, le réalisateur qui passe -cavalièrement hihi- dans le champ. on cherche le meilleur angle de prise de vues, on visionne des séquences, on filme le clap de début de séquence. On fait feu de tout bois, tout fait sens pour que naisse l'image juste "parfaite", celle qu'on a en tête et qu'on aimerait matérialiser de la manière la plus juste possible.
Vous aurez sans doute remarqué qu'il y a deux nombres avant le titre du film, car, eh oui, je l'ai vu deux fois, le lundi à 13h30 et le mardi à 18h. car j'étais frustré de m'être un peu laissé surprendre par le sommeil à la séance de 13h30, et je voulais être bien sûr d'avoir tout vu. J'avais en effet, je m'en suis rendu compte à la deuxième séance, zappé une séquence entière, celle chez le viticulteur / mécène, où il est question d'arbre, de tableau, de racines, et de fûts de chêne, justement. Tout est dans tout.
Oui, "ça serait bien de pouvoir continuer dans ce bonheur tous les jours..."
Top 10, pour le bel effet de surprise, et la totale jubilation.
Et Velasquez.
le tableau à 360°