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lieux communs (et autres fadaises)
17 novembre 2023

héron pélicans et perruches

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LE GARCON ET LE HÉRON
de Hayao Miyazaki

Oh oh, il passe à Vesoul dans le bôô cinéma avec 2/3 de séances en VF et le reste en VO. Et je me disais que ça ne m'aurait pas extrêment dérangé de le voir en VF (MOI VOISIN TOTORO, découvert via Ecole et Cinéma, je ne l'ai pratiquement vu que comme ça, en VF).
Pour cette séance en VO de 15h30 nous étions deux dans cette très grande salle 11 (moi tout en haut et un autre spectateur presque tout en bas).
J'ai vu pas mal de films du sieur Miyazaki, j'ai été sensible à leur poésie, mais j'ai eu toujours une certaine résistance vis-à-vis de ses "monstres" : les vieillards boursouflés, qui reviennent souvent, et les créatures magiques.
Ici il va y en avoir pléthore (le film dure plus de deux heures, et il en est plein à ras bord, tellement que parfois ça déborde et ça submerge.) Je dois avouer que j'ai fini un peu par me lasser, et qu'une demi-heure de moins m'aurait laissé dans un état plus... léger.
Partout, des gens crient au génie, au sublime, au chef-d'oeuvre, se prosternent, déchirent leur chemise en signe d'adoration... Mouais. Je serai beaucoup plus modéré dans mon enthousiasme. A cause des monstres de Miyazaki, je l'ai écrit plus haut. Les vieux et les vieilles (déjà dit aussi), et, surtout, le pire : réussir à transformer un magnifique héron en gnome au gros pif rouge boursouflé (qui vit à l'intérieur).
L'histoire est plutôt très complexe (il est clair que ce n'est pas tout à fait un film pour les enfants), avec mort de la mère (ça, ça ne peut que me bouleverser) voyage initiatique, univers parallèles, grouillement et multiplication des assaillants, (une fois des pélicans, et l'autre des perruches) péripéties échevelées (et j'avoue que je ne me souviens déjà presque plus de la fin...)
Voilà, c'était très bien. Mais c'était pas géniâââââl, faut quand même pas pousser le bouchon trop loin hein. Un peu trop (auto-) référencé pour moi (qui ne connaît pas assez, en détail, l'oeuvre de Miyazaki). Bouillonnant, foisonnant, péripétant (comme péripéties, hein, pas comme péripatéticienne...) tonitruant, parfois boursouflé comme ses vieillardstrès riche, trop riche (si j'ose écrire saoulant je vais me faire taper... hein). Alors que, comme le chante Françoise Hardy dans LA SIESTE "Et moi c'qu'il me faut c'est d'la douceur..."
Je préfère retourner pour la centième fois me lover dans les bras de TOTORO, hein...

(mais si vous voulez en savoir -beaucoup- plus, je vous renvoie à cette très belle -et très fouillée- critique -

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le garçon

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les mamies

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(Belle-)Maman c'est toi, la plus belle du monde...

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un petit côté Alice, non ?

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le vilain Roi-Perruche

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les warawaras (eux ils ont trop mimis...)

 

16 novembre 2023

backroom

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THE OLD OAK
de Ken Loach

Bon a priori je n'en avais pas terriblement envie, mais Catherine a su me convaincre (par le seul fait qu'elle venait à la séance.
Ken Loach, c'est une longue histoire (depuis l'impressionnant FAMILY LIFE, terrible, en 1971, mais que je pense n'avoir vu qu'un peu plus tard...). Je l'ai suivi avec une certaine régulaité pendant toutes ces années, bon gré mal gré  (je me rappelle ainsi avoir terriblement dormi à LE VENT SE LEVE (2006), d'avoir adoré LOOKING FOR ERIC (2009), LA PART DES ANGES, (2012), THE NAVIGATORS (2001) , MY NAME IS JOE (1999), avec le charismatique Peter Mullan) alors que d'autres de ses films m'ont laissé moins de souvenirs...)
Et à Cannes il se disait que, à plus de 80 ans, il réalisait peut-être là son dernier film (d'ailleurs il n'est plus tout seul aux commandes...).
On connaît grosso-modo l'univers loachien : c'est très britton (ne manquent ni une tasse de thé ni une pinte (et les suivantes) au pub), il sera question de social (grèves, manifestations, licenciements) et aussi (c'est ça qui compte, d'amitié et/ou d'amour (c'est ça aussi qui compte grave...) sauf que ça ne finit pas toujours bien -hélas c'est un peu comme dans la vraie vie...-.
Un personnage hyper-attachant est au centre du film, TJ Ballantynes, (interprété par Dave Turner, qui appparaissait déjà ds le SORRY WE MISSED YOU du même Ken Loach, mais dans un rôle beaucoup plus fugace), patron du pub qui donne son titre au film. Un vieux pub, dans une vieille bourgade, avec des vieux habitués, qui jacassent autour d'une pinte. Une vieille routine, un peu mortifère, qui va être bouleversée avec l'arrivée -en bus- d'un groupe de réfugiés Syriens, et l'appareil-photo cassé d'une jeune Syrienne (le film s'ouvre, très joliment, par une série de photographies en noir et blanc, avec en off les dialogues qui vont avec), appareil-photo cassé à cause d'un grand con de britton qui ne voulait pas qu'on le photographie (mais, surtout, que le Syriens débarquent dans son patelin...)
La jeune fille s'appelle Yara, le vieux TJ buriné va sympathiser avec elle, et, ensemble, ils vont oeuvrer au rapprochement des deux communautés. Ca aura beaucoup à voir avec une certaine backroom (les gays aussitôt dresseront l'oreille, mais non non détrompez-vous ça n'a rien à voir...) la "pièce du fond" (derrière le pub de TJ) qui va devenir le coeur battant de cette (jolie) histoire, permettant habilement au scénariste Paul Laverty de brasser plusieurs thèmes loachiens (la grève des mineurs, la solidarité, l'aide aux déshérités, le racisme au quotidien, la cohabitation, les petites gens, les grands cons du cru) en y cristallisant en même temps toutes les rancoeurs et tous les espoirs.
Je me suis laissé totalement séduire par le film, et j'ai été particulièrement touché par deux scènes avec TJ qui se passent sur la plage, la première lorsqu'il raconte à yara comment il avait rencontré sa petite chienne (qui a un rôle important dans le film), et la seconde, qui se passe au même endroit et avec le même mood, où c'est cette fois une jeune fille dévalant le sentier côtier en criant qui va jouer le même rôle (voyez le film, vous comprendrez mieux...)
Après le Guédiguian de la soirée d'ouverture, (ET LA FÊTE CONTINUE!), qui "fait du bien", voilà le nouveau film de Loach, qui produit le même effet, et nous réchauffe sacrément bien! Thank you donc (ou plutôt, Choukrane..., ou, encore plus précisément شكرا)

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TJ

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Yara

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les vieux cons

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the backroom

 

14 novembre 2023

viscères

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DE HUMANI CORPORIS FABRICA
de Verena Paravel et de Lucien Castaing-Taylor

Deuxième film du Mois du Doc. A trois séances aussi puisque nous l'avons programmé en tandem avec NOTRE CORPS, de Claire Simon. J'ai cru que j'allais avoir droit à une séance privée mais est arrivée une dame qui, me semble-t-il, voit beaucoup de nos films... Deuxième film, bon, on était deux, et les réalisatrice / teur aussi, donc, numérologiquement, ça se tenait (je dois avouer que je suis régulièrement déçu par les audiences des films que nous programmons dans le cadre) de ce Mois du Doc.) Duo de réalisateurs à qui on doit l'impressionnant LEVIATHAN (2013, quand même) que nous avions programmé (peut-être même déjà dans le mois du Doc ?). Sur un bateau de pêche en pleine mer (avec le mal de mer et les éléments déchaînés qui allaient avec)
Un navire dans la tempête, c'est un peu ce à quoi on pourrait comparer le système hospitalier contemporain  qui constitue le thème de ce film-ci. Fort astucieusement, le film joue des différents niveaux d'"exploration d'un corps" : physique, littéral (les chirurgiens qui vont à l'intérieur du corps des patients) et métaphorique : état des lieux "sur le vif" d'un système hospitalier français, lui aussi en souffrance et montré tel que, sans prendre de pincettes, avec des praticiens "en action", qu'ils soient en train de pratiquer (des interventions) ou de les commenter. Des corps en souffrance.
On peut être un peu décontenancé au début du film, qui louvoie un peu avant de nous immerger franco dans le vif du sujet (scalpel en main). On suit d'abord un vigile, accompagné d'un chien, filmés nerveusement (on a déjà vu les deux réallisateurs à l'oeuvre sur LEVIATHAN, et on était vraiment dans le bateau, jusqu'au cou et même un peu plus haut...)
Ici, le résultat est moins immédiatement immersif (même si j'adore cette mise en jambes initiale, sauf qu'elle aurait tout à fait pu être le début d'un autre film, qu'importe...) On aborde ensuite le monde hopitalier (si je souviens bien) en plan fixe et derrière une vitre dépolie, où l'on écoute des infirmières parler, de ci, de ça, de leur travail, de leurs problèmes...
Ce que j'apprécie, c'est qu'il n'y a pas d'intertitres (c'est seulement au générique de fin qu'on découvrira toute la palanquée d'hôptaux, cliniques, et services hospitaliers divers) et qu'on suit donc, en observateur captif, la suite (l'alternance) des scènes, gens vus du dehors (dans les couloirs) ou du dedans (microcaméras embarquées, dont on suit le périple parfois en temps réel et en son direct, et (moment de déglutition) les scènes au bloc opératoires, filmées avec toute l'objectivité (la crudité) et la proximité nécessaires pour parfois vous pousser à mettre votre main devant vos yeux pour ne pas tout à fait voir (les deux moments les plus emblématiquement malaisants étant une césarienne -filmée de a jusqu'à z- et une intervention pratiquée sur un jeune homme auquel on visse une double série de boulons -et les deux tiges parallèles qui s'y insèrent - le long de la colonne vertébrale (ou de la moëlle épinière ?).
Il y a aussi moins viscéral, un contrepoint humain (deux mamies dont l'une accompagne l'autre trèèèès doucement le long des couloirs, et aussi ce monsieur, qui relève visiblement de psychiatrie, qui réussit à se faire libérer de sa chambre, et qu'on retrouvera à la fin en compagnie d'un, puis deux infirmiers, chargés de la lui faire réintégrer.
Les scènes de couloirs ont ceci de spécial qu'elles sont accompagnées par ce qu'on pense être reconnaître comme le cri d'un paon, répétitif, stressant à la longue, mais qu'on découvrira à la fin de la séquence issu de la bouche d'une patiente, qui souffre et qui le manifeste.
L'hôpital, quoi...
J'ai pensé à une autre scène d'hôpital qui m'avait parfaitement terrifié, celle de L'ÉCHELLE DE JACOB (à base de brancards, de roue qui  couine, de sous-sols labyrinthiques, de patients, qui n'était finalement pas si éloignée de la version "clinique" -et objective- que nous en donnent ici V. Paravel et L. Castaing-Taylor).
Un film impressionnant, malaisant, hyper-réaliste. Une immersion brutale (et partiale ?) vertigineuse dans un univers parfois déstabilisant qu'on n'a pas l'habitude de voir appréhendé de si incisive façon. Où les deux réalisateurs confirment l'acuité de leur regard.

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10 novembre 2023

ça a eu lieu

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A PAS AVEUGLES
de Christophe Cognet

Le premier film de notre rituel Mois du Doc (dont je trouve la programmation cette année particulièrement soignée). Trois malheureuses petites séances hélas pour lui (j'ai déjà évoqué le triste effet "vacances" produit chez le programmateur).
Un sujet particulièrement sensible (l'évocation de photos prises clandestinement dans les camps de concentration). Un film puissant et implacable, très intelligemment construit (on progresse de la périphérie vers le centre de l'horreur) qui s'ouvre et se clôt sur l'image de ce qu'on croit être des petits cailloux, mais qui se revèle être des fragments d'os de détenus qui remontent à la surface chaque fois qu'il pleut.
Un film sidérant. J'ai senti au début monter comme une crise d'angoisse, ça m'a atteint physiquement, (j'ai toujours été très éprouvé par tout ce qui a trait aux camps), et dans les dernières scènes, j'ai sentir monter la nausée, j'ai cru que j'allais vomir, tant ce qui est évoqué est insoutenable. Car il ne s'agit que d'évocation. Comme dit un intervenant à propos de photos qui viennent presque à la fin "Si une de ces femme avait un visage identifiable, cette image serait inregardable..."
Le film est très calme, à chaque scène des gens manipulent et commentent ces fameuses photographies, où ne figurent que des détenue(e)s, avec une gradation dans ce qui est montré (et l'endroit du camp où l'image prise se situe.)
Souvent il est question de reconstitution, de tenter de retrouver avec le plus de précision possible comment chacune de ces photographies a été prise...
Et chacune de ses séquences est "commentée" par des intertitres, en blanc sur fond noir, chacun apportant des précisions nécessaires.
Un film insupportablement fort. Nécessaire.

"Le film peut aussi être vu comme une série de dialogues à trois, où aux échanges entre le cinéaste et les historiens tente de répondre la cheffe opératrice s'interrogeant à son tour sur l'endroit où placer sa caméra ; filmé en pellicule, A pas aveugles insiste sur l'importance matérielle de situer ces images, alors que non seulement rien ne subsiste de ce qu'elles ont saisi, mais surtout rien de ce qui y figure ne nous est tout à fait concevable. Des bouleversantes photos de trois femmes dites "lapines" (cobayes) montrant à la caméra de Joanna Szydlowska les blessures qu'elles ont subies, aux terrifiants clichés pris par Alberto Errera depuis une chambre à gaz, Cognet et Bozon s'acharnent à reconstituer ces traces et à les mettre en place parce que le faire, comme l'affirme un carton final, équivaut à exprimer leur substance même : "ça a eu lieu"."  Cahiers du Cinéma

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9 novembre 2023

trois hommes dans un lit

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UN PRINCE
de Pierre Creton

Et voilà. Contrairement à mes principes, je vais sortir un dimanche soir pour voir un de "nos" films. Pourquoi ? Parce qu'il ne passait pas avant. Eh oui, dans le bôô cinéma, le programmateur a décidé que pendant les vacances scolaires, les spectateurs n'avaient le droit de voir que des courgeries, mais surtout pas les films que nous programmons... Certains films auront droit à entre vingt et trente séances par semaine, tandis que celui-ci n'en aura que trois : une ce soir, une lundi et une mardi, et basta. Même régime (sec) pour le premier film du Mois du Doc, A PAS AVEUGLES, qui n'aura droit lui-aussi qu'à 3 séances, deux le lundi et une le mardi. Et tout ça m'a mis dans un certain état de vénéritude. mais bon, dans le bôô cinéma, il semblerait que ce que le programmateur a décidé, personne d'autre ne peut (ou veut) le modifier...
Donc, UN PRINCE... J'ai chroniqué, il y a quelques temps, (ici), le précédent film de Pierre Creton, LE BEL ÉTÉ (2019), entraperçu à la sauvette (pléonasme, non ?) à Besac, et, un peu plus tôt, celui d'avant, VA,TOTO! (2017) -- que nous avions programmé nous-mêmes avec nos petites mains dans le bôô cinéma... Et je réalise que je pourrais reprendre ce que j'avais écrit sans presqu'en changer une ligne.
Tiens, déjà, il y a une image en commun (lapsus j'avais écrit en copain) entre UN PRINCE et TOTO, et quelle image!  : trois hommes -d'âges divers- couchés dans le même lit (et c'est même un plan-clé dans UN PRINCE : celui où le jeune homme se lève, tout nu, sort du champ, et est remplacé par le réalisateur lui-même, aussi nu mais beaucoup plus velu, qui vient prendre sa place -qu'on imagine toute chaude- sous les draps, tout ça filmé dans le reflet de l'armoire... Et c'est le temps qui passe...
J'avais oublié que dans VA, TOTO! eétait déjà en place  cette pratique des voix-off (et que, déjà, c'étaient certaines de ces voix amies qui officiaient : Françoise Lebrun, Grégory Gadebois, Mathieu Amalric, lui, y ayant été acteur) et qu'on retrouvait aussi déjà au générique Vincent Barré et Mathilde Girard, qui sont intervenus sur les  trois films (et semblent  faire partie de sa garde (très) rapprochée).
Comme Vincent Dieutre, Pierre Creton est un artiste / un bear / un gay / un intello (entourez le terme que vous préférez) qui met dans ses films des morceaux de sa vraie vie (et vice-versa), mais dans une manière encore plus chantournée que celle de Vincent D. (qui est pourtant, au départ le prototype de l'intello tourmenté ++). Histoires d'hommes, de corps, de désir, d'art (l'art et la manière, bien sûr), de culture, de travail de la terre, d'érudition, de pornographie (envisagée "intellectuellement" j'y reviendrai), bref un mélange qui me comble et me ravit. Un terreau fertile. Tout pour plaire (et prendre racine). Un film avec les pieds très dans la terre et la tête très dans les nuages.
Pierre Creton est presque sur tous les fronts. Il filme, mais il écrit (très souvent, le coffret dvd se compose d'un film et du livre qui va avec, du texte en surimpression, un genre de "discours intérieur" accompagnant chacun des personnages principaux (trois ici : Pierre-Joseph, Françoise et Alberto -et il me semble que vers la fin un quatrième a droit aussi à sa voix-off perso). Et j'aimerais beaucoup avoir le texte de ce film-ci : Françoise parle d'abord de Kutta, puis de Pierre-Joseph, Alberto parle de plantes et de Pierre-Joseph, et Pierre-Joseph parle de son rapport -le plus souvent désirant- avec les hommes qui l'entourent (il commence par évoquer la bite de son cousin, puis  celle de son père, dans une évocation aimablement crue qui peut paraître surprenante au premier abord, lorsqu'elle fait irruption dans le "discours intérieur" jusque là plutôt retenu, et des différents homme auxquels il a eu affaire, qu'il a désirés, et avec qui il a fait l'amour (C'est un monde merveilleux comme celui de Guiraudie, où il suffit de désirer un homme pour faire illico l'amour avec lui. Un mon de rêve.)

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Pierre Barray, Pierre Creton, et Vincent Barré


A la deuxième vision, cet après-midi, (j'étais assis à côté de Catherine) j'ai pensé qu'on pouvait (avec elle) tout à fait -vraiment- partager ce film, puisqu'elle aime autant les plantes (le végétal) que j'aime les hommes (le sexué), et que le film serait fait presqu'à 50/50 de l'un et de l'autre.
Un récit singulier, conçu comme un herbier fantasmatique où la sexualité (la sexualisation) viendrait comme par transparence (comme, dans le film, un dessin de plante révèle en-dessous, lorsqu'on le met à la lumière, une vigoureuse pornographie sous-jacente ("une belle plante" commentera Adrien.)
Un univers à la lisière du conte (pas trop au milieu des ronces), comme le précise un des personnages au moment de la construction de la cabane, qui fraterniserait avec celui d'Alain Guiraudie, où les mâles génèrent un genre de désir diffus qui se répand sur la campagne environnante, faisant de chaque autre mâle rencontré, quelque soit son âge (ça fait plaisir, que dis-je, très plaisir de voir qu'enfin les plus de 60 ans, les "jeunes séniors" (et même les un peu plus âgés) ont droit à une sexualisation, oui, une sexualité visible (chez Creton ils s'embrassent beaucoup), un univers où tous les hommes, qu'ils soient professeur de botanique, élève, propriétaire de serre, chasseur, apiculteur, sont tous, à la fois, désirants, désirés et disponibles...
Un récit attentif, polysémique (osons les grands mots, le récit s'y prête), avec des plans sublimes (j'ai déjà évoqué la scène de lit à trois, mais je pourrais évoquer la "disparition" de Kutta, ou même la scène de la battue, simplissime a priori mais d'autant plus fascinante (soutenue par la musique passionnante de Jozef Van Wissem).
Et je ne peux pas ne pas ranger ce film si particulier sur l'étagère de mes bibelots marquée "Top 10"

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ps : (cela me revient après coup) il est extrêmement rare d'entendre citer un extrait de Philippe Jaccottet dans un film qui n'est pas un documentaire sur lui. Philippe J. apparaît par la bande, avec des fleurs jeunes et une voix de chemin de fer, je crois.)

3 novembre 2023

dirhams

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DÉSERTS
de Faouzi Bensaïdi

Vu juste après le film de Yolande Moreau (donc, il avait intérêt à être bien. Et il le fut).
Un film marocain de grandes dimensions (dont l'image occupait TOUT l'écran, ça n'est pas si fréquent) avec deux mecs en costard cravate qui roulent dans le désert pour aller récupérer des dettes (crédits non remboursés) chez les très pauvres des villages miteux au milieu de rien (ou de nulle part, ce qui revient au même). Un rond placide et un petit barbu nerveux et colérique. Mehdi et Hamid. Qui sillonnent des paysages désertiques et grandioses dans une vieille bagnole rouge pourrie pour aller gratter quelques dirhams chez des villageois qui n'en ont pas (des dirhams) ou presque. Kilomètres dans la poussière, paysages à couper le souffle, rencontres de personnages plus ou moins pttoresques et/ou décalés (dont le réalisateur lui-même, en épicier aussi fataliste que saisi.)
Rien que ça, on se régale.
Et voilà soudain qu'au détour d'une rencontre (un chasseur de primes qui doit rentrer chez lui d'urgence pour s'occuper d'un décès dans la famille) nos deux zozos se trouvent en charge d'un "terroriste" menotté à ramener en cellule, et voilà soudain le film pris en otage, kidnappé, par un second récit, un autre film, presque. Une autre histoire, un autre rythme, une autre ambiance (même si on reste  dans les mêmes décors sublimes et hallucinés). Un poor lonesome cow-boy, un cheval, un fusil. Et une femme et un chien.
Et que le film va donc avancer clopin-clopant (les deux zozos / le cow-boy), donnant au récit un rythme un peu bancal (et, en ce qui me concerne, mais c'est juste parce que j'avais très envie de faire pipi et je ne voulais pas sortir de peur de manquer la fin, au bout d'un moment cette terrible sensation dite "des fausses fins", ressentie pour la dernière fois devant L'ARBRE AUX PAPILLONS D'OR, vous savez... on a une très belle séquence, on la suit jusqu'au bout, on se dit "tiens, là, ça pourrait être la fin..." et non, juste après un autre plan commence, à la fin duquel on se dit "tiens, là aussi ça pourrait être la fin..." et non, rebelote , et voilà qu'encore une autre séquence... etc.).
Le film alors flotte un peu (il faudrait que je le revoie dans un état plus... tranquille). Jusqu'aux scènes vraiment finales, qui bouclent très intelligemment la boucle en faisant se tisser, se nouer, se rejoindre, les deux histoires, avant un plan final de toute beauté...

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ps : et voilà qu'en fouinant sur allocin*che, je découvre que j'ai déjà vu un film de Faouzi Bensaïdi, WHAT A WONDERFUL WORLD (2007), - purée, seize ans!- et que ce que j'en avais -très enthousiastement- écrit (ici) pourrait tout à fait s'appliquer à ce film-ci.

2 novembre 2023

FAL 2023

8 livres, pour un total de 22€

L'AUTOFICTIF NU SOUS SON MASQUE
d'Eric Chevillard : 6,50€ (Rak*ten : 8,62€)

RAPPORT SUR MOI
de Grégoire Bouillier : 0,50€ (Rak*ten : 0,90€)

BARBES TRILOGIE
de Marc Villard : 2€ (Rak*ten : 3,25€)

IDIOTIE
de Pierre Guyotat : 2,50€ (Rak*ten : 6,53€)

LA BELLE ECHAPPÉE
de Nicholson Baker : 4€ (Rak*ten : 39,99€)

OEUVRES *
de Stefan Wul : 2€ (Rak*ten : 2€)

FIN DE SAISON
de Thomas Vinau : 2€ (Rak*ten : 4,66€)

ME VOICI
de Jonathan Safran Foer : 2,50€ (Rak*ten : 0,90€)

Comme je le fais chaque année, j'ai comparé avec ce que j'aurais payé les mêmes ouvrages chez mon fournisseur web habituel (en omettant de prendre en compte les frais d'envoi). Donc cette année je suis incontestablement gagnant...
Nous sommes donc restés sour le même toit de 11h à 17h, et comme on disait pour terminer les rédacs, "sommes rentrés fourbus mais très contents de cette belle journée".
(Et Philou a conduit valeureusement, et on l'en remercie).

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31 octobre 2023

cerf en ciment

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LA FIANCEE DU POETE
de Yolande Moreau

Ah, cette Yolande... A chaque fois, que ce soit en tant qu'actrice ou réalisatrice (ou même les deux, comme ici), elle rafle la mise. A chaque fois.
Ce film-ci est un film adorable (c'est le mot que j'avais en tête pendant toute la séance), d'autant plus que 1) je venais de recevoir de très bonnes nouvelles par sms 2) j'étais assis en compagnie de trois de mes "dames de coeur" (Catherine d'abord, qui fut suivie par Manue et Emma...) bref que j'étais dans les meilleures dispositions pour le voir...
C'est donc l'histoire de Mireille, qui rentre chez elle en autobus (dans une grande maison un peu délabrée), qui revient de quelque part mais on ne sait pas encore d'où (on saura bientôt le pourquoi et le comment), qui croise le curé du village en train de promener ses petits chiens et discute un peu avec lui, (curé qui est joué ô surprise par William Sheller!) curé qui va lui conseiller de prendre des locataires dans sa grande maison, histoire de récolter un peu d'argent...
Toc toc! le premier locataire est un jeune homme, étudiant aux Beaux-Arts, le second (dont le curé lui avait parlé) est -surprise-, Grégory Gadebois, un jardinier à la coiffure... équivoque (et qui d'ailleurs par la suite s'avèrera -de façon exquise- être plutôt une belle jardinière), suivi par un cow-boy musicien folk (joué par Esteban, à la tignasse et au phrasé si particuliers et reconnaissables), qui va s'avérer ne pas être tout à fait ce dont il a l'air (ou ce qu'il veut faire croire qu'il est...), trois locataires qui seront bientôt rejoints par un quatrième, le "poète" du titre (André Pierre de Mandiargues), qui va s'avérer lui-aussi être (tout à fait) autre chose, et est joué par le formidable Sergi Lopez. Qui se contentera, pour dormir, du dessous de la table de billard aménagé en chambrette, puisque toutes les chambres sont désormais occupées. Provisoirement. (Jusqu'à ce que brame le cerf en ciment)
Il y a, d'abord,  la présence merveilleuse de Mireille / Yolande (cette femme-là on l'adore depuis des lustres, depuis les fameux Deschiens, dont on retrouvera par ailleurs deux membres au coeur de la distribution), ce mélange incroyable de solidité et de fragilité, qui illumine vraiment le film. Et tous les autres interprètes, qui viennent aussi scintiller dans cette belle guirlande affectueuse et enjouée (guirlande éclectique plutôt qu'électrique, d'ailleurs).Chaleureusement. Tendrement. Un feel-good movie, donc, aussi humaniste qu'irréaliste, qui fait du bien sans arrêt, tout le temps, jusqu'au bout (le dernier plan, sur lequel va se dérouler le générique, est une merveille.)
Un conte, une fable, une utopie, une variation autour du mot "faussaire". Et finalement, une place au top 10, pour la quantité d'hormones positives et bienfaisantes (ocytocine, dopamine sérotonine) sécrétées pendant la projection. Et visiblement je n'étais pas le seul à ressentir ça (un peu l'effet d'un bon petit pétard, finalement, qui vous laisse avec un sourire un peu béat et les yeux brillants), mes voisines proches vous le confirmeront...
Oui, un film adorable, dans lequel on aimerait bien vivre (Si seulement la vraie vie pouvait ressembler à ça...)

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30 octobre 2023

masques d'animaux

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LE SYNDROME DES AMOURS PASSÉES
de Ann Sirot & Raphaël Balboni

Ces deux-là nous avaient déjà co-réalisé le plaisant UNE VIE DEMENTE, qui avait brillé dans notre dernière Semaine Belge. Je me suis donc dépêché (moi-même) pour aller le voir à Besac, où il était en sortie nationale et en salle 3 (au Victor Hugo), et dans la salle on était 2, pour cette première séance.
Rire quand on n'est que deux dans une salle, c'est moins facile. D'autant plus qu'on ne pouffe jamais violemment (avec ma voisine on a quand même pouffoté quelques fois...).
Dans le film précédent il était question d'un couple qui voulait un enfant, et ici rebelote. Elle (Lucie Debay) et lui (Lazare Gousseau) voudraient un enfant et n'y arrivent pas, jusqu' à ce qu'un éminet spécialiste leur annoncent qu'ils souffrent d'un syndrome (celui "des amours passées) qui génère un blocage qui les empêche de procréer. Pour le guérir, ils doivent "simplement" re-coucher avec tous leurs précédents partenaires... Soient trois pour lui, et une ribambelle pour elle, ce qui donne lieu à une très jolie installation murale à base de photos, de petites lumières, et de texte écrit en dessous au marqueur, tout ça sur un très joli mur pastel.
Et les voilà en chasse tous les deux de leurs anciens partenaires, ce qui donne lieu à d'assez plaisantes rencontres (lui a ainsi la chance de faire la connaissance de Marion (la toujours aussi exquise Florence Loiret-Caille, qu'on a hélas un peu perdue de vue depuis le très aimé BUREAU DES LEGENDES : Marie-Jeanne, reviens!!!) qui ne figure pas sur sa shortlist, mais va lui servir de mentor (et il en a besoin, ce grand nounours un peu balourd...)
Le film est un peu -beaucoup- agaçant de par son montage (un critique m'a appris qu'il utilisait le procédé dit du "jumpcut", le fait des couper des images à plusieurs reprises dans un plan, pour lui donner un aspect saccadé -et agaçant, donc-). Même s'il est tout aussi attachant grâce à ses interprètes (et son statut assumé de feelgood movie).
On a connu la Belgique plus tonique, plus drôle, plus bête et méchante (enfin, surtout son cinéma) et on finit par regretter que le film ne soit pas un peu plus tout ça, pour dépasser le stade la "comédie sympathique", ce qui ne nous en aurait fait que l'aimer davantage (tout en reconnaissant, comme dans le précédent UNE VIE DEMENTE ses indéniables qualités plastiques (notammant une mémorable soirée déguisée avec masque d'animaux qui n'aurait pas déparé chez Stanley K. hihi...) et la qualité de sa bande-son aussi.
Et le plaisir de revoir Florence Loiret-Caille!

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le-syndrome-des-amours-passees

29 octobre 2023

en scooter

180
L'ENFANT DU PARADIS
de Salim Kechiouche

(entregent) Oh oh merci le gentil distributeur (la 25ème heure) qui nous envoie le lien de visionnage pour ce film (qui sortira le 6 décembre). Un premier film d'un (pour moi) sacré bogoss... (chaque fois que je le vois à l'écran je ne peux pas m'empêcher de faire des captures...)
allocin*che m'apprend qu'il a débuté à 15 ans chez Gaël Morel dans A TOUTE VITESSE (même si je ne trouve pas le même résultat, il y a un problème avec les dates mais bon passons), et la dernière fois que je l'ai vu à l'écran c'était dans CONSTANCE AUX ENFERS, avec Miou-Miou, où je l'ai trouvé carrément torride...
L'ENFANT DU PARADIS est un film court (1h12), qu'on pourrait qualifier de "à l'os", centré sur un personnage de jeune acteur maghrébin, Yazid. Sur ce qu'il vit, là, maintenant, aujourd'hui, au présent, mais le portrait où  le réalisateur  insère, à plusieurs reprises, des extraits de vidéos familiales, ("réelles") où il apparaît, enfant ou adolescent. Des scènes "de gens" plus que  de genre (l'humain prime dans ce cinéma, où les relations entre les personnes, relations affectives, semblent souvent en grand-écart entre l'affrontement et la réconciliation.) Avec un double clin d'oeil au film de Marcel Carné, via son titre, et aussi le prénom de la jeune femme aimée par Yazid (Garance, bien sûr...) sans qu'on y voie pourtant une influence dans l'intrigue du film (à part peut-être le fameux " Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment comme nous d'un aussi grand amour" de ladite Garance dans ledit film de Carné)
Il s'agirait alors plutôt d'autofiction (dont je trouve la définition suivante : "Plus précisément, l'autofiction serait un récit d'apparence autobiographique mais où le pacte autobiographique (qui rappelons-le affirme l'identité de la triade auteur-narrateur-personnage) est faussé par des inexactitudes référentielles"). puisque, m'apprend Pr*mière, mais sans cela il aurait été impossible de le deviner, Salim Kechiouche y déclare  évoquer dans son film  le parcours d'un autre acteur, Yasmine Belmadi (qu'on avait découvert dans LES CORPS OUVERTS, de Sébastien Lifshitz (1997) puis retrouvé dans son sublime WILD SIDE, (2004)), qui était son ami, et à qui il a voulu rendre hommage, en hybridant donc deux histoires, celle de son ami et la sienne. Comme un "Parce que c'éttait lui, parce que c'était moi". Muni de cette clé, on (re)voit le film un peu différemment (en continuant de se demander ce qui appartient à la vie de l'un ou de l'autre).
Le film est construit en deux blocs narratifs, le premier nous présentant le personnage (c'est Salim Kechiouche qui joue le rôle du jeune acteur) et ceux qui l'entourent (sa tante, sa copine, son ex-femme, son fils, ses potes, ses futurs beaux-parents, sa soeur, avec son alternance d'altercations et de moments de partage -une magnifique scène de dans collective à la fin du rapas chez les beaux-parents), et le second prenant le parti de le suivre pendant toute une nuit. Toute la nuit, jusqu'au bout. Nuit bleue, nuit noire.
Un film attachant, passionné, à vif (il y aurait un peu du Pialat dans ces affrontements familiaux), réaliste et pessimiste. Jusqu'au bout.

l-enfant-du-paradis

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deux affiches, comme les deux côtés du film, le jour et la nuit

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