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L'AIR DE LA MER REND LIBRE
de Nadir Moknèche
La soirée d'ouverture, avec une cinquantaine de spectateurs (et un verre offert après, c'était sympathique -et des petits gâteaux de chez Georgette!-), et c'est le producteur du film qui a remplacé le réalisateur qui a eu une défaillance de dernière minute... Un jeune homme va épouser une jeune femme, on sait très rapidement qu'il s'agit d'un mariage arrangé, que les deux familles engagées y trouvent chacune leur compte, la jeune fille a "fait des conneries", et le jeune homme, on le saura très vite, est gay et amoureux d'un autre garçon, Vincent (avec qui il rompt le jour de son mariage). Mariage arrangé, donc, qui finit par se faire, même si le jeune époux a tout fait pour ne pas. Et donc, de la cohabitation qui s'ensuit des tourtereaux dans leur nouvel appartement, lui partant chaque matin travailler dans la boucherie familiale, elle femme au foyer et aux fourneaux dans l'attente d'un hypothétique enfant. Sauf que le jeune homme sort "courir" tous les soirs (il est branché sur un site de rencontres gays) et quand il rentre est trop "fatigué" pour honorer madame. Une douche et dodo. Ambiance. D'autant plus que belle-maman (sa mère à lui) veille au grain, et pousse à la roue pour qu'enfin l'heureux événement se produise et qu'elle soit enfin "rassurée"... J'ai eu un peu de mal avec le personnage masculin que je ne trouve pas "aimable", mais j'ai plutôt bien aimé, finalement la façon -assez respectueuse- dont les choses se dénouent. Et c'était très bien, vraiment, d'avoir le producteur pour animer la discussion. (Et les petits gâteaux étaient super!)
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NUIT NOIRE EN ANATOLIE
d'Özcan Alper
Nous voici en Turquie. Et il est de notoriété publique qu'il ne fait pas bon être gay là-bas. Et réaliser un film qui évoque le sujet est encore plus difficile (on se souviendra du récent BURNING DAYS, d'Emin Alper, et de tous les problèmes qu'il a pu rencontrer avec les "autorités", en dépit d'un excellent accueil critique international). Un homme, parti depuis plusieurs années, revient dans son village à la mort de sa mère, et va se heurter à l'hostilité de tous les mâles du cru, en raison de son obstination à vouloir revenir sur une affaire à laquelle il a été mêlé sept ans plus tout, concernant la disparition d'un jeune homme, un garde forestier nouvellement nommé. Le fil suit une double narration (aujourd'hui / il y a sept ans) et heureusement que le héros a désormais les cheveux plus longs pour nous aider à suivre ces deux temps parallèles. Le film est trèèèès pudique quant au SSTG (la scène la plus "chaude" étant une baignade des deux hommes en caleçon dans l'eau glacée, d'une chasteté totale, ce qui la rend encore plus affriolante (pensez, deux jeunes turcs qui font mumuse en caleçon, ça enflamme l'imagination...) où le contact physique le plus poussé est de prendre l'autre par la main pour le tirer sur la berge...) Un beau film finalement aussi noir que la nuit de son titre (il ne fait pas bon être gay en Anatolie, je le redis). En avant-première (le film sort le 24 janvier 2024), il mériterait donc d'être(re)vu à cet occasion.
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LES DAMNÉS NE PLEURENT PAS
de Fysal Boulifa
Et nous voici au Maroc pour mon incontestable -et tout autant qu'inattendu- coup de coeur de ce Festival. Un genre de road-movie, à travers tout le pays, d'une mère et son fils. Deux acteurs non-professionnels absolument éblouissants. Elle, Fatima-Zahra (Aïcha Tebbae), toute en rondeurs en sourires et en oeillades complices, et lui, Sélim (Abdellah El Ajjouji) beau jeune homme avec une ombre de moustache et un corps d'éphèbe couleur pain d'épices (c'est vrai je ne suis pas très objectif sur le coup, je m'enflamme assez vite pour le pain d'épices...). Eux vont de ville en ville, trimballant leurs sacs, survivant comme ils le peuvent (avec un très fort sens de la débrouille), vivant une relation très fusionnelle entre engueulades et réconciliations... jusqu'à ce que l'une rencontre un chauffeur de bus qui n'est pas insensible à son charme (et envisage de la prendre comme seconde épouse) et lui idem avec un français (Antoine Reinartz, beaucoup plus "gentil" ici que dans le récent ANATOMIE D'UNE CHUTE) qui finit par l'embaucher dans son hôtel... La force du couple mère / fils l'emportera-t-elle sur les aspirations individuelles de chacun des deux ? La dernière séquence du film, très forte, a l'intelligence de ne pas tout à fait répondre à la question... Un film parfaitement magnifique, dont j'ai regretté qu'il ne soit projeté qu'une fois...
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TROIS NUITS PAR SEMAINE
de Florent Gouëlou
Décidément cette programmation fut comme un escalier de l'enchantement, chaque film étant un peu plus haut que le précédent. j'étais resté sur le gros bonheur cinématographique des DAMNES NE PLEURENT PAS d'hier soir, et voilà que je me prends -et je n'étais pas le seul, vu les réactions à chaud dans la salle après la projection- une encore plus grosse claque avec celui-ci. Dont le pitch (un jeune photographe tombe amoureux d'un drag.) ne m'affriolait pas spécialement au départ. Mais voilà, le photographe est incarné par Pablo Pauly, un jeune acteur que j'affectionne particulièrement (découvert dans la série LES LASCARS, en 2011, puis retrouvé en haut de l'affiche dans le PATIENTS de Grand Corps Malade...) grâce à qui (pour qui) je suis donc allé voir ce film. Il tombe amoureux de Cookie Kunty (Quentin quand il est "en garçon"), incarné par l'excellent nouveau venu Romain Eck), croisé dans le cadre de son job. Il est aussi marié à Hafzia Herzi, toujours aussi délicieusement incertaine dans son jeu (mais c'est désormais devenu un peu sa marque de fabrique). L'amour soudain de Baptiste pour Cookie va être l'occasion, pour tous les deux (et même tous les trois, puisque Samia, femme de Baptiste, est partie prenante dans cette tourmente affective). Au sein d'une ambiance générale qui évoque autant PRISCILLA FOLLE DU DÉSERT que le TOURNÉE de Mathieu Amalric. Mais bon à la fin, tout à la fin, quand la voiture s'arrête et que la portière s'ouvre et qu'on voit qui en sort, on ne peut pas ne pas pleurer... Et c'est bien ce que j'ai fait.
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DES GARCONS DE PROVINCE
de Gaël Lépingle
Je l'avais déjà vu en ligne (le post est ici). On reste dans le thème du film précédent dans le premier segment (et, je l'avais oublié, dans l'épilogue) et j'ai quand même trouvé ça assez cruel (le troisième segment) et, finalement, un peu démoralisant (surtout après l'émotion générée par le film précédent). On peut juste dire que TROIS NUITS PAR SEMAINE était follement romantique, tandis que ces GARCONS DE PROVINCE sont plus... objectivement réalistes. D'une réalité qui n'est pas youplaboum tous les jours (quand on n'habite pas dans le Marais, il faut savoir ramer...) mais plus cinglante, et que, bon, il faut bien vivre, hein. Lucide et attachant. Quand même plein d'amertume. (et je trouve toujours l'affiche aussi laide hélas...)
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