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lieux communs (et autres fadaises)
cinema
25 septembre 2010

dis-le moi au creux de l'oreille

MIEL
de Semih Kapanoglu

(tiens tiens, encore question de miel... cf post précédent)

Du même monsieur qui avait fait Yumurta (Oeuf), que j'avais beaucoup aimé, et qui fait partie de la même trilogie, (dont le dernier-quoique central- volet s'intitule MILK (pourquoi avoir traduit l'un et pas l'autre ? Mystère...). Trilogie à l'envers, car celui qui était un adulte dans Yumurta est ici un enfant dans Miel (et sera un ado dans Milk...)
En parlant des titres, justement, c'est pas souvent qu'un réalisateur peut se vanter d'avoir réussi à mettre ses trois films sur la table dans un même plan, et c'est pourtant bien le cas ici!
Un film sur l'enfance, autour d'un enfant, mais pas forcément  destiné à un jeune public. Qui risquerait de s'y ennuyer un poil et de s'y perdre un chouïa. (Comme dans Yumurta, on navigue souvent à vue entre rêve et réalité, et ce n'est pas forcément évident de rendre à chacun ce qui lui revient.) C'est très beau mais c'est très lent (Dominique m'a dit en ricanant, à la sortie, "ça n'est pas aussi lent qu'Oncle Boonmee..." mais je n'étais pas tout à fait d'accord, j'y reviendrai peut-être...) Comme Yumurta, le film commence par un rêve, qui, comme dans Yumurta concerne la mort d'un parent (ici la visualisant, là la métaphorisant) on sait donc à quoi s'attendre.

Le jeune Yusuf, qui ne peut s'empêcher de bégayer quand on lui demande de lire à l'école (alors qu'il le fait sans problème chez lui) entretient un lien très fort avec son papa Yakup (un joli papa turc, barbu, et qui est plus est avec un bonnet -allez savoir pourquoi mais j'ai toujours craqué sur les mecs avec un  bonnet...-) sympathique papa, et qui plus est apiculteur. (mais dont on sait presque tout de suite qu'il va mourir.) Un lien qu'on pourrait qualifier de complice.
Ils ont ensemble une relation chuchotée (ceci évitant à Yusuf de bégayer), et rien que ça c'est superbe à regarder. Comme le papa est apiculteur (et que visiblement, en Turquie, les ruches sont dans les arbres) on est très souvent dans la forêt (et ça aussi c'est superbe à regarder) où tous les deux y vont gaiement gambadant. Les arbres sont superbes, et superbement filmés (Apitchouneeeet...) On les voit aussi bien qu'on les entend bouger, on devient aussi attentif et émerveillé que Yusuf en train d'admirer son papa...

Le film est, le plus souvent, à hauteur d'enfant, avec les objets autour desquels se cristallisent les petits événements qui constituent une journée (le verre de lait du petit-déj', le livre de lecture, le grelot, le bateau en bois, l'enfumoir...) avec les sentiments et les sensations qu'y s'y rapportent. Car chaque enfant est véritablement une éponge à sensations, qu'on absorbe et qu'on restitue continuellement, comme on respire. Et le spectateur est d'autant plus attentif que le jeune acteur qui interprète Yusuf est vraiment extraordinaire. L'équivalent au masculin de ce qu'avait pu être Ana Torrent dans Cria cuervos (ce qui n'est pas de ma part un mince compliment, ceux qui me connaissent pourront témoigner!) Il est perpétuellement juste, touchant, frémissant, limpide, obscur, attachant, simple, évident, attendrissant, etc. On vit, d'autant plus fort, le film à travers lui.

La disparition du père n'est pas une mince affaire, (qui n'est pourtant pas ici, paradoxalement, un ressort dramatique, puisque dès les premières minutes, comme je l'ai déjà dit, on le sait.)  Elle sera pourtant, d'abord dans l'attente, dans l'espoir , plus tard sur le versant opposé, le déclenchement de "quelque chose" le passage de relais vers une autre étape de la vie du gamin. Et si  le réalisateur abandonne ainsi Yusuf en pleine nuit au milieu de la forêt (ne serait-ce pas une scène quasi équivalente qui a lieu presque à la fin de Yumurta ?) rien n'est définitivement perdu, et surtout pas l'espoir.

Et ce n'est que rétrospectivement qu'on réalise que Semih Kapanoglu nous a raconté tout ça de la façon la plus nue qui soit au cinéma (c'est à dire sans aucune musique) et l'on n'en est alors que plus admiratif. Peu de personnages (on a surtout le triangle familial que viennent "équilibrer" les scènes d'école, avec juste, vers la fin, une étonnante scène de foule. Beaucoup de gens, musique, grands espace et brume tout en haut...) Et le contrepoint perpétuel de la nature, de la forêt.
Un très beau film (qui viendrait aussi prendre sa place dans la famille des "films doux", non ?)

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25 septembre 2010

tamarin et miel

Uncle_Boonmee

ONCLE BOONMEE
d'Apichatpong Weerasethakul

Je n'ai pas pu m'en empêcher, et je suis retourné le voir, à l'avant-première de mardi soir. Je voulais ne pas en perdre une miette. A la sortie de la projection de presse, j'avais entendu un critique dire "c'est encore mieux la deuxième fois...". Je confirme. De savoir à l'avance là ou Apitchounet va nous entraîner, d'essayer de deviner les "coutures", de savourer l'ambiance sonore amniotiquement apaisante, de tenter de sérier les choses (là c'est en vrai, là c'est un souvenir, là c'est une vie antérieure, là c'est une légende, là c'est je ne sais pas...) pas d'essayer de comprendre à toute force ni d'intellectualiser, non, juste se laisser porter,  prendre place, accepter le jeu...
Dériver
(Il y avait, à côté de moi, une dame, qui, visiblement ne partageait pas mon enthousiasme et dont l'agitation croissante m'a presque un peu gâché mon plaisir (à la fin, elle était occupée à ôter, en les grattouillant, les bouloches de son pull, qu'elle jetait ensuite négligemment devant elle. j'ai failli lui dire "Mais sortez donc!" lorsqu'elle s'est enfin décidée à le faire, cette cruchasse ( juste deux minutes avant la fin du film.)

Je n'en perdais donc, effectivement, néanmoins pas une miette, les conditions de projection étaient top (le Plazza Victor Hugo à Besançon, pour ne pas le nommer) et je savourais les moments successifs (le buffle, les fantômes, les tamariniers, la dialyse, la grotte, le moine, le karaoké), en réalisant que ces personnages de grands singes noirs aux yeux rouges, qui avaient pu, à la première vision, me sembler presque un poil too much, étaient devenus un des éléments les plus importants pour moi dans cette histoire, (et sans doute l'unique "point commun" à plusieurs parties).
C'est vrai que le film est lent, et que certaines séquences, filmées par d'autres, eussent sans doute perdu leur charisme. Justement, on est là, on prend son temps on se laisse aller...

"Paisible" le mot est dit, et fut répété par plusieurs spectateurs et critiques, d'ailleurs.
Je pus donc vérifier que, contrairement à ce que je pensais, je n'avais -pratiquement- rien perdu du tout, (car c'est un film qui porte à la rêverie, et auquel il est quasiment impossible d'être attentif complètement, tout le temps...) et que, contrairement aussi à ce que je croyais, il n'y avait aucune "couture" entre la plupart des scènes qui sont juste, comme on dit (j'espère que je ne me plante pas) "montées cut".
Et que, si l'élément de surprise ne jouait plus (même si j'ai raté l'apparition du fantôme de l'épouse), la fascination , elle, jouait toujours à plein. J'avais le coeur qui battait, j'étais souvent béat, avec un léger sourire un peu bête me retroussant les commissures.J'étais bien. J'aime la jungle chez Apitchounet.
Comme si j'étais, (oui je sais, c'est stupide) amoureux de ce film, en quelque sorte, et sans parvenir du tout à l'expliciter ou le rationaliser. Les raisons de, je veux dire.

J'ai fini par y revenir, une troisième fois (hier), car il était programmé -par nos soins- dans le bôô cinéma. Et, oui, comme un fiancé, j'étais impatient que les lumières s'éteignent, que l'horrible musique de la salle s'arrête, que le buffle fasse son apparition... Et, dès que ça s'est produit, j'étais à nouveau dans le même état : bien. Même si les conditions de projection m'ont semblé, cette fois, être les moins bonnes des trois fois. Pas à la hauteur. Pourtant l'écran est gigantesque, mais, peut-être à cause de, le film m'est apparu, (certaines séquences tout du moins), pas net, voire quasiment flou (les scènes d'intérieur surtout, ce qui est tout de même un peu dommage). Et je pense que la barre noire en dessous de l'écran n'était pas indispensable (d'ailleurs était-il normal que les têtes tout en haut soient plusieurs fois carrément coupées ?), et même la bande-son m'a semblé beaucoup moins enveloppante (j'avais pourtant pris soin de nous installer (j'étais avec Emma) au centre de la salle... Pour profiter au maximum.
Pourtant je ne me suis même pas levé pour aller ronchonner, tant pis me suis-je dit en me faisant une raison (et surtout, je  crois que je n'avais pas envie de me heurter aux sarcasmes du projectionniste, aussi irascible que caractériel, qui m'auraient sans doute gâché mon plaisir doux et sorti manu militari de cet état bienheureux...)
Et bien, figurez-vous que, même à la troisième vison, c'est kif-kif. Autant de plaisir, et même redécouvrir de nouveaux bonheurs supplémentaires (ou qu'on avait oubliés) : L'eau à la fin de la scène de la princesse, les gens sous les moustiquaires, les quelques mots de français sous les tamariniers, la lune dans le feuillage) ajoutés à ceux que je connaissais déjà et que j'attendais donc : la scène d'ouverture, l'arrivée des fantômes (j'ai été très attentif à l'apparition de l'épouse, même si je n'arrive plus à me souvenir exactement quand /comment disparaît le fils.

Et mes copains aux yeux rouges, dont j'apprécie la pose et peut-être, surtout le silence. Singes attentifs, empathiques quasiment.

Oh que tout ça est bienfaisant.

Jusqu'à la scène de l'enterrement (c''est joli toutes ces guirlandes) le film suit une trajectoire plutôt rectiligne, relativement (je devrais mettre des ") facile à suivre (hormis les zigzags narratifs penseront certains du buffle et de la princesse) jusqu'à cette intrigante scène finale (les personnages dans la chambre, regardant la télévision) et son étrange, aussi soudaine qu'inexplicable, duplication. Comme si, semblait nous dire le réalisateur, oui oui on peut tout à fait être ici et là en même temps, ou, mieux encore, en train de faire quelque chose et de se regarder en train de le faire.
Et une chansonnette guillerette  pour terminer (une de celles du dentiste-chanteur de Syndromes and a century, celui justement qui était amoureux du moinillon ?)
Pour arriver tout à la fin du générique et y découvrir, comme a dit Nicolas, "que, même là, il y a des fantômes..."
C'est peut-être ça finalement qui me plait tant dans ce film, cette façon complètement dédramatisée d'évoquer, justement, les fantômes. (comme à la fin de Madame Muir, non ?)
Peace and love, quoi (et éternité, surement aussi...)
Accepter la mort avec sérénité, même si on a des regrets. Et que la vie continue pour les autres...

(et, dans le noir, une créature silencieuse aux yeux rouges qui vous contemple...)

23 septembre 2010

trop de crocodiles

HAPPY FEW
de Antony Cordier

(Message personnel pour Zabetta : dsl, mais j'ai beaucoup aimé!)
Antony Cordier, je l'avais déjà aimé au temps de
Douches froides, et là, je l'aime toujours, en dépit (ou peut-être justement à cause) de la volée de bois vert critique qu'il a -assez injustement trouve-je- reçue pour ce film.
Quatre adultes (deux couples), qui soudain se
partagent. Quatre acteurs superbes et habités (Elodie Bouchez, Nicolas Duvauchelle, Marina Foïs, Rochdy Zem) visiblement très investis dans le projet.
Beaucoup d'affect(s) qui circule(nt).
Love streams disait Cassavettes (que le film n'évoque absolument pas). Histoire de peau, de désir, d'attente, de plaisir, avec un léger voile d'inquiétude, quand on pense soudain à l'autre, qui au même moment est aussi avec l'autre, dans un jeu de miroir et de symétrie. Comme des ados, on se touche, on rigole, on part en vacances, on se chicane on s'embrouille. Si tant est que le sérieux, le conformisme et la normalité soient l'apanage des adultes. Une histoire irréaliste ont dit certains.Peut-être.  M'en fous. A l'époque (il y a très longtemps, la plupart d'entre vous n'étaient quasiment pas né(e)s, Pourquoi pas! de Coline Serreau m'avait fait un peu le même effet. Un genre de nouvelle proposition amoureuse.  En tant que vieux célibataire j'ai vécu ça comme quelque chose de très exotique et d'infiniment touchant. (Plutôt que troublant.) Et la question "Peut-on aimer deux personnes à la fois ?"  m'a rappelé des choses.
Même si le film n'est pas exempt de défauts, en raison même de ses partis-pris (Pourquoi trois voix-off sur quatre ? Pourquoi ces gens ne bossent-ils jamais ou presque ?
Pourquoi , soudain, les filles et pas les garçons ? Pourquoi ça se finit comme ça ? pourquoi c'est cul et pourtant on ne voit rien ? ) il est pourtant terriblement séduisant, par la force sans doute de ses quatre -quasi uniques- protagonistes. Particulièrement les filles (Marina Foïs et Elodie Bouchez sont, décidément, plus que parfaites.)
Chipotons... Pour que le film fonctionne encore mieux, il eut fallu que chacun des deux couples fût, au départ, davantage caractérisé (ça démarre très très v
ite...) Telle que, la situation  oblige parfois (oui oui, je suis vieux et j'ai le cerveau ramolli...) à se demander "et ces deux-là ils étaient ensemble au début ?", tant un couple filmé avec enfants dans une voiture semble, par définition, naturel.
Mais j'aime beaucoup, justement, le naturel et la simplicité de la mise en place des choses, où il ne serait au départ question que de faire l'amour, que la règle soit qu'il n'y ait justement pas de règle, et que c'est lorsqu'on commence à penser et à se poser des questions que ça va commencer à se gâter...
Quand à la pirouette finale, c'est rien de dire qu'elle m'a déçu... mais bon, c'est la vie, au cinéma aussi (surtout!)
Question subsidiaire : Qu'est-ce qui est écrit sur Nicolas Duvauchelle ?
(dont, oui oui tu avais raison Zabetta on n'aperçoit hélas guère plus qu'une demi zigounette...)


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20 septembre 2010

je n'ai d'yeux que pour toi

DES HOMMES ET DES DIEUX
de Xavier Beauvois

Il est vraiment très fort, Xavier Beauvois... J'allais voir son film  dans un état d'esprit un peu méfiant : louages unanimes, bondieuseries, etc. Ma copine Dominique m'avait dit "tu verras, il y a une très belle scène..." Je l'ai donc cherchée. Puis trouvée, assez rapidement. Et c'est alors que, la suivante... "Non, ça doit être celle-là" me suis-je dit... puis la suivante : "non, non, plutôt celle-là..." Et ainsi de suite. Jusqu'au bout.
J'avançais dans le film de Xavier Beauvois  comme dans un escalier du beau, du touchant, ou plutôt comme  on traverserait une suite de pièces (il n'y a pas, de  notion d'augmentation, pas de hiérarchie -un peu comme chez les moines, chacun a une (sa) place à tenir-, on reste ici sur un niveau constant). C'est vraiment très fort. En dépeignant le quotidien de ce groupe d'hommes, entre le mystique et le prosaïque, la foi et le labeur, le religieux et le politique, le dehors et le dedans, Xavier Beauvois met en place une chronique infiniment juste, simple et touchante. Oui, ce ne sont que des hommes, avant tout, avec leurs doutes,  leurs faiblesses. Et c'est bien cette condition humaine qui fait toute la force du film. quand elle est comme prise en étau entre, d'un côté, l'ascèse et la spiritualité, et de l'autre, et les contingences terrestres (la colonisation, la violence, la guerre...).
UN film hybride, entre l'icône et le tract ronéotypé.
Ce monde a priori clos qui s'entr'ouvre sur l'extérieur (les soins médicaux, la participation à la vie du village) va devoir se positionner , prendre parti, face à la politique, l'absurdité des conflits, l'aveuglement des parties en présence. et faire des choix. Partir ou rester. Mais pourquoi (et pour quoi) ?
Des hommes qui chantent, des hommes qui travaillent, des hommes qui écoutent de la musique sur un radio-cassette en buvant du vin rouge, des hommes qui jardinent, des hommes qui regardent passer les hélicoptères, des hommes qui marchent dans la neige...
Des hommes qui parlent aussi. Les scènes de discussions et d'échanges entre les moines, où chacun est amené à exprimer ses opinions, ses choix, sont très fortes, et toutes celles avec ce zigoto sourcilleusement débordant de Michael Lonsdale sont parfaites, qu'il parle d'amour avec une jouvencelle ou qu'il coupe court à une discussion par un "laissez passer l'homme libre..."
Il y a dans chacune des scènes, tour à tour, quelque chose d'émouvant, de poignant, que ce soit dans la douceur (Lambert Wilson s'occupant de Lonsdale endormi avec la sollicitude d'une mère, le plat de frites, le dernier repas), la violence (l'irruption des rebelles le soir de Noël) ou les deux à la fois (les hommes qui chantent et l'hélicoptère).
C'est -paradoxalement ?- encore un film doux (Apitchounet, quand tu nous tiens...), qui parle aussi d'hommes, de foi, de choix et de mort... (même si pas du tout dans le même registre), et incontestablement efficace (il suffisait d'écouter le silence -religieux...- dans la salle, quand les lumières se sont rallumées à la fin du générique) sans effets, sans artifices (le seul petit bémol que j'y mettrais serait peut-être l'interprétation un peu excessivement habitée de Lambert Wilson : bien sûr c'est lui le moine-en-chef, l'intello, celui qui étudie les textes sacrés (qu'ils soient catholiques ou musulmans), mais le personnage frôle souvent la pose messianique, tandis que les autres, justement sont avant tout des hommes...), avec un travail sur la lumière absolument superbe.
Un beau moment de cinéma.
Simplement, justement....

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19 septembre 2010

a-dé-mé-chi

THE HOUSEMAID
de Im-Sang-Soo

Une jeune fille "gentille" (oui, comme quand on dit "elle est gentille...") entre dans une maison très bourge comme bonne. Elle se fait quasi illico engrosser par le patron, souhaite garder le bébé, et c'est là que les ennuis commencent... "A-dé-mé-chi" c'est ainsi que lui définit son travail la vieille bonne-en-chef qui régente la maison depuis des lustres : affreux, dégoûtant, méprisable, chiant. Tout est dit.
Des rapports sociaux (" Témoigner du respect prouve qu'on est supérieur." lui dit la petite fille de la maison), du mépris des maîtres pour leurs domestiques, malgré l'apparente politesse affichée ("Qui c'est ? C'est personne..."), de l'argent comme moyen de tout arranger, de la perversité des belles-mères (et des belles-filles aussi), de la veûlerie des maris, et de la noirceur des films coréens en général (et de celui-ci en particulier).
Mis à part le coq de cette basse-cour familiale, le film est essentiellement un film de femmes. Euny, la jeunette. Sa patronne, la mère de sa patronne, la fille de sa patronne, la vieille gouvernante, et la copine d'Euny. Qui dit femmes entre elles... (non non ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit hihi) dit combat de polochons en sous-vêtements vacheries, mots cassants, sous-entendus  paires de gifles et vengeances mangées comme des plats froids.
La jeune fille arrive dans cette grande maison et ouvre ses grands yeux candide, telle une Alice au pays des Bourges, mais l'espace qui n'était au début que luxe calme et volupté (et harmonie noire et blanche)  va devenir progressivement un univers de plus en plus hostile, de plus en plus étouffant (d'autant plus que des cadrages sophistiqués et des mouvements d'appareil chiadés idem fabriquent une curieuse mais fascinante grammaire visuelle et topologique où tout peut -littéralement- basculer à chaque instan.)
Le film qui avait démarré quasiment avec la rigueur et l'esprit d'un documentaire (les cinq premières minutes sont à cet égard exemplaires : quelle richesse, quel foisonnement, chaque plan semble presque receler  trop d'informations, d'autant plus qu'on ne sait pas alors où le réalisateur veut véritablement nous emmener...) évolue ensuite vers le thriller vénéneux, avant que de finir en apothéose  -le mot n'est peut-être pas idéalement choisi- à la démesure quasi-horrifique, puis sur une petite note ambigüe (on ne serait pas très loin alors du cinéma fantastique.
D'Im sang-Soo, j'avais précédemment beaucoup aimé le President's last bang -même si je n'avais pas vraiment tout compris-, qui possédait d'ailleurs, déjà, cette même façon particulière de filmer, avec une prédilection pour les plans en plongée, ce que, si j'ose dire, ne fait que confirmer celui-ci, qui va le mettre parfaitement en pratique, et à deux fois encore.
Un film très noir, très fort, avec des personnages bien posés (celui de la vieille gouvernante étant probablement le plus riche, parce que celui doté de la plus intéressante évolution. C'est elle qui changera le plus radicalement entre le début et et la fin du film.Quoique la jeûnette...
Bref, un film aussi élégant qu'amer. Il serait peut-être intéressant de fouiner pour dénicher l'original de 1960 dont il est le remake.

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11 septembre 2010

pasta

LE PREMIER QUI L'A DIT
de Ferzan Oztepek

Un film plaisant qui vaut beaucoup mieux que les critiques qu'il a récoltées et surtout que l'a priori que j'en avais. Un film ritalissime réalisé par un Turc exilé, une histoire gay de deux frères, dont le démarrage laisse effectivement craindre le pire, côté grosses vannes et filmage à la truelle (on a l'impression que tout est trop : dialogues trop dits, mouvement de caméras trop virevoltants, intrigue trop prévisible, image trop léchée), et, insensiblement, les choses se mettent en place, et tout va de mieux en mieux. D'autant plus que le réalisateur a eu la bonne idée de tricoter une intrigue amoureuse parallèle, mais décalée dans le temps, et l'encore plus excellente idée de les faire toutes les deux se rejoindre dans une scène finale de bal qui oui oui je l'avoue m'a presque fait venir les larmes aux yeux.
L'idée de départ : un jeune qui veut faire son coming-out lors d'un dîner de famille se fait griller la politesse par son frère (qui annonce le premier à son père qu'il est gay, provoquant ainsi l'ire et l'infarctus concomitant paternel(s).) et se retrouve donc illico à la place dudit frère -chassé par le paternel- , à la tête de l'usine de pâtes familiale, face à une mystérieuse et très belle brunette (...), jusqu'à ce que débarque à la maison la joyeuse -et très gay- équipe de copains du jeune (dont son amant en titre) .
On est en pleine comédie familiale italienne (le père irascible homophobe et butée, la mère qui espère la guérison, la soeur aussi nymphomane que myope, sans oublier la grand-mère, qui est un peu le coeur et le pivot de tout ce joyeux casino (j'ai appris que ça pouvait vouloir dire "bordel" en italien) et -en quelque sorte- son deus ex machina.) ça parle beaucoup, avec ou sans les mains, ça s'engueule, ça se crie dessus, ça se réconcilie très méditerranéennement...
C'est bien fichu, plutôt rythmé, attendrissant, même si le réalisateur n'exploite pas toujours  de la façon la plus convaincante les pistes narratives qu'il amorce, et l'ensemble est donc, je l'ai déjà dit, plutôt  plaisant. Rien de révolutionnaire, mais un bon moment..

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8 septembre 2010

fleur de pissenlit

AIR DOLL
De Hirokazu KORE-EDA

(je suis toujours en retard)

Vu juste après Copacabana, c'est donc le vraiment dernier film des vacs. Kore-Eda (savez-vous qu'il a ajouté un trait d'union au milieu de son nom à cause d'un douanier ?) est un réalisateur que j'aime beaucoup. (Plusieurs réussites incontestables : After life, Maborosi, Still life). Ce qui fait que, je ne sais pas trop pourquoi, celui-ci m'a semblé un peu en-deça. Peut-être parce qu'un peu long, un chouïa répétitif, un zeste apathique... Le pitch (une poupée gonflable prend vie) pose une situation de départ et s'y tient un peu paresseusement, nous laissant un peu sur notre faim.
On a bien la simplicité de After life, la lumière de Maborosi, la cruauté et la tristesse affleurant de Still Life, bref on est bien en terrain connu, mais on en voudrait davantage.
Conte, métaphore, parabole, certes... mais bon.
C'est joli, et peut-être un peu vain, à l'image du personnage principal. Je m'éviterai les métaphores respiratoires (ça manque de souffle et autres ça ne manque pas d'air...) mais, incontestablement, il manque quelque chose, parfois, et quelque chose est en trop, d'autres fois.
Alors que, jusque là le cinéma de Kore-Eda avait pour moi cette perfection, juste ce qu'il faut comme il faut quand il faut. Je m'exprime mal sans doute. L'artificialité du propos au début (qui va de pair avec la démarche mécanique de la poupée vivante)  s'atténue progressivement, au fur et à mesure justement que celle-ci s'humanise. Mais le scénario patine un peu, faute de pistes supplémentaires.
C'est en même temps joli et très triste, de plus en plus d'ailleurs.
On ne m'a pas assez insufflé (de l'usage de ce verbe tout au long du film) d'enthousiasme sans doute. J'aime toujours autant le réalisateur, je lui garde toute mon estime, et j'attends le prochain.

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4 septembre 2010

multipropriété

COPACABANA
de Marc Fitoussi

(ouhlala j'ai pris beaucoup de retard, je vais faire bref)

Vu juste avant la pré-rentrée, pratiquement donc le dernier film des vacances.

Huppert, forcément (elle en deviendrait presque énervante, tellement elle est bien, tellement avec juste un regard -cf la scène de maquillage dans le grand magasin- elle réussit à en faire passer plus que d'autres avec trois pages de texte). Et sa fille, en plus (elle a de qui tenir, la jeune Lolita...) Et si on rajoute le plaisir de voir Noémie Lvovsky  en copine bourge (ça devient une habitude, certes, mais c'est tellement agréable) et - cerise sur le gâteau, n'est-ce pas Malou ? - Luis Rego, devenu si rare sous nos latitudes, en vieil ami aussi désenchanté que désargenté, et Aure Atika en executive woman (un peu salope (c'est dommage qu'elle soit toujours honteusement cantonnée dans ce genre de rôle mais bon) non, on n'allait pas se priver de tous ces menus plaisirs accumulés, non ?
Une histoire, sinon, plutôt classique, une étude de cas rapports mère/fille avec mère fofolle et fille sérieuse (d'hab', c'est vrai, ça serait plutôt le contraire), suivant les rails pas forcément rapprochés de la comédie humaine et du constat social (l'univers impitoyable de l'entreprise, et, qui plus est, de la vente d'appartements en multi-propriété, soit le B.A Ba du grugeage de cocos)
Huppert, comme d'hab', est outrageusement bien, même (ou peut-être à cause) avec son maquillage à la truelle, de sa choucroute rousse qui s'éboule, de son franc-parler (on est entre Coup de torchon et Ma mère, pour la crudité et la drôlerie). Sa fille (qui est sa vraie fille dans la vie oh la la les symboliques freudiennes adjacentes...) apporte un contrepoint aussi talentueux que raisonnable à la petite musique farfelue de sa mère.
Bref, on est, jusqu'à cinq minutes de la fin, dans un univers vraisemblable et réaliste (le manque de thunes, les petits boulots de merde, le froid hivernal) un constat social, quoi, jusqu'à ce que déboule du ciel, (et du casino) in extremis une happy end que personnellement je trouve un peu tirée par la tignasse (d'Isabelle, justement) , genre oui oui même les pauvres, ils finissent par être riches , ne perdez pas espoir, que personnellement je trouve un peu démago mais bon...
Ne boudons pas notre plaisir, hein!

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1 septembre 2010

radio-crochet

PAYS DE  COCAGNE
de Pierre Etaix

Disons-le tout de suite : quelle déception!
C'est le cinquième (et dernier) film de Pierre Etaix, réalisé à la fin des années 60. Il s'agit d'un documentaire sur la France de ces années juste après 1968, tiré de 40 km de rushes accumulés par le réalisateur en suivant le "podium d'Europe 1",  itinérant et estival.
C'est la France d'Alors, certes, celle, rance, de Pompidou et Poher, de Maurice Biraud (qui se souvient de Maurice Biraud ?) France d'en-bas, petites gens, lunettes sécu, chicots, blouses en nylon fleuries et gros bides. Le réalisateur leur pose des questions, leur demande leur avis sur "l'érotisme", sur "la publicité", "on a marché sur la lune", filme leurs réponses qu'il entrecoupe de rushes "estivaux".

Non, ça n'est pas drôle, c'est gauche, c'est sinistre, c'est désolant, c'est très triste... Et interminable, en plus.

30 août 2010

twink peas

KABOOM
de Greg Araki

Le lendemain (les projections de presse se suivent et ne se ressemblent pas, hi hi hi) d'Oncle Boonmee... (le jour même, je n'avais rien envie de voir d'autre.)
Radicalement à l'opposé. Araki, c'est du cinéma que j'aime beaucoup aussi, mais, à des kilomètres de, la contemplativité thaÏe: ici, c'est du flashy, du gentiment trash, du un  peu provo', de l'aimablement déjanté, du plus que gay friendly, J'ai vu les précédents, et à part la parenthèse plus sombre de Mysterious skin, son univers bariolé est assez aisément reconnaissable (et, en ce qui me concerne,plus que recommandable.) Smiley face, Doom generation, Nowhere...  Djeunz, fun, sex (et rock'n'roll aussi), avec un chouïa d'extraterrestres, des substances hallucinogènes et (ce qui va de pair) un soupçon de flip et de paranoïa.
Bref, avec, en plus des vagues échos enthousiastes cannois,  la tête mimi et pas rasée de l'acteur principal sur le carton, j'y allais gaiement avec un certain plaisir (pervers) anticipé.

Y a pas à tortiller, le film tient ses promesses.
Comme c'est un film de djeunz, ça se passe sur un campus, ou plutôt une idée, un fantôme de campus, toujours quasiment vide, à part les personnages qui nous intéressent (ceux donc qui gravitent autour de Smith, le narrateur. Sa copine, plutôt gouine (lui-même couchotte à droite à gauche et ne se prononce pas encore sur sa gayitude ou pas (enfin, il couche avec des demoiselles mais fantasme dur dur  sur son voisin de chambre, un archétype de surfer aussi décoloré que bas de plafond (mais bon, bandant).
Il est question de sexualité, (on est bien chez Araki) sous toutes ses formes (mec, mec/mec, nana/nana, mec/nana, mec/nana/mec,et ainsi de suite.), dans une intrigue qui va progressivement se complexifier, sinuer, changer de style, jusqu'à un final jusqu'auboutiste (et joyeusement ultime), tout ça à partir de l'ingestion par notre jeune et mimi héros d'un cake psychotropement fourré, suivi de l'apparition d'une mystérieuse demoiselle rousse, et d'encore plus inquiétants hommes à masques d'animaux. (comme sur la photo, dans l'hôtel, à la fin de Shining...)
Les dialogues sont une merveille de percutance et de tac-au-tac, c'est très drôle et vachard, au fil de l'histoire qui prend des allures à la fois de montagnes russes et de train fantôme, comme si les scénaristes avaient aux aussi succombé aux délices du space-cake de notre héros.
C'est filmé au rasoir (les couleurs on en a déjà parlé, on ne serait  pas si loin d'un Dario Argento époque Inferno (sans les grands méchants couteaux, toutefois, mais le chromatisme y est), Araki a le don pour décaler ses plans (et pas seulemnt en modifiant l'angle de ses prises de vue) : ainsi toute nourriture avalée par nos djeunz (et ils en bouffent!)  est filmée comme pourrait l'être quasiment un brouet extra-terrestre, et le plus innocent des plats de coquillettes devient ainsi une quasi-menace potentielle, on s'attendrait presque à le voir se mettre à se tortiller. Dans le même ordre d'idée, les lieux non plus ne sont jamais innocents, et chaque fois qu'on voit quelqu'un assis dans une pièce, on sait que fatalement va apparaître derrière lui/elle une ombre menaçante, et en général contondante.
Le réalisateur, dans le document de presse, confie l'envie qu'il avait de construire un univers à la David Lynch, et a donc mis le paquet en construisant une histoire où la réalité de l'univers du début, lisse, rassurante, va progressivement se lézarder pour laisser apparaître, à travers les fissures qui s'agrandissent, un univers beaucoup plus sombre, angoissant. Une fille disparaït ? des sorciers ? une société secrète ? une menace planétaire ? Yes, mais toujours avec une  distance ironique, un sourire amusé, un genre de clin d'oeil complice genre je ne suis pas dupe et vous non plus hein ?
Teenage movie baroque, thriller paranoïaque rigolard, chronique existencielle ripolinée, exercice de style clinquant, Kaboom est un peu tout ça...
Et en plus, ce qui ne gâche rien, le film est emballé avec une musique enthousiasmante (j'aimerais bien pouvoir fouiller dans la discothèque du réalisateur, il y en a une sacrée liste qui défile au générique, je n'ai pas eu le temps de noter quoi que ce soit, mais je peux juste dire qu'il y a vraiment plein plein de morceaux qui font whizz et pschitt, un pop/rock entre effervescence et attendrissement, tout à fait à l'image du film...

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