fish eye
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MADRE
de Rodrigo Sorogoyen
Waouh! Et de trois! Uno, Que Dios nos perdone, Dos, El Reino, et Tres cette Madre-là. Le troisième film du réalisateur à frapper fort (et à produire un sacré effet!)
A une scène d'ouverture sidérante (la disparition d'un fils au téléphone), le réalisateur en fait suivre une autre, virtuose, sur la plage et dix ans après, pour nous en re-situer l'héroïne (au prix d'un travail de filmage -de construction de la scène- absolument sidérants, que l'objectif grand-angle (procédé qui m'horripilait chez Malick mais trouve ici à mes yeux, allez savoir pourquoi, une grâce singulière) accentue encore. La caméra embrasse d'abord la plage, sur laquelle elle va progressivement se rapprocher une femme qui marche le long du rivage, qu'elle va isoler, autour de laquelle elle va tourner, la saisissant au moment où elle croise un groupe d'adolescents sur le dernier desquels elle va se retourner.
Un fils retrouvé ?
Rien n'est dit de cet ordre, dans un premier temps, tandis que va se nouer entre ces deux personnages une relation particulière, que ni eux-mêmes ni ceux qui les entourent ne parviennent vraiment à comprendre. Jean et Elena, lui français, elle espagnole (ce qui donne un film hybride, les français parlant en français et les espagnols en espagnol, ce qui semble logique, mais qui, suivant les cinémas, sera dit en vf (le bôô cinéma) ou en vo (le Beaux-Arts à Besac) alors qu'il s'agit d'une seule et unique version -il aurait été inconcevable que le film ne parlât qu'en français, allez le voir vous comprendrez-), lui ado (mineur) et elle qui pourrait être sa mère, se rapprochent, se tournent autour, chacun avec ses motivations et ses envies (plus ou moins claires) et chacun avec ses propres obstacles à cette éventuelle relation, (lui a une famille -excellents Anne Consigny et Frédéric Pierrot- et elle un ami/amant -l'aussi excellent Alex Brendemühl, qui, contrairement à ce que son nom pourrait laisser supposer, est espagnol, comme vous et moi, enfin plutôt comme moi d'ailleurs) qui vont eux-aussi avoir leur rôle à jouer dans cette histoire...
On a démarré comme un thriller, et on continue en chronique sentimentale, Le blé en herbe revisité du côté d'Hendaye (la mer, personnage à part entière y est d'ailleurs sublimement filmée) avant de devenir quasiment une étude de cas (jusqu'à quel point peut-on péter les plombs et se méprendre ?) jusqu'à un final -curieusement ? - apaisé (et un coup de téléphone qui fait se questionner chacun des spectateurs).
Je n'ai pas parlé du couple vedette (chacun intense malgré une courte filmographie) : lui, Jules Porier jouait Marvin enfant dans le film du même nom (d'Anne Fontaine), elle, Marta Nieto, jouait déjà le rôle principal dans le court-métrage Madre, du même réalisateur (2016) dignes de tous les compliments...
Un film réussi, avec plusieurs scènes anthologiques, mais peut-être un peu trop longuet (et répétitif) dans sa partie centrale... Mais j'en garderai des images de plage et de mer absolument magnifiques (ça tombe bien je suis à donf dans ma période plage et mer).