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lieux communs (et autres fadaises)

18 juillet 2020

pierre qui roule

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UN JOUR SI BLANC
de Hlynur Pálmason

Les films islandais, c'est comme les films roumains, ou les films belges : j'y vais quasiment les yeux fermés, et je suis rarement déçu. Celui-ci était initialement programmé la première semaine du conconfinement, et on lui a donc redonné sa chance.
Je l'ai vu à la séance de 18h avec Emma, et nous étions tous les deux enchantés à la sortie. Bonne pioche! Un film trés réussi, profondément original, non pas par l'histoire qu'il raconte (un flic dépressif, suite à la mort de sa femme, découvre qu'elle le trompait...) mais par la façon dont il le fait. Le premier plan met en place la scène originelle (une voiture qui file sur une route toute droite entre deux murs de brume, un jour vraiment très blanc) et la scène suivante, via un dispositif minimal, nous montre le temps qui passe... (mais serait de nature à décourager les spectateurs un peu trop... impatients -dont on se demande ce qu'ils feraient là d'ailleurs...). La narration "normale" continue ensuite, mais toujours avec, à intervalles réguliers, des séquences "autres", qui transforment ce qui aurait pu n'être qu'un polar banal en quelque chose d'encore plus (de beaucoup plus) intéressant.
Les choses ne sont pas faciles pour Ingimundur (le flic), un grand barbu renfrogné qui essaie de se maintenir à flot après la mort de son épouse, heureusement il retape patiemment une vieille baraque dans laquelle il a l'intention d'installer sa fille et sa petite fille (bon, et son gendre aussi quand même, mais parce qu'il le faut bien), il fait régulièrement la nounou pour Salka, sa petite fille, une blondinette qui ne mâche pas ses mots.Bref, il survit.
La découverte qu'Ingimundur va faire de l'existence d'une autre homme, plus jeune que lui, va le faire réagir, de mal en pis, et la tension va aller croissant au fur et à mesure que le récit progresse. Le doute, l'incrédulité, la colère, la violence, l'agression, chaque palier faisant se recroqueviller le spectateur un peu plus sur son siège...
J'ai évoqué la façon dont Pálmason raconte son histoire, la pâte filmique, remarquable, qui réussit plusieurs fois, avec des choses pourtant simples, à captiver le spectateur (dans mon esprit je nommais ça les diversions, et voilà que je découvre que le journaliste de Libé a fait la même chose*, et qu'il a aussi été fasciné par les mêmes scènes, qu'il passe en revue (et je vous renverrai donc à son article ), sauf une, que j'aime particulièrement, celle où, en partant d'une pierre, il offre à chacun des personnages déjà vus dans le film un plan fixe avec un regard-caméra, chacun comme prenant à parti le spectateur en silence -j'ai adoré ça- donc plutôt que de diversions je parlerai de contrepoints).

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* au temps pour moi : dans Libé il est question de digressions, pas de diversions...

17 juillet 2020

"est-ce que je suis un connard?"

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LA CRAVATE
de Mathias Théry et Etienne Chaillou

Ces deux-là, ils m'avaient enchanté avec leur premier film, La sociolgue et l'ourson (2016), un doc sur le Mariage pour tous (et les remous sociétaux que ce projet de loi avait suscités) mais réalisé uniquement avec des ours en peluche, des poupées et des jouets. j'avai tellement aimé ça que je l'avais mis dans mes films de l'année...
Et les voilà qui reviennent avec un projet centré sur un autre genre de nounours, un jeune militant fn (j'ai vraiment du mal à mettre des majuscules sur ce sigle-là) et son parcours au sein du parti en question (de la même façon, je n'avais pas voulu mettre l'affiche du film sur notre prog, parce que je ne voulais pas y laisser figurer le visage -même flou- de la cheffe actuelle du parti en question...).
Le film met en place un dispositif plutôt astucieux : un fauteuil dans lequel va s'asseoir le jeune homme, à qui on confie le script de ce que va être le film (d'après les éléments biographiques qu'il a au préalable confiés lors d'entretiens aux deux réalisateurs), et nous retrace donc toute son histoire personnelle au sein du susdit parti.
Mais le jeune homme ne fait pas que lire et commenter, on le voit en action, puisqu'il a aussi été filmé par les deux réalisateurs et la présence de la caméra, en principe invisible par définition, est à plusieurs reprises soulignée notamment par les "supérieurs" du jeune homme, (très) méfiants dans un premier temps, puis capables de mettre un frein à leur discours pour rester conformes à ce à quoi voudrait faire croire l'entreprise dite "de dédiabolisation" (le loup déguisé en grand-mère).
Et c'est un peu le paradoxe de l'entreprise que de réussir à nous le rendre sympathique, ce jeune homme, parce que d'une sincérité désarmante, malgré (ou à cause de) la foi indéfectible qu'il porte aux idées de son parti. Et la prise de conscience progressive qu'il ne pourra jamais, hélas, parvenir aux hautes destinées politiques qu'il avait espérées au sein dudit parti... (la cravate et le costard ne suffisent pas).
Et je suis très reconnaissant aux réalisateurs d'avoir eu la présence d'esprit de couper systématiquement le son (j'adooooooore...) des orateurs/trices  lors des scènes de meetings et autres  grands-messes efféniennes, en se concentrant surtout sur les réactions du public.
Un film malin, honnête, un film "juste", quoi...

 

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l'affiche

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le jeune homme (le dispositif)

16 juillet 2020

bachi-bouzouks et antéchrist

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MALMKROG
de Cristi Puiu

N'y allons pas par quatre chemins : une énorme déception.
D'autant plus que venant d'un cinéaste que j'adore (La mort de Dante Lazarescu, Aurora, Sieranevada). Avec en plus le sentiment désagréable de ne pas avoir vu le même film que les critiques, tellement les articles sont dithyrambiques (le mot de chef-d'oeuvre revient même régulièrement).
Je l'ai déjà dit : la dialectique*, ça m'emmerde. (Mon cerveau n'est pas configuré pour ça).
(*Larousse : Méthode de raisonnement qui consiste à analyser la réalité en mettant en évidence les contradictions de celle-ci et à chercher à les dépasser. / Suite de raisonnements rigoureux destinés à emporter l'adhésion de l'interlocuteur : Une dialectique implacable.)
Le film est l'adaptation (la "mise en images") de Trois Entretiens (sur la guerre, la morale, et la religion) de Vladimir Soloviev (un grand philosophe russe) auxquels est  adjoint, wikipédioche me l'apprend, son appendice, un quatrième, en guise de coda, la Courte relation sur l'Antéchrist.

"Les Trois Entretiens, imprégnés de philosophie et de théologie, ont l'attrait d'un exercice littéraire fort élégant, très dégagé et aussi, dans le meilleur sens du mot, mondain. Ils donnent l'idée la plus exacte de l'imprévu et du charme que présentait la conversation du grand philosophe russe." (extrait de la notice de présentation de l'ouvrage sur un site marchand).
Six personnages (en quête de hauteur hihihi) qui piapiatent, donc (pour la petite histoire, Puiu en a modifié plusieurs du manuscrit original pour les accommoder à sa sauce), dans une maison ma foi plutôt cossue, pour ne pas dire luxueuse, qu'a mise à leur disposition le maître des lieux, six beaux parleurs entourés par un ballet de serviteurs, dans un dispositif très académique ... et très statique.
Comme si les personnages de Tchekhov se mettaient soudain à déclamer le Tractatus Logico-Philosophicus de Wittgenstein (que je n'ai jamais lu non plus, je vous l'avoue -je vous rassure-) ou Le Discours de la Méthode. Bref, je me suis copieusement ennuyé (autre version : prodigieusement fait chier) et j'en étais attristé, pour moi, pour les personnages, pour Puiu, bref pour le monde entier... D'autant plus qu'il y a pas mal de moments, ici là-bas, ailleurs, que j'aime beaucoup dans le film : tout ceux où justement, les personnages cessent de gloser. Ces moments deviennent comme des respirations bienvenues au milieu de cette apnée dialectique (et, curieusement, j'ai omis de le préciser, en français : les personnages ont des prénoms français et s'expriment en français (même si on entend aussi, ça et là, de l'allemand et du russe me semble-t-il...), et les choses auraient sans doute été plus faciles s'ils l'avaient fait en roumain (Quoique... Le fait de ne pas avoir à lire les sous-titres nous permet aussi d'apprécier les cadrages et la mise en scène (car Cristi Puiu a fait un sacré beau travail, il faut le reconnaître, et les regrets sont encore plus profonds quand on lit la façon dont il en parle, et qui donne vraiment envie de voir le film... Arghhhh!)
Pour me changer les idées, je suis allé farfouiller sur Netflixmuche, où on peut trouver le -passionnant- Aurora, dont il dit (dans une de ses interviews) qu'il lui a, pour l'occasion, rajouté dix minutes (3h10, donc...), et j'ai commencé à le re-regarder et à me re-régaler (c'est un film que j'aime énormément...)

 

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les piapiateurs, dedans

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 les mêmes, dehors

15 juillet 2020

rideau

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CELLES QUI CHANTENT
de Sergei Loznitsa, Karim Moussaoui, Julie Deliquet, Jafar Panahi

Celui-là a eu beaucoup de chance (et moi aussi, donc, du coup) je n'avais pas prévu de le voir, et voilà que c'était la seule séance que je pouvais choper au cinoche à cette heure-là (13h!), puisque le film roumain que j'avais très envie de voir n'était pas visible ce jour-là.
Quatre films courts avec dedans des voix de femmes, quatre univers très différents, et quatre moments de plaisir en tout cas. J'y allais surtout sur les noms de Loznitsa et de Panahi (qui ouvrent et ferment le film d'ailleurs), les "aînés", mais j'ai tout autant aimé les deux jeunes (Moussaoui et Deliquet, je connaissais le premier pour En attendant les hirondelles, mais la seconde pas du tout), qui font largement aussi bien (chacun dans sa partition...)
Quatre façons d'aborder le thème, quatre manières de (re)présenter une femme qui chante dont je ne vous dirai rien de plus pour ne pas gâcher votre plaisir (celle de Panahi, l'ultime, étant l'exact contraire, à des années-lumière, dans tous les sens du terme, de celle de Loznitsa, la première) et je suis très content de me dire que j'aurai peut-être la chance et le plaisir de le revoir quand il passera dans le bôô cinéma (en principe, c'est prévu)...

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14 juillet 2020

conconfinement

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HOMEMADE
sur Netflix

à l'initiative de Pablo Larrain, une collection de 17 films réalisés pendant le conconfinement ("en respectant les règles", c'est dit dans le générique)

1) LADJ LY (7')
2) PAOLO SORRENTINO (7')
3) RACHEL MORRISON (5')
4) PABLO LARRAIN (11')
5) RUNGANO NYONI (10')
6) NATALIA BERISTAIN (8')
7) SEBASTIAN SCHIPPER (9')
8) NAOMI KAWASE (7')
9) DAVID MACKENZIE (9')
10) MAGGIE GYLLENHAAL (11')
11) NADINE LABAKHI (7')
12) ANTONIO CAMPOS (8')
13) JOHNNY MA (8')
14) KRISTEN STEWART (11')
15) GURINDER CHADHA (10)
16) SEBASTIAN LELIO (8')
17) ANA LILY AMIRPOUR (1O')

*

mes quatre préférés:

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13 juillet 2020

jeunes gens

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NUS MASCULINS
de François Reichenbach

C'est grâce à Henri que je l'ai découvert... Henri, le site des incunables que la Cinémathèque a cocommencé à mettre en ligne pendant le coconfinement, où je me promenais hier après-midi la truffe au vent... Le titre bien entendu m'a attiré l'oeil, et j'ai cliqué pour le visionner (et vérifier si c'était publicité mensongère ou non...)
Et bien non, pas mensonger, le film tient les promesses de son titre. Voui voui voui. Il s'agit d'une sorte de journal intime, filmé en 16mm et en ektachrome (si je ne me trompe pas), silencieux, en plus, mettant en scène des jeunes gens. pas mal de jeunes gens, tous de sexe masculin (et qui nous le montrent assez vite, contrairement à ce que j'aurais eu tendance à croire...). des jeunes gens et des fleurs, des jeunes gens et des statues grecques, des éphèbes qui s'affeuillent en souriant à la caméra d'un air complice, avant que tout ce monde ne se rhabille pour aller traïner (sans doute) à New-York, aille promener son chien dans un parc où d'autres jeunes gens aussi promènent leur(s) chien(s) et tous ont envie de se frotter la truffe, avant de revenir à nouveau dans la forêt complice pour se promener la zigounette à l'air...
C'est... mignon. c'est improbable, c'est champêtre, c'est voluptueux, et c'est surtout très kitsch, délicieusement kitsch, préfigurant le travail de Pierre et Gilles et leur iconographisme gay... Je connais très peu François reichenbach, je ne sais même pas si j'ai déjà vu un film de lui, je l'imaginais en documentariste sérieux et hétéro centré, je n'imaginais pas clic clic qu'il jouait dans mon équipe, et je remercie donc encore vivement Henri pour cette sympathique découverte...

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(le genre de film à garder au chaud pour les prochaines soirée solitaires et glacées d'hibernage et de conconfinement...)

 

8 juillet 2020

le doigt dans l'oeil

LITTLE ROCK
de John Brandon

Encore un livre que je referme presque à regret. J'avais déjà lu son premier roman, publié au Masque, Citrus County, que j'avais bien aimé, notamment à cause de son ton assez particulier. Il était question deux ados qui kidnappaient une jeune fille... Il sera question ici aussi de jeunes gens, Swin et Kyle, qui au début ne se connaissent pas (on les suit en parallèle, et j'avais un peu de mal à les différencier d'ailleurs) qui vont se retrouver embauchés pour bosser dans un parc régional ("officiellement"), mais surtout pour transporter régulièrement de la came, la nuit, aux ordres d'un chef mystérieux surnommé Frog, dont l'histoire (la "carrière") nous est retracée chronologiquement (et assez perecquiennement, puisque tous les chapitres qui le concernent sont écrits à la deuxième personne du singulier, comme dans Un homme qui dort), en alternance avec celle des deux jeunes gens.
Un bouquin qui démarre en trombe et en fanfare, qu'on pourrait définir comme épatant, avec des dialogues qui claquent, (j'aime quand j'ai régulièrement envie de recopier des passages, ou de corner les pages), des digressions plaisantes, au départ tout semble plutôt léger, désinvolte, acide, caustique, bien vu, ... jusqu'à ce qu'on réalise (en se rapprochant de la fin) que ce n'est pas du tout aussi drôle et léger que ça... Une narration goguenarde très plaisante à suivre, émaillée ça et là de quelques accès de violence (torture ou exécution) parfaitement épouvantables. Bref, un roman bien plus âpre que ce qu'on aurait pu penser au départ.
(Mais hélas encore un écrivain dont seuls deux livres ont été traduits en français...)

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7 juillet 2020

petite musique de nuit

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GHOST TROPIC
de Bas Devos

Toute une nuit... c'était déjà, il y a longtemps, un (beau) film nocturne et belge, signé  Chantal Akerman. Un film fiévreux et estival, dont allocinoche ne sait même plus la date de sortie, c'est dire. Un film choral, une nuit d'été en ville belge (que je reverrais bien d'ailleurs, tiens...)
Ici on est bien encore à Bruxelles, il y fait bel et bien nuit, mais c'est l'hiver. L'héroïne se prénomme Khadija, elle est femme de ménage, elle a une petite  voix (délicieuse), et la caméra la cueille à la fin de sa journée de travail, quand elle se prépare pour rentrer chez elle... Puis la suit lorsqu'elle prend le métro (et ne la lâchera d'ailleurs pratiquement plus jusqu'à la fin...)
Khadija s'est endormie, et voilà qu'elle est allée jusqu'au terminus, et c'est là qu'elle se réveille, au bout de la nuit, et la voilà bien obligée de se débrouiller pour rentrer chez elle par ses propres moyens... et le film donc l'accompagne, de rue en rue, de rencontre en rencontre (on en croise des gens la nuit dans la rue...) et on est heureux de leur emboîter le pas.
Le film, qui commence tout de même par un plan parfaitement immobile de plusieurs minutes qui pourrait en décourager certain(e)s (j'ai, à ce moment-là, pensé au mot exigeant : un film exigeant) se fait ensuite  plus aisé, plus mobile, sur les pas de Khadija, tout près d'elle, parfois la précédant et d'autres la suivant... Plus sinueux aussi, et d'autant plus attachant, entre réalisme social et presque fantastique urbain. Un conte de faits. Et une très jolie déambulation nocturne, frileuse, mélancolique juste ce qu'il faut, avec des lumières joliment chiadées, (j'ai un gros faible pour les lumières des villes la nuit dans les films), une  musiquette assez minimaliste parfaitement adaptée, à la rencontre de chaque fragment d'humanité qui y déambule (et qui croisera la route de Khadija, vieille dame très digne marchant vaillamment dans son odyssée nocturne.)
Un film poétique et humaniste dont les ingrédients restes pourtant toujours très simples (un gardien, un sdf, un chien, un jeune afghan, un groupe d'adolescents, des infirmières...) mais mis en lumière d'une certaine façon, qui contribuent chacun à sa façon à structurer le récit, enluminés façon chanson de gestes (mais qui serait juste murmurée), une comptine enfantine qui parlerait légèrement de choses graves...
Que dire d'autre ? Juste que c'est le genre de film que j'adore (et que j'aimerais voir les autres films de Bas Devos, mais ça a l'air d'être mission impossible, dommage...) Une vraie réussite.

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4 juillet 2020

mariposas

 

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l'image de ces papillons multicolores en plastoque sur fond de ciel bleu estival
donne une une idée assez juste de la facticité du bonheur

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la même, vue au sol, me semble beaucoup plus réaliste, non?

4 juillet 2020

unas cervezitas

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LE COLOCATAIRE (UN RUBIO)
de Marco Berger

Celui-là, Optimale (le distributeur) nous l'avait gentiment accordé, très en avant-première, pour notre désormais mort-née Semaine Latino 9. Le cocovirus en a décidé autrement, la sortie du film a été décalée au 1er juillet, et voilà que non seulement Optimale nous le repropose en sortie nationale mais que l'exploitant le programme en "film A" (plus de 20 séances pour la semaine...). J'y suis donc allé (et c'était en plus mon "retour" dans le bôô cinéma) pour la première séance, mercredi à 15h40, escomptant, par ce beau temps, une séance privée mais non, nous y fûmes deux...
J'ai déjà dit, à maintes reprises, tout le bien que je pense de Marco Berger, et ce depuis son premier film, Plan B (2010), et j'ai d'ailleurs vu tous ses films, même (et surtout) ceux sortis directement en vidéo (Hawai, Sexual tension : volatil, et Taekwondo), et même ses premiers courts, chopés sur Y*utube (Una última voluntad, El reloj)... Je peux dire que je possède donc assez bien le sujet...
Marco Berger est argentin et gay, et ses films sont à cette image duelle : il y est à chaque fois question de deux hommes entre lesquels va se nouer quelque chose (amour, amitié, va savoir...) bref un rapprochement (avec un grand D comme désir). Oui, Marco Berger est un cinéaste du désir (comme, on dirait avec la voix de Frédéric Miterrand, "Franck Capra est le cinéaste du bonheur..."). Bref le jeu du chat et du chat (il n'y a plus de souris ou bien elle est très périphérique à la narration), deux matous qui se tournent autour et semblent avoir envie d'aller goûter dans la gamelle du voisin. En tout bien tout honneur (j'en avais fait le leitmotiv d'un précédent post sur un autre film du même). En général, chaque film se cristallise autour d'une montée progressive dudit désir, portée jusqu'à l'incandescence, jusqu'à un happy-end où les deux finissent par concrétiser, juste à la fin du film, et s'envoient -enfin- joyeusement en l'air (en hors-champ) et hop!

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Il y a aussi -surtout- la façon de filmer les corps masculins qui me ravit : Marco Berger fait ça à merveille, d'une caméra aimablement voyeuse en nous gratifiant régulièrement de gros plans "subjectifs" sur les beautés cachées (à peine) de ses protagonistes (ah, les jeunes gens qui dorment dans le même lit, ETBTH*, dans Plan B) en slip, en maillot de bain, en caleçon, en jean, en jogging, et ces plans récurrents (et muets) sont comme des petites ampoules qui clignotent, complices, sur la guirlande du récit... On sait donc à quoi, peu ou prou, s'attendre, quand on va voir un film de Marco Berger (et on sait ce qu'on espère / on a envie d'y voir).
Et voilà que dans ce Colocataire (le titre français n'est pas très affriolant) -à chaque fois je pense à coloscopie, par exemple- il change -légèrement- la donne : deux hommes, certes, un brun (Juan) et un blond (Gabriel, dit Gabo) qui partagent un grand appartement, le brun est un queutard plutôt désinhibé (il reçoit régulièrement ses copines), le blond est père d'une fillette qui vit loin chez sa grand-mère et qu'il va voir régulièrement le week-end, hétéro macho 1 et hétéro macho 2, donc,a priori. L'un parle beaucoup et l'autre très peu, et pourtant ce qui devait arriver arrive, regards, frôlements, mouvements d'approche, plus proche, encore plus encore et bam,  les voilà qui s'ébattent, mais, mais mais, on est à un tiers du film seulement, alors que d'habitude c'est "ça" qui le conclut...
D'habitude, il n'est question que du désir (et c'est justement ça que j'adore), tout ce qui se passe dans la tête avant, tandis que la concrétisation, le passage à l'acte, ce n'est visiblement pas ce qui intéresse le plus le réalisateur, qui préfère allumer des mèches à combustion lente et observer de près comment le feu se met aux poudres. Que va-t-il donc se passer après ?
Pour la première fois, dans un film de Marco Berger on va voir... la suite! Ce qu'i se passe entre les points de suspension. La vie de couple, donc, si on veut (ils sont amants et ils habitent ensemble) de "presque" couple puisqu'elle n'existe qu'entre les murs de l'appartement. Et que lorsqu'ils sont seuls, ce qui n'arrive pas souvent. Entre les ex-copines de Juan, les potes qui défilent, les moments d'intimité sont rares (même si le désir pointe régulièrement le bout de son museau), surtout que Juan se comporte un peu comme un ado, égoïste et capricieux (mais tous ceux qui passent dans le salon, à se vautrer devant la télé en buvant des bières des matés ou en bouffant des pizzas se comportent aussi comme des ados, et l'omniprésence de la télé en off (matches de foot, séries, films), en rajoute encore dans ce sens.)
Juan et Gabo vont faire l'expérience de la vie de couple, hauts et bas, espoirs et déceptions, et leur relation évolue, tangue,  de l'amour il y en a, c'est sûr,  mais pas toujours quand on voudrait, comme on voudrait (un problème de synchronicité) ce qui rend les choses de plus en plus... délicates et compliquées (d'autant plus que Gabo est quasiment mutique et n'extériorise rien ou presque de ce qu'il ressent.) "Dans un couple, il y en a toujours un qui souffre et un qui s'ennuie..." Et l'autre phrase, c'était quoi, déjà ? Ah oui "Aimer c'est vouloir donner quelque chose qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas..." Pile-poil!
Le récit (et le montage du film, assuré aussi par le réalisateur) souffle le chaud et le froid, comme la relation entre les deux hommes, et j'aime cette chronologie heurtée et pourtant rectiligne, ces ellipses, ces trous d'air, ces embrasements... et Berger boucle là une belle chronique sensible sur cette histoire d'amour, qui m'a finalement beaucoup touché (même s'il ne s'y passe rien de vraiment inimaginable, c'est la vie, quoi, oui, juste c'est comme la vie) aidé par  la qualité de l'interprétation des deux acteurs principaux (Gaston Re et Alfonso Baron) et  la force que leur conviction donne à leurs personnages (ils ont d'ailleurs tous les deux co-produit le film...)
Si le relatif désenchantement de cette vie de couple est indiscutable, il est pondéré par des petites touches d'optimisme, de la tendresse, des scènes douces, de la complicité (même si on est en droit de trouver in fine inacceptable la lâcheté d'un des deux -j'ai bien sûr pensé alors au délicat Maurice de James Ivory...). Le film laisse un goût (un peu) plus amer que les autres de Marco Berger (juste parce qu'il a le courage -les couilles ?- d'aller plus loin dans la topographie d'une histoire amoureuse), mais il est incontestablement aussi fort...
Et vaut cent fois mieux que ne voudrait le laisser croire la critique proprement dégueulasse que j'en ai lue dans Libé (et qui méritait presque le désabonnement).

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(je préfère l'affiche originale à l'affiche française...)

 

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