OLD JOY
de Kelly Reichardt
(Smiley avec lunettes noires) Je ne l'ai pas vu en salle (j'ai failli, tout de même, dans mon MK2 Beaubourg chéri...), je l'ai vu chez moi, sur mon ca'pé et sur dvd (pas piraté, non, non, vous savez bien que c'est mal) mais filé par la maison de production, pas à moi mais à une amie (c'est bien là qu'on reconnaît ses amis, lorsqu'ils vous font profiter des opportunités (oui, oui, hervé, je sais bien que ce mot t'exaspère mais bon), des bonnes occases, quoi!)
Trois choses me donnaient envie : le thème (deux potes partent en promenade pour un week-end entre hommes - les meilleurs! -), la durée atypique (une petite heure et quart, générique inclus) et... la bouille de Will Oldham (pour qui, je ne sais pourquoi, je ressens une indéniable sympathie).
Donc, deux potes se retrouvent (dans tous les sens du terme, puisqu'ils ne se sont visiblement pas vus depuis un certain temps) pour passer un week-end dans la nature (il est question d'une source chaude). Ils se perdent un peu au début (hmmm, deux potes, rando, ils se perdent, et tout un chacun de crier J'ai trouvé! Gerryyyyyy! Sauf que non, non, pas du tout pas du tout absolument pas.) mais donc, pas d'inquiétude, après une nuit de camping / feu de bois parviennent à destination, profitent donc de la source chaude en question, puis rentrent à la maison, chacun de son côté (mais que voulais tu donc, Chori, qu'ils se mariassent ?)
Deux potes qui ont été amis plus jeunes ("Ils sont loin, nos seize ans..."), et qui se sont un peu perdus de vue. L'un, Mark (Daniel London) s'est marié, a une maison, un chien, sera bientôt papa, tandis que l'autre, Kurt (Will Oldham) semble être resté plus flou socialement parlant, encore semble-t-il dans les limbes (parfois) douillets de la post-adolescence...
C'est la magie du cinéma (enfin, d'un certain cinéma), de vous poser, comme ça, deux mecs côte à côte dans une bagnole, et c'est votre cerveau qui prend le relais, qui fait tout le boulot, finalement, leur retricote une histoire, des souvenirs communs, un vécu, un passé, et c'est plutôt agréable...
J'ai évoqué plus haut Gerry, parce que beaucoup de monde l'a fait, mais je ne trouve pas que les deux films aient tant de points communs que ça. Ils sont même presque diamétralement opposés. Gerry progresse selon une stylisation, une désincarnation progressives, dans quelque chose de malaisé, d'angoissant, de douloureux, tandis qu'Old Joy est tout en douceur. Mélancolique, soit, nostalgique, peut-être, mais infiniment paisible en tout cas.
Un film, comment dire, humble, profil bas, un film sans forfanterie, sans esbrouffe, sans démagogie. Un film d'herbes d'arbres et d'eau. Pas d'effets, juste un récit qui fait son chemin, une caméra légère, amicale comme un animal de compagnie, des dialogues à l'avenant, et la guitare de Yo la tengo pour ponctuer ça émotionnellement... On marche simplement avec eux, on suit le sentier que le réalisateur nous esquisse.
Il s'agit juste de la vie, de la vie simple, de la "vraie vie" (... celle de deux personnages dans un film, lui-même adapté d'une nouvelle, qu'en est-il du vrai ?). De petites choses basiques, de détails (un oiseau sur un toit, un feu de camp, un petit-déjeuner, un chien qui rapporte un bâton, le récit d'un rêve qu'on fait à un copain...), bref d'éléments quotidiens, ordinaires, presque triviaux, dont la succession constitue la trame un peu lâche de cette promenade aimablement bucolique...
Oui, d'une grande douceur. Et tout deux repartiront sans s'être finalement dit grand chose. Peut-être que ce qui devait être dit n'a finalement pas été dit. On ne sait pas s'ils se reverront, ça n'a pas d'importance. On a juste vécu une tranche de (leur) présent. Dans l'instant, dans la sensation, dans le bonheur simple juste d'être là.
On reste alors peut-être sur sa faim, on aimerait c'est sûr aller un peu plus loin en compagnie de ces deux-là, le temps a passé vite, les parenthèses sont déjà refermées, on rallume déjà... J'aime la façon dont le titre réapparaît à la fin (idem au début, où il surgit des limbes, comme une condensation de nuage, et se dissout ensuite de la même façon) ce qui me semble être une métaphore très juste du film lui-même, apparu/présent/disparu)
Les critiques sont unanimement dithyrambiques, et pourtant je mettrais un bémol. Oh, un léger, et très flou de surcroît : il me semble qu'il manque quelque chose, un je ne sais pas quoi, je suis incapable de préciser davantage, pour que le film prenne plus d'épaisseur, de densité, passe d'agréable à inoubliable. Mais c'était peut-être là justement le but recherché.
Quelque chose, fugitivement, a passé, qu'en a-t'on retenu ?.
"Le chagrin, ce n'est que du bonheur qui a passé"
(Tranquillou y es-ty ?)
Hmmm j'oubliais : le STG, comme d'hab. Le sous-texte gay (dès qu'il y a deux mecs ensemble, il y a forcément un sous-texte gay) Là, justement, latitude est laissée au spectateur de tricoter toute la romance ou non qu'il souhaite, tant le champ est laissé libre aux supputations diverses. et ça n'est pas très important. Il y a juste cette scène brève de massage des épaules ("What happens ?" "Just relax") mais qui est tellement sans arrière-pensées que c'en est délicieux...