chat roux
INSIDE LLEWYN DAVIS
de Joel & Ethan Coen
Il me semble l'avoir déjà écrit, a propos de A SERIOUS MAN : il y a dans le cinéma des Coen quelque chose d'impeccable, une qualité de facture qui force, forcément (!) l'admiration. Un peu comme s'ils filmaient sur une pellicule spéciale. Cette façon imparable qu'ils ont de s'emparer d'un personnage (un looser magnifique de préférence) et de capturer l'espace-temps qui l'entoure, l'air qu'il respire, la vie qu'il vit.
Llewyn Davis est un musico, un guitariste, un folk-singer sans domicile fixe ni perspective de vie bien définie. Il chante (joliment) par-ci par-là, grapillant quelques dollars, et son principal souci quotidien semble être de savoir où il va bien pouvoir dormir le soir (car l'hiver cette année-là semble être rude, et le pauvre n'a même plus de manteau.
Dès le début du film (qui sera d'ailleurs, par une construction temporelle spécifique, aussi la fin), les choses sont posées : il a chanté dans un bar, s'excusant au près du patron de la cuite qu'il tenait la veille, puis se fait casser la gueule par un cow-boy dans l'arrière-cour dudit bar, avant de se réveiller dans un appartement vide, en compagnie d'un chat roux qu'il va malencontreusement laisser s'échapper au moment où il ouvre la porte pour sortir, et à la poursuite duquel il va consacrer une certaine partie du film.
Llewin Davis est un barbu frisé mimi que les réalisateurs réussissent à nous rendre attachant à défaut d'être toujours vraiment sympathique... Ok, il galère, mais est-ce vraiment la faute à pas de chance ? mais on le suit, au long des épreuves qui s'nchaînent tout au long des nuits hivernales (ce n'est pas pour iren qu'on apprendra, tout à la fin, que le chat s'appelle Ulysse) au fil des rendez-vous plus ou moins manqués, des rencontres plus ou moins improbables, des coups plus ou moins durs, des engueulades plus ou moins justifiées aux réconciliations plus ou moins idem, et c'est du grand grand Coen & Coen (mais n'est-ce pas le sentiment que j'ai chaque fois que je sors d'un de leurs films ? Non non, il ya des fois où je sens que, même si c'est brillant, c'est tout de même mineur, tiens il faudra que je fasse bientôt une liste récapitulative).
Oui, j'ai adoré, même si -honte à moi- je me suis un tout petit peu endormi au milieu , et c'est d'ailleurs pour ça que j'y retourne cet après-midi (fin de ce post alors suivra)
(après l'avoir revu, donc)
Quel bonheur mais quel bonheur d'y être retourné! D'abord le plaisir de revoir le film, mais aussi ce que j'en avais manqué (rien pendant un certain temps, et puis, pour le voyage à Chicago, voilà qu'il m'en manquait pas mal, ou plutôt tout ce qui se passait entre les quelques images qui m'en étaient restées, et ç'aurait été très dommage car c'est vraiment un morceau du film que j'adore, typiquement coenesque : de la belle image, des personnages presque mystérieux, en tout cas inquiétants juste ce qu'il faut, la route dans la lumière des phares, les pauses dans des stations-services, la neige, les mots ou les actes sybillins, on ne comprend pas tout, juste ce qu'il faut, mais on se laisse porter, c'est merveilleux...)
Oui, merveilleux. Tout serait prétexte à compliments : la lumière, la couleur (une gamme d'ocre de bruns de gris), le cadrage, la construction (j'adore cette fuite en avant simplement rectiligne qui nous prouve, finalement, que, même en allant tout droit, et bien, on finit -plaf!- par revenir à son point de départ (parce que la terre est ronde, cqfd), sans oublier l'essentiel : les personnages, bien entendu, en premier lieu ce looser magnifique de Llewyn D., mais tout autant l'intégralité des personnages qui l'entourent, tous traités avec la même attention curieuse, dépeints avec la même tendre vacherie. La même humanité, simplement.
Si le film peut faire sourire en surface, il n'en relève pas moins en profondeur de la même veine mélancolique (aussi violente que discrète, si je peux oser le paradoxe) que j'aime tant chez les brothers C.
Un grand grand cru.