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lieux communs (et autres fadaises)
1 juin 2016

mais si,tu sais bien, celui qui... le retour!

Pour fêter les arrivées imminentes et successives de l'euromachin de foot, du tour de francemachin et des jeux machins olympiques, j'ai le plaisir de vous annoncer le retour du petit jeu cinéma (sous réserve que celui qui trouvait toutes les images sans connaître les films grâce à un artifice informatique n'en ait pas connaissance et n'y participe pas, auquel cas je me verrais contraint (contrit ?) d'annuler simplement tout...) déjà mis ici plusieurs fois en place.

Mêmes règles  : un film à découvrir grâce à une photo (le premier jour), puis une deuxième (le jour suivant), puis une troisième, et ainsi de suite... (la première vaut 5 points, la deuxième 4, la 3ème 3, et ainsi de suite)

Les photos seront mises en ligne chaque matin à 7h

Ce sont tous des films que j'ai vus (et beaucoup aimés, ça peut être un indice pour ceux qui me suivent...) en 2016 et en 2015, et dont j'ai extrait moi-même les images que je vous propose...

ça commencera le 10 juin, en même temps que l'euromachin...

... any questions ?

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(j'ai retrouvé ça, par exemple, que je nous avais pas proposé la dernère fois, il s'agit du magnifique Judex, de Franju, mais bon c'était difficile!)

1 juin 2016

modérateur ?

COMME DES LIONS
de Françoise Davisse

Une autre soirée "d'échange" dans le bôôô cinéma. Quekques semaines après Merci patron! de François Ruffin, l'ambiance était à nouveau à Debout les damnés de la terre et Prolétaires de tous les pays unissez-vous. Il était à nouveau question du patronat et des ouvriers, de l'exploitation de l'homme par l'homme, du cynisme des nantis et de l'étroite marge de manoeuvres dont disposent, finalement, les petits.
Ruffin avait fait ça assez joyeusement, avec sa famille d'ouvriers licenciés qui réussissaient à faire à Bernard Arnauld un pied-de nez de quelques dizaines de milliers d'euros (une bagatelle pour lui, une manne providentielle pour eux). Ici aussi c'est assez joyeux, et il sera aussi question de David prolo contre Goliath patrono (et aussi, in fine de pépettes et d'indemnisations -ou pas-) mais cette fois-ci on est dans l'usine (PSA Aulnay), les mains dans le cambouis, et on va suivre, de l'intérieur, les plusieurs mois de grève vécus (tenus) par tout un groupe d'ouvriers de l'usine.
Une grève "minoritaire" mais sacrément énergique (énergisante), montrée chronologiquement (les différents moments en ont été filmés par Françoise Davisse) avec, régulièrement, des inserts de textes transmettant les directives de "la direction", ses décisions, ses déclarations, ses mensonges, sa mauvaise foi, son mépris, son aveuglement... mais pas uniquement ceux "de la direction", également ceux des politiques (du plus petit au plus grand, -on a droit à une visite de François Nollande, juste avant le premier tour des présidentielles, qui donne rendez-vous aux grévistes "après son élection"... no comment-) mais aussi ceux des médias (journaux télé surtout).
Et ils en veulent, nos Petits Poucets grévistes de la CGT, infatigables, intarissables, et ils poursuivent leur action, ils persistent, mordicus, en revendicant toujours la "non-violence" (et face aux CRS c'est dur de résister). On verra défiler quelques têtes connues du PS (que je ne me donnerai même pas la peine de nommer tellement ils font triste figure dans leurs déclaration factices et languedeboisesques. Piteux.) tandis qu'ils attendent la nomination d'un médiateur longtemps promise et tout aussi longtemps différée.
Le film (presque deux heures tout de même) se regarde avec grand plaisir (j'avoue qu'au départ j'avais un peu peur de m'emmerder m'ennuyer poliment mais ici pas du tout du tout), tellement tout ça est plaisamment fait (la bonne humeur récurrente des grévistes -des syndicalistes- leur énergie, leur gnaque, semblent avoir gagné le montage (et le message) du film.)
Ce qui est drôle, c'est que c'est filmé de tellement près qu'on pourrait croire un instant que c'est l'usine entière qui était en grève. Et lorsque le couperet tombe, sèchement, impassiblement (le bilan des licenciements, des indemnisés, et des reclassés) on a droit à un joyeux épilogue (je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Ce vieux rêve qui bouge, d'Alain Guiraudie, même si ça a très peu de choses à voir).
Un excellent moment de cinéma politique, syndical plutôt. (je suis toujours sensible à cette belle utopie des discours syndicalistes, aux lendemains qui chantent, à tous les gars du monde qui veulent se donner la main). qui m'a d'autant plus enthousiasmé qu'était présent ensuite dans la salle pour ce fameux moment d'échange qui caractérise justement les soirées-rencontres, Salah Keltoumi, un des bouillonnants grévistes présents dans le film, qui se révéla aussi passionnant "en vrai" qu'à l'écran. (la preuve c'est que, exceptionnellement, je suis resté jusqu'au bout de la discussion!)

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31 mai 2016

combustion inversée

ELLE
de Paul Verhoeven

Oui, je l'avoue, fouettez-moi, (je le mérite sans doute) : je n'ai jamais lu un seul bouquin de Philippe Djian (et je n'en ai absolument pas l'intention) mais par contre j'en ai vu plusieurs adaptations cinématographiques (re-fouettez moi : j'avais trouvé 37°2 le matin un peu ennuyeux... Aïe, pas si fort! ça fait mal toutes ces gifles...)
Et donc là j'allais voir (bôô cinéma, avec Marie, séance de "retraités") davantage Verhoeven+Huppert que l'adaptation de Oh!. Ceci étant posé, deux mots sur la salle, qui malgré le petit nombre de spectateurs (premier jour, première séance), s'est révélée franchement pénible, tout particulièrement ces deux cruchasses du dernier rang qui ont passé leur temps à ricanasser régulièrement et de très bête façon, à des moments qui soient les dérangeaient soit qu'elles ne comprenaient pas (ou peut-être encore qu'elles avaient le ricanateur coincé en position "on" et qu'elles ne pouvaient rien y faire, les pauvres), ce qui a encore compliqué notre "entrée" dans le film, déjà pas si facile que ça par nature.

Car ça démarre tambour battant par un bruit de verre brisé sur fond d'écran noir, suivi par des bruits qu'on identifie comme de lutte, avant que l'image ne nous révèle (on nous met à la place du chat qui assiste à la scène) qu'il s'agit d'un viol, et que c'est le personnage d'Isabelle Huppert qui en est la victime. Viol spécialement brutal, mais, qui, étrangement ne semble, par la suite, pas l'affecter plus  que ça. "Tiens...", se dit-on. Et on va ensuite, sur ses traces, faire la connaissance du petit monde dont elle est le centre de gravité (ou d'indifférence) : ses collègues (femme, Anne Consigny, et hommes, tous les autres : elle est éditrice de jeux vidéos, et elle règne d'une main de fer dans un gant de fer aussi sur tout son staff de jeunots geeks ou apparentés), son fils qui s'est mis en ménage avec une "folle" (dixit Isabelle H.) et aurait besoin d'argent pour louer son nouvel appartement, sa mère (Judith Magre, grandiose), qui se tape un magnifique et musclé jeune gigolo avec qui elle projette de convoler, son ex-mari, (Charles Berling) écrivain raté un peu dans la dèche, sa belle-fille (qui mériterait effectivement des baffes) et last but not least le couple des nouveaux voisins, elle très catholique (Virginie Efira), et lui (Laurent Laffite) qui ne l'est peut-être pas tant que ça... Ah j'oubliais, et aussi son amant, qui s'avère être le mari de sa meilleure copine.

Voilà que sont mis en place les pions de la partie qui va se jouer. Paul Verhoeven l'est très, joueur. Et il va bien jouer, avec nos nerfs, avec nos angoisses, avec le feu, avec nos santés, (on peut s'amuser à continuer la liste...). Sans quitter des yeux isabelle H, en suivant ses traces : Isabelle à la maison, Isabelle au travail, Isabelle au restaurant, Isabelle dans sa chambre, etc. Bon, il y a eu cette histoire de viol, qu'on a vue en ouverture, et qu'on reverra plusieurs fois sous plusieurs coutures, mais ce n'est pas le plus étrange (ou le plus dérangeant) dans la vie de cette femme : on dirait que tout le monde s'y met autour d'elle (à déranger, déraper, désaxer). Violences, menaces, manipulations, mensonges, provocations, tout se met en branle autour de l'épicentre de ce viol initial, comme une onde qui se propagerait, une onde de malaise (on se dit à chaque instant que le pire pourrait arriver, mais, en général, c'est autre chose. Ou pas.), insidieuse, omniprésente.

Comme souvent chez Verhoeven, il est question d'apparences (et de faux-semblants), de violence (et de sursauts), de rapports de force  (qu'est-ce que se soumettre ?), de manipulation (s), mais surtout, grandiosement, de mise en scène (celle du film tout autant que celle qu'utilisent les personnages). Isabelle Huppert démontre, sans donner jamais le sentiment d'en faire trop, qu'elle est absolument celle qu'il fallait pour crédibiliser ce personnage. Elle y est souveraine (c'est le qualificatif qui a surgi pendant la projection) mais les autres ne déméritent pas et sont tous au diapason (avec un bémolet, peut-être, pour celui qui est derrière la cagoule, mais ça n'engage que moi...).

J'en ai profité pour, après,  réviser la filmographie de Verhoeven (ceux que j'ai vus) : Turkish Delices, Spetters, Le quatrième homme, (Je l'ai découvert parce que, dans sa première époque, la hollandaise,chacun de ces films était un FAQV. A Hollywood, bien entendu, les choses ont changé...) Total Recall, Robocop, Basic instinct, Starship troopers, Black Book...Oui, Isabelle Huppert (enfin, le personnage qu'elle incarne) ne dépare absolument pas au milieu de cette galerie de créatures (a minima) et de monstres (a maxima). Ici ne se joue pas la démesure science-fictionnesque des effets spéciaux, mais tout ça n'en est que plus impressionnant. En faisant semblant de faire profil bas, simple, français, quotidien presque, Paul Verhoeven nous embobine divinement. Mine de rien, le terrain est aussi miné qu'il l'était, déjà, pour les personnages des films précédents. Où la réalité ne serait qu'un point de vue.

Double-jeu. Ou jeu à plusieurs niveaux : Il fabrique un personnage qu'il met en scène dans un certain environnement (selon des codes précis), et le souligne en faisant de ce personnage le créateur/concepteur d'un jeu vidéo qui apporte à la création de son personnage principal (une guerrière qu'on pourrait qualifiée de "très sexuée") le même soin que celui du réalisateur qui l'a créeé. (Mise en abyme, mise en scène, mise en condition). Il s'agit bien alors de programmation (dans le jeu, seul le concepteur en connaît à l'avance non seulement les rebondissements mais aussi le "but" final) mais le spectateur est un gamer captif : il n'a pas de manette pour jouer, il ne peut compter que sur son propre cinéma intime (cette capacité d'envisager le pire) pour l'aider à progresser jusqu'à la fin de l'épopée. Alors on joue le jeu, on lâche prise, on se laisse manipuler, on est ravi. Et quand game is over on peut reprendre enfin son souffle.

Le film est long en bouche (en tête, plutôt),  on y prend goût,  on le savoure, et à la fin il ne vous laisse pas  vous en sortir si facilement. On est pendant deux heures monté et descendu, sur le carrousel déglingué (déchaîné) sur lequel Paul Verhoeven nous avait ficelé, voire on aurait tourné en rond, mais qu'importe. Le train fantôme, le grand-huit, la galerie des miroirs, les autos-tamponneuses, c'est comme si on avait tout fait, sans même avoir besoin de boucler sa ceinture. Cinéma forain, cinéma malin, on est passé partout, oui, et on a un peu les jambes qui flageolent. Et il y en a une qui nous regarde partir (en réalité c'est le contraire, c'est elle qu'on regarde s'éloigner, mais ça revient au même) avec un  éclat de rire presque narquois. Du grand art.

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(euh... vous auriez le petit doigt en l'air, vous, à ce moment-là?)

29 mai 2016

gazaouies

DÉGRADÉ
de Tarzan et Arab Nasser

Ce post aurait pu s'appeler LE CHEVALIER RAU LION (ceux qui ont vu le film comprendront). Les réalisateurs, je vous les ai mis hier (enfin, en début de semaine...) en photo, ce sont ces aimables plantigrades jumeaux tout en cheveux en barbes et en poils, avec en sus de languides yeux de gazelle cernés au khol (mmmmh ça y est je bave).

Petit Mardi curieux entre copines (avec à la caisse une dame, inconnue, qui me fait bénéficier de son ticket orange cinéma -enfin de son demi-ticket, soit 2,90€ la séance-) pour ce joli exercice de style : un huis-clos entre femmes dans un tout petit salon de coiffure et de beauté ("de la taille de la chatte d'une fourmi" dixit une cliente) et de Gaza, tandis que dehors, dans la rue, les mâles paradent comme d'hab'  avec les jeeps et les kalachnikovs, menaces et grognements, et ce de plus en plus fort.

Le film tient du dispositif (unité de temps, unité de lieu, avec son éventail de propositions (un "panel") de personnages féminins, tous les genres (jeunes vieilles grandes petites etc.) toutes les interactions envisageables (la patronne/les clientes, la mère/la fille, les hommes/les femmes, et toutes les variations de spécimens (les voisines, la future jeune mariée, la future parturiente, l'amoureuse, la plaquée, celle qui attend, la pieuse, la provoc'), qu'on doit d'ailleurs se débrouiller pour les ranger (je ne sais pas comment corriger cette tournure syntaxiquement boîteuse), les ordonner, en ouvrant grandes les noreilles, utilisant chacun des indices qui nous sont aimablement fournis par nos nounours-réalisateurs gazaouis.) mais le tient bien.

C'est un cinéma du geste et du verbe. Les mots fusent, complices, vachards, agressifs, apaisants, ça dépend, tandis qu'à l'extérieur ça dégénère et défouraille de plus en plus bruyamment (une histoire de lion -qui s'avère d'ailleurs être une lionne, un indice que nos réalisateurs en remettraient une couche sur la notion de genre et de sexe ?-),  jusqu'à ce que schlack! le rideau de fer soit tiré, de l'extérieur ("C'est pour votre bien, sisters!" est-il dit, ou quasi), et que notre gynécée gazaoui se retrouve complètement isolé (et qu'on ne perçoive plus de l'extérieur que ce qu'on en entend). Et que la température monte encore.

(Et c'est là que c'est extrêmement bien fichu, parce que nous aussi, par un travail minutieux et efficace sur le son et, surtout, sa mise en espace,  on est en plein dedans. Cerné par ces  bruits de guerre armée, détonations, rafales, explosions. Comme si on y était. Sauf qu'on ne se fait pas qu'affiner les sourcils, épiler au caramel, se faire faire la demi-jambe. On écoute tout (toutes, plutôt) elles parlent de leur vie, en général, et ici et maintenant en particulier. Ce que c'est que d'être une femme à Gaza (en plus que ce que c'est que de vivre à Gaza tout court).

Car DÉGRADÉ est un film vrai de vrai palestinien, ce qui n'est pas si courant sous nos latitudes cinématographiques (A part Elias Suleyman peu de noms, comme ça, de réalisateurs palestiniens me viendraient à l'esprit) et qui a l'intelligence (la coquetterie ?) de se démarquer, de ne pas parler justement de ce dont on pensait qu'il allait parler, puisqu'il ne sera question ici "que" d'arabes, en train de faire mumuse à "c'est moi qui ai la plus grosse (foi, bien sûr)". Mais la frontière se fait poreuse entre les ébullitions mâles et belliqueuses, là, dans la rue, juste dehors, et le petit salon douillet (même si surpeuplé et surchauffé et disjoncté) de nos chéries chéries, car il y a de l'amour, entre le dedans et le dehors , et, des deux côtés, les téléphones sont en surchauffe (maris et femmes, mais amants et maîtresses tout autant) (et c'est Tarzan, un des frérots gazellouis réalisateurs, qui joue le rôle du seul "fiancé" visible de -le chevalier rau lion, c'est lui.)

On revient alors dans une narration un peu plus habituelle. L'action du film alors devient sans doute plus prévisible, mais permet aux réalisateurs d'affiner encore leurs portraits de femmes, de les nuancer, de les biaiser tout en douceur. Un film plaisant, incontestablement, auquel on a envie de faire des yeux aussi doux que ceux que nous font Tarzan et Arab...

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22 mai 2016

vu

MEKONG STORIES
de Phan Dang Di

Au Victor Hugo (à Besac) ils ont recommencé les "mardis curieux" : un film (que j'ai en général très envie de voir) et qui ne passe qu'un jour, le mardi, donc, pour quelques séances. J'étais venu pour voir DEGRADÉ (de Tarzan et Arab Nasser, si si!) mais voilà-t-y pas que allocinépointfreu s'était emmêlé les crayons (ou c'est moi qui avais lu trop vite ?) et la caissière m'a informé qu'il ne passerait que la semaine prochaine, et que ce jour-là était projeté MEKONG STORIES (que j'avais -ça tombe bien- aussi envie de voir.)

hélas trois fois hélas j'en avais à peine vu le début qu'une terrifiante torpeur m'a terrassé (j'allitère avec les t pour souligner la violence de l'événement), le genre de sommeil à épisodes où vous vous surprenez à rouvrir les yeux alors que vous n'aviez pas eu conscience de les fermer, et re, et re, qui vous fait saucissonner le film en une série d'images brèves suivies de fermeture, puis de ré-ouverture, des yeux et voilà. Jusqu'à un moment où on reprend pied (où bien où on a juste assez dormi) et à partir de là tout re-va inexplicablement bien, dans le mieux réveillé des mondes.

ce qui fait que si j'ai bien vu les premières scènes (le jeune Vu se fait offrir un appareil-photo par son père, Monsieur Sau, qui revient. (noir) Ils habitent ensemble dans un bateau, (noir) il y a des jolis jeunes gens torse-nu (il fait très chaud au Vietnam), (noir) et aussi une jeune fille (ou plusieurs) des scènes de dancing, (noir) de baston,  une main compréhensive de demoiselle dans un caleçon (noir) ce qui fait qu'ensuite, à partir du moment où il n'était plus question d'endormissement, je suivais attentivement le film, tout en essayant  en même temps de combler les vides de l'histoire, de reconstituer ou de m'expliciter les choses que je ne comprenais pas (ou dont je n'étais pas certain).

Et tout ce que j'ai vu ensuite, je l'ai savouré (comme les personnages le faisaient du fruit du jaquier, on mange d'ailleurs pas mal de choses exotiques tout au long du film) minutieusement, passionnément, même si je ne comprenais pas tout. Il y a au départ un triangle amoureux (deux garçons et une fille), puis un père qui voit d'un oeil inquiet l'orientation sexuelle que semble choisir son fils, et des nuits moites et/ou humides à la je tu il elle, dans les mangroves, dans les rivières, dans la boue, où, après les roucoulades et/ou les accouplements, certaines se retrouvent enceintes, et certains autres souhaitent se faire stériliser...

rien de très clinique (à part l'image finale), mais énormément  de poétique, de langueur, de sensualité, (tout ça nimbé de l'évanescente musique de Chapelier fou...) qui font de ce film un grand bonheur (même s'il m'en manque un peu) et me donnent grand envie de le revoir (en entier) quand il passera dans le bôô cinéma. On ne serait pas si loin d'Apichatpongounet, même si le réalisateur (celui déjà de Bi, n'aie pas peur, qu'il me semble avoir vu) déclare pencher plutôt du côté de Tsai-Ming Liang (dont je me suis hélas insensiblement un tout petit peu éloigné me semble-t-il...)

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Big Father, Small Father and Other Stories
c'est le "vrai" titre original

21 mai 2016

antia

JULIETA
de Pedro Almodovar

Ahem! (un raclement de gorge avant de me lancer) Le "nouveau Almodovar" est arrivé. Comme pour chaque "nouveau Allen" j'y vais (c'est comme si j'étais japonais et que je n'allais pas voir les cerisiers en fleur, non ? Bien que j'aie des amies -ahem- qui ont décidé par exemple "qu'elles n'iraient plus voir aucun films de Woody Allen" (si si, jen connais!). Moi, j'y vais. Question de rythme et question d'habitude, presque de bienséance et de politesse.
J'ai vu presque tous les Almo, comme presque presque tous les Woodychou. A chaque film on y revient, certes (mais de chaque film j'en reviens tout autant, devrais-je préciser.) Almodovar, j'ai toutes les raisons d'adorer, de le révérer, d'abord parce qu'il est español (et l'atavisme, sans doute, me fait sentir la régénération quasi magique de mes petites cellules quand je l'entends parler dans ces films, cette belle langue... et tiens, une autre ressemblance : les deux -Allen et Almodovar- sont également inécoutables lorsqu'ils sont en vf), ensuite parce qu'il est gay (me semble-t-il, non ? Bien que cela (trans)paraisse de moins en moins dans ses films "convenables", l'avant-dernier, Les amants passagers, étant l'exception follassissime qui confirme la règle) deux bonnes raisons donc a priori pour que mon petit bonhomme de téléramuche perso ait un sourire jusque derrière les oreilles...

Eh bien non, hélas,trois fois hélas, caramba, encore raté ! Julieta ne m'a pas transporté. Ne m'a même pas ému plus que ça. J'ai avec les histoires de famille un rapport un peu compliqué : en général (par exemple Les secrets des autres) ça me bouleverse ça me transporte ça m'émeut et ça déclenche quasi infailliblement la petite machine interne à larmes. Mais, bizarrement, pas Almodovar. Pourtant il en parle, de famille, et il en parle beaucoup aussi, de sa mère, et de celles des autres, aussi. Et il y en a, de la tristesse et de la souffrance. Et ça ne me touche pas vraiment. Je suis resté les yeux désespérément secs, et ce jusqu'à la dernière image (qui m'a d'ailleurs un peu pris au dépourvu, avec ce joli mouvement de grue "et si on allait voir ailleurs " (ou "parlons d'autre chose"), comme une sortie de route, et que j'aurais souhaitée ne pas être la dernière.)

L'histoire, comme son titre l'indique, est centrée sur le personnage de Julieta, une jolie jeune femme blonde (avec beaucoup de coiffures différentes, puisque ça raconte un grand pan de sa vie, en mettant notamment l'accent sur ses rapports -un peu complexes- avec sa fille, et c'est aussi pour ça qu'elles seront jouées par plusieurs actrices.) C'est un mélo magnifique (personnages qui disparaissent puis réapparaissent longtemps après,  d'autres qui meurent, qui de noyade qui de sclérose en plaques, d'autres encore qui rencontrent la foi (aïe!),d'autres qui sont renvoyés de leur emploi, avec des photos qu'on déchire puis qu'on recolle, des voyages qu'on annule, des appartements qu'on (re)loue, des lettres qu'on attend sans jamais les recevoir, et qu'on finit par recevoir après ne plus les avoir attendues, des gâteaux d'anniversaires jetés régulièrement à la poubelle, des secrets enfouis, des révélations, des méprises, des serments, des réconciliations... oui, du mélo magnifique, vous dis-je).
Je ne me suis pas ennuyé, non non, j'ai vu tout ça, avec attention, consciencieusement, mais aussi un certain détachement. C'est joli, c'est bien présenté, c'est plaisant à l'oeil (beau travail sur la couleur, comme d'hab' chez Pedro d'Amour, tiens, d'ailleurs, les lettres d'amor se retrouvent dans l'ordre dans celles d'almodovar, joli, non ? il a dû le faire exprès...) mais c'est un peu fade (à mon goût, qui est d'ailleurs suffisamment peu développé pour que je puisse en faire un critère de choix).
C'est très sage, très violonneux, très lisse. Je préférais Marisa Paredes dans La fleur de mon secret, ou Antonio Banderas se tortillant en slip sur le lit en répétant folla me dans La loi du désir, ou même toute la joyeuse équipe de Femmes au bord de la crise de nerfs... Les actrices sont très bien (les acteurs aussi) mais on reste pris en otage dans le registre de la douleur (et de la culpabilité, vraie ou imaginaire, une fois, deux fois, trois fois.)
C'est trop... raisonnable. Qu'est-ce qui me restera surtout du film ? L'utilisation -judicieuse- de Rossy de Palma en bonniche ex machina. mais allez-y, je suis sûr que vous allez beaucoup aimer (et beaucvoup pleurer ?)

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18 mai 2016

don't say "... and stuff"

THE NICE GUYS
de Shane Black

Le post aurait pu s'intituler UNE BONNE PAIRE... car toutes les interprétations possibles en eussent été justes (...) Soient à ma droite le blondinet Ryan Gosling et en face de lui l'armoirenormandesque Russell Crowe (qui ma foi se porte plutôt bien mais ça lui va plutôt bien aussi) dont la simple voix (c'est pour ça que je voulais absolument le voir en V.O) me fait fondre comme une midinette enamourée (ce que je suis par ailleurs tout à fait) voix hypervirile à infrabasses genre Barry  White mais sans la musique... Ouaaah je me sentirais tout chose s'il me disait "Come here, buddy..." Mais je viens de réaliser que les publicitaires (voir plus bas dans l'affiche 1) ont eu -déjà- presque la même idée en mettant sur l'affiche Une belle paire, donc je m'abstiens.
Soient donc deux détectives privés, un gros rugueux, et un petit miteux. Le gros cogne et le petit tombe (souvent). Qui se retrouvent tous deux à avoir affaire à une jeune fille, Amélia, le petit parce qu'il est chargé de la retrouver, et le costaud parce que la même Amélia l'a chargé de décourager ceux qui la recherchaient. Ça commence par un bourre-pif et un bras cassé (au niveau du radius) et puis nos héros vont vite sympathiser -virilement- en réalisant que beaucoup de monde cherche Amélia, et beaucoup de gens commencent à mourir dans son sillage, et que encore plus de gens sont impliqués dans cette affaire (le schéma est classique et habituel pour le lecteur de polars moyen). L'histoire est passablement embrouillée mais nos héros vont bien sûr parvenir à débrouiller, justement, tout ça, notamment grâce à l'aide de la fille du blond, une gamine super (af)futée et super douée (et super blonde aussi).
C'est drôle, c'est nerveux, ça bourrine, ça défouraille, ça roule des mécaniques, ça recycle en rigolant tous les clichés de ce genre d'histoire, bref ça remplit son contrat (avec en prime une scène de rêve tout spécialement délicieuse).
Que le film se retrouve en compèt' à Cannes est un peu plus étonnant (peut-être les sélectionneurs ont été touchés par la qualité zygomatique des dialogues et leur jubilatoirité, à moins que ce soit simplement la réapparition de Kim Basinger ?) On passe en tout cas en compagnie de ces compères un excellent moment, de plaisir et de cinéma (l'un plus que l'autre, mais comme pour Ryry et Rurus, je ne vous dis pas lequel). Shane Black (dont j'avais déjà bien apprécié le Kiss kiss bang bang en 2005) confirme qu'il est un dialoguiste brillantissime, encore plus qu'un scénariste malin (L'arme fatale, c'était lui, juste son coup d'essai!) et nos deux zozos made in 78 forment une belle paire, formidablement efficace, dans ce divertissement à la moralité joyeusement ambigüe : parfois il arrive que les petits gagnent,(aller) mais finalement c'est toujours les grands méchants puissants  qui ont le dernier mot (le retour, qu'on se prend en pleine figure)...
Et les toutes dernières images pourraient bien augurer d'un possible retour de notre viril tandem. Nice guys 2 ? Attendez-moi, les mecs, j'arriiiiiive! Russellchounet donne-moi ta main (et prends la mienne)...

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affiche 1 ("avant")

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affiche 2 ("après")

 

16 mai 2016

ptolémaïque

MA LOUTE
de Bruno Dumont

Comme pour le Woodychounet, mais peut-être pas pour les mêmes raisons, j'y suis allé le premier jour dès la première séance. Rarement j'ai autant appréhendé d'aller voir un film. Sans doute à cause de ce petit problème que j'ai avec les films de Bruno Dumont. Je restais sur l'expérience plus que très malheureuse (pour moi) de P'tit Quinquin, sur les souvenirs... douloureux de L'Humanité (où j'ai failli quitter la salle), de Hadjewich, de Hors Satan (ce qui commence à faire beaucoup) et me disais en tremblotant que si le "Dumont grave" ne me convenait pas, le "Dumont drôle" me convenait encore moins (je n'ai même pas réussi à regarder un épisode en entier)..., en me promettant bien que si celui-là non plus ne me plaisait pas, ce serait le dernier que j'irais jamais voir.

J'y suis allé "tout de suite", avant de lire les critiques, les interviews de Lucchini, l'entretien avec Brubru dans Les Cahiaîs, la conférence de presse Cannoise. Viergement. Je n'en connaissais que l'affiche, le bref copie-collé d'allocinépointfre que j'avais trouvé pour la programmation, plus quelques bribes de propos flottants par ci par là, et c'est tout.

Ca commence (on est une douzaine -des vieux- dans la salle 12, normal c'est une séance "de retraités".) Titre en blanc sur fond noir (comme le Woodychou) pas de musqiue et c'est tout, on attaque. Des ramasseurs de moules (toute une famille), dont on ne comprend pas tout à fait ce qu'ils disent (ce doivent être les fameux non-professionnels chers au réalisateur) sont doublés avec force pétarades sur un petit chemin côtier par une famille en costumes (et en voiture) : Papa Lucchini avec une tête d'aviateur (casque lunettes et rouflaquettes) et Maman Bruni-Tedeschi belle et chapeautée-corsetée comme une Georgette de Magritte (plus leurs trois enfants à l'arrière). On apprendra rapidement qu'il s'agit de leurs deux filles et de Billie leur cousin/cousine (en effet il est très difficile de savoir à coup sûr quelle est sa sexuation).

Dumont nous balance ensuite deux flics (les cicatrices de la blessure du douloureux souvenir des flics à tics de P'tit Quinquin ont instantanément menacé de se rouvrir mais non finalement) un très gros et un petit maigre rouquin, tous deux en costume noir et chapeau melon, exacte -et plaisante- hybridation entre Les Dupondt d'Hergé et Laurel et Hardy, qui enquêtent sur une série de disparitions mystérieuses et balnéaires. Dumont s'est amusé comme un petit fou à faire crisser le gros flic comme une baudruche (un ballon de) à chacun de ses déplacements, tout au long du film. Soit.

Disparitions dont on va comprendre les raisons assez rapidement : la famille des pêcheurs de moules joue aussi le rôle de passeurs, à pied ou en barque, (pour que les richards ne se mouillent ni les guêtres ni les mousselines), mais va surtout révéler son moteur principal : l'anthropophagie. (Si si). On savait Dumont avoir déjà fait oeuvre d'anthropologue, voire d'antropographe, et de graphe à phage il n'y avait qu'un pas (quasiment à gué, sans de mouiller les pieds ou presque) et il l'a donc franchi à pieds joints.

Deux familles donc, les bourges et les pauvres. Une paire de flics, et la nave va (la barque, plutôt). Le film est visuellement somptueux (décors et costumes) et l'atmosphère désuète et balnéaire m'a évoqué les cartes postales vieillottes et truquées des zinzins Plonk et Replonk (dont j'ai cherché en vain le nom au générique, tant leur participation n'eut pas ici dépareillé), pour des raisons de loufoquerie, d'ahurissements divers,  d'exagérations, d'inventions, d'absurdités et autres coquecigrues.

Et soudain voilà que tadam! ça coup-de-foudrise entre le fils des pauvres cannibales, nommé Ma loute, et Billie le/la cousin/cousine de la famille des riches. (Qui s'avère être le fils de Juliette Binoche, la soeur de Lucchini, mais c'est plus compliqué que ça...) et le récit alors s'ébranle,et continue de rouler, sur le sable et dans l'eau, comme une boule qui agglutinerait au passage tout ce qu'elle rencontre (un genre de blob balnéaire), et grossit grossit tellement que je n'ai pas envie de vous raconter après, je voudrais simplement que vous le voyiez (que vous le vissiez ?).

On ne serait pas très loin de la folie furieuse (à certains moments), du grand n'importe quoi à d'autres, et de scènes sublimissimes à d'autres encore. Si si. Le film m'a tourneboulé mais tout autant bouleversé. (Si on m'avait dit un jour que je serais susceptible de mettre un film de Bruno Dumont dans mon top 10, j'aurais éclaté d'un grand rire exagéré et tonitruant, et pourtant c'est exactement ce que j'ai pensé en sortant).

Ma Loute est un film aussi sonné (comme on dit chez nous) que sonnant (au sens "boxique", percutant, du terme). Et qui dit sonnant pense tout de suite à trébuchant. Et quand on trébuche la chute n'est pas loin (on tombe beaucoup, d'ailleurs, dans Ma Loute). Chutes de slapstick, ou de cinéma d'habituelle gaudriole (le ressort comique des quatre fers en l'air). Et on peut être déstabilisé par les excès (ou les travers) de jeu auxquels les comédiens (surtout les "pro") sont soumis (avec un beau et dangereux lâcher-prise, d'ailleurs) mais ça fait, justement, partie du jeu. Dumont s'est extirpé du marécage de la grandiloquente austérité (où, oui, je le trouvais bien embourbé) rigoriste et sans concessions, pour aller patouiller un peu comme un sale gosse dans un bac à sable voisin (le pédiluve de la fantaisie ?). Taper et éclabousser, avec sa pelle et son seau. Mélanger l'épouvantable et le drôlatique, la méchanceté avec le sucré, l'eau-de-rose avec l'eau de mer, bref organiser un mariage  forcé, contre nature, entre des éléments très hétérogènes (et récalcitrants), les familles ennemies, (les pêcheurs cannibales et les bourges dégénérés), mais, plus simplement aussi, les acteurs "habituels" de Bruno (les non professionnels) et les non habitués de chez Dumont (traduisez les "célébrités" : jamais distribution de Bruno D. autant ne rutila!)

Et il y aurait encore un point commun avec le Café Society de Woody Allen, évoqué au début de ce post : leurs scènes finales, où, (malgré des histoires des moyens et des décors qui n'ont rien à voir, qui se situeraient même aux antipodes l'un de l'autre), se rejouerait, finalement, la même chose ou presque. L'un, l'autre, ensemble, séparés, et simplement un regard  (réel dans un cas, figuré dans l'autre), muet mais qui en dit long...

Le film n'est pas outrageusement comique (on y rit finalement assez peu, en tout cas d'un rire pas habituel : pour Dumont, plutôt que le rire jaune, il faudrait inventer le rire rouge, ou le bleu clair, ou etc.) il est juste peut-être comiquement outrageux. Déstabilisant, trébuchant, emballant. Fascinant. Allumé, comme des étincelles qui naîtraient du frottage de silex inadaptés, incongrus, a priori inconciliables. Des pierres d'achoppement. Du choc thermique violent entre le grotesque et le sublime. Si si.

Qui pourrait faire dire de l'auteur, au choix, qu'il est un gros malin, un grand malade, ou un grandissime manipulateur. Comme faisant s'emboîter, de force (deux forces ?) des pièces de puzzle pas vraiment conçues pour ça. En force, oui, et dérivent et flottent au fil des courants , des lambeaux, le théâtre de Courteline ou Feydeau mais regonflé à l'hélium, surrevisité façonTardieu ou Ionesco, et les aventures de Bécassine, et le fils caché de La Castafiore, et la famille de Massacre à la tronçonneuse mais sans tronçonneuse, et les paysages sublimes de la Côte d'Opale, (et l'eau, et le ciel et le sel) et les ombres déformées et/ou lointaines de Bunuel, de Fellini, de Genêt, de Visconti, ponctuellement convoquées (grinçantes, grimaçantes, ricanantes)...

Oui, j'aime ce Dumont-là (même si, comme pour Apichatpong, pas forcément pour les bonnes raisons), ce film-là de Dumont, pour être plus précis, parce qu'on a vraiment la sensation, en tant que spectateur, d'assister à une véritable (et ambitieuse) mise en chantier cinématographique, une belle prise de risque, une audace formelle, une volonté d'hybridation (d'expérimentation) qui bousculent, secouent, frappent, envoient en l'air (pour reprendre des images du film)... Oui, il faudra que j'y retourne (et ce sera une première, pour un film de Dumont)

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14 mai 2016

"50 roses rouges... non, 100"

CAFÉ SOCIETY
de Woody Allen

Ca fait partie du calendrier : le colza revient, le festival de Cannes revient, et le nouveau Woody Allen, aussi, revient.
On l'avait, dans le bôô cinéma, en sortie nationale, et nous y sommes donc allés, avec Marie, dès la première séance (de 13h45, dite "de retraités"). Ca revient aussi, la même typo, le même générique en blanc sur fond noir, la même police de caractères, le même jazz, on n'est pas décontenancés... Woodychou est désormais trop vieux pour jouer dans ses films, mais il ne peut pas s'empêcher tout de même d'y apparaître, via une voix-off qui n'était pas forcément indispensable (c'est même le seul reproche que je pourrais faire au film, d'ailleurs), sauf pour nous exposer en ouverture les différents personnages, les traits qui les définissent et les liens qui les unissent : le héros, jeune juif new-yorkais qui décide d'aller tenter sa chance à Hollywood, son oncle qui y est agent de stars, son père et sa mère, petits commerçants new-yorkais, son frère, qui est gangster, la femme de l'oncle, la secrétaire de l'oncle... et on en a assez à mémoriser pour l'exposition.
On est donc à Hollywood, dans les années 30/40 (l'année n'est jamais explicitement citée mais le name dropping permet de se repérer un peu), et il apparaît assez vite que la romance (car toujours chez Woodychounet romance il y a) va se dérouler entre le jeûnot un peu empoté et la secrétaire jolie jolie jolie. Si je rajoute Jesse Eisenberg (lui) et Kristen Stewart (elle), point ne serait la peine de chercher quoi que ce soit d'autre pour s'enthousiasmer. Car c'est le cas.

Oui, il est trop fort, Woodychounet. A partir d'une histoire rebattue (il l'aime, elle l'aime aussi, mais elle en aime un autre, elle doit faire un choix...), des personnages archi-connus pour les films de W.A "en costumes" (la jet-set, le monde du cinéma, les gangsters, les starlettes, les parents juifs, les années folles) et des décors "qui ne le sont pas moins" (palaces, clubs de jazz, maisons de stars, raouts mondains) des façons de filmer "classiques", "habituelles", (décidément je n'arriverai jamais à me faire à cette tonalité jaune des scènes d'extérieur qui est la marque de fabrique de tous les derniers W.A ou presque) il nous embobine pourtant, nous empaquette et nous ficelle (ce n'est pas de moi mais je ne sais plus de qui c'est*) au cours de cette histoire "en deux époques" (ou de ces deux histoires consécutives, au choix). Il est question d'amour, bien sûr, mais ce n'est pas -heureusement- l'unique élément de la trame dramatique du film. Au glamour hollywoodien du couple Stewart/Eisenberg s'entrelacent la touche "scorsesienne pour de rire" en contrepoint sur le personnage de Ben, le frérot ganster (le tough guy, traité sur le mode humoristico / parodique de Prend l'oseille et tire-toi),  et une troisième trame, en arrière-plan, la plus "en-deça" et la plus touchante, celle de la brooklynienne famille juive.

Où comment, avec pourtant rien de très nouveau, Woodychounet nous en met plein la vue. Tout est impeccable et délicieux, à l'image de la très craquante Kristen S. (bon ça m'agace un peu que tout le monde ait l'air de réagir comme moi à son égard et de la trouver ainsi mêêêrveilleueueuse), aussi crédible et juste en assistante de Steve Carrel ici qu'elle l'était en personnal assistant de Juliette Binoche dans le film d'Assayas (et d'ailleurs elle sera  aussi dans le suivant, qui est aussi à Cannes...). Il nous refait le coup du tourbillon de la vie ("on s'est connu, on s'est reconnu, on s'est perdu de vue...") jusqu'à un final magnifique (magnifiquement symétrique) avec juste ce qu'il faut de mélancolie pour rajouter au champagne cette élégante (et silencieuse) amertume.

Redire combien ils sont bien, nos deux tourtereaux, et comme ça fait plaisir, ce cinéma-là. Un film confortable, cossu, pétillant, à propos des rêves et des désirs, et de la façon de les réaliser, ou pas...

451098

* ah j'ai retrouvé c'est de Philippe Soupault!

9 mai 2016

cdi

MERCI PATRON!
de François Ruffin

Presque (grande) salle comble pour cette séance unique en multi-partenariat dans le bôô cinéma. Pour ce film qui avait pas mal fait parler de lui lors de ses premières semaines d'exploitation (et continuait fructueusement une carrière inattendue).
On comprend d'emblée ce qui plaît : comme chez Pierre Carle (ou Michael Moore) le réalisateur brocarde les puissants, ironise sur les hyper-nantis, les plus riches que riches, (plus ils en ont plus ils en veulent, c'est bien connu), se pose en défenseur des petites (et valeureuses, et émouvantes) gens, et réussit à se payer la tête de Bernard Arnault , "l'homme le plus riche de france". Auquel il réussit à faire cracher au bassinet 40000€ pour venir en aide à un couple sacrément dans la mouise suite à son licenciement (suite à la délocalisation en Pologne de l'unité de production de costumes Kenz*). Couple qui n'a plus que sa maison au début du film (et pas un rond pour bouffer), laquelle maison menace de leur être saisie.
Ruffin a alors une idée : les faire écrire au big boss Arnault en expliquant leur situation, leur précarisation, et la responsabilité de leur licenciement dans cette affaire, et donc de Bernard A., et en le prévenant qu'ils ont préparé plusieurs courriers pour informer tout le monde de cette situation (du Président de la République à Fakir -le journal de Ruffin- en passant par Le Canard Enchaîné et autres vecteurs d'information).
Incroyablement, l'appât tendu est aussitôt gobé, puisqu'ils vont recevoir la visite à domicile d'un responsable de la sécurité du big boss, qui leur propose (en caméra cachée) une "indemnisation" conséquente (pour eux) + un cdd pour monsieur. (Où l'on voit comme il peut être facile de décrocher un job lorsqu'on a affaire à la bonne personne qui sait téléphoner elle-aussi à la tout aussi bonne personne de l'entreprise en question) avec la condition expresse que personne n'en sache rien (genre mécénat anonyme et généreux donateur), et qu'ils s'engagent à signer une "clause de confidentialité".
Tout va bien, mais Ruffin va pousser le bouchon encore un peu plus loin, en bataillant sur deux points : réussir à faire annuler cette fameuse clause de confidentialité, et transformer en cdi le cdd du papa en train de se terminer (le cdd, pas le papa), et il va d'ailleurs réussir sur les deux fronts. Et ça fait grand plaisir.
Le film est drôle, tonique, plaisant, ironique, encourageant, lucide, cynique, stimulant... et c'est le mélange de tout ça qui fait son charme. Du bon cinéma poil à gratter. On peut juste regretter que ce soit une expérience unique, hélas "non modélisable", être tout à fait ravi que la famille Klur ait pu être sauvée de la mouise (en étant conscient que 40000€ pour Señor Arnault c'est vraiment du pipi de chat) mais un peu sceptique sur le fait que l'histoire en question serve de point de départ à une discussion (une grand-messe ?) syndicaliste (à laquelle d'ailleurs on n'assista pas).

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