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lieux communs (et autres fadaises)
27 juin 2008

histoire d'eau...

WONDERFUL TOWN
de Aditya Assarat

Encore une bonne surprise, et de thaï! (Oui oui, je sais, après le titre, ça fait déjà le deuxième mauvais jeu de mot, en deux lignes...  mais c'est promis,j'arrête), après Apitchounet (), merveille de douceur (je ne m'en lasse toujours pas), voici donc un autre doux rêveur (leur langue est aussi aimable que leur écriture), pour une histoire (simple ?) qui commence et finit de la même façon : dans l'eau. (Je suis, ces temps-ci, extrêmement réceptif aux scènes d'ouverture, et celle-ci est, encore une fois, superbe) Du film que je citais (Syndromes and a century) Wonderful town a l'élégance et la même douceur initiale(s).
J'aime ces histoires où des gens s'aiment ainsi, timidement, pudiquement, maladroitement. Elle s'appelle Na, il s'appelle Ton. Elle tient l'hôtel où lui vient s'installer pour quelques temps, ayant accepté d'être nommé en province pour superviser un chantier de reconstruction, après le tsunami (qui pourrait bien être le troisième sommet de ce triangle amoureux, invisible mais ô combien présent). La ville s'appelle Takua Pa. Donc, avec des délicatesses et des fragilités de fleurs en papier, une histoire d'amour va se mettre en place (la première partie du film), chacun se rapprochant de l'autre avec infiniment de précautions et progressant millimétriquement,jusqu'à ce que, hélas, une sombre histoire de frère pas sympa, de règlement de comptes, vienne soudain troubler, gâcher, ruiner, ce début d'idylle,  l'ambiance élégiaque générée par le début du film rendant d'autant plus surprenante, voire gênante,  l'irruption de cette  violence. En bon midinet, j'eus souhaité qu'elle n'arrivât pas, mais, bon, c'est comme la vie, hein, les meilleures choses ne durent pas, et il est quasiment obligatoire que tout bonheur fatalement cesse... "Les histoires d'amour finissent mal en général."

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23 juin 2008

casquette rouge

ELDORADO
de Bouli Lanners

Celui-là, on peut dire que je l'attendais!
Une histoire d'hommes, un gros (plutôt format couvre-lit) et un maigrichon (plutôt taille housse de coussin), un pleurnicheur et un ronchon, bref deux a priori mal assortis et qui vont être amenés à faire quelques kilomètres ensemble, pour le meilleur et pour le pire, comme on dit, et pour le reste aussi. Le gros ronchon a chopé le maigrichon pleurnicheur caché sous son lit, après qu'il ait essayé de le cambrioler. Et après quelques atermoiements et tournages autour du pot, les voilà partis ensemble, dans la vieille bagnole américaine du bourru mais gentil, histoire de (prétexte pour) ramener le malingre dans sa famille (et éventuellement le droit chemin.)
Il reste, après coup (je l'ai vu mercredi, le premier jour à la première séance, tellement j'avais envie), des images de ciel (beaucoup) et de route aussi, des paysages horizontaux et chromatiques, sur fond de bonne musique rock pêchue. Le réalisateur (qui joue aussi le role du bourru) a un indéniable sens de l'espace, du cadrage, des extérieurs. Un oeil de peintre (ce qu'il est, d'ailleurs). Il y a dans le film un regard original, une  respiration, un appel d'air bienvenu, même si, finalement,  on ne fait que traverser des friches urbaines désolées. Oui, la Belgique est ici transfigurée, comme elle devrait l'être plus souvent. Elle clinque, elle pimpe, elle caresse l'oeil, et ça fait du bien.
Road-movie belge, (non non, ce n'est pas du tout ironique) donc, où l'on étire les kilomètres pour que ça dure plus longtemps, où l'on fait des rencontres, où on ne fait, justement, que passer, où on continue son petit bonhomme (enfin, plutôt ses petits bonhommes) de chemin, et on va jusqu'au bout. Jusqu'à ce que. Arrivé là, le réalisateur a généralement le cul entre deux chaises, et le choix entre plusieurs séries d'alternatives : on est arrivés, youp la boum la vie est belle ou rhalala rien ne va ? on reste ensemble quand même ou on se sépare ?  ou encore on est bien on reste ici ou on va voir plus loin, repartons ? J'aime plutôt bien, après coup,  l'option qu'a choisie Bouli Lanners.
Cet homme, j'ai déjà dit à plusieurs reprises tout le bien que j'en pensais. Je le connaissais acteur, et j'aimais sa dégaîne de berger briard (à poil long et plutôt emmélé), ses grosses pattes, sa barbe et ses yeux vifs, apparus ça et là dans divers films borderline (j'aurais pu écrire bordelline -belgitude oblige- aussi!), aimés plutôt beaucoup à chaque fois, et j'ai découvert, à l'occasion de la sortie d'Eldorado, qu'il avait aussi déjà réalisé un premier long métrage, Ultranova (cet homme a décidément le sens des titres... ironiques) que j'ai donc acheté (illico et quasiment à prix d'or), et dans lequel j'ai eu d'ailleurs l'immense plaisir de retrouver un acteur dont j'ai déjà parlé (mais que je semble être le seul à chérir), Michael Abiteboul (je sais bien qu'avec un nom pareil il a peu de chances de devenir famous), comme quoi le monde est petit mais cette digression longuette, abrégeons donc.
Donc, deux mecs, une bagnole, et hop ça roule. Et là, ça roule excellemment. La situation (espace confiné et grands espaces tout autour) se prête au contraste. Les deux personnages aussi, que le réalisateur a d'ailleurs choisi de filmer en scope, histoire d'aérer encore le contexte. Je crois bien que, juste eux deux, comme ça, ça (m') aurait suffi, tant leurs échanges, minimalistes, absurdes ou décalés ou déglingués ou enfantins (cocher les cases correspondantes) me ravissent. Alors que  je ne suis pas sûr que les "rencontres" ("Alain Delon", le collectionneur...) soient ce qu'il y a de plus indispensable dans le film. Le goût excessif du "pittoresque", de l'insolite, surtout quand il est humain, nuit un peu à la cohésion de l'ensemble, mais bon, elles sont peut-être nécessaires dans la structuration du récit. La scène chez les parents, par contre, est parfaite et indispensable.
Les critiques ont joyeusement évoqué, pêle-mêle, Kaurismaki, Old Joy, Gerry, j'y rajouterais Wenders, mais le Wenders que j'aime, celui du début, du noir et blanc, d'Au fil du temps...
J'aime énormément ce film, qui, mine de rien, avec humour et humanité, nous promène hors des sentiers battus, à travers le  portrait/parcours  de ces deux hommes. Où il serait question de la marge, ici et aujourd'hui. Apologie des cabossés, mais sans étalage ni exclamations. Et du  mot "ensemble",  celui de la paire, celui du couple, de la famille, comme but (et leurre) ultime. (je viens de voir Ultranova, le premier film de Lanners et il semblerait bien que  la famille (que l'on quitte ou que l'on cherche) soit une thématique importante pour lui).
Il y a des moments très drôles (la scène de la pluie et du camping), d'autres plus graves, d'autres carrément surréalistes (encore une fois, pas forcément les plus réussis à mon goût). Le réalisateur sait faire alterner  les micro-climats fictionnels, soleil nuages averse, on rit on grince on s'émeut, on pleure parfois presqu'un peu, en douce. Mais on aurait vraiment envie de rester dans cette vieille belle bagnole, de se balader avec ces deux zigotos (si Lanners est très très bien, son acolyte Fabrice Adde ne l'est pas moins. Comme pour Vincent Lecuyer dans Ultranova, Bouli Lanners a su dénicher un acteur à la présence singulière, à la singularité attachante.) Et si le voyage est (tourne) court, tout du moins il aura été beau. Très.

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18 juin 2008

bocaux de cerises

CIAO STEFANO
de Gianni Zanasi

Ah, ces ritals... C'est comme ça qu'on les aime, râleurs, hâbleurs, teigneux (les va fan culo, ça fleurit dru!) mais avec un coeur comme ça. Le Stefano du titre en est un spécimen pur jus. Après quelques désillusions musicales et conjugales, voilà que notre future ex rock-star décide de quitter Rome pour retourner un peu à la campagne pour se faire dorloter chez papa mamma (qu'il n'a pas vu depuis bien longtemps). Avec aussi la sorella, le fratello et la belle-sorella (sans oublier les bambini!).
Stefano va faire un peu son Théorème, et se mêler d'aider, souvent contre leur gré, chacun des  membres de la famille. Son frère, qui a repris et laissé péricliter l'usine de cerises paternelle, et dont le couple bat sérieusement de l'aile, sa soeur qui est folle de dauphins et qu'il croit lesbienne, son père qui joue au golf, inconscient du désastre imminent, sa mère qui s'est entichée d'un gourou transcendental  je ne sais quoi, ses neveux qui le trouvent zarbi, sans oublier quelques amis d'enfance et de jeunesse (dont l'un, très dépressif). Stefano voudrait faire le bonheur de chacun et de tous, mais c'est mission impossible.
C'est gentiment bordélique, filmé avec un bel entrain, avec de la musique de bel canto à fond les ballons et à contre-emploi plus rital tu meurs, les historiettes familiales se succèdent et/ou s'entrecroisent (c'est très agréablement tricoté), et c'est en général le personnage de Stefano qui fait le lien. Mais comme dans tout film familial/choral, il y a des hauts et des bas, des scènes puissantes et des trous d'air, des choses plus intéressantes que d'autres, chacun pouvant trouver son compte dans cette comédie finalement tout aussi grinçante et désabusée qu'elle pouvait de prime abord sembler guillerette et insouciante.
Dommage qu'à la fin le réalisateur semble changer d'avis tout à coup et laisse un peu tout en plan, genre "il vaut mieux que chacun se mêle de ses affaires", et expédie un peu la sortie de scène de Stefano, le laissant en l'air et nous le bec dans l'eau.

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15 juin 2008

"mon père a fleuri..."

YUMURTA
de Semih Kaplanoglu

J'aime le cinéma turc. Enfin, ce cinéma turc là.
Avec une scène d'ouverture qui me fait instantanément venir les larmes aux yeux tellement elle est belle : Plan fixe, petit matin, champs embrumés, s'approche de nous, depuis le fond du paysage, une vieille femme qui marche, fatiguée, jusqu'au niveau de la caméra,  puis continue, de dos, jusqu'à disparaître, point minuscule, dans le néant, de la même façon qu'elle venait d'en émerger.


Yusuf (un charmant barbu à l'air taciturne),  ex poète (pourquoi ex, après tout ? poète un jour, poète toujours, non ?), bouquiniste à Istanbul, revient dans son village natal après la mort de sa mère, qui est peut-être justement la vieille dame qui marchait dans la brume précédemment... (Il y a beaucoup de "peut-être" dans le film, puisque peu de choses y seront dites : à chaque spectateur de se faire sa petite idée et de recoller ce qui va avec quoi, d'autant plus que le héros dort (et rêve) beaucoup, dans les endroits les plus divers). Yusuf, donc, qui revient dans la maison de sa mère et y trouve Ayla (un jeune fille à la nuque émouvante et gracile), une demoiselle, lointainement de la famille, qui est venue aider sa mère. (Le film est  peu bavard, et c'est rien de le dire). Yusuf pensait rentrer à Istanbul dès le lendemain, mais non finalement il prolonge, un jour, puis deux, puis... (smiley angélique : mais qu'est-ce donc qui le retient ?) Il est question de sacrifier un bélier (voeu ante mortem que sa mère a souhaité qu'il réalise pour elle), ce qu'il refuse d'abord mais finira par accomplir, par l'entremise d'Ayla.

Ayla qui est courtisée par un jeune homme (électricien de son état, -ceci a son importance-) , lui aussi noir de poil et mal rasé de charmante façon (je soupire) , qui serait peut-être plus de son âge, mais qu'elle met un peu sur des charbons ardents dans une situation d'attente, d'observateur, et donc de jalousie. Ayla et Yusuf. Ils se regardent en silence, ces deux-là... Juste les yeux qui parlent. Pourtant, le sacrifice accompli, il repartira (elle dira juste "au revoir" en sortant de sa voiture tandis qu'il lui sourit à demi, se tortillant, embarrassé, sans esquisser le moindre geste dans sa direction). Mais, après une nuit bizarrement passée dehors, avec un bizarre gros chien et de bizarres sentiments, Yusuf, finalement
(tss tss je ne vais pas tout vous raconter tout de même)

Un film très beau, (très triste ? non, non), articulé en somptueux plans-séquences, qui savent prendre leur temps, étirer leur propre présent, où
ce que l'on ne dit pas, (ou ce que l'on ne parvient pas à dire, ou ce qu'on ne soupçonne même pas d'avoir envie de dire) est bien plus important que les maigres mots qui font la conversation "en surface" et le quotidien. A l'image de la toute dernière scène, d'autant plus forte qu'elle est simplissime, où, si le  seul dialogue est ce " du fromage ?" / "non merci", et un duo de remuage de petites cuillères dans les verres la seule musique, ce qui s'y passe, ce qui s'y joue est autrement plus important, et n'est pas verbalisé parce qu'il n'y en a pas besoin.

Un film aussi simple qu'intelligent. Semih Kapanoglu fait cinéma de tout, le quotidien, les rencontres, le paysage, un bout de rue, un coin de cuisine, du vrai cinéma, du grand cinéma. Pas de musique (les deux génériques de début et de fin sont constituées de bruits, juste à chaque fois une petite histoire sonore à décrypter), une caméra discrète (peu de mouvements d'appareil, sauf si la scène s'y prête -cf la danse au mariage-) des cadrages simples, rigoureux,  des acteurs en osmose, d'une justesse (je dirais même exactitude) confondante, et, toujours, ce sentiment que se qui se passe en réalité est bien plus important que ce qui est montré, que ce qui affleure. Et une façon inimitable, justement,  d'insérer dans le récit les  rêves de Yusuf, de banaliser la matière des songes en la lissant dans la trame du quotidien, du réel. Et j''aime énormément ce personnage qui s'endort, qui s'allonge, qui tombe, dans les endroits les plus variés.

Si le réalisateur, lors d'une interview, évoque Bresson, Antonioni et les frères Dardenne dans ses références/influences, il n'en construit pas moins son cinéma à lui, autonome, authentique, et a su, justement, s'en démarquer pour créer son univers personnel (même si c'est vrai que l'ombre amicale de Nuri Bilge Ceylan plane un peu par ici) Bresson ? mais avec moins d'austérité. Antonioni ? mais avec moins de drame. Dardenne ? mais avec moins de revendication sociale. Surtout ne croyez pas que le cinéma de Kapanoglu n'est qu'un cinéma du moins. Bien au contraire. Plus de tendresse, plus de temps, plus de non-dits, plus de finesse. Et si le désespoir y est tenu à l'arière-plan, c'est avec une extrême élégance.

Bonne nouvelle : Yumurta (l'oeuf) est le premier volet d'une trilogie autour du personnage de Yusuf ; les deux films suivants seront Süt (le lait) et Bal (le miel).

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J'ai mis l'affiche originale, avec les arbres au fond qui "font penser à la cathédrale de Milan" (dixit Zabetta)

 

 

 

 

 

 

14 juin 2008

du vent (dans les branches de sassafras ?)

PHENOMENES
de M. Night. Shyamalan

Oui, du vent! C'est ce qui restera je pense de ce film. Du vent, au sens propre, mais vous savez que c'est toujours  difficile de raconter les films de ce monsieur au nom impossible, parce qu'il y a toujours un coup de théâtre d'enfer de la mort de la race de sa mère, à la fin, et que si on le raconte, le plaisir du film est -justement- un peu éventé (on y revient), et alors les gens ont envie de vous arracher les yeux pour les avoir justement privés de ce plaisir, et c'est bien normal.
Ca commence plutôt très bien. Des gens dans un parc, (Central park, même!), le matin, et soudain voilà que tout s'arrête, ils s'immobilisent, quelques-uns marchent à reculons, puis commencent joyeusement à s'automutiler et à se suicider. A quelques pas de là, ça continue de la même façon... Pendant ce temps-là Mark Wahlberg, qui est prof de sciences (un peu comme si moi je me prétendais moniteur de saut à l'élastique, mais bon...) finit son cours sur la disparition des abeilles. Et la télé annonce que cette épidémie de suicides serait un attentat terroriste, et qu'il faut quitter New-York et partir se mettre un peu au vert. Son frère l'invite à partir en train pour la campagne. Sa femme, avec qui il vient de se disputer, vient quand même les rejoindre à la gare. Ils partent à quatre (le frère est venu avec sa fille mais sa femme, prise dans les embouteillages, les rejoindra plus tard.) Mais, pendant le voyage en train, l'inquiétude croît, et il apparaît que la contagion suicidaire se propage.Jusqu'à ce que le train soit arrêté en pleine cambrousse... Mon dieu mon dieu alors que faire ? Il s'agit d'essayer de comprendre et d'expliquer le phénomène, et surtout se trouver comment s'en sortir!
Bien entendu, ça va devenir de pire en pire, vous vous en doutez bien... Il y a des images fortes, généralement accompagnées d'un coup de musique soudain très forte elle-aussi, tsing! tsing!, pour bien vous faire sauter, il y a des scènes angoissantes, il y a de l'inventivité graphique dans les scènes de suicide (sans jamais tomber dans le gore), il y a une montée de l'inquiétude et de l'adrénaline plutôt bien orchestrée, il y a des portes qui grincent et des nuages qui bougent, il ya de la tension, il ya du stress... jusqu'à ce que, hélas, soudain tout retombe plaf! un peu platement et pathétiquement. Arghhh le coup de l'amour plus fort que tout, avec les yeux dans les yeux et les cheveux dans le vent, c'est un peu too much... Le film devient un peu hélas à l'image de la maison-modèle que les héros sont amenés à visiter : rien n'y manque, mais tout est faux. Très bien imité, comme du vrai, mais  en plastoche.
L'explication (ou la non-explication) des phénomènes, leur disparition, (et bien évidemment arghh je vais trop en dire attention ne lisez pas plus loin leur réapparition finale "à moins que ce ne soit qu'un avertissement..." avait suggéré finement, quelques instants avant, un des protagonistes) sont expédiées (c'est le mot) un peu paresseusement, faisant hélas nettement chuter la tension et l'intérêt que le film suscitait jusque-là. Le rebondissement ultime, cette fois, c'est qu'il n'y a pas vraiment de rebondissement ultime. (Vers un Phénomènes 2 ? Non, ce n'est pas je crois le genre du bonhomme. D'ailleurs, hein, je l'aime plutôt bien,  M.Night Machin...)

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8 juin 2008

nous vivons une guerre lente

ROME PLUTÔT QUE VOUS
de Tariq Teguia

Il y a plusieurs sortes de cinéastes : les raconteurs d'histoires, les montreurs d'images, les faiseurs de discours, et les essayeurs, qui n'hésitent pas à se colleter (souvent d'ailleurs pour la première fois) à la matière même du récit filmique, à sa forme, et qui n'hésitent pas à remonter les manches et à mettre les mains dans le cambouis. Tariq Teguia est de ceux-là.
Ils expérimentent, ils bidouillent, ils malaxent, ils étirent ils resserrent ils coupent et ils recollent. Ils déconstruisent, ou, au contraire, reconstituent. Ils sont libres, formellement, comme l'est le free jazz, comme l'est l'écriture automatique, comme le sont les improvisations. Mieux vaut tenter vivant que juste filmer mort.
En trois plans tout est dit : un travelling nocturne en caméra embarquée de bord de route bord de mer  crépusculaire, puis Kamel, face caméra, faisant des photos d'identité et sortant du champ après la deuxième, et Zina dans sa cuisine se préparant un café, en temps réel, et restant debout appuyée à la cuisinière, rêveuse et silencieuse, le temps qu'il soit prêt. Chaque plan, chaque vignette a son identité, son rythme, et génère sa façon de filmer propre. Plans d'ensemble, gros plan, travelling rêveur, plan séquence, caméra portée, plan fixe, toute la grammaire filmique est mise à contribution. Et à propos.
Un garçon, Kamel, une fille, Zina, puis un autre garçon, Merzak. Une certaine errance. Une ville aussi, Alger, grise, décrépite, étouffée, silencieuse. Un port, lieu de tous les possibles. Un quartier labyrinthique en démolition/reconstruction on ne sait plus bien. Et une (vieille) bagnole, empruntée par Kamel à son oncle. Toute la journée (tout le temps du film) Kamel cherchera Le Bosco, un marin, à la recherche d'un passeport, d'une identité, qui pourrait lui permettre de quitter le pays et d'aller voir de l'autre côté.
Intrigue suffisamment lâche pour permettre, autour, à côté de, de part et d'autre de cette "ligne principale" narrative, des tas de personnages, de petites histoires, d'interférences parallèles. Un jeune homme en t-shirt vert (je n'invente rien...) un autre en bleu de travail, un gros monsieur inquiet, un flingue, de l'argent qui change de mains, des flics arrogants... quelquefois, on n'en saura pas davantage de ces variations sur le motif.
Il y a des scènes muettes musicales belles juste pour elles (travelling nocturnes de bords de route), qui sandent le récit, des scènes réalistes étirées jusqu'à leur paroxysme (la visite à la Madrague, la scène avec les flics) et nous faisant alors vivre réellement la pénibilité de leur durée, et puis des scènes infiniment joyeuses et belles  : la "rencontre" dans la rue de Kamel et Zina avec la caméra qui leur court après ; une chorégraphie silencieuse entre chien et loup et deux mecs bourrés qui rentrent chez eux au petit matin (pourtant dieu sait si j'ai d'habitude horreur des scènes d'ivresse au cinéma, parce qu'elles sonnent faux la plupart du temps) ; une scène de danse à quatre filmée de très près ; la scène de plage  où passerait presque l'ombre -en couleurs!- de Stranger than paradise et  la partie de foot hâchée menu qui lui succède... Et, toujours, la ville, filmée comme une friche urbaine, lépreuse froide la nuit, ou au contraire diurne et surexposée et externe. Tariq Teguia filme sa ville, et la jeunesse comme pétrifiée, empêchée, de ses héros ("A Alger, tout le monde rase les murs...") avec une maîtrise assez sidérante.
A la fin,j'avais envie d'applaudir. D'ailleurs j'aurais pu, sans déranger personne. Parce que dans cette salle du bôôô cinéma, ce samedi-là à 18h, j'étais tout seul.

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7 juin 2008

I don't speak hebrew

DESENGAGEMENT
d'Amos Gitaï

Comme je disais avec ma copine Françoise juste avant que le film commence, des fois, Gitaï, c'est chiant. Oui oui, j'assume. Et des fois c'est très bien. mais, c'est sûr, ce mec-là est vraiment un cinéaste. Avec des choses à dire qui lui tiennent à coeur. Des fois ça passe, des fois ça lasse...
Par exemple, cette scène d'ouverture qui (pour moi) confine au sublime : un plan fixe (cinq minutes au moins) sur Nathalie Portman en train de pleurer dans une voiture, au début d'un film dont j'ai d'ailleurs oublié tout le reste, même le titre. Ca c'était du cinéma. Parfois c'est trop compliqué (c'est souvent le cas dans le cinéma israélien, mais arrivera-t-on un jour à véritablement intégrer cette situation ?) parfois trop théorique, ou trop intello.
La scène d'ouverture, encore une fois, est très belle : dans un train italien, un israélien, une palestinienne (ou le contraire, désolé, je ne suis plus sûr) se croisent, il lui demande une cigarette, ils discutent, un douanier tâtillon les titille, et ils finissent par s'embrasser en assurant au dit douanier qu'ils ne font ensemble "rien de politique..."
Le jeune homme, Uli,  vient en France, à Avignon, à l'occasion de la mort de son père, et y retrouve sa soeur Anna (Juliette Binoche), avec laquelle il va passer cette première partie du film. Et avec qui il va repartir en Israel, puisqu'elle a été sommée testamentairement d'aller retrouver là-bas sa fille Dana (abandonnée par elle à sa naissance) pour lui remettre en main propre sa part d'héritage, selon les volontés de son père. Car Uli est aussi militaire et veut rentrer pour participer à l'opération d'"évacuation" des colons juifs de la bande de Gaza. Ce sera donc la seconde partie du film, sous la double marque des retrouvailles  (familiales) et des séparations. Dès leur arrivée, le frère et la soeur sont séparés, puisqu'il est catégoriquement (par un collègue énervé braillard et règlement/règlement) refusé à Anna de monter dans la jeep où son frère s'embarque. Elle sera finalement conduite jusqu'à sa fille par un ami de son frère, joué par Gitaï lui-même, après une mémorable scène de franchissement de check-point (encore une scène forte gitaïesque, peut-être celle qui me restera de ce film, d'ailleurs). Elles tomberont dans les bras l'une de l'autre, jusqu'à ce que, destin cruel...
Le film procède ainsi, dans ce double mouvement d'assemblage / séparation, jusque dans sa forme même. C'est vrai que, tels quels, on a un peu l'impression d'avoir deux demi-films juxtaposés (Frère & soeur à Avignon et Mère & fille à Gaza), dont chacun aurait mérité un traitement particulier, et qui sont appariés juste par la présence des deux personnages principaux, le frère et la soeur, justement. Histoire de famille, donc, de racines et des liens qu'elles génèrent, de déracinement peut-être aussi), c'est idéalement la métaphore pour évoquer la situtation, là-bas, et le dialogue de sourds. Mais cette dichotomie  n'est pas si gênante, finalement, tellement on suit l'histoire avec intérêt et émotion, dans les deux cas.
Oui, je sais que je suis plutôt bon public et que j'ai plutôt -surtout à chaud- la critique louangeuse, mais il me semble que c'est mon Gitaï préféré depuis... un bon bout de temps. Bien entendu, inutile de préciser que la distrib' est nickel : tiens Jeanne Moreau, tiens Barbara Hendricks, tiens Hiam Abbas... Amos n'a visiblement pas mégoté sur la distribution, même pour les petits rôles. Et puis des barbes et des joues mal rasées et des treillis et des kippas... Et s'ils s'arrêtaient un peu de se gueuler dessus et commençaient à se faire des câlins, plutôt que de se foutre sur la gueule, sans arrêt comme ça, hein ? (c'est le message de Boutros Boutros Chori)

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4 juin 2008

camille à la plage

LE PREMIER VENU
de Jacques Doillon

Une demoiselle. Un godelureau. Dès le début du film on prend l'histoire en route, qui ne nous a pas attendus pour commencer. Des routes, d'ailleurs, il y en a beaucoup. Des routes où les personnages marchent côte à côte,  ou l'un vers l'autre, ou bien s'y tournent le dos en se disant "à plus tard".
La demoiselle, Camille (Clémentine Beaugrand, excellente, avec de charmants faux-airs de Clotilde Hesme) aime le godelureau Costa,(Gérald Thomassin, très bien aussi, qui a bien grandi depuis Le petit criminel), sans qu'elle, ni lui, (ni nous d'ailleurs), ne comprenne vraiment pourquoi. Enfin, disons qu'elle a décidé de l'aimer. Un petit malfrat, un peu alcoolo, un peu toxico, un peu irresponsable. Et voilà que dans leur histoire interfère Cyril, un jeune flic,(Guillaume Saurrel) à la fois amoureux de Camille, copain de Costa, et accessoirement ex-amant de son ex-femme Gwendoline.
Sacs de noeuds, bonnes intentions (surtout de la part de Camille) et effets divers, hésitations et chassés-croisés quasi rohmériens (T'aimes-je / M'aimes-tu ?). Ca va du plaisant au pénible, de l'insupportable au touchant. Doillon, quoi... avec un happy end comme un lapin sorti d'un chapeau (cette comparaison est aussi originale que cette fin-là l'est...)
Mais y a aussi dans ce film une très très belle lumière (c'est ce qui frappe dès les premières scènes) qui vient transcender ces paysages pour la plupart maritimes et hivernaux. Je crois d'ailleurs que c'est ça que j'en retiendrai...

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2 juin 2008

la belle si tu voulais....

UN COEUR SIMPLE
de Marion Laine

Il y a des actrices, comme ça, qui me transportent. A cause de leur rareté, et de leur justesse. Il y en a très peu. Et Sandrine Bonnaire en fait indiscutablement partie. C'est pour elle (et peut-être un peu aussi pour Flaubert) que j'avais envie de voir ce film.
Bonne surprise, déjà, une salle inhabituellement remplie pour un samedi 18h (on était au moins 16, pulvérisant ainsi les taux de fréquentation de "nos" films dans le bôô cinéma...) Le film de Marion Laine, comme la nouvelle de Gustave, raconte la vie de Félicité, une "servante au grand coeur". Pas une vie facile facile, qui verra au fil des années se succéder trahisons, départs, disparitions et morts de ceux qu'elle aime : Théodore, un paysan (qui la demande en mariage et préfère finalement en épouser une plus vieille et plus riche), Victor, son neveu (qui s'engage dans la marine et mourra du typhus) , Clémence la fille de sa patronne (qui mourra au couvent), Loulou,  le perroquet (qui mourra, lui, de froid), et Mathilde, sa patronne, incapable semble-t-il d'exprimer le moindre sentiment aimant (qui mourra, on ne sait pas comment, peut-être d'un excès de laudanum ?), et à qui Marina Foïs offre une étonnante incarnation, toute en lèvres pincées et mutisme affectif.
Un film très soigné, une interprétation excellemment homogène (homogènement excellente ? Il faudrait nommer tout le monde...), une adaptation personnelle (Marion Laine n'a pas fait que retranscrire la nouvelle de Flaubert, elle se l'est véritablement appropriée) pourtant on reste un tout petit peu sur sa faim. Il manque un petit quelque chose, un poil d'audace formelle, un montage un peu plus resserré, un petit grain de folie, pour que le film enthousiasme vraiment. Tel quel il est déjà très bien, peut-être juste un peu trop sage, timide, compassé (c'est peut-être l'histoire et l'époque qui le veulent...). Mais bon Sandrine Bonnaire est excellente d'un bout à l'autre et vaut, déjà à elle seule, le déplacement, et puis ce sous-texte quasiment lesbien est tout de même assez troublant, non ?

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27 mai 2008

étendards

NES EN 68
d' Olivier Ducastel et Jacques Martineau

Midinet je suis et midinet je reste. J'ai un faible pour ces épopées cinématographiques qui vous racontent quarante ans d'histoire et quelques en quelques heures à travers quelques destins. D'autant plus qu'on la connaît, celle-là, d'histoire (1968/2008) puisque c'est précisément ce qu'on a vécu, alors, normal, ça rappelle des trucs. Comme un album-photo qu'on feuillette. Et qui dit album-photo dit images, (d'autres, plus perfides diront plutôt clichés.)
Donc nos  amis Olivier et Jacques nous ont tricoté un (non, plutot deux d'ailleurs) film en forme de survol, de rétrospective, qui en fera soupirer plus d'un, de sensibilité dite "de gôche", d'abord avec l'histoire des parents (manifs, pavés, larzac, utopie, fromage de chèvre et amour libre), puis celle des enfants (sida, trithérapie, mariage foireux, téléphone portable et mai 2007...) La "grande histoire" passe, sous forme de documents d'archives (radio, journaux, télés), ponctuant la "petite" (histoire) , qui s'anime sous nos yeux, autour de deux trios de personnages successifs (à chaque fois deux hommes et une femme).
Comme en accéléré, on les verra  grandir vieillir partir se rencontrer s'aimer se quitter. se retrouver. Air connu chacun pour soi est reparti dans l'tourbillon d'la vie... Il y a du romanesque, il y a du romancé, il ya du maladroit, il y a de l'anecdotique, il y a lourdaud et il y a du fleur bleue, il ya du touchant, il y a de l'énervant, c'est inhérent au genre. Et Laetitia Casta s'en sort sacrément bien ("même quand je souris j'ai l'air triste...")
Contrairement, à Zvezdo, , je dirais que la première partie m'a plus convenu  (hi hi) que la deuxième (les manifs -riquiquitement reconstituées- sont, pour nous autres provinciaux avec de la paille dans nos sabots, aussi exotiques que la danse de la pluie dans la tribu des Dogons-Maquart, j'exagère mais presque.)
Oui, peut-être "vite oublié", mais j'aurai en tout cas passé un sacré bon moment... Et puis euh...  il y a une scène -croquignolette- de dansons dans les hautes herbes avec les zigounettes à l'air qui pourrait selon moi justifier à elle seule la vision du film (smiley aux joues roses de honte, c'est très bête je sais...)

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PS angoissé (et pointilleux) : pourquoi la chanson de Sheila "Reviens je t'aime", pourtant entendue à la radio pendant le film (la première visite de Laetitia Casta à Christine Citti) ne figure-t-elle pas au générique ? Mike Brant y figure bien, lui...)

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