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lieux communs (et autres fadaises)
9 novembre 2007

ma tasse de thé

L'HEURE ZERO
de Pascal Thomas

Quel plaisir de chausser de bonnes vieilles charentaises cinématographiques... Une adaptation d'Agatha Christie (je l'avais lu il ya longtemps mais n'en avais gardé quasi aucun souvenir, à part le coup de l'ascenseur en panne, qui m'avait à l'époque plutôt ravi... quelle élégance et quel sens de l'économie dans le meurtre!) avec of course son manoir anglais, ses majordomes, sa vieille lady excentrique, ses clubs de golf, ses tasses de thé, ses doigts de brandy, ses secrets de famille, ses machinations machiavéliques, ses faux indices, ses vrais criminels qui grimacent lorsqu'ils sont démasqués... bref tout y est de a jusqu'à z, y compris le deus ex machina et le twist final : mais alors, s'il n'y avait pas de lune et qu'il pleuvait ???Rajoutez-y une distribution aux petits oignons : Danielle Darrieux en mamy opiomane, Melvil Poupaud tout en gomina et en oeil de velours, François Morel en enquêteur, et un duo d'étonnant d'antagonisme : d'un côté la blondeur très extravertie (c'est le moins qu'on puisse dire) de Laura Smet et en face la tristesse toute en retenue de Chiara Mastroianni. Visiblement tous s'amusent à composer, jouer (et parfois surjouer ?) leur personnage, et nous aussi du coup. Mais pas immédiatement.
Car tout ça reste assez "sérieux" en apparence (les intrigues d'Agatha ne sont pas réputées pour leur rythme trépidant ni leurs poursuites echevelées, hein ?) Classique, donc : il faut se fader une exposition longuette (le temps de présenter tout le monde, et de montrer que chacun aurait une bonne raison d'avoir zigouillé ceux qui le furent (ou de pouvoir zigouiller ceux qui le seront ?), qui serait laborieuse si ne venaient, à intervalles réguliers, se mêler à la narration plutôt straight des décrochages plutôt loufoques (les domestiques).
Le dénouement n'est pas, une fois de plus, le moment le plus inoui ni le plus inattendu (Trop d'indices tuent les indices, n'est-ce pas ?) mais bon, on sort de là, plein d'indulgence, c'était un dimanche soir, et on a vu un bon film de dimanche soir...

8 novembre 2007

regards en coings

ABBAS KIAROSTAMI / VICTOR ERICE
Beaubourg

Une très belle expo (j'y retournerai, d'ailleurs)
D'emblée j'ai eu les larmes aux yeux.
On peut partir à gauche (côté Kiarostami) ou à droite (côté Erice), de toute façon, ça se rejoint au milieu derrière (belle scénographie avec cette salle centrale où est projetée, de part et d'autre d'un même écran central, cette fameuse correspondance filmée.
J'ai bien entendu choisi d'entrer par le côté Erice (je tiens personnellement, et ce depuis fort longtemps Le songe de la lumière pour un film primordial) parce que ce bonhomme est plus rare. Des films inédits (La Morte Rouge, sur un premier souvenir de cinéma et de terreurs enfantines) et d'autres moins (Enfantement, de la série "Ten minutes older" que j'avais déjà téléchargée vue). Des rushes préparatoires au Songe de la lumière. Des installations sonores autour de plusieurs tableaux. Voilà pour le côté vert (fluo)
Des photos d'arbres dans la neige, une installation de faux troncs d'arbres dans une salle entièrement tapissée de miroirs, des photos de gouttes sur les vitres, et des films inédits (celui que Kiarostami avait conçu pour "Ten Minutes Older", mais qui ne figura jamais dans le projet final) ou moins (Five, déjà téléchargé vu auparavant), une installation vidéo (un couple qui dort, grandeur nature), et des photos de routes enneigées, voilà pour le côté orange (fluo)
Avec, de part et d'autre, deux montages parallèles (L'enfance de l'art d'un côté et L'art de l'enfance de l'autre) où l'on s'est amusé à dégager des caractéristiques et des termes communs aux oeuvres des deux cinéastes en mettant en parallèle des images de leurs films respectifs.
Pour accentuer le côté double de cette expo bicéphale, on a édité deux versions différentes du catalogue, qui n'ont rien à voir : une en français, plutôt chétive et rachitique, et une en anglais, beaucoup plus élaborée et roborative (pour une poignée d'euros de plus...)
Mais je le répète j'ai eu plusieurs fois les larmes aux yeux,autant du côté E. que du côté K.

6 novembre 2007

deuils

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LA FORET DE MOGARI
de Naomi Kawase

J'ai souri en lisant le billet de Zvezdo sur ce film, car il m'est arrivé la même chose : suite au repas pris précédemment (!) m'est venu à moi aussi comme un accès de sommeil, et tandis que je tentais de lutter contre (un peu, tout de même) j'ai donc vu en pointillés un début de film où mon assoupissement m'a fait un peu m'emmêler les pinceaux : ainsi je croyais qu'il y avait deux jeunes filles distinctes : l'aide-soignante et la mère éplorée, et ce que je prenais, depuis mes limbes oniriques,  pour "un centre de réadaptation pour personnes ayant perdu un être cher" n'était, plus prosaïquement, qu'une maison de retraite. Autant dire que le film démarre vraiment (là, je n'ai plus fermé l'œil du tout) avec cette "promenade" entre la demoiselle et le vieux veuf qui va vite se transformer en course-poursuite, puis en quête et finalement en aboutissement.
Le vieux monsieur cherche la tombe de sa femme, quelque part dans la forêt, la demoiselle l'accompagne thérapeutiquement mais elle a, elle aussi, quelque chose à (re)trouver (à assumer ?) : la mort de son enfant, dont elle se sent (dont on la rend) coupable.
Le film est à l'image exacte de son affiche : très beau très vert très oriental. Et plutôt mystérieux. On s'enfonce dans ce vert de plus en plus profondément, au fur et à mesure du film : bord de route, champs de thé, puis sentier aménagé, jusqu'à plus de sentier du tout, de plus en plus perdu dans cette végétation omniprésente, envahissante, comme la mémoire, comme le passé, comme les regrets.
Certains ont reproché au film son côté théorique, abstrait, ou, au contraire simpliste dans sa symbolique végétale même. A chacun son itinéraire. J'avoue que cet aspect ne m'a pas du tout gêné, qu'on chemine ici à la fois autant dans le concret (les arbres) que le mental (faire le deuil) et que me sont venus en tête quelques autres bivouacs sylvestres et nocturnes (ceux de Gerry et de Old Joy, par exemple) qui venaient comme faire écho à (justifier ?) celui-ci.
Qui a aimé Shara, de la même réalisatrice, ne pourra qu'aimer venir se perdre dans cette Forêt là pour, comme le vieillard s'y endormir un peu dans la terre, là, ou bien, comme la jeune fille, lever vers la canopée, en offrande, une boîte à musique qui dirait juste peut-être la paix retrouvée, simplement.

3 novembre 2007

union suit

L'ASSASSINAT DE JESSE JAMES PAR LE LÂCHE ROBERT FORD
d'Andrew Dominik

Je n'aime la maladie western qu'à travers les anticorps que périodiquement elle suscite : Silverado, de Lawrence Kasdan, Jeremiah Johnson, de Sydney Pollack, Dead man de Jim Jarmush. (Où l'on entend alors parler volontiers d'anti-westerns) Films longs, ou lents, ou barrés, ou tout ça à la fois, qui triturent les poncifs du genre et récrivent ainsi les légendes de l'ouest à leur sauce (voire leur sauce originelle). Les antimythes, quoi (parfumés au bois de cèdre ?). Dans ces films-là, j'aime les gueules, les barbes, les corps fatigués, la boue, les flingues comme substituts phalliques. Les histoires d'hommes, quoi. (Désolé, mais ici le sous-texte gay est tellement évident et insistant qu'on ne voit plus quelui, et que nos héros s'en font quasiment un manteau de fourrure!)
On est ici pile poil (!) dans cette mouvance-là. Brad Pitt incarne un Jesse James un peu malade, un peu caractériel, un peu dépressif, bref, juste comme vous et moi, quoi. Qui va se faire flinguer dans le dos par un Robert Ford (le Casey Affleck de Gerry, voui voui!) un peu timide, un peu lâche, un peu admiratif, un peu mal dans ses pompes (comme vous et moi aussi quoi!)
C'est excellemment fait (on démarre avec des nuages qui bougent comme chez Van Sant, une nature filmée avec amour et en plan large comme chez Malick...), la distribution est par-faite, bref, on savoure. Surtout quand (c'est pas souvent que je tombe amoureux au cinéma, mais là, plouf! direct! ce fut le cas) apparaît un des comparses de la bande à Jesse, un nommé Dick Liddle (dans le film) interprété par un certain Paul Schneider (jusqu'ici inconnu au bataillon), qui me fit tomber la mâchoire de saisissement dès cette première scène, où il bouffe un genre de ragoût en évoquant ses galipettes avec des squaws, tout en léchant sa cuillère de la plus émouvante des façons.
On se perd bien un peu au début, (et par la suite aussi), dans les généalogies familiales (qui est le frère de qui et le cousin de qui d'autre et qui n'est pas copain avec qui étant donné que le frère d'on ne sait pas qui a fait du mal au cousin d'on en sait pas qui d'autre) mais grosso modo on se laisse porter (même si on n'a pas vraiment tous les éléments)
Le parcours édifiant de Robert Ford, le jeune homme trop bien trop propre trop admiratif des aventures des frères James (mais surtout de Jesse), et qui fera tout pour devenir membre du gang, puis ami et confident, quitte à en payer le prix en devenant son "lâche assassin", parce qu'il y avait entre eux trop de points communs, et qu'il aurait eu envie de devenir l'autre, on le suivra pas à pas, dans la boue, dans la neige, dans les bois, de galopade en attaque à main armée, de baraque branlante en saloon, et même jusque sur les planches, dans une surprenante et finale mise en abyme de l'histoire qu'on vient juste de voir se dérouler quasiment "en vrai". (Clin d'oeil ironique à la vanité de l'entreprise ?)
Peut-être un poil longuet tout de même (surtout qu'on ne voit plus mon Dick Liddle chéri chéri pendant la dernière partie, et que c'est dommage, ce qui n'est certes pas, je le reconnais, un critère exhaustif!)
Wild wild west...

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1 novembre 2007

(tri)thérapie

AVANT QUE J'OUBLIE
de Jacques Nolot

Séance de 22h dans mon MK2 Beaubourg chéri chéri. Est-ce la fatigue du voyage ou je ne sais quoi d'autre, toujours est-il que je ne suis absolument pas rentré dedans. J'ai même envisagé de sortir lors d'une scène de baise croquignolettement glauque ("Oui, couine comme une femme! A quatre pattes sur la moquette, comme une chienne!" Pffff) mais suis tout de même resté jusqu'au bout, curieux de ce que Zvezdo en avait dit...

Un film aussi complaisant que déplaisant (ou mi/mi). Ces histoires de gigolos et de michetons, de testament(s) perdu's) de ventes aux enchères, un univers cynique où l'on a toujours les poches pleines de biffetons froissés, où l'on compare entre copin(e)s (je ne supporte pas les mecs qui parlent d'eux au féminin),les tarifs des prestations sexuelles offertes ("50 euros ? Tu me le présenteras... Il a une grosse queue ?") où l'on suce le petit livreur à domicile de la bouffe qu'on vient de commander par téléphone ("Et une bonne bouteille de bordeaux, prenez la plus chère du magasin, que ça justifie la course...") qui ne semble rien y trouver à redire, où l'on échange sur un ton quasi bressonnien entre vieillards plus ou moins chenus et nostalgiques du temps béni d'il y a bien longtemps, où on se donne des tableaux d'Henri Michaux mais on ne les prend pas, où l'on évoque Roland Barthes avec qui on allait chasser dans les pissotières, où la monnaie qui change de main tient lieu de sentiments et les assurances-vie de déclarations d'amour.
Inconfortable, certes, et provocateur peut-être, mais maladroit sürement. Et finalement insupportable. A moins que Nolot n'ait souhaité réaliser une comédie glacialement drôle, sous couvert de la chronique désabusée d'un délabrement physique et affectif (des affres de la trithérapie considérés comme un sujet de marivaudage rohmérien) Mais j'en doute.

29 octobre 2007

vrais rêves

PAPRIKA
de Satoshi Kon

(Bon, dommage, je n'ai pas pu intituler ce billet "Un rêve à la Kon" puisque Libé l'a déjà fait. Mais le coeur y est.)
On dit que y a que les imbéciles qui changent pas d'avis. En ce qui me concerne, j'éprouvais, jusqu'à une date assez récente, un inintérêt,une méfiance,un mépris, voire une aversion, pour tout ce qui relevait peu ou prou de l'animation nippone (asiatique dirons-nous pour élargir le débat).
Et voilà que ces certitudes avaient largement vacillé grâce à MON VOISIN TOTORO, du sieur Miyazaki (que j'étais allé jusqu'à rajouter comme outsider à mes films de l'année). Et  le film de ce soir en remet encore carrément une couche. Me voilà con-quis! J'aurais dû m'en douter en rentrant dans la salle : il y avait au moins 15 spectateurs, et pas les mêmes que d'habitude, pas nos cinéphiles habituels et cérémonieux, non, des djeunz! (des djeunz avec un seau de popcorn! des djeunz avec des jambes tellement longues que quand ils sont assis, même si la distance entre les rangs de fauteuils est pourtant conséquente, ils arrivent quand même à foutre des coups de pieds dans le rang de devant... des vrais djeunz, quoi!)

Revenons à nos épices... Il est question de rêve(s), d'une machine appelée mini-dc qui permet de les visualiser, de les enregistrer, et même d'y intervenir. D'un prototype, plutôt, qui n'est pas parfaitement au point selon son génial (mais obèse) concepteur. Et voilà-t-y pas qu'une nuit les 3 exemplaires existant sont dérobés. Il s'agit de les retrouver au plus vite, puisqu'entre des mains mal intentionnées, le mini-dc peut s'avérer redoutable (le rêve de chacun, de moi en tout cas : aller dans le rêve du voisin et pouvoir y intervenir et le modifier à son gré -le rêve, pas le voisin, quoique...-) Nous avons donc une équipe de scientifiques (le professeur, la belle assistante, le génial concepteur) partis à la recherche du voleur de rêves. Tandis que parallèlement, un flic qui n'aime pas le cinéma suit une thérapie onirique grace au mini-dc, menée par une certaine Paprika, qui n'est autre (on s'en doutait et on l'apprend d'ailleurs assez vite) que le double de Atsuko, la virginale assistante évoquée plus haut.
Très vite ça va devenir sacrément le bazar, avec les passages du rêve à la réalité (au bout d'un moment on ne sait plus vraiment où on est) les mélanges de rêves (les gens passent joyeusement dans les rêves des uns et des autres comme on joue à saute-mouton, et on ne sait plus à la fin qui rêve de qui) et les différents niveaux de narration, les gens qui souffrent d'anaphylaxie onirique et se mettent à débiter n'importe quoi (on y parle même du foie des équerres!), les vrais méchants, les faux gentils, les doubles,  on est un peu largué (de plus en plus, même) mais on s'en fiche  et on est très content comme ça.
Voilà un film d'une richesse,  d'une inventivité, d'un foisonnement, sans cesse renouvelés. C'est stupéfiant, allumé, hallucinogène, ahurissant, avec sans cesse des trouvailles, des clins d'oeil, et des rebondissements à la pelle. un vrai maelstrom, je vous dis ! Si la narration s'emmêle un peu les pinceaux, l'animation est vraiment un régal. on a à peine le temps de reprendre son souffle, tellement ça démarre sur les chapeaux de roue (on commence par un rêve récurrent du flic) et que ça continue pareil. Au grand galop, la parade monstrueuse des frigos et des micro-ondes, les cauchemars qui contaminent la réalité, les faux-semblants qui se fracassent, les dames qui ont une deuxième couche à l'intérieur, les morts qui n'en finissent pas de tomber au ralenti dans un couloir à la Shining, les sphynx, les grenouilles, les papillons bleus, les tentacules (il y en a, de très beurk...) je vous jure, je n'ai rien fumé!
Et en plus la morale, qui nous fait croire que même les gros ont droit à l'amour, nous la joue politically incorrect et cerise sur le gâteau. Ca vaut son poids de cacahuètes, non ? (ou de têtes de poupées, c'est selon)

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23 octobre 2007

black

CONTROL
d'Anton Corbijn

Fin des années 70 je n'écoutais pas Joy Division, soyons franc. Je connaissais juste un peu de loin la légende morbide de Ian Curtis, et qu'après sa mort le groupe était devenu New Order (que je connaissais un tout petit peu mieux, ne serait-ce qu'à travers True Faith et, plus tard, Confusion)
Un film qui terrasse. Une histoire de groupe, d'Angleterre, d'années 70/80, de la vie d'un parmi d'autres, d'une vie avec ses pile et face, le micro les concerts les groupies les roadies d'un côté, et les langes qui sèchent et le thé qui refroidit et l'épouse éplorée qui attend de l'autre... Un écart qui devient de plus en plus grand, béance intolérable, jusqu'à la déchirure.
Un très beau noir et blanc, des images amoureusement composées, un écran comme plein à ras bord, pour un mec noir et blanc aussi, et la musique idem, et la vie donc pareil. Mais ici ni complaisance malsaine ni voyeurisme faux-derche. Une certaine,oui,  esthétique de la désolation. Rien de misérable, non, juste des faits, des effets (personnels), juste un morceau de vie. Comme une chanson qu'on connaîtrait un peu, vaguement, de loin, mais qui vous tire des larmes dès qu'on l'écoute un peu en détail. Mais pas exactement 2'35 de bonheur.
Un film qui vous éclabousse, vous submerge, vous engloutit, mais façon baquet d'eau glacée plutôt que bains turcs.
Et l'incarnation stupéfiante de Sam Riley.
Love, love will tear us apart again...

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21 octobre 2007

hors-abonnement

JUSTE  LA FIN DU MONDE
de Jean-Luc Lagarce
LES REGLES DU SAVOIR-VIVRE DANS LA SOCIETE MODERNE
de Jean-Luc Lagarce

Une semaine faste, théâtralement parlant. Deux pièces de Lagarce, une le mercredi et une autre le vendredi. Une que je découvrais et une où je retournais pour le plaisir.
La première, donc, où un personnage rentre chez lui (d'où il est parti depuis longtemps) pour annoncer à sa famille qu'il va bientôt mourir. il y retrouve sa mère, sa soeur, son frère, et la femme de celui-ci. ils vont se parler, chacun à son tour. Plaisir intact de retrouver ces vastes blogs de monologues (plutôt que conversations véritables) dans la belle et précieuse et riche langue lagarcienne (dont c'était ici un véritable plaisir d'entendre la mise en bouche), et la thématique familiale et lagarcienne idem. Mais, malgré la qualité des comédiens (Hervé Pierre, Danièle Lebrun, Clothilde Mollet, Elisabeth Mazev, Bruno Wolkovitch, le groupe est très homogène), l'intérêt s'érode un peu progressivement, par la répétitivité même du système ("bon on a eu la belle-soeur, la soeur, la mère, ah il nous reste le frère...") et on commence à s'ennuyer  un peu, à la fin, malgré l'inventivité d'une mise en scène parfois juste un peu voyante (m'as-tu-vue ?) mais paradoxalement appliquée, et la beauté grave d'une gigantesque toile de fond en tulle peint d'un bien beau ciel...
Le vendredi, on change de lieu et d'histoire. Le même metteur en scène (François Berreur, qui était mon voisin de palier quand j'habitais à B. mais je ne savais pas à l'époque qu'il deviendrait célèbre), une actrice seule en scène, un décor minimaliste (une table, une chaise, puis une robe) pour une heure quarante de bonheur garanti. J'avais déjà vu la pièce il ya deux ans, et j'avais tellement aimé que j'y revenais, avec un peu d'inquiétude... Mireille Herbstmeyer compose une fabuleuse conférencière bècebège (chignon, rouge à lèvres, tailleur, perles) qui vient exposer ce qu'il en est des convenances sociales, tout au long d'une vie (baptême, fiançailles, mariage, noces d'argent, noces d'or, enterrement...) et c'est un pur bonheur (je pense avoir encore plus aimé que la première fois). C'est drôle, c'est vachard, c'est acide, c'est méchant, c'est toujours surprenant (la dame va passer vraiment par tous les états) et incroyablement inventif. Du plaisir théâtral dense comme ça, ça n'a pas de prix!

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20 octobre 2007

pharmaciens

SECRET SUNSHINE
de Lee Shang-Dong

On hésitait entre un film de 2h22 et un film de 2h40. On a choisi le plus court. Sur le souvenir de PEPPERMINT CANDY, qui m'avait tant bouleversé. Ici aussi, histoire très trèèèès triste, mais pas vraiment le même résultat.
Le film démarre par une voiture en panne au bord de la route. Celle d'une jeune veuve retourne s'installer avec son jeune fils dans la ville de naissance de son mari, après le décès de celui-ci. Mais le destin comme on dit va l'éprouver cruellement une nouvelle fois (il ne faut pas tout raconter, sinon vous n'auriez plus la surprise), elle va alors tenter de réagir pour  trouver un exutoire, mais, pour une sombre histoire de pardon (une idée que je trouve vraiment excellente), va perdre la foi en ce qui lui avait apporté un certain réconfort, et boum badaboum j'arrête là la narration par le menu.
Le parti-pris narratif de Peppermint Candy (remonter l'histoire à rebours pour expliquer pourquoi ce jeune homme se suicide depuis ce pont-là au début du film) a fait place à un dispositif beaucoup plus normal, une histoire racontée dans l'ordre, avec juste ce qu'il faut de zones d'ombres, suivant les rites du mélo (une héroïne malheureuse, un malheur, un répit, un encore plus gros malheur, puis une catastrophe, puis quelque chose d'affreux, et encore quelque chose d'encore plus triste pour la rendre encore plus malheureuse, and so on...) Je connais peu de films coréens qui soient du genre à se taper sur les cuisses de rire.
Mais la mise en scène de Lee Chang-Dong sait étoffer cette toile de fond un peu convenue, la tordre, la froisser, y faire des accrocs, y rajouter quelques motifs en contrepoint, même si au bout du compte le résultat reste le même : tout ne peut aller que de mal en pis pour cette pauvre dame. Chacun des thèmes, pris séparément : comment se faire sa place dans une communauté où l'on débarque, comment la religion est véritablement un opium du peuple, comment la psychiatrie n'arrange rien, comment l'amour est aveugle...) est plutôt justement traité et s'enrichit de  variations accessoires, dont certaines qu'on aurait aimé voir plus développées (mais sans doute alors le film aurait duré quatorze heures!)
Il y a de très belles idées, des propositions plastiques intéressantes, des plans soigneusement composés, des personnages idem (autour de celui, central et quasiment de tous les plans, de notre héroïne -qui a d'ailleurs bien mérité son prix d'interpréattion à Cannes... - j'ai notamment un faible pour le garagiste amoureux transi)  on devrait donc comme on dit en avoir pour son argent.
Et pourtant...
J'avoue m'être un peu ennuyé (au début, d'ailleurs, avec D., on a piqué du nez tous les deux, pourtant on avait mangé plutôt léger...) Si la partie centrale est quasiment parfaite, la dernière partie s'éternise. On n'en voit plus le bout, du malheur sans fin. Et hop! encore une louche! Quand on se dit plusieurs fois "tiens là, hop, il faut s'arrêter ça ferait une bonne fin..." et qu'à chaque fois il y a un autre plan après, c'est mauvais signe...   
Trop long, trop dense, trop riche trop triste ? Trop quelque chose, en tout cas... On finit par regarder ça d'un peu loin, comme on s'abriterait pour se protéger d'une averse trop insistante. Et regarder sa montre aussi. Et le plan fixe énigmatique qui clôt le film n'éclairera pas davantage votre lanterne (mais qu'y a-t-il donc que je n'y ai pas vu?)

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17 octobre 2007

le noir et le rouge

MON FRERE EST FILS UNIQUE
de Daniele Luchetti

Une excellente surprise. Grâce au  narrateur, Accio, dit "La teigne". Vont défiler quelques dizaines d'années de l'histoire italienne, vues à travers celles d'une famille italienne, et plus exactement de deux frères "ennemis" : une chemise noire (Accio) et une chemise rouge (l'autre, Manrico, avec des yeux... mamma mia!) et des entrecroisements de leurs destins (et de leurs choix politiques) respectifs.
C'est drôle, c'est acide, c'est touchant, c'est plein  d'étreintes et de bisous, de torgnoles et de baffes diverses, de fiat 500 plus rital tu meurs, de manifestations, de poings plus ou moins levés, de rêves de révolution, de poursuites, de barbes, de stronzo, de larmes et de colères, de disputes et de retrouvailles...
C'est filmé simplement, sans génie particulier mais ça se regarde avec drôlement de plaisir. Accio est une crevure, comme on dit chez nous, mais une crevure sympathique, une crevure adorable...  Pas une brute épaisse, juste un curieux, un expérimentateur, allant jusqu'au bout de chacun de ses choix successifs (le séminaire, le fascisme, le communisme...) avec la même curiosité, la même énergie.
Portrait d'un jeune homme en colère, mais finalement le plus sensé des deux fratelli n'est pas celui qu'on pourrait croire.
(Hervé, il faudra que tu m'expliques l'histoire des logements...)

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