CEUX QUI RESTENT
d'Anne Le Ny
J'hésitais depuis un certain temps (j'aurais pu le voir en août en Paris en projection de presse, smiley qui se la pète) et, l'autre soir, je suis passé chez mon ami pépin, qui l'avait vu la veille, et avait visiblement aimé... On en a donc parlé un peu, et dans la conversation sont passés La moustache et Vendredi soir, deux films que j'aime beaucoup, et c'est peut-être ça qui m'a décidé.
Au bôôô cinéma, ça ne passe qu'à 18h (mais bon ça fait au moins la troisième semaine), et donc ce soir me suis bougé. Arghh! ça passe à la 8, la (grande) salle des avant-premières bourrines et danslesensdupoilistes, et d'ailleurs quand j'entre tonitrue encore -très fort!- le générique de fin de La vengeance dans la peau (cf chronique précédente). Mauvais signe ?
Non non... Lindon et Devos, c'est comme le chocolat, c'est plus fort que moi, je les aime. Alors je n'ai eu qu'à me laisser porter par la petite musique (plutôt jolie d'ailleurs) du générique pour m'immerger dans cette histoire d'hôpital, de visiteurs au pavillon des cancéreux, où un homme (Lindon), dont la femme est malade, rencontre une femme (Devos), dont le compagnon est malade aussi. La réalisatrice ayant fait le choix, plutôt heureux d'ailleurs, de ne jamais nous montrer les conjoints en question, la caméra s'arrête simplement à chaque fois devant la porte de la chambre. Tandis que les couloirs et les ascenseurs n'ont plus de secrets pour ces visiteurs. Un homme, une femme... La petite mécanique se met alors en marche, qui va d'abord les faire se croiser, puis se recroiser, puis faire un peu connaissance, et se rapprocher, créer des rites (le kiosque à journaux, le café, la terrasse, la station Nation...), se rapprocher encore... Certes, si cette partie est prévisible, et que d'ailleurs tout s'y passe comme prévu, qu'elle est, comme qui dirait cousue de fil blanc, ce fil-là est en tout cas d'une certaine force et d'une singulière beauté. Oui, ils s'embrassent, mais après ? (on n'en est qu'à la moitié du film...)
C'est vrai qu'une rencontre, une vraie rencontre, ça tient un peu du miracle, de l'accident. L'étincelle. Dès que la chose s'est produite, et les conséquences, en quelque sorte, assez vite tirées, il faut apporter au moulin de la narration suffisamment de grain à moudre pour que l'histoire ne se désagrège, ni que le spectateur ne baille. Le plus important, le plus dense du film, c'est bien sûr cette relation, mais lui a été doté scénaristiquement d'un background familial beaucoup plus fouillé qu'elle, dont on ne saura finalement pas grand chose. Ce qui est intéressant, ce sont les sentiments, les regards, les élans, les hésitations, les choses infimes, les frémissements, entre lui, bourru, mutique, un vrai beau bloc, grave souvent, et elle dont le personnage tout en contrastes m'a laissé assez admiratif (mais bon, lui est est très bon aussi), tant elle est d'une justesse confondante, servie par des dialogues ciselés (certains diront trop écrits ?), d'une belle force en tout cas, et qui font très souvent mouche (car si le film est grave, on y sourit, même on y rit, très souvent grâce à elle, d'ailleurs!).
Et pourtant... Alors qu'Anne Le Ny a réussi à tenir sa note avec justesse et précision, voilà qu'à quelques pas de la fin elle trébuche inexplicablement. Plaf! La dernière scène, notamment, qui, dans une dissertation, aurait mérité en rouge dans la marge la mention hors-sujet. C'est maladroit et c'est dommage. Même si je reconnais qu'il n'était pas forcément facile de clore avec élégance et originalité une histoire pareille... Mais on a suffisamment accompagné nos deux héros jusque là pour réussir à sortir sans colère de film attachant, de cette histoire simple et sensible... Subsiste un genre de vague vague à l'âme. Quand je suis sorti d'ailleurs j'étais un peu cotonneux, il faisait encore jour mais le soleil n'était plus qu'un disque rouge là-bas au bord du paysage, disparaissant entre les arbres...