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lieux communs (et autres fadaises)
28 septembre 2020

patrick

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ANTOINETTE DANS LES CÉVENNES
de Caroline Vignal

Un film... charmant. On aime bien Laure Calamy et on la suit, au cinéma, depuis 2011 (Ce qu'il restera de nous, de Vincent Macaigne, et Un Monde sans femmes, de Guillaume Brac) et on est content de l'avoir vue à la télé dans Dix pour cent... Et on l'est encore plus (content) de la voir en tête de distribution dans cette plaisante comédie... (Qui, contrairement à ce qu'annonçait, par exemple Enorme, de Sophie Letourneur, est une vraie comédie). Une maîtresse de CM2 qui en pince pour un papa d'une élève de sa classe (et s'arrange pour l'exprimer à la face du monde -et des parents d'élèves- lors de la fête de l'école et du pestacle de fin d'année), qui se réjouissait de profiter des vacances qui arrivent pour passer quelques jours avec lui, et voilà qu'il lui annonce qu'il part avec femme et enfant dans les Cévennes pour faire comme Stevenson, une rando avec âne... Ni une ni deux l'amoureuse transie réagit en décidant de faire la même chose, espérant l'y retouver, ce qu'elle va illico raconter aux autres randonneurs pendant le repas,  le soir de son arrivée (et on est alors  enchanté, vraiment, de reconnaître, au milieu de l'assistance attablée, en muse tutélaire des sentiments tire-bouchonnés l'exquise Marie Rivière (Le rayon vert), qui a toujours d'aussi beaux yeux, et place bien sûr immédiatement le film dans un sillage rohmérien.
Antoinette va d'abord devoir faire connaissance avec Patrick, l'âne qu'elle a choisi pour faire son périple, et, rien que ça, ça vaut le coup d'oeil... Bon an mal an, elle parvient à apprivoiser l'animal (mais se faire, dans le même temps, apprivoiser par lui) et à boucler plusieurs étapes, même si elle prend du retard, et bien lui en a pris, d'ailleurs, de prendre du retard puisque bingo! le hasard va faire en sorte que l'élu de son coeur  débarque dans le même refuge, avec sa femme, sa fille, son âne...
Evidemment, les choses vont se compliquer... Antoinette c'est Laure Calamy, le chéri c'est Benjamin Lavernhe (ne pas oublier le rituel "de la Comédie française), absolument parfait dans le rôle du petit mâle pris entre deux feux (le conjugal et l'extra-), et l'épouse c'est la toujours plaisante Olivia Côte (j'aime son acidité) ils vont s'en donner à coeur-joie lors des rebondissements scénaristiques et le passage par toutes les nuances de l'arc-en-ciel du tendre : l'amour, le désir, le respect, la tendresse, le refus...)
N'oublions pas non plus l'âne, qui aura son rôle -important- à jouer lors desdits rebondissements (En plus c'est malin cette ombre tutélaire de Stevenson, dont on apprendra au passage pourquoi justement il avait fait ce fameux voyage avec un âne dans les Cévennes).
Un film malin, drôle, touchant, ensoleillé, optimiste... allez-y, quoi!

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après...

27 septembre 2020

lance-flammes

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EMA
de Pablo Larrain

Ema est un film duel (et c'est lui qui choisit les armes). Hétérogène (mais pas hétéronormé, hihi). Et la bande-annonce l'a bien compris, avec son mash-up de mélodrame familial et de danse contemporaine, qui, déjà, laisse perplexe. Du lard ou du cochon ? C'est rare, en plus, de voir dans un film argentin (ou, carrément, latino) une demoiselle aussi peroxydée et aussi... opaque. Dans une histoire qui, pendant un certain temps, l'est tout autant. Et ce n'est qu'à la fin que tout se met en place (la toute dernière scène est jubilatoire, mais ni Téléramuche ni Libéchounet, par exemple, n'ont jubilé).
Ce qu'on comprend, petit à petit : Ema (Mariana Di Girólamo, -incandescente à plus d'un titre-, impressionnante oui oui) est une jeune danseuse, mariée à Gaston un chorégraphe célèbre (Gabriel Garcia Bernal, que j'ai trouvé, comment dit-on ici... "reintri"). Ils ont adopté un jeune garçon (Polo) qu'ils ont fini par rendre (ça m'a fait penser à une planche des Frustrés, de Claire Brétécher), à cause de la violence du môme (il a notamment brûlé au visage la soeur d'Ema). Mais Ema regrette cet abandon, et ne va pas hésiter à faire tout ce qu'elle peut (payer de sa personne par tous les bouts) pour récupérer Polo.
Je penserai pendant longtemps que le fameux Polo est comme le quatrième homme de Police, d'Anne Fontaine, un prétexte, un leurre, un macguffin, jusqu'à ce que le film finisse par vraiment le prendre en compte, et le traiter en tant que "vrai" personnage, mais il faudra du temps...)
Le film, pendant un certain temps, est quasiment abstrait, et propre (propice) à toutes les interprétations, comme peut l'être, justement, une chorégraphie. Où le spectateur se raconte l'histoire qu'il veut bien se raconter. Par les couleurs, par l'éclairage, par la musique (très bonne scène où Garcia Bernal explique sa vision de la musique techno et son rapport avec la prison) par le montage, on a souvent l'impression de se trouver dans un clip géant. Géant comme le soleil qui trône en fond de scène lors d'un ballet récurrent.
Le film n'est pas aimable pendant un certain temps (les visages sont souvent fermés, les scènes de sexe sont filmées comme des bagarres, notamment une, essoufflante -presque terrifiante- où tout le monde baise littéralement avec tout le monde),  comme un rubik's cube dont on aurait pendant une heure quarante tournicoté et re les faces (violemment) colorées dans tous les sens, et qui finirait in extremis par reconstituer une image unie -et plausible- (et compréhensible).
Le film est excessif, agressif, rentre-dedans, (entre facticité et toxicité) mais Pablo Larrain ne nous a jamais habitués à la douceur (je frémis encore en repensant à El Club, que j'avais adoré), et, comme il est prouvé ici, la fin justifie les moyens...

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24 septembre 2020

je désire le désir de l'autre

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LES CHOSES QU'ON DIT, LES CHOSES QU'ON FAIT
d'Emmanuel Mouret

Un film de sentiments, plutôt qu'un film d'amour. Emmanuel Mouret (qu'on aime beaucoup ici et dont on a programmé quasiment tous les films) met en place une charmante (et impeccable) mécanique, comme ces boites à musique qui se mettent à jouer lorsqu'on en souléve le couvercle, où des figurines en porcelaine tournent et tournent encore sur la petite musique en rejouant sans fin la même ronde...Oui, à mi-chemin entre La Ronde (justement) de Max Ophüls, et, disons... Tu me fais tourner la tête d'Edith Piaf. Tourner, danser, ivresse...
Le mot de mécanique peut sembler mal choisi, avec ce qu'il évoque, à tort, d'artificiel, de rigoureux, d'inhumain, mais il est plutôt ici employé au sens que j'ai trouvé ici dans ce très cher wikipédioche :
"La mécanique (du grec ancien Μηχανική / mèchanikê, « l'art de construire une machine ») est une branche de la physique dont l'objet est l'étude du mouvement, des déformations ou des états d'équilibre des systèmes physiques. Cette science vise ainsi à décrire les mouvements de différentes sortes de corps, depuis les particules subatomiques avec la mécanique quantique, jusqu'aux galaxies avec la mécanique céleste."
Emmanuel Mouret se place au juste milieu, ni quantique ni cosmique, un entre-deux humain (trop humain)  qu'on pourrait nommer mécanique romantique (ou sentimentale). Cet homme progresse à chacun de ses films, dans l'avant-dernier il nous avait sidérés par le récit de la vengeance d'une femme (Mademoiselle de Joncquières) -déjà une mécanique, mais ici implacable-, ici il met en scène (sans pour autant, jstement se mettre en scène) un récit en forme de manège, avec, dans la boîte à musique évoquée plus haut, plusieurs couples qui  se font, et se défont, -échangez vos cavalières- et se refont, et tournent tournent follement (mais, dans le même mouvement très sagement pourrait-on dire) jusqu'à ce que le mécanisme s'arrête, et la musique aussi. Tout cela en fonction de la circulation du désir. Désir qui naît, (ou qui n'est pas hi hi) désir qu'on observe, qu'on décortique, qu'on espère, qu'on refuse, qu'on provoque, et même, oui, qu'on désire.
C'est... délicieux. comme de feuilleter Fragments d'un discours amoureux, mais avec des images, et des gens, des "vrais" gens (vrais gens de cinéma, s'entend) qui parlent parlent (comme des gens de cinéma) racontent se dévoilent s'interrogent, (le film est très écrit, autant qu'il est très musiqué), et la distribution de cet orchestre de chambre(s) ne pouvait qu'être chère à mon coeur : Vincent Macaigne, Guillaume Gouix, Niels Schneider côté garçons (à tous seigneurs tout honneur) et, chez les filles, Camélia Jordana (qui bâtit mène une jolie carrière), la toujours excellente Emilie Dequenne, et la débutante Jenna Thiam (découverte dans Les Revenants).  (Mais je me dois aussi de citer, même s'ils sont moins connus, Julia Piaton et Jean-Baptiste Anoumon qui bouclent divinement la boucle de ce quatuor de sentimentaux...)
Au départ, un garçon (Schneider) vient passer quelques jours chez son cousin (Macaigne) qui est absent mais à confié à sa compagne (Jordana) le soin de l'accueillir, et les voilà tous deux qui sympathisent, et commencent à se raconter leurs histoires sentimentales, qui son bonheur, qui son malheur. Et la ronde démarre. L'un commence à raconter, l'autre suit et raconte, ce qui nous offre l'occasion de suivre l'histoire de chacun et celle aussi des deux (car bien sûr il est question de sentiments, et de circulation du désir). L'histoire dans l'histoire (et parfois même dans l'histoire de dans l'histoire...)
Entre ce qu'on sent, ce qu'on pressent, et ce qu'on n'avait pas du tout vu venir, le spectateur est tout entier à son bonheur de spectateur.
C'est... jubilatoire. C'est drôle, émouvant, raffiné, sentimental, pudique, effronté, et ce fut pour moi un plaisir de chaque instant

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avec un petit côté rohmérien (entre contes pas tout à fait moraux, mais presque pas encore tout à fait immoraux)

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mais non qu'allez-vous donc vous imaginer tss tss tout ici est très hétéronormé, (mais ça ne me dérange absolument pas) : les filles aiment les garçons, et les garçons aiment les filles, et, même moi, avec la meilleure volonté du monde, n'ai pas réussi à y dégotter le plus riquiqui SSTG (à part peut-être, lorsque Guigui Gouix, en kimono, vient poser sa tête sur l'épaule compréhensive de Nielsounet, en plein questionnement amoureux, mais c'est vraiment fugace...)
Bref un très grand bonheur de cinéma
(top 10 sans doute)

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23 septembre 2020

la pianiste

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ÉNORME
de Sophie Letourneur

Letourneur ça rime avec esprit frondeur, et, jusqu'ici j'avais plutôt aimé les travaux de la dame.
Mais là, arghhhhh! (râle de désespoir) ça ne m'a pas plu. Mais alors, pas plu pas plu. Je l'ai vu juste après La daronne, pensant que celui-ci serait encore plus drôle (le film est présenté partout comme une réjouissante comédie) eh bien pas du tout. Du tout du tout.
Et je l'ai senti dès le démarrage, dès la première scène, où, déjà, tout est en place, tout est joué (c'est triste, mais ça restera comme ça juste à la fin) Marina Foïs joue une pianiste virtuose, et Jonathan Coen son mari, impresario, attaché de presse, directeur de cabinet, décontractant sexuel, intendant en chef, etc. Il fait tout. Et lorsque l'employée de l'hôtel (ou qui que ce soit d'autre) s'adresse à la pianiste, c'est lui qui répond. La pauvre pianiste (qui est tout de même censée être une pianiste de génie) est présentée comme une petite chose grisâtre et rabougrie, presque autiste, sans autre envie dans la vie que jouer du piano et basta.
Et voilà que le mari a soudain envie d'un bébé (on repense à Marcello Mastroianni et à L'événement le plus important...) et va tout mettre en oeuvre (avec les conseils de sa mère) pour que sa femme tombe enceinte.
Le début était agaçant (j'avais pourtant adoré Jonathan Cohen dans Terrible jungle, mais là il est beaucoup moins intéressant, parce que beaucoup plus en roue libre) mais la suite -la grossesse- va l'être bien plus encore. (J'ai même envisagé à un moment de quitter la salle tellement ça m'agaçait...) Le film reste sur son parti-pris de départ (elle derrière et lui devant) et réitère le même fonctionnement dans  les mêmes scènes, avec la gynéco, avec l'infirmière, avec la dame qui donne les cours d'accouchement etc (c'est toujours lui qui parle à la place de sa femme, ok on a compris, hein, c'est bon) et ça devient de plus en plus pesant. (Comédie ah bon ? Je n'ai pas ri du tout.)
Lorsque le ventre de Marina Foïs devient vraiment énorme, comme il est dit sur l'affiche, le film en devient même quasiment déplaisant, et de filmer un accouchement quasiment "en réel" ne va pas le rendre plus attachant, loin de là...
Peut-être que c'est simplement le sujet qui m'en est très étranger. En tout cas, je préférais Sophie Letourneur avant.

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ps : il y a juste un scène que j'adore, une seule, dans la cuisine, le soir, quand Jonathan Cohen revient et que sa femme lui annonce qu'elle a fumé, qu'elle a bu et qu'elle a mangé du fromage, et qu'il se met à lui hurler dessus avec une voix aigue en répétant que le fromage "c'est du poison!"

22 septembre 2020

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(je me souviens de Michael Lonsdale)

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je me souviens que j'avais été insupportable à la projection d'India Song, au Centre St Pierre, tellement le film m'avait agacé / je me souviens du terrible "Donnant donnant..." prononcé par Bertrand Hanes-Pearson dans Les Jeux de la Comtesse Dolingen de Gratz / Je me souviens de la voix de Michael Lonsdale disant "Robert..." dans Monsieur Klein / je me souviens que dans Le fantôme de la liberté Michael Lonsdale se fait fouetter cul-nu avec un pantalon spécialement taillé pour ça / je me souviens que dans Maestro il joue grosso-modo le rôle d'Eric Rohmer / je me souviens que Michael Lonsdale fait une apparition avec Max von Sidow dans Les premiers et les derniers de Bouli Lanners / je me souviens que je l'avais trouvé très touchant dans Des hommes et des dieux, où Xavier Beauvois changeait vraiment de style / je me souviens que je n'ai pas eu envie de voir Moonraker, ni Une sale histoire /

LES JEUX DE LA COMTESSE DOLINGEN DE GRATZ

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les hasards de la programmation font que, dans notre prochain Mois du Doc, nous avons programmé Dieu sait quoi, (qui n'est pas du tout un truc catho mais parle de Francis Ponge) de Jean-Daniel Pollet, où c'est la voix de Michael Lonsdale qu'on entend (et que, donc, je ne peux que vous recommander, à partir du mercredi 18 novembre)

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20 septembre 2020

sis'

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L'ENVOLÉE
de Eva Riley

Au début, on pense à Ken Loach bien sûr (avec un chouïa du Stephen Frears des débuts) prolos anglais, familles dysfonctionnelles, pères immatures et largués, combines pour s'en sortir, puis on pense davantage à Andrea Arnold (et son vigoureux Fishtank, portrait au cutter d'une adote révoltée), puisqu'il est ici, avant tout, question de Leigh, jeune fille en révolte, elle aussi, à qui Eva Riley, la réalisatrice,  consacre un tout aussi vigoureux portrait, dans un premier film emballant.
Au début, je l'avoue, je m'apprêtais à ronchonouiller du style "encore une kenloacherie... je vais encore m'apitoyer et sans doute pleurer un peu à la fin...". La situation de départ prête à l'amalgame : Leigh une adolescente qui pratique la gym dans une équipe où elle a été admise parce que la coach l'a à la bonne, est donc mal intégrée par rapport aux autres girls, n'a pas l'argent nécessaire pour payer son inscription à un concours prochain (50 livres) et qui, lorsqu'elle rentre à la maison pour les demander à son père (au chomedu), non seulement celui-ci est en train de s'envoyer en l'air avec une nana, mais, en plus, lui répond qu'il n'a pas un rond et ne peut rien lui donner... Leigh s'en va en claquant la porte.
Et voilà que débarque à la maison un ado, britonnissime (un blond à la peau laiteuse et à l'accent marqué) qui lui dit être son frère, et venir s'installer quelques temps à la maison parce qu'il a été viré de chez sa mère. Leigh a du mal au départ à accepter ce demi-frère, qui empiète sur son territoire, et, au début, les relations vont être tendues (elle lui a quand même piqué les 50£ nécessaires pour son inscription).
Le jeunot en question, à peine plus âgé qu'elle, traficote dans une bande où il pique des mobs pour le compte du chef... Leigh va découvrir cet univers, "pour le meilleur et pour le pire", et tenter d'y faire sa place... de la trouver aussi, entre la terre et l'air. La pesanteur et la grâce. Les certitudes et les suppositions. C'est très british, les relations entre les membres de cette famille dysfonctionnelle ne sont pas faciles, nitroglycérine, ça menace à tout moment, ça démarre au quart de tour, ça s'engueule souvent, ça part faire la gueule dans un coin, ça revient mine de rien pour se réconcilier (le papa n'est pas plus mature que ses enfants, au contraire, ce qui complique encore les choses...)
Mais l'élément central du film est bien la jeune Leigh (et la jeune actrice qui l'interprète mérite tous les éloges...) et la façon dont on va la voir  "grandir". Le moment un peu étrange et indistinct où finit l'enfance. Le contraste entre la jeune personne hérissée  contre tout (au quotidien) et la gymnaste qui livre une performance impressionnante (le Perfect 10 du titre original), la chrysalide et le papillon, tout ça, ok on a déjà vu mais c'est ici extrêmement bien mis en place et en scène... Et ça n'est pas si fréquent, cette relation qui se (dé) noue mine de rien entre frérot et soeurette...
Avant d'avoir vu le film, j'avais copié /collé pour notre prog la fin de la critique de Libé, que je trouve encore plus juste et que je me permets donc de re-citer :
"On aura beau avoir vu cent dix fois ce plan "à faire" de jeunesse sur deux roues, cheveux au vent, regards au ciel, sourire naissant ivre de vitesse et de sentir son corps collé à l’autre, il arrive qu’à la cent onzième fois, ça passe autrement qu’un cliché navrant. Grâce à ce qui advient avant, après, autour, l’Envolée se situe loin de la mignardise vériste, dans la mesure où sa cinéaste sait qu’adopter le point de vue d’une enfant, c’est savoir se cabrer, rester dure et faire front, contre l’insignifiant réel et tout ce qui nous retient d’y danser. "

 

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17 septembre 2020

la dame qui aboie

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L'INFIRMIERE
de Kôji Fukada

Un film japonais très japonais, avec les courbettes de rigueur les moshi moshi, les sumimasen et les arigato, le sens de l'honneur, de la famille, des conventions, le poids  du regard des autres, des médias, du qu'en-dira-t-on (et tout le malaise que ça peut générer...)
Une mise en route du récit plutôt dense, où le spectateur (moi en l'occurence) se doit d'être très attentif pour identifier, d'abord, puis reconnaître, les différents personnages féminins et leurs places respectives (et leurs liens) dans cette histoire (il y en avait une qui me posait problème, la "dame qui aboie" mais Emma vient juste de m'expliquer que c'était juste un problème de temporalité, et que c'est bien la même que celle à laquelle je pensais -je ne vais pas vous mâcher tout le boulot, hein non mais ho).
Ichiko est l'infirmière du titre, et sa vie va complètement basculer, à cause d'un évènement avec lequel elle n'a finalement que peu de choses à voir : l'adolescente qui a été enlevée et séquestrée se trouve être la cadette de la famille chez qui Ichiko travaille au chevet de la grand-mère, et le kidnappeur va s'avérer être le neveu d'Ichiko... Et Ichiko n'a pas pensé à informer la mère de la jeune fille enlevée, et que les médias s'emballent à cause d'une indiscrétion de la soeur aînée de la jeune fille enlevée, qui est amoureuse de l'infirmière sans que ses sentiments soient réciproques...
Et voilà comment pour un (presque) rien, une vie peut basculer et complètement se désagréger. Ouch!
Nous avons déjà programmé deux films du réalisateur (qui, aux dernières nouvelles, devrait avoir l'honneur (faire l'objet) d'une rétrospective au prochain ficââââ -sous réserve que celui-ci puisse avoir lieu, bien entendu-), Harmonium (janvier 2017) et Sayonara (mai 2017, cet homme est prolifique), qui, eux aussi étaient tout aussi empreints de cette japonitude que de cette force (tranquille) malaisante...
Un film puissant, qui vous laisse à la fin comme un arrière-goût un peu amer. Impressionnant, incontestablement, et tout autant réussi.

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16 septembre 2020

chamonix orange

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LA DARONNE
de Jean-Paul Salomé

Jean-Paul Salomé est un réalisateur dont j'ai vu un seul film (Je fais le mort) et dont je n'ai pas eu l'envie (ou l'occasion) de voir les autres,  (Arsène Lupin, Belphégor) c'est comme ça. Un réalisateur, comme dirait mon ami Philou, sur lequel je n'ai aucune opinion. On peut l'étiqueter comme réalisateur de films "grand public", ce qui fait de La Daronne un film... questionnant. Et donc intéressant. D'autant plus que déséquilibré : d'un côté "la " Huppert (que je continue d'aimer contres vents et marées), je devrais d'ailleurs plutôt dire "au centre", tant elle est le pivot de l'histoire, et de l'autre, tout le reste. Et elle parvient sans peine à faire contrepoids, à elle toute seule (alors qu'elle est toujours gaulée comme une crevette ou une brindille, au choix...) Elle règne, sur l'histoire, sur les autres personnages, probablement aussi sur le réalisateur, bref sur le film tout entier.
Et comme c'est une comédie, elle se lâche, sans en faire des caisses, mais parfois c'est vrai juste à la lisière du surjeu. a la lisière (àla légère chantait Birkin), pas besoin de plus. Le look qu'elle a sur l'affiche (et donc, dans le film) est une des raisons qui m'a (m'ont ?) donné envie d'y aller (allez savoir pourquoi, justement, la toute première fois que j'ai vu l'affiche en question, -il y a assez très longtemps d'ailleurs, le film devait sortir initialement mi-mars je crois- j'ai cru que c'était l'autre Isabelle, la copine Adjani qui s'y collait -qu'on a bien plus souvent l'habitude de voir avec des lunettes de soleil format roues de brouette-, mais non c'était bien elle, cette très chère Isabelle H.)

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(elle est magnifique, non ?)


Le film est l'adaptation de La daronne, de Hannelore Cayre, que je n'ai toujours pas lu, malgré les critiques élogieuses, notamment de mon blog polar préféré (des nouvelles du noir, là).
L'histoire d'une veuve à petits revenus, employée par la police comme interprète (elle est bilingue franco-arabe) pour traduire les conversations de, principalement, ceux qui dealent et qui trafiquent (les rebeus, donc, ne refaisons pas le monde). Elle contribue à leurs arrestations, avec le minimum d'états d'âme requis, beaucoup plus investie qu'elle est dans le bouclage de son budget mensuel (notamment le règlement mensuel de l'EHPAD où a été "accueillie" sa mère -Liliane Rovère, qu'on a toujours autant de plaisir à retrouver...-).
Jusqu'au jour où un enchaînement de circonstances (et un franchissement de ligne blanche éthique, mais visiblement pas trop difficile à effectuer pour elle) va la mettre en possession d'une quantité énorme de shit, qu'elle va s'employer à écouler aussi vite qu'elle le peut (mais il y en a vraiment beaucoup hein), en utilisant sa connaissance de la langue arabe, et des réseaux de ceux qui la pratiquent. La voilà devenue La Daronne, poursuivie par la police (et notamment le commissaire de la brigade où elle bosse -joué par le toujours bien Hyppolite Girardot- qui la pousuit même deux fois : une en tant que Daronne (mais sans savoir que c'est elle) et l'autre en tant que Patience, qu'il poursuit, là, de ses assiduités...) mais aussi les gros méchants trafiquants, investissant (comme s'il s'agissait d'un cours de sophrologie ou de macramé) le créneau du petit grand banditisme "de proximité" en caftan haute-couture  et foulard léopard -et lunettes fumées-, elle va se frotter d'abord aux petits dealers, Scotch et Chocapic (une paire d'adorables idiots, Laurel et Hardy beurs avec toute la panoplie sape et tchatche) , pour écouler la marchandise, mais aussi -et plus brutalement- aux grands méchants vénères et brutaux -ceux qu'elle a, par la force des choses, dépouillés, et qui entendent bien récupérer "leur" bien-,  et, bien sûr, plus le film avance et plus l'étau se resserre autour de notre Daronne adorée, et plus les menaces diverses se rapprochent et se précisent.
Mais on est dans un dispositif narratif équilibré -comme une glace à deux boules (50% polar et 50% comédie)-, les flics se comportent en flics, enquêtes poursuites filatures et tout le tralala (c'est patience qui assure les écoutes) mais on sait d'avance que ça va se terminer en Caramba! Encore raté! à chaque fois, et c'est agréable, cette forme de polar qui ricane plutôt que de rouler des mécaniques, et la fantaisie l'emporte sur le pathos, bien sûr. Et le film fonctionne, incontestablement (grâce à Huppert bien sûr, mais il yne faudrait pas oublier madame Fo, la logeuse chinoise de l'immeuble, en même temps très philosophe ("Parler ne fait pas cuire le riz...") et très... pragmatique (notamment sur les techniques de blanchiment de l'argent de la drogue, et, par exemple, de l'opportunité ou pas d'appeler la police ("Il ne viennent jamais...")), et, enfin, ADN, un chien de la Brigade des Stups, prématurément mis à la retraite, à qui Patience va permettre de reprendre du service... (et qui va l'aider à faire ses petites affaires...
Le polar et la comédie vont leur cours, on se laisse aller dans le fauteuil, ça va bon train, c'est bon enfant, et voilà-t-y pas que même on nous rajoute un chouïa de constat social (la mère du jeune dealer qui a perdu sa cargaison de shit est aussi l'infirmière qui bichonne la maman de patience à l'EHPAD, voyez-vous ça...)
Bref un film plus que plaisant, mais qui, avec un réalisateur plus... couillu aurait pu être encore plus fort... (et nous ravir bien davantage)

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 ps : (juste pour le plaisir) le film est produit par Les films de la greluche...

 

9 septembre 2020

expulsion(s)

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POLICE
d'Anne Fontaine

Cas d'école. Pendant le film, tout va bien, c'est plutôt bien goupillé, j'aime bien cette idée de nous faire revoir la (les) même(s) scène(s) sous tous les angles, Efira, Gadebois, Sy en flics, un trio qui peut sembler surprenant sur le papier mais qui fonctionne à l'écran (même si la romance Sy/Efira semble plaquée un peu artificiellement), les scènes s'enchaînent, le timing fonctionne, on est tendu quand il faut, énervé quand il faut, souffle coupé quand il faut, on verse même presque une petite larmichette, et quand on arrive au bout, que les lumières se rallument (même pas trop tôt, pour une fois), bref, on est un spectateur content, qui vient de passer une bonne heure quarante de sa vie de spectateur... Bon, tout n'est pas parfait, hein, il y a des facilités, des maladresses, voire des invraisemblances, et puis les choix musicaux semblent un chouïa too much, mais bon on sort la tête légère et d'assez bonne humeur, on en a eu pour ses sous (de spectateur) ...
Et voilà que, sitôt dans le hall, on se retrouve comme dans les aventures de Tintin, avec un ange sur l'épaule droite et un diablotin sur la gauche. L'ange, encore sous le charme, continue de passer de la pommade (c'était vraiment bien, hein ?) mais le diablotin,  pas dupe, le zyeute avec ses petits yeux rouges, et commence à donner des coups de fourche en ricanant (mon pauvre mais tu t'es fait rouler dans la farine, manipuler dans les grandes dimensions...), et on se sent soudain un peu perplexe, spectateur le cul entre deux sièges, l'ange met du baume et lance des pétales, et le diablounet lance du poivre dans les yeux, greville avec sa fourchette, et vous souffle à nouveau au creux de l'oreille, en vous re-piquant,  que oui vous vous êtes fait ma-ni-pu-ler... Ah bon ?
Ah mais non rétorque le chérubin, pas du tout, c'est un film qu'il faut percevoir et accepter dans sa dualité (il y a deux parties nettement marquées : avant la nuit et pendant la nuit, avec même une coda, tiens, après la nuit, mais ce n'est pas de ça que cause l'angelot : il veut parler du grand écart entre film populaire et film d'auteur) dualité mon cul persifle encore le mini méphisto en fourchicotant encore un peu, et en rajoutant que s'il y a bien deux parties la réalisatrice s'est aussi complètement vautrée dans l'une (Martine flic) que dans l'autre (Martine a un cas de conscience), ce à quoi le white angel, perdant son angélique patience, fait pffff! n'importe quoi! en haussant les épaules et en se retournant pour ne plus le voir...
Voilà, on n'est pas plus avancé, on est quand même assez d'accord avec l'un comme avec l'autre... comment trancher ?
Pour se faire une idée plus précise, on va alors sur allocin*che voir les critiques des spectateurs (c'est un test imparable) : sur les 86 critiques (à l'heure où ces lignes sont écrites) il y a 6 ***** et 20 zéro étoile... trois fois plus de trolls (qui d'ailleurs en majorité dézinguent plutôt Omar Sy que le film lui-même...) Y a pas à tortiller, je suis spontanément toujours du côté du faible et de l'opprimé et je vais donc le défendre, et donc tendre la main à mon angelot en lui donnant raison, et balancer l'autre d'une pichenette.
Les choses ne sont pas si simples, bien sûr. Anne Fontaine (dont certains critiques ont écrit -à raison- qu'elle a une carrière en dents de scie) serait plutôt ici sur une pointe que dans un creux : un film impressionnant, des acteurs (quoiqu'en pensent les trolls) qui assurent (même si les deux sur l'affiche -Efira et Sy- ne se reconnaissent pas immédiatement, et le troisième (Gadebois) ne se ressemble pas tout à fait -dans le film-), des parti-pris culottés (le début multi-angles, le huis-clos dans la bagnole, le choix d'intégrer un personnage opaque (qui ne parle pas - enfin, que personne ne comprend-), un angle d'attaque intéressant (les flics -et fliquettes- dans leur vie privée sont aussi malheureux que vous et moi, bon, Ladj Ly l'a fait il n'y a pas si longtemp dans Les Misérables, hein), mais la réalisatrice se trompe en en rajoutant dans le pathos (l'avortement) et la bluette (la roucoulade Omar et Virginie).
Avec la question du quatrième personnage (présenté en tant que tel dans le film, il a droit comme les trois autres a son prénom en grand, Tohirov) un beau ténébreux (interprété par Payman Maadi, découvert -avec barbe- chez Ashgar Farhadi dans A propos d'Elly (2009) et Une Séparation (2011), merci Imdb, je me disais bien que son visage me disait quelque chose...) qui n'est, finalement, qu'un Macguffin hitchcockien : un élément exotique, extérieur, mystérieux, (il est tadjikh) dont on ne comprendra jamais hélas ce qu'il était vraiment et ce qu'il voulait dire (à quoi bon alors le faire parler ?) mais qui permet au scénario (au film) d'exister (sans lui on perdrait 50% de l'intérêt que présente l'histoire...).
Un bon film, puissant quand il est noir et dolent quand il est rose, qu'en fin de compte j'aurais envie de revoir (ce qui est plutôt bon signe!)

Pourquoi j'ai donné ce titre à ce post ? Parce que, très intelligemment, Anne Fontaine joue sur les trois significations proposées par notre cher Larousse:

Expulsion :

1. Mesure administrative obligeant un étranger en situation irrégulière, ou dont la présence peut constituer une menace pour l'ordre public, à quitter le territoire national.

2. Action et procédure qui ont pour but de libérer des locaux d'un occupant sans droit ni titre ou ayant perdu tout droit à se maintenir dans les lieux.

3. Évacuation par les voies naturelles d'un élément contenu dans le corps.

(cqfd)

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noir

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... et rose (Quand Omar rencontre Virginie)

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Le quatrième homme (Tohirov)

8 septembre 2020

chapka

078
LA FEMME DES STEPPES, LE FLIC ET L'OEUF
de Quanan Wang

Waouh! Champagne! On était 10 dans la salle 1 à la séance dite "de vieux" de 13h40 (et j'étais entre Emma, Catherine, et Marie, qui avait pris un siège de distance). Le film est mongol, et démarre avec splendeur magnificence et somptuosité, paysages horizontaux, lumière sublime (le chef-op' est français, Aymerick Pilarski), cadrages admirables, c'est somptueux (toutes les scènes en extérieur sont à tomber). J'adore toute la première moitié : un jeune flic (18 ans) a été chargé par ses supérieurs de veiller sur le cadavre d'une femme assassinée au milieu de nulle part, et c'est une bergère (à dos de chameau), seul être vivant à 100 km à la ronde qui a été chargée par les mêmes -désinvoltes- supérieurs de veiller sur lui, et va le prendre en charge pour lui éviter de mourir de froid et, accessoirement, le faire devenir un homme (pendant la même nuit il va découvrir les clopes, l'alcool, et le sexe, pensez!).
Puis le film va s'attacher aux pas de la bergère (jouée par Dulamjav Enkhtaivan, une vraie bergère mongole!) et de ce qu'est sa vie (et devenir -en ce qui me concerne- beaucoup plus documentaire et un (petit) peu moins passionnant), tandis que les copines qui m'avaient accompagné étaient, elles, ravies...
Vivre là-bas ne doit pas être facile tous les jours (on l'avait déjà réalisé il y a pas mal d'années déjà (1991) avec le splendide Urga de Mikhalkov, qui nous en donnait la version soviétique, tandis que Quanan Wang - qui avait déjà tourné en Mongolie Le Mariage de Tuya (2007) nous en donne ici sa version... chinoise). Finalement, il n'y a qu'en pleine nature qu'on est bien (et encore, la nuit parfois il y a des loups...), dès qu'on retourne à la civilisation, les choses se compliquent.
La façon dont les flics mongols est particulièrement savoureuse (et désespérante, la corruption et le jemenfoutisme règnent, mais c'est une constante des films asiatiques...).
Un film simple et juste qui parle d'amour(s) (ici ou là-bas, le modus operandi reste le même, seul le costume change... Un homme qui a "une idée derrière la tête" offrira une pomme, puis une deuxième (soyons fou, ne regardons pas à la dépense) à sa dulcinée pour parvenir à ses fins (ah la duplicité désirante des hommes...) et il y parviendra d'ailleurs...
Le jeune petit flic du début aura un peu grandi à la fin, c'est normal, et continuémmencé à apprendre un peu de la vie (un train qui part, un amour disparaît mais bon d'autres suivront, il a toute la vie devant lui...), la bergère aura un nouvel oeuf (de dinosaure), et d'autres suivront, on lui fait confiance...
Les lumières au crépuscule seront toujours aussi magnifiques, les flics aussi pourris, les vélages aussi impressionnants, bref, la vie continuera... en Mongolie comme ailleurs (et si nous avions été au ficâââ j'aurais redit en m'extasiant une dernière fois que oui, vraiment, les paysages etaient mêêêêrveilleux...)

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l'affiche française est moins forte

Öndög-1

que les affiches

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étrangères...

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