"anthropophages..."
SINGULARITES ORDINAIRES
par le GdRA
Honnêtement, à la lecture du résumé, je ne sais pas si j'aurais fait l'effort de me laisser tenter. Quand il s'est avéré que c'était Adèle, la fille de mon ami Pépin, qui "avait fait les lumières", il est devenu inenvisageable de le rater...
Le résultat est un spectacle extrêmement réussi, peut-être plus labellisé "performance" que "théâtre", et qui risque donc de décevoir les amateurs purzédurs (de théââtre, je voulais dire). Sur le papier, donc, trois études de cas (personnages plus ou moins atypiques (un berger musicien, une danseuse qui préfère la barre verticale et une "mulâtre" égérie d'un bistrot marseillais), singuliers en tout cas. Et sur scène, (plateau nu) trois gaillards : un longiligne aux oreilles décollées, un petit trapu baraqué, et un grand barbu bouclé, qui vont intervenir chacun dans sa spécialité , soit, respectivement, le hâbleur, le danseur, et le musicien, pour nous parler, à leur façon, de chacun des trois personnages, d'abord successivement, puis simultanément, dans une création en cinq parties (la cinquième, en forme de coda, justifiera l'eistence du losange rouge -après le triangle rose ? - que chacun des trois acteurs porte sur son vêtement.)
Sur le papier, il était question de sociologie, et d'anthropologie (ce que pratique d'ailleurs leen forme de coda n'étant que le matérialisation, l'hommage, de l'oeil extérieur qui est à l'origine d'une certaine partie de ce tout créateur de la troupe, qui est musicien anthropologue) mais il s'agit surtout, et fondamentalement, de regards, ou plutôt, justement (coucou, Adèle, tu vois on y revient!) d'éclairage / d'éclairages : plutôt parler des autres en parlant de soi, ou parler de soi en parlant des autres ?
Et le titre de cette catégorie ("pluricul/multimed") est ici exactement et parfaitement mérité : vidéo, musique, voix, danse, acrobatie, graphisme, poésie sonore, tout est bon à ces trois gaillards pour nous accrocher, nous étonner, et nous conquérir.
J'en connais qui souriront, de ne pas me sentir ainsi complètement objectif, à chroniquer un spectacle créé/joué par trois hommes, qui ont visiblement établi entre eux des liens (d'affect / de complicité) forts, et qui plus est physiquement plus qu'agréables à regarder / à écouter (chacun d'eux a son charme, indéniable), et qui, re-plus est, évoquant la différence, et matérialisant par ailleurs l'affect en question , notamment dans un duo extrêmement touchant - qui débute d'ailleurs par une étreinte- (où l'un est la ballerine et l'autre Merce Cunningham, sans qu'à aucun moment cela n'apparaisse ni grotesque ni déplacé ni quoi que ce soit de négatif.)
J'ai particulièrement aimé ces prises de parole, au nom de quelqu'un d'autre, chacun des trois à son tour prenant / donnant la parole à un des personnages, le jouant ainsi, mais a minima, et rendant encore plus forte cette simplicité. Les mots (le discours) n'étant qu'un des axes envisagés, le corps (la gestuelle le mouvement l'acrobatie) et le son (la musique la voix le chant) en constituant les autres.
On joue, ils jouent, sans cesse de ces interactions, et le travail d'Adèle à la lumière organise tout cela en une belle cohérence narrative et plastique. Chacune des parties a sa tonalité chromatique propre, mais pas que. Les effets, même s'ils sont discrets, sont toujours signifiants. Je suis toujours émerveillé par la façon dont les lumières réussissent, d'un rien en apparence, à transcender les choses. il y a quelque chose de magique là-dedans...
Une expérience sensorielle multiple et riche, donc, chaudement recommandée. Elle est annoncée comme la première partie d'une trilogie, les deux autres étant NOUR et Sujet.
A suivre ?