INLAND
de Tariq Teguia
Une aventure. Un genre de road-movie mental. Aussi géographique que cinématographique. Poussant jusqu'à l'extrême, jusqu'à l'incandescence, l'issue de son récit. Jusqu'au fondu au blanc, l'instant ultime où l'écran devient aussi vide (di'image) qu'il est plein (de lumière). Avec Rome plutôt que vous, son premier film, Tariq Teguia m'avait déjà beaucoup impressionné (je l'avais d'ailleurs mis dans les préférés de l'année).
Il a préféré battre le fer (et la campagne ?) et nous livre donc, plutôt rapidement (?),comme en urgence, ce deuxième film où il continue de creuser le sillon qu'il avait commencer à tracer.
Ce film-ci procède par chocs, thermiques, chromatiques, ou narratifs. Après un générique d'une extrème élégance formelle (image floue, lumière instable, calligraphie sobrissime -on ne vantera jamais assez les mérites des petites polices-) le réalisateur commence à poser sous nos yeux des fragments narratifs qui se heurtent au premier abord plus qu'ils ne se complètent. C'est un trajet à plusieurs voix, une conversation à plusieurs voies qu'il nous livre là, sans nous en donner les clés ni le mode d'emploi détaillé. Il s'agit en même temps d'histoire (celle d'un pays, entre autres, l'Algérie) et de géographie (celle d'un pays, entre autres, l'Algérie) et, à la fin du film, on se sent comme le héros qui, à un ami qui lui demande incrédule "Mais comment tu as fait pour arriver jusqu'ici ?" répond (je cite de mémoire ) "Je n'étais qu'à moitié là..."
(Il faudrait que je revoie le film d'ailleurs. A ma grande honte, j'avoue que j'y ai un peu dormi. J'y suis allé ce soir là parce qu'il ne passait que deux fois et l'autre soir je ne pouvais pas, et bien qu'en état de fatigue findetrimestrielle j'ai essayé de tenir mais mes yeux m'ont (lâchement) lâché et oui j'ai piqué du nez, plusieurs fois je le confesse et ça m'a m'a, rétrospectivement, mis en rage mais vous savez ce que c'est on ne peut pas lutter, la seule solution serait de se lever pour sortir de la salle mais on n'en est même pas capable, que le sommeil est traître! Mais ce qui me console, car j'avoue à la sortie j'étais un peu perdu, c'est que mon ami Hervé, qui lui n'avait pas fermé l'oeil, se posait néanmoins tout autant de questions que moi...)
Il est donc question de repérages (le personnage principal effectue des relevés topographiques) et de déplacements -plusieurs moyens de locomotion seront employés- (aller vers quelque chose, fuir autre chose, retourner vers), il est question de parole (prise de, absence de, celle donnée et celle tue), et il est question de violence (le pouvoir, la révolte, les émeutes, la répression), voilà pour quelques-uns des murs porteurs (des lignes de fuite) du (des) film(s) de Tariq Teguia. La narration est fractionnée, fragmentée, explosée presque pourrait-on dire pour rester dans la métaphore violente et l'abord en est relativement malaisé si l'on veut absolument faire oeuvre de logique et de rationalité (et vouloir à toute force raccrocher tous les morceaux), car le moins qu'on puisse dire est que ça ne tombe pas forcément sous le sens. Y a des morceaux qui résistent (et quand il ya de la résistance quelque part, c'est plutôt bon signe, non ? ça veut dire que le film en question ne risque pas d'être frappé d'alignement, par exemple.)
Tariq Teguia est indiscutablement un cinéaste. Un vrai, un pur et dur. Un qui cherche et qui ose, qui retourne le machin dans tous les sens et le secoue pour voir quel bruit ça faitun qui essaie, qui expérimente, qui préfère mettre les choses en place plutôt que de se creuser la tête à dire "et si on faisait..." Expérimentation, expérimental, j'avoue que ce sont des mots qui m'ont trotté dans la tête pendant la projection. Surtout quand je vois un mec qui aime autant (que moi) filmer à travers les vitres d'une bagnole en mouvement (c'est p't'être prétentieux, mais j'avais envie de lui dire "copain!") Déjà, c'était la fin de Rome plutôt que vous...