TRUE GRIT
de Joel & Ethan Coen
Alors ? Grande forme ? Fatigue ? Petite forme ? Important ? Mineur ? Majeur (en l'air) ? Les avis divergeaient tellement qu'il n'y avait qu'une solution, y aller pour se faire son opinion (et en VO bien évidemment)
Eh bien (j'en sors) j'ai trouvé ça très bien, et j'aurais du mal, comme ça, à chaud à lui trouver immédiatement une place dans ma filmo Coenienne. Je les aime quasiment tous (certains, bien sur, un peu plus que d'autres...) et celui-là c'est indéniable, je l'aime aussi.
En tant qu'exercice de style, certes, car je n'ai jamais eu pour le western en tant que tel une grande attirance, tant le genre est codifié à l'extrême et la plupart du temps sans grande surprise. le gentil / le méchant, les cow-boys / les indiens, le duel / le saloon, on a tous vu et revu ça les dimanches après-midi (ou soir) en noir et blanc sur la première chaîne, et ce n'est que bien bien plus tard que j'ai commencé -perversement- à en apprécier le sous-texte gay, qui offre certes beaucoup plus de réjouissances à la vision de la chose.
Des tentatives isolées, comme le Silverado de Lawrence Kasdan (où Kevin Kine, entre autres, m'avait fantasmatiquement ému), ou le splendide Dead Man de Jim Jarmusch, m'étaient apparues comme de plus qu'agréables dépoussiérages (ou, plus justement, rempoussiérages) du motif (rétablissant la crasse, la sueur et autres viriles joyeusetés qu'Hollywood avait consciencieusement gommées, nous livrant en général des cow-boys propres sur eux et sentant bon le savon. Aseptisés. ) On était loin des JohnWayneries (ou même des Leoneries, les westerns dit "spaghetti" ne m'ayant jamais intéressé).
Les western exaltaient les valeurs viriles, mais racontaient, au fond, (ou "chuchotaient en douce") d'indicibles amours entre hommes. Et ce fut peut-être pour ça que Brokeback mountain me combla (enfin un vrai western, comme je l'entendais!) Mais je me souviens d'avoir, un peu plus tard, aussi énormément aimé L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, qui n'était pas spécialement gay (mais dont un des acteurs me faisait baver, dont j'ai oublié le nom, fugaces amours de jeunesse...)
Enfin, bref (?) (cette introduction fut plutôt longue!) le dernier film des Coen est un western, remake d'un film du même nom en 1963, avec John Wayne justement, qui a l'avantage de n'avoir laissé aucun souvenir. Pourquoi décider de reproduire ce qui fut oubliable ? Parce qu'on en a envie, pardi, parce qu'on s'appelle Joel et Ethan Coen, et parce que ça va faire glousser tout le monde, en roulant les yeux au ciel.
Il y a une voix-off, celle d'une fille (d'hab', le western est plutôt viril, les gonzesses c'est fait pour y chanter dans les saloons, séduire vipérinement le héros, être roulées dans la poussière ou jetées cavalièrement en travers du cheval pour être sadisées par tout le camp indien) qui raconte que son père a été lâchement assassiné par un homme qui a pris la fuite, et qu'elle va rechercher pour lui rendre justice (à son père). en compagnie d'un marshall borgne et alcoolique, et bavard (Jeff Bridges, dont toute la critique encense tellement la performance que les pages des journaux en fument) et d'un texas ranger moustachu et éperonné (Matt Damon, plus que parfait dans un rôle de benêt taiseux, qui mériterait au moins autant d'éloges que le précédent). Aventures, péripéties, embuscades, pendu, indien taciturne, balles perdues, chevauchées fantastiques, whisky, feu de camp, serpents à sonnettes, rien ne manque -à part, peut-être, les buissons qui roulent, mais peut-être n'est-ce pas la bonne région pour ça ? je me perds un peu dans les états américains- jusqu'à la rencontre (fortuite ? tiens, justement où ils avaient perdu la trace, ça tombe bien quand même, hein ?) du méchant (Josh Brolin, beaucoup plus sale et barbu que dans le dernier Woody Allen, mais avec la chemise beaucoup moins ouverte aussi, il faut faire des choix...). Et la -moyennement heureuse- happy-end, vingt-cinq ans plus tard.
Si le travail sur l'image est parfait ou quasiment (on a tiqué, avec hervé, sur la même chène de chevauchée qui semblait appliquée et un peu maladroite), celui sur le son ne l'est pas moins. Il faut voir le film en VOI, pour apprécier les voix incroyables de Bridges et Damon. Et, à la musique, on retrouve l'abitué(l) Carter Burwell.
On en a pour ses sous, comme dirait un auvergnat de mes amis. Le cahier des charges westerniensest respecté scrupuleusement, la reconstitution est parfaite, on est captivé (j'avais écrit capturé) d'un bout à l'autre, on détourne même les yeux devant certaines cruautés sanglantes (doigts coupés, tête qui fait sprountch! contre un rocher) on rit, on sourit (les dialogues sont, comme d'hab', aussi aiguisés que percutants) bref, on est comme un gamin qui regarde Zorro, en noir et blanc, un jeudi après-midi, sur sa télé.
L'improbable équipée de cette gamine de quatorze ans (assez chiante et têtue pour mériter des gifles) avec ces deux loulous mérite sans conteste le détour. On en reparlera dans quelques mois pour voir ce qu'il en reste, mais en tout cas ce fut un beau moment.