Je suis indécis. C'est indéniable.
A l'issue d'un film dont je ne savais trop que penser, la nuit étant encore jeune, la route noire, ma voiture fraîchement vidangée et repneutée de neuf, voilà-t-y pas qu'en rentrant, au lieu de prendre à gauche au rond-point pour rentrer at home, j'ai soudain (à moins que ce ne soit ma voiture toute seule) tourné à droite, direction la nationale, et donc les grands parkings endormis sous la lune (enfin, surtout un, à vrai dire). Oui ça me prend de temps en temps, ça vient peut-être de mes gènes loup-garous.
Vingt-deux heures et quelques. Quand j'y suis arrivé, un bahut español brillait dans la nuit de toutes ses veilleuses, juste à l'entrée, mais ce n'était qu'une fausse alerte. Un peu plus loin, nuit encore plus noire, le parking fait une assez longue ligne droite et deux camions étaient garés, à trois ou quatre cent mètres, face à face (l'un des deux était donc rentré à contresens.) Avec la particularité que tous les deux avaient leur cabine allumée.
J'ai dépassé le premier, dont les rideaux étaient quasiment tirés, pour aller jusqu'à l'autre, dans lequel un charmant barbu, assis côté chauffeur, lisait un opuscule visiblement illustré de photos, et dont un genou et un pied nu(s) appuyé sur le tableau de bord, visibles, annonçaient clairement qu'il n'avait pas gardé le bas. Je me suis garé derrière, suis sorti dans la nuit, me suis approché, prudemment, et n'ai provoqué visiblement qu'un inintérêt flagrant...
Qu'à cela ne tienne, je suis remonté en bagnole, demi-tour, suis reparti pour raller jeter un oeil au camion español, et, à mi-course, suis donc repassé devant l'autre bahut, celui aux rideaux pas tout à fait tirés, et là, jetant un oeil, j'ai failli piler, apercevant, par les quinze centimètres de vitre non couverts par le rideau côté chauffeur, le chauffeur en question, debout, immobile, et surtout visiblement à poil.
Je suis donc, après un nouveau demi-tour, venu me garer devant le camion en question, suis sorti dans la nuit, me suis approché de la cabine : le rideau de devant n'était pas, lui non plus, complètement baissé, et une bande de la même largeur que précédemment me laissait le loisir de contempler l'anatomie complète que le monsieur dévoilait complaisamment, sa quéquette joviale, qu'il avait non circoncise en forme de bourgeon, puis son côté face, puisqu'il eut ensuite la gentillesse de se retourner, une puis plusieurs fois, comme s'il me laissait tout loisir d'admirer la marchandise, appétissant derrière sa vitrine. Emoi.
Il allait et venait, se retournait, j'ai fait le tour, côté passager, on ne pouvait là non plus voir qu'une bande partielle du spectacle offert. C'était clair que le monsieur avait envie qu'on le voie, mais aurait-il été possible de juger sur pièces, de se rendre compte en main propre ? J'ai essayé de manifester ma présence tournant et retournant autour de cette satanée cabine allumée. A un moment, il a sembler se rendre compte que j'étais là, à tiré le rideau pour scruter l'obscurité, s'est penché derrière la vitre, et, m'apercevant, a soudain pris un visage courroucé et a, mais pas tout à fait complètement, tiré le rideau. Je pouvais toujours continuer à regarder, mais ça n'en était que plus frustrant.
Je voyais, là-bas,à l'autre bout, la cabine du lecteur qui venait de se rallumer dans l'obscurité, certainement lorsqu'il m'avait vu -plafonnier oblige- remonter dans ma bagnole, et j'y suis donc retourné, ne provoquant d'ailleurs pas plus d'enthousiasme de sa part que la première fois. Il avait même éteint la cabine, mais émis dans la nuit une sorte de double signal sonore qui m'avait laisser espérer quelque ouverture, mais que nenni. Il continuait juste de mater, assis dans le noir.
Je suis reparti vers l'autre. qui avait éteint sa lumière entre temps (il regardait à présent la télévision et se manipulait, distraitement semble-t-il) mais qui l'a rallumée lorsque je suis revenu à sa hauteur. J'assistais toujours au même agréable spectacle, mais en vain, comme au cinéma, nulle invitation, nulle connivence, nul signal ne venant me signifier que j'aurais été le bienvenu... Je venais d'ailleurs de quitter le côté passager lorsque la vitre s'en est ouverte et qu'une quantité de flotte assez conséquente fut balancée là où je me tenais juste quelques secondes avant. J'étais semble-t-il visé...
Le message semblait clair, pas la peine que je me fasse du mal à continuer à tournicoter ainsi. J'ai donc redémarré, un peu agacé par ces -en quelque sorte- promesses non tenues. Suis repassé devant le lecteur, toujours assis jambes nues dans l'obscurité de sa cabine dont le rideau de son côté était néanmoins complètement ouvert, me suis dit que je ne leur convenais ni à l'un ni à l'autre, et ai donc pris le chemin du retour. Dire que j'étais calme eut été un mensonge.