INFILTRATION
de Dover Kosahsvili
Celui-là, je l'avoue, je l'attendais trop. J'avais reçu les précédents, Mariage tardif et Cadeau du ciel, comme de sonores et viriles paires de baffes, envoyées avec une jubilation féroce. Sonné mais admiratif, j'étais, et donc j'attendais celui-ci de pied ferme, avec le souhait de m'en prendre encore une bonne... D'autant plus que Zvezdo (me) l'annonçait come un "vraiment bon film". J'avoue que j'en suis sorti un peu perplexe, et sans savoir illico dans quelle case je pourrais le ranger. Disons que je l'ai reçu d'une façon moins évidente que les deux précédents.
Parce que c'est un film pluriel (on suit tout un groupe d'hommes), parce que c'est un film historique (l'action se passe en 1956), parce qu'il s'agit de l'adaptation d'un best-seller israélien dans lequel il a fallu élaguer beaucoup, parce que c'est filmé apparemment, comment dire... simplement ? platement ? frontalement ? désinvoltement ? parce qu'enfin le gros grain de la pellicule est quand même un peu attristant à la longue.
Et aussi parce qu'on ne sait pas sur quel pied danser, et ça il faut le mettre sans conteste au crédit du réalisateur, qui réussit à nous mettre mal à l'aise de différentes façons, et qui le fait très bien.
Le quotidien de la "formation" d'un groupe de jeunes gens, d'origines multiples, dont le seul point commun est qu'ils sont a priori "inaptes" (médicalement, psychologiquement, physiologiquement) de façons variées.
D'ordinaire, c'est vrai que j'ai un faible pour les films de bidasses (euh les films "militaires", je devrais plutôt dire, tant le mot de "bidasse" renvoie à de sinistrissimes pantalonnades aussi franchouillardes que seventies) : concentration de corps masculins, testostérone, promiscuité, ambiance de chambrée (en plus c'est vrai que le treillis, en général -mais même en simple soldat d'ailleurs hihihi-, ça vous fait de ces petits culs d'enfer...), etc.
Je pourrais citer Beaufort, Streamers, (pas Full metal jacket que je trouve vraiment too much), Ordinary people, Jarhead... oui, j'aime bien quand il i a beaucoup d'hommes et pas trop de guerre ou de violence dedans... Ce qui est tout à fait le cas de Infiltration. La formation qu'on impose à ce mecs est d'autant plus absurde que la plupart d'entre eux ne sont absolument pas destinés à devenir de "vrais" soldats. Parmi tout cette "meute" on va suivre plus en détail l'histoire de trois soldats, chacun avec une problématique différente, mais avec ceci de commun que, par leur comportement (l'entêtement, l'insoumission ou la lascivité), ils s'opposent au chef de section, un petit mec à lunettes à l'air gentil comme tout mais qui s'avèrera bien cacher son jeu. Il y en a quelquers autres qui reviennent de façon péridodique, mais plus en tant que silhouettes (ou running gags) que comme vrais personnages : le culturiste en short qui passe tout le film torse-poil, le grand barbu épileptique, celui qui a une maladie de peau, etc.
On suit donc ces journées répétitives (crapahuts, garde-à-vous, pompes, corvées, brimades et autres joyeusetés) jusqu'à un shabbat où presque tous partent en perm (l'entêté reste, le lascif aussi, malheureusement avec un caractériel dont je n'ai pas encore parlé parce qu'on ne le voit qu'un peu qui a des comptes à régler avec lui). Parallèlement, l'insoumis va vivre, dans une soirée salonnarde quasiment rohmérienne, une rencontre amoureuse, et le contraste (le décalage) est fort avec le quotidien troufionnesque. retour à la caserne après cet intermède urbain, et re-manoeuvres, vexations et marches forcées, jusqu('à un triple épilogue (chacun des trois lascars qu'on a suivis pendant le film, vous l'aviez deviné) qui nous surprend plus ou moins.
J'adore Dover Kosashvili, je le dis et je le répète, mais encore une fois aussi je m'interroge. Le cynisme est patent, avec lequel il observe ses personnages (impossible de s'identifier à qui que ce soit) et l'ironie amère du constat rend l'ensemble un peu dur à avaler. Pour dire quoi, en réalité ? Mariage tardif était ironique, Cadeau du ciel aussi, tous les deux étaient forts en gueule et sévèrement couillus si l'on peut dire, mais tous les deux aussi s'attachaient à leurs personnages, les défendaient, en quelque sorte. Ici, rien n'est moins sûr...
La musique aussi, volontairement pompière/troupière distancée, vient rajouter encore un peu d'aigre-doux au constat.
Il me restera de ce film une belle scène de danse du ventre par un nounours torse-poil au ventre aussi arrondi que velu, une autre scène, plus tard, où le même interprète, sous la pluie, et en français s'il vous plaît, une Marseillaise impeccable (c'est drôle,quand même, pourquoi me suis-je attaché au pédé plutôt qu'au bellâtre ou à l'aspirant-para ?) une autre belle scène pluvieuse et nocturne d'insoumission collective, ainsi qu'une jolie scène finale de remise de lettres.
Et aussi la façon impitoyable qu'a le réalisateur, à plusieurs reprises, de couper net en plein dans une scène, et d'enchaîner direct sur autre chose, désamorçant ainsi quasi-sytématiquement les effets "dramatiques". Raide mais efficace (c'est comme ça qu'on devrait aimer les hommes, hihihi).