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lieux communs (et autres fadaises)
22 décembre 2018

cric rouge

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THE HOUSE THAT JACK BUILT
de Lars Von Trier

J'y suis finalement allé ce dimanche soir, après beaucoup d'hésitations... J'avais peur d'avoir peur, mais ce ne fut pas le cas. Ce fut autre chose. Des scènes insupportables par contre, le film n'en manqua pas. Qu'est-ce qu'une scène insupportable ? Ce n'est pas une scène gore, c'est pire que ça. C'est une scène malsaine, dégueulasse, inexcusable, injustifiable... je continuerai la liste des qualificatifs...) Lars von Trier sait très bien faire ça sans qu'on puisse précisément dire ce qui relève du goût de la provoc ou bien du sens du marketing.
Pour simplifier, ce film est à l'acte de tuer ce que Nymphomaniac était à celui de jouir. Dans sa structure, d'abord : Jack raconte son histoire à un auditeur qui la commente. L'histoire en question est divisée en chapitres (ici nommés "incidents"), chaque épisode étant "agrémenté"  de considérations annexes à visée plus ou moins pédagogique. Joe était une baiseuse, Jack est un tueur.
Pour les quelques qui l'ignoreraient, Jack est un serial killer ("Mr Sophistication"), de femmes principalement. Mais on n'est ni dans Le Voyeur (que je n'aime pas trop) ni dans Henry portrait d'un serial killer (que j'aime encore moins), on est... ailleurs. On n'est pas non plus dans American Psycho, ni dans The killer inside me, autres tristes histoires d'aussi tristes tueurs que je n'ai pas voulu(s) voir, les histoires de tueurs à la chaîne n'étant pas, en prinicipe, ma tasse de thé... On est chez LVT. Et donc il nous accommode ça à sa sauce. Mi-visionnaire et mi-fouille-merde. Mi répugnante et mi-fascinante.
Techniquement, le film est impressionnant de maîtrise (si Jack fait de chacun de ses crimes une référence à l'Art, Larsounet fait la même chose, par la façon dont il les filme) et place le spectateur (moi dans le cas précis) dans une position plutôt inconfortable (j'ai d'ailleurs beaucoup gigoté pendant les deux heures et demie que dure le film), un peu comme le faisait Haneke dans le malsain -et c'est rien de le dire- Funny Games, que je n'ai jamais vu et que je me suis juré de ne jamais voir... J'étais à la fois exaspéré et sidéré.
On a parlé de morale et d'éthique, de politiquement incorrect et de dépasser les bornes, mais ça fait sacrément du bien de se dire que tout ça n'est que du cinéma. (Ouf!). Un personnage abject commet des actes qui le sont tout autant, mais la façon dont le réalisateur le traite (les traite, le personnage et ses actes) produit en même temps, ce double effet de sidération mais aussi de mise à distance.
Matt Dillon est au centre du dispositif (il en a fait du chemin le petit, depuis Rumble Fish), épaulé par Bruno Ganz (que pendant longtemps on ne fera qu'entendre -il en a fait du chemin lui aussi, depuis L'Ami Américain...- ô ma jeunesse enfuie!) et une série de femmes (les victimes) au sein (! je n'ai pas fait exprès, vous comprendrez si vous allez voir le film) desquelles Uma Thurman est créditée au générique (mais que je n'ai pas -techniquement- reconnue), traitées -c'est le propre du serail killer comme des objets (du bétail, et c'est là que le film fait le plus mal, est le plus nauséabond). Le prédateur et ses proies (ou, comme il est expliqué dans le film, le tigre et ses moutons). Et, pour aller jusqu'au bout, le réalisateur et ses spectateurs.
Il me semble (à chaud) que c'est un des films les plus cohérents de LVT (qui, -merci allocinoche- boucle la boucle et revient au thème de son premier film Element of crime (1984, ô ma jeunesse enfuie, re) qui m'avait - en son temps-  pas mal bluffé aussi.)
Le film est très intelligemment construit, au début oui oui, il m'est même arrivé de ricanasser, puis de sourire, mais un peu moins, puis plus du tout. Les éléments sont de plus en plus barrés : le cric, le nettoyage, la chasse en famille, le nouveau petit porte-monnaie, la balle full metal jacket, sans oublier bien sur, l'épilogue, qui en serait le toit, l'aboutissement, le couronnement. Car le film se construit sous nos yeux comme cette maison dont parle le titre (et qui finira aussi par être construite, in extremis, sous nos yeux ébahis).
La fin (à partir de la chambre froide) est une folie furieuse, une bonne grosse omelette danoise, d'abord glacée puis brûlante, et je dois dire que j'ai trouvé ça tout aussi frappé que frappant.
Oui, on est aux enfers, bon sang mais c'est bien sûr, et Bruno Ganz s'appelle Verge parce que Virgile, et le tableau de Delacroix minutieusement reconstitué est La barque de Dante, et la figuration infernale est celle de Gustave Doré, et le paradis c'est celui des faucheurs, venu de l'enfance du tueur et seulement vu par la fenêtre ("mais là nous n'y avons pas accès...") Accès, excès,  facile de faire le saut (comme les coq-à-l'âne pédagogiques de LVT). Et de l'excès au too much. Et ainsi de suite, jusqu'à la chute finale -somme toute logique- ("c'est la chute finaaaale groupons-nous et de demaiiiiiiiin..."). Et c'est une autre chanson, guillerette, comme un pied-de-nez final, qui suit, Hit the road, Jack... qui fait comme un sas rigolard (désinvolte) et permet de revenir au réel et de quitter la salle dans un état à peu près normal.
A peu près normal, j'ai dit, oui.
(mais je pense que si j'avais été une femme je l'aurais forcément beaucoup plus mal pris, et je n'aurais pas pû m'empêcher d'écrire une lettre au réalisateur pour lui dire des choses désagréables...)
Mais bon, je le redis, ça n'est qu'un film...

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l'affiche

barque-dante

le tableau de Delacroix

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... et sa reproduction

 

14 décembre 2018

ne me secouez pas...

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AMANDA
de Mikhael Hers

Oh oh me voilà bien embêté...
J'y suis allé cet après-midi avec Catherine et Marie et voilà qu'à ma grande surprise j'en suis sorti avec l'oeil tout à fait sec, alors qu'elles deux pas. Pourtant d'un réalisateur que j'aime beaucoup, une histoire de deuil, des acteurs excellents (Vincent Lacoste et la petite Isaure Multrier) et, si j'ai suivi le film sans en perdre une miette (on est toujours intéressé par le beau travail sensible de Mikhael Hers), je ne me suis pas ennuyé (la preuve, je n'ai pas fermé l'oeil), mais bon je n'ai pas versé une larme.
(Ca m'interroge).
Peut-être le sujet m'est-il trop étranger (ou peut-être me suis-je inconsciemment protégé, ou mis à distance) toujours est-il que l'histoire de ce jeune homme obligé, après un concours de circonstances parfaitement terrible, de s'occuper de sa jeune nièce, ne m'a pas passionné  (bouleversé) plus que ça. En parallèle ce jeune homme entame une relation avec une jeune fille (Stacy Martin, que je n'ai identifiée qu'au générique de fin, après l'avoir confondue pendant tout le film pour Vimala Pons dont je ne parvenais pas non plus à retrouver le nom, c'est peut-être ça qui m'a chiffonné pendant tout ce temps) elle-aussi victime du même attentat que celui qui a coûté la vie à la soeur du jeune homme (et maman de la petite Amanda), relation pas simple à mettre en place, (c'est d'ailleurs une des  seules scènes qui m'a vraiment ému, le moment où il rentre chez lui et écoute le message téléphonique qu'elle lui a laissé -sur une très jolie musique, Pale saints si j'en crois que le générique-), et, pour couronner le tout, il a aussi des problèmes avec sa mère, qu'il n'a pas connu et s'est sauvée en Angleterre à sa naissance, qui lui envoie des lettres qu'il jette à la poubelle, et qu'il va finit par rencontrer dans un parc à Londres (le film s'achève à Wimbledon devant un match de tennis que j'ai trouvé un peu  lourdement métaphorique...)
Je l'ai déjà dit et re-dit la famille est pour moi une terra incognita, et là je suis comme qui dirait resté malheureusement à la porte de la maison. j'aime toujours autant la façon de filmer de Mikhel Hers, sa petite musique, mais là, allez savoir pourquoi, je suis resté à des kilomètres, comme dans ces vues aériennes de vues qu'il affectionne. Le plus embêtant, c'est que je n'ai rien de précis à lui reprocher, à ce film. j'vais envie d'être bouleversé, comme mes voisines, et je ne l'ai pas été. Déçu dêtre déçu, en somme (ne s'en prendre qu'à soi).
Une rencontre ratée, sans doute de ma faute.

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14 décembre 2018

Could you be a little less supportive ?

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A BREAD FACTORY PART 2 :
UN PETIT COIN DE PARADIS
de Patrick Wang

Début octobre je me réjouissais, , d'avoir de l'entregent (enfin, que notre assoc' en ait!) et ainsi d'avoir eu la chance de voir A bread factory part 1, première partie du troisième film de ce réalisateur que j'affectionne particulièrement, en avant-première au chaud à la maison, et j'étais impatient de pouvoir voir la suite et fin. Et bien c'est chose faite (encore merci à l'acid).

C'est avec grand plaisir qu'on retrouve tout le petit monde de Checkford, découvert dans la première partie (sauf ceux qui sont partis, évidemment) mais alors qu'on avait eu droit surtout à l'affrontement entre tous ceux de la Bread Factory d'un côté et les autres autour de May/Ray (les sangsues à subventions) de l'autre, ici, étrangement, le combat semble un peu calmé, et le récit se recentre encore davantage sur ce qui se passe à la Bread Factory : beaucoup autour du théâtre et de la pièce Hécube dont on avait vu les tout premiers préliminaires, et dont on assistera ici, finalement, à la première. Théâtre dedans, mais aussi comédie musicale dehors, avec l'arrivée en bus d'une troupe de singing tourists, qui ne s'expriment qu'en chantant, et vont d'ailleurs prendre possession du diner local, qu'ils convertissent en piste de claquettes...
On retrouve donc, surtout, bien sûr,  nos très chères Dorothéa et Greta (les splendides Tine Daly et Elisabeth Henri-Macary), on retrouve le jeune Max, et les histoires de son père (couci) et de sa mère (couça), on retrouve les deux petits vieux style Muppet Show, (et un tout petit peu May Ray aussi, juste histoire de).
Tous ces gens qui vont et qui viennent, qui continuent de parler, de s'exprimer, qui (se) débattent, qui se démènent, et c'est filmé toujours aussi simplement, aussi chaleureusement. Beaucoup de plans-séquences où la caméra est posée et c'est juste comme si elle laissait les choses se dérouler. Ce qui se joue.
Le film est à l'image de la chanson de fin, par Chip Taylor, Could you be a little less supportive (juste la voix, un poil de grattouillis de guitare, un soupçon de pianotis, et hop embarquement direct pour le paradis des émotions), très simple en apparence, mais beaucoup plus riche en réalité  que ça veut bien en avoir l'air... Et tellement juste.
Oui, il est question de sujets qui me tiennent à coeur, d'art (de culture) et d'amour(s) de soi, de l'autre, de l'art, du travail bien fait, des gens, et ce fleuve doux nous prend nous transporte pour peu qu'on accepte simplement de lâcher prise, oui,  de se laisser porter... Le film prend son temps, parfois vagabonde, mais suit une ligne ascendante, par paliers, où chaque moment (de vie, de cinéma) surplombe le précédent (à partir de la représentation théâtrale, on s'élève à chaque fois, pour culminer sur une scène finale simplement sublime (ou sublimement simple ? je fais ma coquette littéraire), que la chanson finale viendra comme refermer en douceur...
De la même façon que Les secrets des autres, le film se clôt sur une scène affectivement très forte qui est en même temps un apaisement.
Et les larmes sont venues, simplement aussi, comme ça.
J'adore ce cinéma-là
(sortie prévue le 2 janvier 2019)
Top 10

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12 décembre 2018

mon humeur dépend de la quantité de bière ingurgitée

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LETO
de Kirill Serebrennikov

Excitant
Euphorisant
Enthousiasmant.
En russe ça veut dire l'été. Un film d'été, de jeunesse, de musique, et de rock même (mais de rock made in USSR : le film s'ouvre sur une scène de concert plutôt drôle, où chacun(e) est assis(e) sagement sur sa chaise tandis qu'au bout du rang la police veille et traque les spectateurs trop enthousiastes...). Mais un film d'une insolente liberté de forme, dans un beau noir et blanc mais avec, ça et là des couleurs (du rouge, souvent, d'ailleurs).
Ca se passe à Léningrad au début des années 80, et (j'ai appris par la suite en lisant les critiques que) c'est un biopic (mais on peut très bien et tout à fait -la preuve!- le voir sans savoir que tout ça c'est vrai, d'ailleurs, à intervalles réguliers apparaît un jeune homme qui porte un panneau "mais ceci n'a jamais existé"), biopic  qui raconte l'histoire de Mike  Naumenko (leader du groupe Zoopark) et celle de Victor Tsoi (leader du groupe Kino) avec, entre les deux, Natasha Naumenko, épouse de Mike mais pas non plus insensible au charme de Victor (et réciproquement). Et, pour la petite histoire, j'apprend que celui qui joue le rôle de Mike est Roma Zver, un vrai musicien de rock de là-bas, qui rejoue avec son group Zveri la plupart des compositions de Mike.
Une histoire pleine de musique (et d'amour aussi). Celle que joue Mike sur scène, lui est déjà un peu "officialisé" comme rock-star russki, et celle que Victor compose et joue aussi, et à qui Mike va mettre le pied à l'étrier... La musique aussi qui vient de l'ouest, de l'ennemi capitaliste, qui s'échange et se collectionne sous le manteau -du rock à la new-wave- (Bowie, Talking Heads, Velvet Underground, Blondie, T-Rex, Iggy Pop) à laquelle de multiples hommages sont rendus tout au long du film (dont une série de covers, clips où l'image est surlignée, redessinée, électrifiée, bidouillée, lors de réinterprétations collectives et joyeusement bordéliques, -où justement apparait à chaque fois le petit bonhomme qui précise "mais tout ça n'a jamais existé"- qui m'ont fait à chaque fois venir les larmes aux yeux tellement c'est bien : Psycho Killer des Talking Heads, Passenger d'Iggy Pop, Just a perfect day de Lou Reed).
J'ai hélas un peu piquouillé du nez au début (j'ai notamment raté le début d'une joyeuse scène de plage où tous finissent la zigounette à l'air) mais je me rattraperai en janvier (le film fait partie de la sélection du Festival Téléramuche 2019) pour ne pas en perdre une miette...Le réalisateur a tenu à garder jusqu'au bout son ton insouciant et mentionne, comme ça, juste en passant, les dates de naissance et de mort des deux rockstars (Victor est mort à 28 ans dans un accident de voiture et Mike à 36  "dans des circonstances restées troubles" (dixit allocinoche), mort qu'on peut supposer provoquée par ses excès de  bibine).
Un film plein de jeunes gens, d'années 80, de musique, d'énergie, de vent de liberté (un certain esprit punk, qu'on n'aurait pas forcément soupçonné / cru possible au pays de Kalinka et de Poutinovich...), des jeunes qui se battent contre les vieux machins et tous les carcans les verrous et les interdictions par eux (les vieux) mis en place,  avec ce goût adolescent (et post-) de la contestation et celui de braver les interdits, et surtout l'envie de foutre en bas le vieux monde, bref une belle tranche de plaisir cinématographique (le noir et blanc, tout seul, déjà, a priori ça a de la gueule, mais alors le noir et blanc retravaillé, (parfois gribouillé à même la pellicule, parfois avec juste un peu de couleur) c'est encore plus bandant!)
Le réalisateur est actuellement assigné à résidence et n'a pas pu venir à Cannes monter les marches pour présenter son film, il est soupçonné officiellement de fraude fiscale (et officieusement d'homosexualité disent les médias, même si ça n'apparaît pas vraiment dans son film).
Si vous ne pouvez pas le voir dans l'immédiat, rongez votre frein jusqu'au Festival Téléramuche (16 janvier je crois)...

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11 décembre 2018

oeil de crocodile

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HIGH LIFE
de Claire Denis

Celui-là j'étais plutôt curieux de le voir (un peu en souci aussi), surtout après le jugement doublement  négatif -et lapidaire-  ("parfaitement ridicule") que j'en avais eu (de la part de Dominique et Jean-Luc), et qui me laissait craindre le même décalage que celui apparu entre les critiques (dithyrambiques) et le ressenti des spectateurs, à propos de son avant-dernier film,  Un beau soleil intérieur, qui m'avait laissé... perplexe (et insatisfait). on allait voir ce qu'on allait voir.
On annonçait Pattinson, on annonçait Binoche, on annonçait science-fiction, on annonçait  trip galactique, eh bien tout y fut. (La S-F, j'ai un faible.) Un huis-clos trouble (troublé et troublant) dans un vaisseau spatial & spécial (dont les passagers et l'ambiance générale  évoquent ceux de Alien 3) lancé dans un voyage sans retour. (Oui, sans retour).

Claire Denis, pour moi, c'est une (très) longue histoire, je la suis depuis son premier long-métrage, Chocolat (1988), (mais, en fait, depuis encore bien plus longtemps,  (merci allocinoche!) depuis son tout premier film en fait, où elle était créditée au générique en tant que 2ème assistante-réalisatrice,  Sweet movie, -qui m'est cher parce qu'il s'agit d'un de mes premiers émois érotiques au cinéma- en 1974!). J'ai vu plus d'une dizaine de ses films, certains que j'ai vraiment beaucoup aimés (35 rhums, Vendredi soir, White material, Beau travail) d'autres moins (Nénette et Boni, J'ai pas sommeil) voire pas  du tout (Trouble everyday m'avait filé la gerbe, et Les salauds aussi, même si pour des raisons différentes, et  ce dernier m'avait d'ailleurs carrément mis en colère à cause d'une scène finale injustifiable).

Eh bien celui-ci, de Claire Denis, n'en déplaise à Dominique et Jean-Luc, fait partie de ceux que j'ai plutôt beaucoup aimés. Je dirais même qu'il contient plutôt moins de poil à gratter cinématographique que ce que j'aurais pu craindre.
Car le cinéma de Claire Denis, c'est souvent, pour moi, une affaire d'inconfort. Oui, un truc qui gratte qui dérange démange. Souvent dans les personnages, ce qu'ils sont et la façon dont la réalisatrice les montre (on pourrait avoir le sentiment qu'elle ne les aime pas toujours.) Ici, au commencement, tout doux, un homme et un bébé, dont on apprendra bientôt qu'ils sont père et fille, puis, encore un peu plus tard, comment la conception de la fillette a eu lieu, et encore plus tard, ce qui va leur arriver... Le papa c'est Robert Pattinson, très bien (comme toujours ou presque) dans un rôle très "rentré". Pendant un assez long moment on le suivra, au présent, dans ses réparations, son jardin, devant ses écrans de contrôle, avant que son histoire ne se reconstruise progressivement, sous formes de flashes puis de flash-backs... Et c'est vrai que les relations plus ou moins troubles entre les papas et leurs filles reviennent régulièrement dans les films de Claire Denis, et que celui-ci précisément n'évitera pas de nous poser la question...

Apparaît bientôt la scientifique de l'expédition, sous les traits d'une Juliette Binoche à très longs cheveux noirs et à desseins plutôt troubles (principalement à base d'échantillons de sperme). De toute manière, de tout temps, dans les vaisseaux intergalactiques des films de S-F, s'il y a un pourri de service dans l'équipage, c'est forcément le scientifique de l'équipe (cf Alien, ou, bien plus tôt, le précurseur, HAL, le superordinateur de 2001). Alors on sait en gros à quoi s'en tenir. Juliette bidouille avec le sperme des gars (et les oeufs des filles) et elle ne dépare pas dans la galerie, elle y va même franco, de bon coeur, et si je trouve  qu'une ou deux de ses scènes sont un peu too much, c'est vrai qu'elle n'hésite pas à payer de sa personne.

Les autres personnages sont hélas un peu sacrifiés, certains juste réduits vraiment à des esquisses, et c'est là que pour moi le film pèche. On aimerait qu'eux aussi aient des souvenirs (comme ceux, très tarkovskiens tendance Stalker est pourvu le personnage de Pattinson). par exemple j'étais très content de voir réapparaître Lars Eidinger (après l'avoir croisé en metteur en scène branchouille dans le très aimé Sils Maria)  mais le pauvre il ne fait ici que passer, et c'est bien dommage je trouve.

Le film est assez claustro, cet espace clos et confiné est opressant, mais finalement moins que l'utilisation qui est faite de l'extérieur (l'espace noir et infini, qui me ramène invariablement à mes angoisses d'enfant face au Capitaine Haddock dérivant dans l'espace, justement , sur le point de disparaître à jamais, dans On a marché sur la lune)  qui n'est jamais rassurante (bien au contraire) et se réfère toujours à la perte ou à la disparition..

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Bref j'ai plutôt beaucoup aimé cette incursion de Claire Denis du coté de la SF, non seulement pour ce qu'elle y raconte (et qui est tout de même assez joyeusement désespéré) mais aussi pour toutes les réminiscences qu'elle a provoquées : Alien, 2001 odyssée de l'espace, Silent Running, Sunshine, et même Ikarie XB-1,un très vieux film de science-fiction tchécoslovaque (1963) en noir et blanc, vu justement à la télévision quand j'étais enfant, bref toutes ces histoires d'espace (qui, comme les histoires d'amour, finissent mal en général) qui m'ont fait rêver et enchanté... (je réalise que j'adore vraiment ça, les films de vaisseaux spatiaux...)

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8 décembre 2018

ho chi minh

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LES CONFINS DU MONDE
de Guillaume Nicloux

Voilà un exemple de film que j'aime beaucoup et ce pour beaucoup de raisons, certaines intrinsèquement cinématographiques (ah le plaisir d'aligner deux mots de plus de quinze lettres) et d'autres qui le sont moins (ahum), voire pas du tout du tout (ahum ahum)...

Ce qui relève de la première catégorie, d'abord, parlons donc cinéma : le réalisateur, d'abord. Guillaume Nicloux, réalisateur de plusieurs films de styles très différents que j'ai beaucoup aimés (Le poulpe, Cette femme-là, Holyday, Valley of Love) marqués chacun du même sens de l'expérimentation,  et d'autres que je n'ai pas vus.
Les acteurs, ensuite : un Gaspard Ulliel impressionnant, certes, mais, juste à côté, un Guillaume Gouix qui ne l'est pas moins -et dont le personnage me touche davantage (et là l'argument n'est pas strictement cinématographique)-. Et il ne faudrait pas oublier Gérard Depardieu, en quelques scènes ça et là. Gros Gégé, Il est imposant comme un abribus, mais toujours avec une finesse de jeu aussi fascinante. Tout en retenue, à combustion interne, simplement monumental.
Le genre, aussi, tiens. Le genre de film, je veux dire : a priori film de bidasses, de guerre (j'ai pensé au Cogitore de Ni le ciel ni la terre), de jungle aussi, où à la violence des propos et des images répond la même force (violence) du montage, qui tchac thac comme à la machette  n'hésite pas à trancher de temps en temps des scènes en leur plein milieu. Et progresser à grandes enjambées filimiques. Le récit crapahute.
Le film est une représentation de la guerre (une guerre précise, nommée, située, Indochine, 1945, wikipedioche m'apprend que c'est le tout début du conflit) en même temps réaliste et pourtant stylisée, (on pourrait dire que c'est la guerre de Guillaume Nicloux, comme c'est la guerre de Robert Tassen), où les soldats évoluent dans une verdure luxuriante (bruissante et hostile), oppressante, où l'ennemi est invisible, off, hors-champ, et se manifeste surtout par le bruit des armes et les cadavres qu'il laisse derrière lui.
(Ca tombe bien puisque le personnage joué par Ulliel est à la recherche d'un ennemi justement fantomatique et insaisissable, Vo Bin,  lieutenant d'Ho Chi Minh, et qu'il poursuivra ce fantôme quasiment abstrait pendant tout le film, pour "venger la mort de son frère"...).
La guerre, l'ennemi, les soldats, mais, Indochine oblige, un certain exotisme (dépaysement) aussi, avec, d'abord, les combattants du Viet-Minh, puis  le personnage, de plus en plus important, de Maï, une prostituée du cru, (une jeune et jolie indochinoise dont Robert Tassen tombe amoureux), et , enfin, l'apparition, dans le dernier tiers du film, de l'opium (je n'ai pas pu m'empêcher de penser au Lotus bleu de Tintin), par lequel le récit (à l'image de ses personnages) est alors comme contaminé, et va se transformer insidieusement en rêverie embrumée.
La forme du film est absolument magnifique, insérant entre de longs plans-séquences immobiles ou presque (celui du début qu'on retrouve aussi à la toute fin, et cet autre, le presque dernier,  qui dure au-delà de l'exténuation de la durée réglementaire, lorsque le spectateur en vient à se questionner, à s'observer en train d'observer)  une succession de plans plus brefs, enchaînés avec un sens du rythme parfois presque asphyxiant (j'ai adoré le travail sur le montage du film et déjà évoqué plus haut cette façon surprenante de trancher parfois les scènes en plein coeur). Comme progressant à marche forcée.

Il y a la guerre, il y a l'exotisme, il y a la folie, mais (ça y est ahum on y vient) il y a aussi (et surtout) ahum ahum les hommes.

(Et c'est là que je rentrerais peut-être dans des considérations -des justifications- a priori beaucoup moins cinématographiques (mais quoique, puisque relevant tout de même de l'esthétique). J'ai déjà parlé il y a peu de temps de mon goût pour les camaraderies viriles à l'écran et les films dits "de chambrée", ( dans un post sur Les croix de bois, de Raymond Bernard, où j'évoquais Stalag 17 de Billy Wilder) où il est question non seulement des corps (et de leur figuration) mais de l'attraction, de la fascination, des interactions (des ambiguïtés) qu'ils suscitent, et Les confins du monde irradie, pour moi, dans cette catégorie (jouant l'érotisation soldatesque comme avait pu le faire en son temps le Beau travail de Claire Denis, mais plus prosaïquement, plus terre-à-terrement. Plus simplement).
Corps de soldats (et donc corps d'hommes) (re)présentés frontalement (avec aussi peu d'attention pour la "sensiblité" supposée des spectateurs/trices que dans la figuration des atrocités commises sur d'autres corps -le plus souvent par l'ennemi-, présentées tout aussi frontalement). Déjà, a priori, des soldats entre eux, c'est pour moi un contin(g)ent d'imagerie érotique, et là je dois dire que Guillaume Nicloux m'a gâté : hommes au repos, hommes en manoeuvres, hommes au bordel, et même -ououououh là je hurle à la lune- hommes à la douche, je mentirais en disant que tout ça ne m'a pas fait très plaisir et m'a rendu du coup extrêmement attentif (d'ailleurs, tiens, je n'ai pas fermé l'oeil une seconde c'est dire...)
Car (ahum ahum) il y a le corps, ok, mais en son centre (pourrait-on dire) il y a la bite. Ce fameux machin dont ils sont si fiers, dont ils parlent aussi souvent, qui les préoccupe tant (on tournera autour pendant tout le film). On en parle beaucoup, on en verra même quelquefois (une très jolie scène de toilette à plusieurs et à QV, et une autre en gros plan aussi, mais moins appétissante pour cause d'attaque de sangsue), bref, comme un vrai petit manuel "de la quéquette chez les soldats, des différentes façons d'en parler et de l'utiliser", comme une thématique  souterraine innervant le film. (certains critiques se piquant de psychanalyse ont même résumé ça en disant que tout tournait aurour d'une angoisse de castration, mouais...).

Mais ces représentations viriles ne sont que les à-côtés, (plaisants, mais à-côtés et rien d'autre, aurait pu écrire Lagarce) de cette "Guerre d'un seul homme" (dommage que le titre soit déjà pris, et ce par un extraordinaire film d'archives d'Edgardo Cozarinski qui me fit d'ailleurs énormément pleurer à Entrevues il y a quelques années), de ce Robert Tassen et de son obsession (de sa folie). De cet homme qui s'enfonce -se perd- dans les  méandres de ses propres ténèbres intérieures en même temps que celles de la jungle. Et, comme dans le précédent Valley of Love (déjà le tandem Nicloux/ Gros Gégé, qui m'avait énormément touché), il est aussi question de peine, et de deuil, et de la façon de le faire (le deuil).
Et le personnage de Saintonge (joué par Depardieu) vient encore ajouter à la part de mystère (de mysticisme) qui nimbe le récit.
Un film réellement impressionnant (je n'ai pas vu Apocalypse now, désolé, et donc je ne peux rien comparer, comme l'ont fait la grande majorité des critiques, en pâmoison ou pas).
Et dire aussi que la musique (et l'utilisation qui en est faite) augmente encore le plaisir qu'on prend au film (comme ç'avait déjà été le cas pour Valley of Love)...

Top 10 sans doute

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5 décembre 2018

Fårö (prononcez : [foːrøː])

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A LA RECHERCHE D'INGMAR BERGMAN
de Margarethe Von Trotta

Un film agréable, plaisant.
Instructif & pédagogique.
Qui aurait pu s'intituler Margarethe Von Trotta à la recherche d'Ingmar Bergman, tant la réalisatrice n'hésite pas à s'y montrer, s'y mettre en scène (et même s'y complimenter - à juste raison, son film Les années de plomb figure dans la liste des 10 films préférés du Maître, et elle ne se prive donc pas de nous le faire savoir...-)
J'y ai réalisé que si j'en connaissais bien les titres et les images (et les actrices) j'avais, en réalité très peu vu de films d'Ingmarchounet. Et, pas de bol, le premier que j'ai vu (sur, me semble-t-il me souvenir, sur les conseils de ma chère soeurette) et qui m'avait fort impressionné, Cris et chuchotements, n'est même pas mentionné...
Le film est bien construit, bien documenté, alternants extraits de films, entretiens (d'archives) avec le Maître, et échanges (causettes) avec différent(e)s intervenant(e)s : ses actrices, bien évidemment, ses enfants, aussi, et même quelques réalisateurs/trices français (Mia Hansen-Lowe et un Olivier Assayas spécialement frétillant et enthousiaste).
On y apprend des choses, on ne s'ennuie pas, et ça m'en a confirmé une (de chose) : que le cinéma de Bergman est bien quand même un cinéma chiant sérieux qui m'est resté un peu étranger (qui ne me convient pas forcément), mais que je devrais sans doute faire un effort quand même aussi pour le découvrir avant de mourir... (ce qui me laisse tout de même du temps)

Et ça m'a rappelé que je dev(r)ais depuis un certain temps regarder la version longue de Fanny et Alexandre, qui était un film que Thierry G. adorait (et que je crois avoir réussi à me procurer, mais que j'ai stocké je ne sais plus trop où...)

Et donc c'est ainsi que s'est terminé Le Mois du Doc dans le bôô cinéma, dans une salle où, ironiquement, nous étions deux : Hervé et moi (et nous nous sommes mutuellement avoués, à la sortie, y avoir un peu piqué du nez tous les deux, mais ce n'était pas du tout de la faute du film ou de la réalisatrice, juste de la notre...)

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4 décembre 2018

punisseur

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DONBASS
de Sergei Loznitza

Deux heures en Ukraine, pour un film en éclats (sur un pays qui a lui-aussi volé en éclats). Je l'ai déjà dit, j'ai de grosses lacunes en histoire et en géopolitique. J'ai donc abordé le film avec candeur. Loznitsa est un cinéaste que j'aime vraiment beaucoup (My Joy et surtout Dans la brume ; le dernier, Une femme douce ne m'ayant qu'à moitié convaincu -surtout dans sa longue deuxième partie (le rêve)-), même s'il produit un cinéma a priori peu aimable (très ukrainien, en fait) et qui peut faire froid dans le dos (ou claquer des dents c'est selon). Les échos Cannois (paradoxaux comme d'hab') avaient encore augmenté mon envie de me faire un avis, et donc le voilà pour trois séances dans le bôô cinéma (ce qui est chiche, il faut bien le reconnaître).
Film "en éclats" parce que constitué d'une suite de plans, séquences, plans-séquences, chacun portant en bas à gauche la localisation, qui en sera la seule explication fournie, à la fois suffisamment précise et suffisamment floue. Des petites histoires. Ce qu'on pourrait nommer "Chroniques de la haine ordinaire" si le titre n'était pas déjà pris. Chroniques d'une guerre hybride entre deux factions au sein d'un même pays (Loznitsa nous laisse entendre de quel côté son coeur balance, qui n'est pas celui soutenu en douce par les russes). Violence, mensonges, corruption, saccages, humiliations, dans ce panorama d'une extrême noirceur, habituel pour ceux qui connaissent et apprécient le cinéma de l'auteur.
La société civile est foulée aux pieds par la militaire, omniprésente et omnipotente aussi. mais, comme on dit par ici "y en a pas un pour racheter l'autre". C'est grinçant, c'est glaçant, glaçant, cette exposition systématique de toutes les façons dont un homme (ou une femme) peut être con. Et dieu sait qu'il y en a. Et de toutes les formes de violence invisageables aussi, ou presque (Loznitsa nous feuillette sous les yeux un sacré catalogue).
La situation est confuse, et quasiment incompréhensible pour l'occidental benêt que je suis, et j'ai eu besoin d'une petite session explicative de rattrapage par l'ami Hervé dans le hall après la séance, pour m'en donner quelques clés (par exemple, quels sont ces trois soldats ne souhaitaient pas figurer sur les photos de groupe du journaliste allemand...).
Un film saumâtre, quasiment sans espoir (cf la dernière scène), mais un sacré film. Du grand cinéma qui nous chantonne, à sa façon, comme Prévert Oh Barbara Quelle connerie la guerre... même si ça, on le savait déjà.
Un film insalubre et pourtant salutaire.

 

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Un très bel article dans Libération, ici.

3 décembre 2018

un mardi après-midi où il n'y avait pas grand-chose d'autre à faire

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LIBRE
de Michel Toesca

(mois du doc, suite : après le land-art (Penché dans le vent) et la mort (Madame Fang) il fut cette fois question de fraternité.) Portrait de Cédric Herrou, un agriculteur dans la vallée de la Roya (une exception géographique française, italienne, italo-française, franco-italienne, bref où c'est un peu le bordel question frontières). Cédric Herrou élève des poules, s'occupe de ses oliviers, et accueille et héberge les migrants que le hasard fait passer devant sa maison. Puis les aide à aller plus loin. Et c'est là qu'il va se heurter à la justice de notre pays et ses réglements abscons et kafkaïens, via les gendarmes, la préfecture, le tribunal, où il lui est d'abord reproché le délit de solidarité (comme si ces deux mots pouvaient aller ensemble). Michel Toesca, cinéaste et ami de Cédric Herrou aposé là sa caméra pendant plusieurs mois et nous livre une chronique du combat (des démêlés) de ce "Robin des Bois des migrants". Où comment désormais, au nom de la fraternité (gravée au fronton de nos bêtiments publics) Le Conseil constitutionnel a affirmé  qu'une aide désintéressée au "séjour irrégulier" ne saurait être passible de poursuites, et a censuré en conséquence des dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers. Un document édifiant, sur un homme touchant.

*

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MA FILLE
de Laura Bispusi

Rohrwacher / Golino actrices dans un film de Laura Bispusi* (c'est écrit juste au-dessus!) ou l'histoire de deux femmes "liées par un lourd secret" (qu'on devine assez vite) concernant la fillette à la chevelure flamboyante rousse de l'une (comme une Agathe Bonitzer transalpine) la brune (Valeria Golino), qui est en réalité la fille de l'autre (la blonde, Alba Rohrwacher, vue la veille dans Lazzaro, et qui là, je trouve, pousse le bouchon un peu loin question picole et prostitution), tout ça un peu à gros traits (ou en gros sabots) mais l'occasion pour le mateur que je suis d'oberver à maintes occasions de rudes gaillards du cru (transalpins eux aussi), souvent torse-nu au travail, et c'est toujours ça, hein...

*

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EUFORIA
de Valeria Golino

dans le précédent elle était actrice, et là elle a changé de casquette. Pour l'histoire de deux frères, un gay et pété de thunes (Ricardo Scammarcio) et l'autre (Valerio Mastandrea) pauvre et atteint d'une tumeur (mais il ne le sait pas vraiment). Le pété de thunes va prendre son frérot chez lui, afin d'adoucir ses derniers jours... Ce qui va permettre aux deux frérots de se retrouver un peu (une fois que chacun aura fait sa part du chemin)... Après la lourdeur du film précédent, celui-ci m'a semblé avoir des légèretés de libellule, (alors que le résumé de l'histoire, quand même, ne semblait pas forcément le tirer dans ce sens) et c'est tant mieux. Valeria Golino scrute ses personnages avec attention et tendresse, nous parle de fraternité et d'amour, dans un filmage plutôt sobre et classique mais qui s'autorise ça et là quelques embardées étonnantes dans les mouvements de caméra. Un film plaisant, très en avant-première (sortie prévue 20 février) en plus, et qui a fait du bien au midinet que je suis.

(du coup je ne suis pas retourné voir Nous nous sommes tant aimés!)

* oui oui, Hervé, j'ai corrigé!

2 décembre 2018

tombé du ciel

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HEUREUX COMME LAZZARO
d'Alice Rohrwacher

Mon dieu qu'il est beau!
Je veux parler du jeune Adriano Tardiolo qui incarne le rôle-titre du film (et dont me semble-t-il c'est le premier rôle au cinéma aussi tout court). Qu'il est beau, ce Lazzaro, que le synopsis ne présente que comme "extrêmement bon" (mais chez nous on dit "trop bon trop con" et ce gros bon sens populaire s'applique ici à la perfection) et à qui on le fait payer.
Le film a été inspiré à la réalisatrice par une histoire réelle, celle d'une marquise qui maintenait quasiment en esclavage tout un groupe de paysans, complètement coupés du monde, taillables et corvéables à merci comme dit une autre expression connue, en ayant oublié de leur préciser que le servage avait été aboli depuis belle lurette. Dans le film c'est pareil, une marquise (on retrouve Ottavia Piccolo, émotion, un peu perdue de vue ici depuis Mado...) fait bosser les paysans, et les paysans font bosser Lazzaro, qui n'arrête jamais. L'esclave des esclaves.
Tout ça dans une ambiance cinématographique qui nous ramènerait, par exemple,  vers les rugueuses ambiances paysannes des films des frères Taviani (encore un soupir d'émotion), avec une tonalité moins grave -mais puisqu'il est question de famille (cinématographique) on pourrait aussi bien évoquer le tonton Federico (Fellini), ou le tonton Dino (Risi.) -.
Le film est un conte, une parabole, une allégorie, et nous entraîne sur les pas de ce beau jeune homme aux grands yeux, qui va se révéler -progressivement- un personnage hors du commun, avec son beau visage, ses beaux yeux, sa belle voix (oh cette façon de prononcer cafè...),  et même ses belles fesses aussi (oui oui j'ai regardé, le thème me fascine, des fesses des messieurs) jusqu'à sa façon de marcher! (ça m'était arrivé une seule fois avant, de vouloir à la fin d'un film marcher comme le personnage principal, c'était pour Ghost Dog de Jim Jarmusch).
Lazzaro s'exécute, il fait, il fait, chacun(e) a toujours un ordre à lui donner, une tâche à lui confier, un autre truc à lui faire faire, et, comme si ça ne suffisait pas, il va -en plus- être réquisitionné par Tancredi, le blondinet fils de la Marquesa (le marquesino, donc), qui décide de simuler son propre enterrement, en espérant soutirer des millions à sa mère... et qui entretient avec Lazzarochounet des rapports qu'on pourrait qualifier d'ambigus (et la tentation du SSTG* n'est jamais très loin chez moi je l'avoue).

et crac!

Là le film va connaître une rupture, une césure, un trou noir qui va nous mettre, nous spectateurs, dans la même situation d'incompréhension mêlée d'émerveillement que celle de Lazzaro, pour nous faire comprendre petit à petit ce qui s'est passé. Une première rencontre avec une paire de brigands qui m'a fait penser à ceux de Pinocchio (le plaisir de retrouver Sergi Lopez dans un rôle énorme et tonitruant d'affreux sale et méchant -même si en fait pas si méchant que ça...-) va mettre en route cette deuxième partie du film (que j'ai trouvée encore bien plus emballante que la première, où l'on avait tout de même des fois envie de lui donner des gifles, à ce gentil Lazzaro, tellement il était, justement, gentil...) qui prend les mêmes mais nous les transbahute ailleurs. A un autre moment. Mais toujours dans la même panade.
Et j'aime énormément ce qui joue dans cette seconde partie, où la place (le rôle) de Lazzaro n'est plus tout à fait la même, où on a le plaisir de retrouver la belle Alba Rohrwacher (qui joue dans tous les films de sa soeur). Où l'innocence de Lazzaro sera d'abord mise à contribution, avant que ce ne soit son savoir sur les choses, et même, enfin, son pouvoir, dans une dernière partie qui commence au son de l'orgue dans une église...
Je n'ai pas fermé l'oeil une seconde, je n'ai pas vu le temps passer (le film affiche pourtant deux heures) et j'ai vraiment été ravi d'avoir été ravi par ce jeune homme au regard si doux et à la candeur si exquise. La fin de l'histoire m'a un tout petit peu surpris, je ne m'y attendais pas, et pourtant elle avait été évoquée plusieurs fois, dès le début de l'histoire et j'aurais dû m'y attendre, c'était bien là en quelque sorte le prix à payer...
Lazzaro! Lazzaro! Lazzaro! (une multitude de  voix qui appellent et chuchotent au milieu des champs de tabac...)

*Sous-sous-texte gay

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