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lieux communs (et autres fadaises)
16 mai 2017

tasse de thé

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GET OUT
de Jordan Peele

Un petit film sorti d'à peu près nulle part, et exploité en France parce qu'il a rapporté beaucoup de pépètes aux USA. Affiche noir et blanc, simple, efficace (gros plan sur les yeux d'un mec), titre simple (dont on ne sait pas toujours exactement comment le traduire) tout à fait à l'image du film, puisqu'il est question de Noirs et de Blancs (faut-il une majuscule ou pas ?) Le film est en couleur (normal, pour une histoire de noirs et de blanc) et plutôt malin.
Sans surprise dans les surprises, que, justement, il distille à intervalles réguliers, ni dans la construction, (on croit deviner grosso modo ce pourquoi on est venu) mais incontestablement efficace. Après une scène d'ouverture "classique" (mais nocturne et inquiétante), un genre de mise en appétit, on fait la connaissance du héros (le black du regard de l'affiche) et de sa copine (blanche) qui partent en week-end dans la famille de la dulcinée. Comme c'est la première fois, il s'inquiète de savoir si elle a prévenu ses parents qu'il était black, et elle lui assure qu'ils ne sont absolument pas racistes. Ils ont l'air, effectivement, très sympathqiues et ouverts et accueillants et décontractés et souriants. Trop, peut-être, se dit le spectateur habitué à la structure des films "inquiétants".  D'autant plus qu'il hébergent chez eux deux personnages énigmatiques, qui font office de personnel de maison multicasquettes, qui ont la particularité d'être tous les deux noirs et un peu étranges... Le héros se relève la nuit pour fumer discrétos dans le jardin, il va expérimenter diverses choses, toutes aussi étranges.
Car, bien entendu, le week-end ne va pas se passer DU TOUT comme prévu, et je ne peux hélas en révéler davantage, mais il faut reconnaître que c'est bien goupillé, la montée progressive de l'angoisse, les détails mystérieux, les choses qu'on ne comprend pas sur le coup mais qui trouveront une explication ensuite... Vous vous doutez bien que personne ou presque n'est vraiment ce qu'il a l'air l d'être au début du film et que le héros va passer de Charybde en Scylla, et aura besoin de ruser grave (mais bon, normal, c'est le héros, il est fait pour ça , hein) pour réussir à s'en sortir.
Une bonne surprise, donc. (le film passait dans le bôô cinéma, mais uniquement en vf, j'ai préféré ne pas tenter l'expérience, et j'ai préféré attendre que quelqu'un de gentil le mette à dispo sur le ouaibe et en vo, pour le regarder sur mon ordi, samedi bien soir, et j'avoue qu'à la fin j'avais tout de même un peu les pétoches, dans le noir, je suis d'ailleurs descendu voir la fin de l'eurovision pour me changer un peu les idées...).
Un film beaucoup moins anodin qu'on aurait pu le croire à première vue (on pourrait même le qualifier de "politique", si si, à la façon dont le sont les films de John Carpenter, de Georges Romero, ou de Wes Craven) et qui a le mérite de finir "proprement" (il est plus question ici d'éthique que d'hémoglobine, sur ce dernier point, il faut reconnaître qu'il est très salissant), en nous épargnant, en plus, l'habituel et insupportable rebondissement hyperfinal qui vous fait sursauter dans votre fauteuil alors que vous croyiez que tout était fini. Non, là, quand c'est fini, c'est fini. (quoique, en y réfléchissant bien, un petit Get Out 2, non ???)

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affiche américaine

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affiche française

14 mai 2017

"dévergondées"

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JE DANSERAI SI JE VEUX
de Maysaloun Hamoud

Le film est dédié à la mémoire de Ronit Elkabetz, et il est produit par son frère, Shlomi Elkabetz. déjà rien que le titre me plaisait, et  j'avais très envie de le voir. Et j'avais bien raison (même si, comme me l'a dit malou, Téléramuche ne délivre parcimonieusement qu'un seul petit T). Beau portrait de femmes, à Tel Aviv, aujourd'hui. Dès la scène d'ouverture, le ton est donné : une future mariée se fait épiler les jambes à la cire par une vieille femme, qui lui donne des conseils pour son futur état matrimonial : être belle, servir l'homme,... et fermer sa gueule. L'éternel "Sois belle et tais-toi" à la sauce palestinienne.
Tel Aviv a déjà été le décor de films que j'aime (notamment The bubble, d'Eytan Fox, si je ne m'abuse), ici, il sera plutôt nocturne (puisque c'est surtout-là que ces femmes peuvent tenter de vraiment vivre leur vie.) Noctambulerama. Pour danser,  chanter,  boire,  fumer (et pas que des cigarettes). Le film fait, justement, la part belle à la musique (électro) , - et Emma m'a rappelé que la bande-annonce m'avait, déjà, accroché l'oreille...-, et l'habillage (du film) est au diapason, avec un générique plaisamment graphique, duel, décliné en surlignage vert et rouge, soulignant ce que j'aime aussi beaucoup dans le film, le fait qu'il est israélo-palestinien (ou plutôt palestino-israélien, puisque, si la main qui tient la caméra est arabe, celle qui a donné les sous est juive...) et rien que ça, pour moi, constitue déjà une excellente raison d'y aller.
Trois femmes dans cet appartement (la dernière arrive en remplacement de celle qu'on a vue se faire épiler dans la scène d'ouverture et qui est donc partie se marier). Layna est avocate (et fêtarde), Salma est barman et d-j (et fêtarde aussi) et toutes les deux, cheveux au vent (qu'elles ont sublimes, -les cheveux-) voient débarquer Nour, dûment foulardée, sans aucun (cheveu) qui dépasse, avec sa valise à roulettes, et son manteau réglementairement boutonné du bas jusques en haut. Elle est étudiante, a un "fiancé" (réglementaire lui aussi) qu'elle doit prochainement (et tout aussi réglementairement) épouser.
Evidemment, les trois héroïnes vont évoluer, au contact l'une de l'autre. Trois femmes, trois cas de figures, trois relations différentes avec l'horrible et omniprésent (et sacro-saint, et écrasant) pouvoir machiste qui se manifeste notamment sous la forme d'un fiancé sourcilleux et pressant, d'un père pas très compréhensif, d'un amant qui se veut large d'esprit mais ne l'est peut-être pas tant que ça.
Jour et nuit. le film alterne donc les scènes de teuf (la nuit) et les aléas du quotidien (au jour le jour). Chacune des trois se débrouille comme elle peut avec son problème perso (l'indépendance / la soumission / la différence) mais c'est bien souvent à plusieurs qu'elles réussissent à faire un peu avancer les choses, chacune à sa manière et mettant au service des copines les moyens dont elle dispose.
Ce que le dispositif pourrait-avoir de théorique (recenser différents cas de figure) et de linéaire (l'histoire de Nour, par exemple) est contrebalancé par le joyeux bordel des scènes nocturnes, les néons urbains et les stroboscopes, son lyrisme électro-échevelé, sa sensualité, qui sent la sueur, la fumette, les shots de téquila, les "desserts" que chacun apporte à tour de rôle. La liberté, quoi. ("Les ordres du jour et les désordres de la nuit", ça ne serait pas du Ferré, par hasard ?*)
C'est surtout ça qu'on retient du film, la zique qui tape, les couleurs qui claquent, cette belle énergie déployée par ces femmes, dont on souhaiterait qu'elles poussent du coude et donnent l'exemple à toutes les copines, soeurs, mères, tantes, grand-mères, dont les yeux sont encore bien souvent occultés par le foulard qui les cache (et que certaines continuent de demander  -revendiquer- avec obstination) pour que, enfin, les choses changent un peu.
Car il faut bien reconnaître que les mâles du film ne sont pas forcément à leur honneur (mais bon, hein, ils l'ont bien voulu, et méritent ce qui leur arrive) en tant que piliers des traditions, des obligations, du phallocentrisme, de la domination des couilles, de l'asservissement des femmes... (quand même, si, un très joli -et folklorique- personnage de gay follissime mais attendrissant).
Je suis d'autant plus étonné que la critique du Monde, pourtant écrite par une femme, traite le film quasiment avec des pincettes ("C’est finalement à un exercice de ventriloquie auquel on assiste, où la réalisatrice ne donne à ses héroïnes aucune autre option, sinon l’obligation pour elles d’être des étendards et de n’exister qu’à travers une unique problématique." écrit-elle, ce que je ne suis pas d'ailleurs certain de bien comprendre...)

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* Ben non, j'ai googlé et je n'ai rien trouvé...

9 mai 2017

le congélateur, etc. (additif : "sans oublier le bazooka")

(pourquoi va-t-on revoir les films ? suite)

(- parce qu'on en a fait beaucoup de publicité à tous ses amis et aux autres, et qu'on voudrait être bien sûr que ça le mérite...)

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TOMBÉ DU CIEL
de Wissam Charaf

Manue m'avait smsé qu'elle l'avait vue la veille au soir et qu'elle était toute seule dans la salle. Vendredi à 16h, avec Marie, nous étions quatre (encore trois femmes et moi, hihihi). Autant Aurore est un film de femmes, autant celui-ci se revendique comme un film d'hommes (c'est sans doute une des choses qui m'ont fait tant l'aimer quand je l'ai vu à Belfort/Entrevues en décembre dernier ; je me souviens que j'avais jubilé de façon quasi continue pendant tout le film (comme vous pouvez le revoir ici)). Là, il s'avéra que je ne jouissais plus de l'effet de surprise (qui est sans doute pour beaucoup dans le plaisir qu'on prend au film) et que je l'ai donc revu plus...  posément (avec moins d'exaltation que la première fois). Preuve que j'étais redevenu calme, j'ai même pris conscience de certains -oh, minimes- défauts, (je devrais plutôt dire "fragilités") dans la structure, dans l'enchaînement des séquences. Et le sentiment, finalement (comme dans Aurore!) qu'il ne manque pas grand-chose pour que de très bon ça devienne excellent.
Non pas que je  regrette de l'avoir fait figurer dans mes films de l'année (je persiste), mais je ne (me) mentirai pas non plus en reconnaissant que le fait que le héros ait une si jolie barbe poivre et sel n'y est pas non plus tout à fait étranger. (midinet un jour...).Là je suis resté un poil (!) (le film est pourtant pileux) sur ma faim, peut-être justement parce que j'en aurais voulu plus (de temps).
Wissam Charaf a écrit le scénario, mis en scène, réalisé, composé la musique (une des choses qui m'avaient, aussi, beaucoup plu la première fois) de son premier long-métrage de fiction (il a auparavant réalisé quelques courts puis un documentaire, All in Lebanon), et j'aime sa façon de dire (et de montrer) les  choses. En lui conseillant juste, peut-être, d'étoffer son propos.
Ce qui m'a beaucoup intéressé (fait réfléchir), ce fut la discussion qui suivit, avec Marie, devant le cinéma. Et de voir que sa manière de digérer (d'accepter) les éléments surnaturels du film n'était pas du tout la même que la mienne. Moi je suis bon public, j'ai joué le jeu,et accepté implicitement l'aspect surnaturel (et non expliqué) de certains faits. C'est comme ça, parce que le réalisateur l'a souhaité. Sa façon à lui de chantonner, comme Bourvil "C'était tout juste après la guerre..."
Les hommes, la guerre, la mémoire, le désir... Et le bazooka.
(la bande-annonce )

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(les deux frérots)

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la nouvelle affiche (dont je ne suis pas certain qu'elle serve vraiment la cause du film...)

6 mai 2017

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AURORE
de Blandine Lenoir

Agnès Jaoui est une dame qui, pour moi, jouit d'un capital sympathie énorme, que ce soit en tant qu'actrice, réalisatrice, scénariste ou dialoguiste (en voilà des casquettes!). Je lui dois maints bonheurs cinématographiques, petits ou grands c'est selon. Et elle confirme ici tout ce bien qu'on pense d'elle (et qu'on va continuer à penser) dans un beau rôle de femme mûre, superbement épanouie, dans le prolongement de celui qu'elle tenait dans le délicieux Comme un avion de Bruno Podalydès.
De Blandine Lenoir, j'ai vu le précédent film, Zouzou, (noël 2014) que je n'ai visiblement pas beaucoup apprécié  puisque je n'en ai mentionné que l'affiche et le score : ** (normalement ça peut monter jusqu'à *****). Mais bon, la bande-annonce était vraiment drôle et plaisante, Emma avait vu le film à Besac et avait adoré, et ça passait cette semaine dans le bôô cinéma. Trois bonnes raisons, non ?
Séance de retraité(e)s, donc, à 16 h (3 femmes et moi). Et il faut reconnaître que le film tient sympathiquement les promesses de sa bande-annonce. Une femme, la cinquantaine, donc, "épanouie", avec ses deux filles, plus une grande copine, plus un ex-mari, à un moment particulier de sa vie (mais tous les moments de nos vies ne sont-ils pas, par définition, des "moments particuliers" ???). Elle retrouve par hasard son premier amour de jeunesse (Thibaut de Montalembert, très bien, vu en ce moment dans Dix pour cent) et replonge dans son passé, elle a affaire à un nouveau patron dans le bar où elle était serveuse et qui l'affuble d'un nouveau prénom, et affronte son présent, l'aïné est enceinte, la cadette veut arrêter ses études, elle fait face à l'avenir... Family life, quoi, sur tous les tons, de tous les temps.
Marie à la sortie évoquait à la fois Lulu femme nue et Camille redouble, et elle avait doublement raison (d'ailleurs, Solveig Anspach a droit à  un remerciement spécial dans le générique de fin). Film" de femme(s)", de copines, de sororité, dont, forcément pour lequel il me manque quelques clés pour l'apprécier pleinement (tout ce qui tient à la relation mère/fille par exemple). Le film est vraiment plaisant, Agnès Jaoui en est de pratiquement tous les instants, elle y rayonne jubilatoirement. Et  c'est vraiment un grand bonheur de la suivre.
On avait deviné assez tôt comment ça allait finir, mais on est quand même content que ça finisse comme ça, on se laisse aller avec plaisir, en plus, Bertrand Belin a composé une musique qui va  bien avec le film. De quoi être ravi, passer un très bon moment.
Il manque toutefois (faisons notre esthète cinématographique boudeur et poseur) un petit je-ne-sais-pas-quoi (qui est légèrement différent d'un je-ne-sais-quoi, sans que je puisse vraiment préciser en quoi) pour qu'on soit encore plus heureux en sortant (pendant le film, je me suis mis à faire des comparaisons avec L'autre côté de l'espoir, en me demandant pourquoi, dans un cas, j'avais ressenti  une émotion esthétique aussi violente pendant tout le film, tandis que, dans l'autre, je ressentais juste le plaisir de voir un film plaisant. Ce qui est déjà bien, quand même, reconnaissons-le). Peut-être juste un peu trop sage, un peu trop contenu, attendu... mais c'est vrai qu'il faut lui reconnaître la singularité d'un (beau) portrait de femme quinqua, ce qui n'est pas si courant par les temps qui courent, dans le cinéma (qu'il soit français ou étranger). A défendre, donc, et à encourager.
Un film ensoleillé, chaleureux, oui, comme quoi, hein,  une  bouffée de chaleur ça peut ètre agréable...

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4 mai 2017

le congélateur, le tas de charbon, et le doigt coupé...

(pourquoi va-t-on revoir un film ?)

(-parce que l'occasion fait le larron...)
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ORPHELINE
d'Arnaud des Pallières

Revu dans le bôô cinéma en compagnie de Coralie et Pépin. Ce qui changeait c'est que l'écran cette fois-ci était vraiment gigantesque (on était pourtant un peu au fond) et qu'il s'agissait presque de fournir un effort pour faire un balayage oculaire complet gauche/droite (et presque donc d'avoir à tourner la tête, si si!) heureusement, il n'y avait pas de sous-titres.
Le film m'a fait (un peu) moins d'effet qu'à la première vision (j'étais surtout impressionné par cette histoire de taille d'écran), mais les actrices sont toujours aussi bien, chacune dans son registre et dans sa partie. Et j'aime toujours autant cette forme de déconstruction "en arrière toute!" et la quantité d'interrogations et de doutes qu'elle génère (qu'elle suggère).

 

(-parce qu'on l'a tellement aimé la première fois qu'on a envie de vérifier si on l'aime toujours autant la seconde...)
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L'AUTRE CÔTE DE L'ESPOIR
d'Aki Kaurismaki
"Rouges sont les baies du sorbier comme si elles étaient en sang...". Toujours autant une merveille, toujours pour moi le même effet de sidération (qui se traduit par ce truc au niveau du plexus et cet autre machin qui coule des yeux) : tout est simple, tout est juste, tout est magnifique, tout est émouvant. Et tout est soigneusement composé, entre impossible et impassible, avec ce tempo si particulier, cette inexpressivité soigneusement surjouée, cette humanité glacialement bienveillante, cette économie de mots qui contient l'intensité et la profondeur des sentiments. Si, comme il l'a annoncé, c'est effectivement le dernier film de Kaurismaki, c'est parfait de quitter la scène sur cette note-là. Comme ce film, oui c'est... parfait.

 

-pour rendre service (parce qu'on est serviable)
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GRAVE
de Julia Ducournau
Où il était question d'accompagner au cinéma une demoiselle qui avait peur d'aller le voir seule (ce fut exprimé en LSF). Je l'avais déjà vu, ce savais à quoi m'attendre. Encore une fois, passer de l'écran moyen de Besançon à celui gigantasquissime du bôô cinéma s'accompagna de l'effet de transmutation (ce n'est plus tout à fait le même film), déjà ressenti pour le précédent Orpheline. J'avais deux spectacles pour le prix d'un : les aventures de Justine, sur l'écran, et celles de Marie, à côté de moi, qui se cachait régulièrement les yeux derrière (voire même sous) son manteau. Le film est toujours aussi efficace, la jeune Garance Marillier toujours aussi impressionnante et le jeune Rabah Nahit Oufella toujours aussi bandant. (et j'ai toujours un peu vaguement la nausée en sortant de la salle.) Tentavice (réussie) de mutation, d'hybridation des genres. Où le film, dit "de genre", justement ne serait peut-être qu'un oripeau, un déguisement, un argument publicitaire.

 

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26 avril 2017

le choeur et le taureau

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L'OPÉRA
de Jean-Stéphane Bron

Emma avait été tellement enchantée par ce film qu'elle est revenue le voir avec moi. J'aime bien ce genre d'expérience immersive dans un milieu donné, comme ont déjà pu en produire Nicolas Philibert chez nous (Un animal des animaux, La Ville-Louvre, La Maison de la radio, La moindre des choses, Le pays des sourds) et Fred Wiseman aux USA (il y en a beaucoup trop pour que je les nomme, je vous recommande le volume 3 de ses oeuvres). Etre comme une petite souris (les américains disent fly on the wall) et assister à ce qui se passe un peu partout, à tous les niveaux, depuis le tout-en haut (les bureaux de la direction) jusqu'au tout-en-bas (les coulisses et les arrière-salles). Ce qui se dit, ce qui se fait, ce qui se met en place, ce qui coince, ce qui change,  C'est très plaisant, très agréable, on se sent presque un privilégié de pouvoir assister à tout ça (oui, le prix des places à l'Opéra est prohibitif, et vu le taux de remplissage, les happy few semblent beaucoup plus nombreux qu'on pourrait le penser). En cette période pré-électorale, ça retourne bien le couteau dans la plaie (et ça pourrait le replacer entre les dents) : les riches à l'Opéra, et les pauvres au bistrot!. mais revenons à l'art lyrique et au chorégraphique, puisqu'on passera, avec le même bonheur, des entrechats aux contre-ut (c'est invariable), et on aura donc la chance et le plaisir d'assister à la gestation -et à la naissance- de plusieurs créations (Moïse et Aaron, La Bayadère, Les Maîtres-Chanteurs), chacune apportant son personnel et ses problèmes spécifiques, entre lesquels le réalisateur et sa céra vont et viennent, batifolent, virevoltent : un choeur de longue haleine, un taureau, un élève-chanteur russe, une ballerine, un responsable qui ne sait plus s'il veut l'être encore, une jeune demoiselle qui se contient avec son violoncelle, et qne sait faire que teuh!, un moment d'émotion à propos des victimes du Bataclan...
C'est très très agréable, parce que très bien construit (on est d'abord un observateur extérieur, et plus ça va plus on s'approche des choses -et des personnages-) et les presque deux heures passent sans qu'on s'ennuie une seconde.

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25 avril 2017

proactive

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CORPORATE
de Nicolas Silhol

D'abord, j'étais content de revoir Céline Sallette. Et d'autant plus que pour une fois, elle ne taille pas la zone en buvant des bières et en étant très malheureuse. Bon là, elle est habillée classe, elle a un beau bureau, des chemises blanches impeccables qu'elle change souvent (plusieurs fois par jour), des chaussures de dame, et c'est une killeuse. (elle le dira elle-même, un peu plus tard dans le film). Elle est chargée des RH dans une entreprise où Lambert Wilson est son supérieur. Oui, c'est une killeuse, et elle a été embauchée pour killer.
Et, justement, un des employés dont elle avait la charge va se défenestrer sous ses yeux (et ceux de tous), dans la cour de l'entreprise. Elle l'avait croisé dans la rue quelques instants plus tôt, et avait été plutôt sèche envers lui (un employé "placardisé" dont on avait fait en sorte qu'il finisse par proposer lui-même sa démission, mais qui avait la mauvaise idée de résister et de ne pas le faire...). Ca fait tâche (dans tous les sens du terme). Débarque alors une inspectrice du travail qui se met... au travail pour déterminer les circonstances, les causes, du décès en question. Et la faute à qui donc est-ce. La frontalité initiale du choc entre les deux forces en présence (l'inspectrice / la RH) va se moduler, comme évolue le comportement de la DRH lorsqu'elle prend conscience qu'on veut lui faire endosser toute la responsabilité, alors que, selon elle, elle n'a fait qu'obéir aux ordres.
Céline Sallette incarne vaillamment le personnage de la RH glaciale qui s'humanise progressivement (d'abord pour sauver sa peau, peut-on penser) pour finir par se transformer en Zorette (féminin de Zorro) justicière, comme lui dit son patron "soudain douée d'une conscience"...
Le film démarré en chronique sociétale ("les personnages sont fictifs mais les modes de management sont réelles" est-il dit en ouverture)  continue en thriller efficace jusqu'à son épilogue attendu (qui n'avait guère que deux options possibles : soit ça finissait tout blanc, soit ça finissait tout noir)  mais irréaliste (schématique) un chouïa, non ? (je suis perso assez youp la boum, mais bon, là, e dénouement évoque quand même trop Fantômette et la multinationale). La question humaine, de Nicolas Klotz, avec le même point de départ ou presque, était autrement fort et dérangeant...
Mais le film se voit sans problème, suscite une saine -et justifiée- indignation mais bon les choses dans ce domaine ne semblent pas prêtes de changer (et ce n'est pas le résultat du premier tour de la présidentielle qui va me contredire, hein ?)

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19 avril 2017

nourrir les bêtes

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CERTAINES FEMMES
de Kelly Reichardt

Sacrée belle journée de cinéma : après La Belle et la Bête, à 18h, on enchaîna, à 20h30, sur ce film par moi très attendu. Kelly Reichardt est une réalisatrice américaine dont nous avons programmé tous les films dans le bôô cinéma, depuis l'inaugural (mais j'ai appris par allocinoche qu'il y en a eu deux autres, avant, qui ne sont pas arrivés jusqu'ici)- et par moi très aimé- Old Joy (oh la jolie scène du bain...). Que ce soit en évoquant une vagabonde et sa chienne, des activistes écolos, un convoi de pionniers, elle réussit toujours à susciter l'émotion, par son acuité attentive, sa façon très personnelle de s'intéresser de très près au presque rien. Moins il y en a, et plus, justement, ça fait de l'effet. Poétique de l'infime.
(je suis tombé sur un ancien numéro des Inrocks où la dame se faisait interviewer par Bertrand Bonnello, qui se déclare amoureux de son cinéma, et où elle expliquait que, justement, elle demandait à ses actrices/teurs d'en faire toujours moins, d'en ôter, de réduire...)
Et ce film-là va tout à fait dans cette direction.
Trois histoires, mettant en scènes quatre femmes, trois récits simplement juxtaposés, mis bout à bout, montés cut, sans qu'on n'éprouve aucune difficulté à passer de l'une à l'autre. Sans transition. Dans le premier segment, une avocate (Laura Dern) est confrontée à un client malheureux, dans le second une mère de famille (Michelle Williams) convoite le tas de pierres d'un vieil homme, dans le troisième une demoiselle qui s'occupe seule de son ranch (Lily Gladstone) découvre les cours (du soir) de législation donnés par une jeune stagiaire (Kristen Stewart) et devient une de ses élèves les plus assidues.  (Lily Gladstone, c'est "la" révélation du film, et  elle avait pourtant fort à faire, vu ce que proposent ses trois copines en haut de l'affiche, mais c'est elle la plus touchante, simplement).
Quatre portraits de femmes, pour trois histoires, chacune avec son épilogue. Chacune me touchant de façon différente (je les aime toutes les trois) mais j'avoue que la dernière m'a scotché. Pourtant, je ne suis pas une fille, je ne m'occupe pas de mes chevaux, je ne vais pas aux cours du soir de législation, mais je me suis complètement identifié à ce personnage. A sa façon d'être, de procéder. D'être amoureuse, de désirer, mais sans que jamais rien ne soit dit. D'attendre. De cette façon de vivre pleinement, ardemment, des instants passés ensemble, des moments simples, jusqu'à ce que, à chaque fois on reste seul(e) dans la nuit en regardant les feux arrière de la bagnole disparaître. Oui je peux dire que je me suis reconnu.
Et j'ai adoré cette porosité des sentiments qu'induit le montage. A la fin de la troisième histoire s'enchaîne l'épilogue de la première. Auparavant la musique est venue, face au paysage, un moment suspendu, auquel succède sans transition le plan de la table avec les deux sacs de fast-food, et c'est juste le temps qu'il a fallu aux larmes pour monter de la scène précédente, mais l'émotion est parfaitement raccord. Et tout aussi intense.
Quatre femmes, une petite ville du Montana, l'hiver, la vie qui va, le temps qui passe. Et j'étais prêt, à la fin, à recommencer, et à reprendre le film depuis le début.
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17 avril 2017

gant qui fume

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LA BELLE ET LA BÊTE
de Jean Cocteau

Séance exceptionnelle à 18h, l'unique occasion de revoir sur grand écran et en copie neuve restaurée ce classique, soixante-dix ans après sa sortie. J'avais eu l'occasion, il y a quelques semaines, d'en faire une présentation, dans le cadre du dispositif Ecole et Cinéma, devant un groupe d'enseignants bienveillants. Seuls dix d'entre eux sont venus assister à cette séance pourtant gratuite et à eux destinée. Tant pis pour les autres, hein. C'était la première fois je crois que j'avais l'occasion de le voir en vrai, sur un grand écran, et ce fut l'occasion d'un genre de révision (ce que j'avais dit, ce que j'avais oublié de dire, ce que j'aurais dû dire) d'un film que je connaissais, pour l'avoir visionné maintes fois sur mon ordi, quasiment par coeur.
La restauration en est absolument magnifique, et rend grâce, enfin, à l'intensité du contraste (densité sublime des noirs) souhaitée par Cocteau et réalisée par le grand Henri Alekan.
Le fait de voir le film en intégralité, d'une traite, permet de percevoir des choses que la vision fractionnée occultait : combien, par exemple, la première partie (le "monde réel"), est drôle et joueuse (et le fait que le personnage joué par Michel Auclair y est pour beaucoup) et combien le fantastique (pourtant réalisé avec des bouts de ficelle) fonctionne toujours avec autant d'efficacité (je ne me lasse pas des séquences de l'arrivée de La Belle au château, cette sublime course au ralenti, et ce mouvement inexpliqué qu'elle a de se plaquer soudain contre le mur, toujours au ralenti, avant que d'entrer dans la chambre, (pour moi c'est  la quintessence même du cinéma, ces quelques secondes sublimissimes). Et j'adore tout autant les poses de Josette Day (mais a-t-elle, finalement, joué dans autre chose ?), ce mélange d'envie et de répulsion, de provocation et de soumission, traduit corporellement par des tensions, des ports de tête, des regards détournés. (j'avais écrit sur mon carnet "obliquité des pâmoisons"). Toute cette partie (dans le noir du château) reste toujours pour moi une perfection, un enchantement, une férie. Bon, certes, on peut ricanasser à la scène finale (l'érection -dzoïng!- du Prince Charmant, l'envol dans les nuées), mais ça reste un sacré beau moment de cinéma, y a pas à tortiller (ni à relever sa mèche en disant Quoi ?, comme le fait si bien Avenant / Jean Marais dans le film quand il est en colère...).

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16 avril 2017

la dernière tentation du père rodrigues

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SILENCE
de Martin Scorsese

2h40 et quelques... des prêtres portugais au Japon en 1633... Scorsese... dimanche soir... mouais... Finalement j'y suis allé.
Le générique de fin est très reposant : uniquement des bruits de nature, oiseaux, ruisselet, insectes, etc. On l'a bien mérité. Avant c'est une autre paire de manches (de kimono ou de soutane ? hihihi). Et je dois me rendre à l'évidence (aïe! pas taper pas taper) je n'aime pas trop les films de Scorsese : ni les trucs de mafia, ni les trucs de bondieuseries, ni les trucs avec Robert de Niro, ni les trucs hollywoodiens... Allez, je garderais Shutter Island (parce que j'adore le bouquin), et After Hours (c'était juste avant de partir pour New-York),  en précisant qu'il y en a une flopée que je n'ai pas vus, parce que ça ne me tentait pas du tout (Casino, Kundun, Aviator, Hugo Cabret), et je déteste tout particulièrement Taxi Driver et Les nerfs à vif, allez donc savoir pourquoi.
D'abord j'ai été étonné par le monde qu'il y avait à cette séance... Plus de 20 personnes dans la salle 1 du bôô cinéma! Milagro! Même si le film dure des plombes, le projectionniste (taquin) ne nous  a pourtant pas épargné une demi-seconde de la première partie habituelle... on a eu tout, les pubs régionales, nationales mondiales, cosmiques, etc.
Nous voilà (enfin) partis dans le noir, avec les bruits de la nature (comme on les entendra sur le générique de fin, sauf que là ça s'arrête net et que sur l'écran s'écrit SILENCE, ce qui s'appelle un pléonasme visuel -ou, tout du moins, une redondance-). On enchaîne, pour se mettre en jambes, avec une séance de torture croquignolette à l'eau bouillante (mais goutte à goutte) prodiguée par des japonais ("très fourbes et très cruels" selon les habituels clichés) à des valeureux prêtres, en les enjoignant à abjurer leur foi en mettant leur pied sur jésus, que s'ils mettent juste le pied oui oui tout s'arrangera promis juré). Mais, c'est bien connu, les cathos sont bornés (hihi pas taper pas taper). Le valeureux prêtre en chef est joué par Liam Neeson, on le reconnaît pour l'avoir vu sur l'affiche de plein de thrillers pleins de testostérone musclée, même si on n'a pas vu les films en question. Et on se dit alors que, torture ou pas torture, couillu comme il est, (le Vin Diesel de la foi, pour donner une idée) jamais il ne va y mettre le pied comme on le lui demande avec insistance non mais...

Puis nous voilà au Portugal, dans le bureau d'un prêtre en chef, auquel font face deux prêtrillons (tiens Adam Driver, que j'ai adoré dans Patinson, tiens Andrew Garfield -j'ai retrouvé son nom à la fin, au générique- que j'ai adoré dans Never let me go, qui reste -inexplicablement ? - un de mes films préférés du monde), qui brûlent tous deux de partir en mission pour le Japon afin de retrouver le fameux Padre LiamNeesono, (dont de mauvaises langues colportent qu'il aurait abjuré sa foi), pour vérifier qu'il l'est bien resté (pieux)... Ce qui gêne, déjà, dans cette conversation, c'est que, c'est bien connu, tous les portugais parlent portugais... en anglais. Bon  admettons, désormais dans le film, quand ils parlent en anglais, ça veut dire qu'ils parlent portugais.
Les voilà partis, puis arrivés en Chine, où on leur trouve un passeur, bien amoché, sale puant et alcoolo, qui veut rentrer au Japon et les y accompagnera, en se défendant bien d'être chrétien, oh la la, pas du tout, Kichijiro, il s'appelle, il faut retenir son nom parce qu'on va le (re)voir pendant tout le film... Kichijiro, donc, les conduit à bon port, et là disparaît (il va passer tout le film à apparaître et disparaître). On fait la connaissance de villageois chrétiens clandestinement, car un épouvantable inquisiteur rôde et compte bien ratiboiser tous les chrétiens clandestins : hors du bouddhisme, point de salut.

Va ensuite (et pendant très longtemps) se livrer une grande bataille théologique, oecuménique, eucharistique, à propos de la religion, de la foi, de l'abjuration (de l'apostasie) et des différents moyens employés par le Big Inquisitor (bien entendu, très fourbe et très cruel) et de jusqu'où on peut aller en attendant que dieu se manifeste, à guetter son image et à écouter son étourdissant silence (bon, à la fin, quand même, Padre Andrewgarfieldo l'entend lui répondre, oui oui, juste comme dans Don Camillo, tout comme mais on n'est pas rassuré pour autant...).
Dans les 2h40, il ya quand même une bonne heure où Martinou tourne autour du pot divin (et, je dois le dire, les histoires de foi et de mysticisme m'emmerdent un peu, dans la mesure où je ne les comprend pas), dans ce qui reste, il y a une bonne dose de complaisance dans la représentation des supplices employés par les Japonais (plus fourbe et plus cruel, tu meurs), ce qui ne m'intéresse pas davantage, et  il reste donc, quoi ? Toutes les scènes de nature, qui sont absolument magnifiques (la brume, rien de tel pour vous transcender cinématographiquement n'importe quel paysage), les plans d'ensemble, sans gens, mais aussi la toute dernière partie, que je trouve plutôt très réussie, il faut le reconnaître, mais je ne peux décemment pas vous spoiler quoi que ce soit.
(Quand même redire l'importance de Kichijiro, qui s'en va et qui revient, un coup en l'air un coup en bas, entre la foi et la pas foi, un coup je crois, un coup je crois pas, un coup je dénonce et un coup j'implore la confession... Ce qu'on pourrait presque appeler un running gag.)
Donc on est content d'entendre les oiseaux sur le générique de fin, et on se dit que Martin S. aurait pu sans dommage s'amputer (enfin, son film) d'une bonne heure, sans nuire à la compréhension de couac ce soit (c'est exprès, oui oui pour éviter la répét'), et du coup on se serait couché une heure plus tôt.

018918
(et, tiens, c'est quand même Padre LiamNeesono qui est sur l'affiche, hein)

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