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lieux communs (et autres fadaises)
12 septembre 2017

être une femme libérée tu sais c'est pas si facile...

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UN VENT DE LIBERTÉ
de Behnam Behzadi

A Téhéran, Niloufar. Une jeune femme moderne (avec hélas l'inévitable foulard qui me finit par me faire enrager à chaque fois mais bon, surtout qu'ici elles l'ont toutes, et c'est une véritable mer de foulards, qui vous submerge, vous asphyxie...) moderne donc, sans mari ni enfant, avec un job (elle est patronne d'un atelier de couture), un appart' (elle s'occupe de sa vieille mère avec qui elle cohabite), qui de plus vient juste de retrouver un amour de jeunesse, un bel entrepreneur, ça va donc plutôt bien lorsque le film démarre, mais ça ne va pas durer.
On apprend que Téhéran (la ville) est épouvantablement polluée (certains jours les écoles sont ferméesà cause de ça) et que la mamie avient de faire une attaque parce qu'elle est sortie sans précautions et sans sa bouteille d'oxygène. Les toubibs sont formels, elle ne peut plus vivre à Téjéran et doit partir respirer le bon air de la campagne. Le frère et la soeur de Niloufar ont alors une sacrée bonne idée : c'est Niloufar qui va l'accompagner et s'occuper d'elle, dans le trou du cul du monde du nord de l'Iran où la soeurette a une ville qu'elle prête "généreusement" (pour avoir la paix, ne nous voilons pas la face)...
Ca commencer à grincer de diverses dents dans la famille lorsque, à cause des dettes de son frère, Niloufar, déjà pas franchement emballée par la main qu'on lui force, va se trouver dépossédée de son boulot, d'abord, puis, quasiment de son appartement, par son connard de frère, et, comme un malheur n'arrive jamais seul, là voilà qui découvre que son soupirant (le bel entrepreneur) lui a un peu menti, et décide donc de prendre un peu de distance avec lui et de laisser sonner son téléphone...
Niloufar doit faire face simultanément à toutes les emmerdes et elle a besoin d'une sacrée force de caractère pour résister à ce faisceau de sale coups. Mais ça tombe, bien, justement elle l'a, et quand on l'a, justement comme elle, et bien, on se bat...
Un très beau portrait de femme (forte), qui s'achemine pas à pas  jusqu'à une conclusion qu'on peut qualifier de "fin ouverte" puisque aucun(e) d'entre nous ne l'a interprété de la même façon.

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8 septembre 2017

partir au plus beau je crois (et cacher sa peine)

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BARBARA
de Mathieu Amalric

Premier jour, première séance, tout, tout de suite. Je le voulais absolument (oui je fais ma diva) : une bande-annonce hameçonnante, des interviews de Jeanne Balibar qui me rendaient tout chose, un certain retentissement médiatique, bref j'étais fin prêt, comme on dit par ici. Dès le début dans un état de surchauffe émotive (le générique lettré s'inscrit sur une chanson parlée/fredonnée que je connais parfaitement (elle était sur la face B de l'album rose La louve), puis le piano de la gare de l'Est,  et au bout de quelques minutes j'avais déjà les larmes aux yeux, simplement de voir Jeanne B. marchant sur un pont parisien.)

J'aime Barbara depuis longtemps, je l'ai connue assez tôt parce que, enfant, ma soeur l'adorait (que dis-je, l'idolâtrait), et je l'aimais bien, oui, et je suis même allé la voir sur scène, une fois, à Besac, où elle avait avait fait quasi un esclandre, à cause d'un mec qui la photographiait, interrompant une chanson en plein milieu et venant en bord de scène apostropher l'intrus genre "Moi, non on ne me prend pas en photo, si on me veut on me prend pour de bon, mais pas de photo..." Je connais ses albums, et certaines chansons me touchent me bouleversent toujours autant : Vienne, Perlimpinpin, Amours incestueuses, l'Aigle noir (bien sûr), Une petite cantate, Gottingen... Elle fait depuis longtemps partie de mon univers musical affectif, sur l'étagère "chanteuses françaises", quelque part entre Françoise Hardy, Juliette Gréco, Véronique Sanson... même si je ne l'ai pas toujours écoutée régulièrement. C'est surtout une diva de mon adolescence, une voix de ma jeunesse. Un personnage mystérieux, un peu inquiétant (mais moins que Juliette Gréco, quand j'étais gamin). Barbara au cinéma ? J'étais partant (surtout avec Balibar).

En plus j'adore les films avec un film dans le film, genre Ca tourne à Manhattan, ou La Nuit Américaine, et Barbara entre donc avec tambour et trompette  dans mon petit Panthéon perso des FAUFDLF. Car Mathieu Amalric est très malin : il est à la fois le "vrai" réalisateur du film Barbara (qu'on est en train de voir, mais lui en vrai on ne l'y voit pas), et  le "faux" réalisateur du film dans le film  (celui qui est en train de se tourner sous nos yeux) qui s'appelle aussi Barbara. Réalisateur qui a engagé une actrice qui se prénomme Brigitte (en hommage à Brigitte Fontaine, a dit "le vrai" Amalric en interview), pour interpréter le rôle de la chanteuse dans son film. Et donc à charge pour Jeanne/Brigitte d'incarner/de composer le personnage de la longue dame brune (dont les spectateurs ne savent finalement pas tant de choses que ça). Et nous voilà embarqués avec lui, avec elle,  sur le plateau, où se jouent des scènes du film dans le film, souvent, mais ailleurs aussi, où se (re)jouent d'autre scènes, qui seraient dans un film mais pas dans l'autre, et ça en devient vite vertigineux.

Précisons tout de suite : Balibar est PHÉNOMÉNALE, tant elle réussit à jouer en même temps Barbara, Brigitte en train de jouer Barbara, sans oublier Jeanne Balibar en train d'interpréter Brigitte en train de jouer Barbara, le résultat est étourdissant (oui, il sera question de myse en abyme, tiens avec deux y ça fera encore beaucoup plus chic) d'autant plus qu'Amalric sème des petits cailloux blancs de réalité, ides morceaux de la "vraie" Barbara (pochettes de disques, livres, photos) mais enchâsse aussi des images animées, extraits de reportages, de concerts, d'interviews, de films), sans oublier des chansons, beaucoup de chansons, interprétées par Barbara en vrai (quelques-unes), ou Balibarbara -jolie création de journaliste- (la majorité), voire même d'autres interprètes (une des dernières, par un garçon dont je ne sais plus le nom, magnifique). Le cinéma comme dialectique entre vérité de nos souvenirs et mensonge de la reconstitution. Et c'est bien plus fort que dans La Nuit américaine, cette perte de repères entre le vrai, le faux, le vrai-faux-vrai, le faux-vrai-faux, car Amalric a intelligemment évité l'écueil des enjeux narratifs rectilignes, du coup on se balade comme un môme émerveillé perdu dans le "labyrinthe des miroirs" (vous connaissez cette attraction foraine ? j'avais adoré ça gamin), on déambule, admiratif, rêveur, on se cogne, on se trompe, on croit que, au détour d'une scène on dit "là, c'est elle, en vrai, non ?" et pfuit! on a enchaîné sur l'autre, et c'est exquis de se faire ainsi entourner, comme au début d'une partie de colin-maillard. Oui, il y aurait quelque chose qui tiendrait du plaisir enfantin de la fête foraine : le vertige, l'appréhension, les cris de joie, les larmes aussi parfois.

Mathieu Amalric a réussi un sacré objet de cinéma, un album-souvenir de garnement, à double ou triple fond, entre le respect, l'admiration, l'interrogation, la distance, un objet a priori paradoxal mais dont la puissance émotionnelle nous caresse souvent à vif, une machinerie fantasque, entre Proust, pour la madeleine et Calder, pour la mobilité, (avec un chouïa de Mélès, tiens, pour la rêverie sur le cinématographe comme générateur d'illusions) qui ne peut que nous laisser pantois, béats, chamboulés, quand les lumières se rallument (toujours un peu trop tôt dans le bôô cinéma). Un film qui nous parle d'amour, de chansons, et de cinéma. Bref, une parfaite gourmandise. Une oeuvre, en tout cas, qui résiste à toute tentative de définition, ou de classification. On n'en saura pas forcément plus sur Barbara en sortant de la salle, mais là n'était pas forcément le propos.

Reparler de Jeanne Balibar et de l'excellence de la performance qu'elle livre, mais du travail de fourmi archiviste de Mathieu Amalric, de la force de toutes ces inter-réalités générées par le film,  et de toutes ces scènes sublimes qui restent  déjà  -et dorées à l'or fin- dans ma mémoire archiviste cinéphile : Barbara et l'homme au bar, Barbara et l'accessoiriste, Barbara chez les routiers, Barbara au milieu de la cour en attendant les déménageurs... c'est vrai qu'en sortant on a la tête tellement pleine de musique et de chansons qu'on a envie de tout récouter (et j'espère que la BO du film va sortir un jour...).

Mais mais ça va nous faire un top 10, ça... (fa sol do fa)

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Et, tiens, Grégoire Colin joue, pour la seconde fois à quelques jours d'intervalle, le rôle d'un agent (ici celui de Charley Marouani)

6 septembre 2017

stand up

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LE PRIX DU SUCCES
de Teddy Lussi-Modeste

Tahar Rahim est Brahim, un humoriste qui fait des one-man-show et est devenu célèbre. Roschdy Zem joue Mourad, son frère, qui lui sert de manager et de garde du corps. Maiwenn incarne Linda, la copine de Brahim (et aussi son metteur en scène). A ces trois-là il faut ajouter hervé (ça fait plaisir de revoir Grégoire Colin) qui a envie de prendre la carrière de Brahim en main, mais ne souhaite pas continuer à s'encombrer de Mourad (qui est quand même, faut le reconnaître, sacrément bourrin, et brutal, et soupe-au-lait, et bling-bling, et m'as-tu-vu, et autres qualificatifs encore avec des traits d'union).
Brahim se (dé)bat donc sur deux niveaux : celui du show-bizz et des people, avec la gestion de sa carrière, et les effets de sa "nouveelle" notoriété, et celui de sa propre famille (tensions avec son frère, donc, et avec ses frangines qui ne voient pas d'un très bon oeil sa relation avec Linda). C'est un gentil, Brahim. Trop, peut-être.
Tout va se jouer entre ces quatre-là, et Teddy Lussi-Modeste (qu'on avait découvert à travers Jimmy Rivière, avec Guigui d'amour Gouix) a orchestré, avec l'aide de Rebecca Zlotowski qui co-pilote le scénario) une histoire qui se tient, avec des rebondissements quelquefois attendus certes,  mais mis en scène avec une indéniable élégance. C'est Rob (qui a déjà musiqué tous les films de Rebecca Zlotowski, mais aussi, entre autres, Rock the casbah et Je suis supporter du Central, sans oublier le très chéri Bureau des légendes, c'est dire si on l'aime) qui signe la (très belle) musique, pour laquelle on peut aussi parler d'élégance.
Un film qui, même s'il est sans réelle surprise,  sait nous accrocher constamment, par la qualité de ses interprètes, tous justes et touchants. Tahar Rahim est joli-joli, et tient superbement la partition sur scène / en coulisses, Maïwenn n'a pas à se forcer pour jouer -très bien- du Maïwenn (elle aussi est touchante par sa simplicité), Roschdy Zem se collette haut la main avec la brutalité de son personnage qu'il réussit à nuancer avec finesse, et n'oublions pas Grégoire Colin, qui affiche une belle et sereine maturité.
Alors pourquoi donc mets-je un petit bémol (pouèt) à mon bonheur cinématographique ? je ne saurais vraiment le dire ou l'expliquer...un peu trop sage, peut-être ? sans réelle prise de risque , qui capitalise sur des visages et des silhouettes rassurantes ? bah, peut-être chipote-je.
Mais, je le répète, Tahar Rahim est vraiment trop joli joli... (tu plais à ton père, tu plais à ta mère...) ça c'est vraiment incontestable.

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tiens tiens, ça me dit quelque chose...

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...un petit air de famille, non ?
(ou bien c'est moi qui fantasme ?)

6 septembre 2017

à l'arash

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AVANT LA FIN DE L'ÉTÉ
de Myriam Goormaghtigh

Comme je l'ai dit à la fin du post août 2017, c'était effectivement le tout dernier film du fois d'août, avant que de, (aurais-je écrit il y a trois ans ou plus) "plonger dans les froides ténèbres" de septembre, alors qu'à présent ça ne me fait plus trop ni chaud ni froid...
Un film primé à Belfort (Entrevues) 2016 en tant que "film en cours" (il s'agit, je viens d'aller me rensigner sur le site, d'aide à la post-production...).
Trois iraniens en goguette : Arash (le plus imposant, qui donne d'ailleurs son titre à ce port), Ashkan et Hossein, ses camarades, plus...  dans mes cordes, barbe de trois jours, poils drus, cils de gazelle, vous voyez un peu le topo... Ces deux-ci ont convaincu celui-là de partir en vacances ensemble, en balade sur les routes de France, jusqu'à la mer, le temps d'en profiter une dernière fois avant qu'Arash ne reprenne son billet retour pour l'Iran (et les choses un peu compliquée qui l'y attendent...)
Si c'est un petit film par la durée (1h20), il s'agit pour moi d'un grand bonheur cinématographique, où la ténuité de l'intrigue (et du fil conducteur) laisserait, justement, au spectateur plus de liberté pour s'immerger (affectivement, affectueusement) dans les histoires (celles qu'ils vivent et celles qu'ils racontent) de ces trois amis là. Les endroits où ils passent. Les gens qu'ils croisent. Et (surtout) les choses qu'ils se disent.
J'ai pensé à l'album jeunesse du même nom,

Trois amis : Heine, Helme

où trois amis partaient justement en vadrouille ensemble, et, la nuit venue, se retrouvaient même dans leurs rêves, car "les vrais amis rêvent ensemble..." J'ai toujours beaucoup aimé cet album. Pour ça façon d'évoquer l'amitié. Pour sa simplicité, sa tendresse. Le film est tout aussi plein de tendresse, même s'ils n'ont pas grand-chose de plus en commun...
Un faux "film de vacances", nonchalant ce qu'il faut (comme on aime) mais, en fin de compte, pas aussi insouciant qu'il voudrait nous le faire croire a priori. On le doit, bien sûr à sa réalisatrice, mais au moins tout autant à nos trois lascars, car les dialogues du film proviennent en grande partie de leurs improvisations (d'ailleurs, ils ne sont au générique désignés que par leurs prénoms, qui sont bien sûr les mêmes que ceux qu'ils portent dans le film).
J'avoue, je n'avais qu'une envie en sortant, c'est d'y retourner (c'est la catégorie de films où à la dernière image je me dis Quoi ? Déjà c'est fini ?) tellement on aurait envie de rester là, avec eux, à écouter Hossein qui chante... et puis aussi, surtout qu'il m'en manquait un peu (oui oui hélas j'avais un peu dormichouné alors que je n'en avais pourtant pas du tout envie)

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... Et j'y suis retourné, le mardi à 16h, et qu'est-ce que j'ai bien fait! Je voulais être sûr de tout voir. Et j'ai réalisé qu'à première vue, il m'avait manqué, ça et là, quelques plans importants (le récit du rêve avec le mollah, les plans paysagers iraniens) mais surtout cinq bonnes minutes, quasiment à la fin.Et je n'en ai pas perdu une miette.
Ce film me ravit. Il ne m'apporte que du bonheur cinématographique. La relation des trois amis, leur complicité leur pudeur et leur sollicitude, l'extrême musicalité du farsi (ils ne parlent pas, toujours ils chantonnent, et c'est très doux), les apparitions régulières de la lune, les endroits traversés, (mes voisins, plus grands voyageurs que moi, m'ont soufflé à l'oreille Sète, St-Ghilem-le-Désert, moi il me semblait juste avoir reconnu le Gardon...), les habitants de la "France profonde", toujours vus à la bonne hauteur, à la bonne distance (le plan sur la caravane sur fond de route et de ciel bleu m'est venu comme un clin d'oeil amical à Rayray Depardon et à ses Habitants), le soin apporté aux cadrages, l'importance des ellipses et des non-dits,  l'extrême délicatesse du propos, et la liberté accordée au spectateur de remplir lui-même, justementt, les vides et les blancs, sans oublier les détails : les cigarettes iraniennes, les trois façons de dire pet en iranien, l'eau de toilette, le choix d'un t-shirt, le rayon alcools de Carrefour, le caleçonnet, le pistolet à crème solaire, la fête foraine, les conseils de drague, et la mélancolie, oui, la mélancolie, tout ici me ravit.

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Top 10, donc

4 septembre 2017

chat qui se branle

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8 RÉCITS EXPRESS D'ALAIN CAVALIER
d'Alain Cavalier

"La Petite usine à trucage" / "La Danseuse est créole" / "Chat du soir" / "Bombe à raser" / "La Fille de Brioche" / "J'attends Joël" / "Agonie d'un melon" /  "Bec d'oiseau en Plexiglas"

On continue avec Uncut et les film(age)s d'Alain Cavalier, toujours avec le même plaisir. Une petite caméra, des images, des mots qui sont posés dessus, et voilà un récit express à la Cavalier. une suite de petites formes hétéroclites (par le sujet, par la taille) mais, dans le fond, cohérentes aux titres en général explicites mais parfois énigmatiques (la danseuse est créole). Mais toujours cette même -et délicieuse- façon de voir les choses et de les montrer...

Personnellement, j'avoue avoir un faible pour "J'attends Joel", déjà vu, me semble-t-il, à Belfort (Entrevues) dans un autre programme Cavalier:

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qui serait la "version longue" (8 films, 1h25) de ces 8 récits express (mais seulement deux films sont en commun), mais qui, hélas, ne figure pas, pour l'instant, dans la sélection Uncut... J'attends Joël c'est une quitessence Cavalieresque : notre ami Alain attend son ami Joël, qui doit passer le prendre en voiture pour aller au village voisin regarder la retransmission de la finale de la Coupe du Monde de foot qui oppose la France à l'Italie. Il ne se souvient plus si le match débute à 20h ou à 21h, il est sans voiture, sans téléphone, et donc il attend, et Joël n'en finit pas de ne pas arriver, et donc Alain se fait des films (et en fait un pour nous, par la même occasion). Onze minutes, où Joël n'arrivera jamais, et Alain finira par partir à pied jusqu'au village... Du plaisir pour lui, et du bonheur pour nous spectateurs...

Bref, grand merci Alain Cavalier et à Uncut aussi!

2 septembre 2017

la clé dans la serrure

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LES PROIES
de Sofia Coppola

Des fois, c'est bien d'aller voir un film en n'ayant aucune attente, il arrive qu'on soit agréablement surpris. Ce fut le cas pour ce film-ci. Sofia Coppola ? Oui mais... Nicole Kidman ? Bof... Remake du film de Don Siegel avec Clint Eastwood ? Je l'ai pas vu... Colin Farrell ? Faut voir...
Et ce fut tout vu. Une très bonne surprise. Pour les vieux cinéphiles, une ambiance Picnic at Hanging Rock : pensionnat de jeunes filles en fleurs, personnel enseignant féminin, toutes en robes virginales boutonnées jusqu'au dessous du menton (un décolleté ? couvrez-vous, quelle indécence...) Sauf qu'on n'est pas en Australie, mais aux États-Unis, pendant la guerre de Sécession. Et dans ce gynécée étouffant à en devenir moite, avec sa structure clanique à la façon d'une ruche (autour de la reine-mère Nicole Kidman) va faire irruption un faux-bourdon velu et... bourdonnant, à la patte abîmée, sous les traits de Colinchou Farrell (qui, me semble-t-il, était, passez-moi l'expression, bien plus bandant dans ses premiers films, plus authentique plus sauvage, fermez la parenthèse).
Heureusement, le nombre d'élèves est réduit (il n'en reste plus que cinq, pour cause de guerre), et celui des enseignantes aussi (une prof (Kirsten Dunst, toujours aussi bien) et la dirluche (Nicole K., déjà nommée). Heureusement car notre viril faux-bourdon va éveiller les ardeurs de chacune, en fonction de son âge et de ses moyens, et il eut été compliqué d'en émoustiller davantage. Tous les âges sont représentés, car il y a parmi les élèves une grande godiche, visiblement qui a du redoubler sa fin d'études, (Elle Faning, très bien aussi) et qui semble très intéressée par les travaux pratiques en biologie appliquée et anatomie comparée...
Le caporal butinera avec les trois plus âgées (brandy par ci, bisou par là, et déclarations, et promesses de rendez-vous nocturne) jusqu'à une funeste nuit où il poussera sa pollinisation un peu trop loin, et les choses ne se passeront pas comme prévu, pour aucune (et pour aucun), et ça sera le bazar dans la ruche.
Le mot gynécée est parfaitement adapté à ce film (et aux films précédents de Sofia C) : femmes femmes femmes (ça y est je vais avoir la chanson de Serge Lama dans la tête toute la matinée, et j'espère que vous aussi), vase clos, et l'autorité (la patronne) qui chapeaute tout ça (la mère, la directrice, ou la reine). Et le poids des conventions et des convenances qui commence sérieux à craquouiller aux coutures (serrés et réguliers les points, ce sera dit plusieurs fois dans le film), sous la pression de l'effervescence des sens. Et Colinchou serait un peu le jardinier de tous ces Lady Chatterley-là... A le voir manier la pelle le rateau la binette la bistouquette la serfouette (trouve l'outil qui ne va pas avec les autres), toutes les pucelles, damoiselles, donzelles, jouvencelles (même jeu que précédemment) s'émeuvent et c'est rien de le dire... Concours d'élégance, voire d'audace vestimentaire (un décolleté ? couvrez-vous cf plus haut), rivalité, chuchotis, oeillades, minauderies et quasi-pâmoisons, rien ne manque dans la première partie du film (jusqu'à la funeste nuit) et c'est comme si les Virgin suicides donnaient la main à Marie-Antoinette (et même à la Scarlett Johansson de Lost in translation) pour effectuer leur petit pas de danse corseté mais enjôleur.

Après, tout change, et les choses se corsent. Tout devient soudain plus violent, plus brutal (mais, élégance oblige, le plus dur est toujours off). Sofia Coppola met le turbo, -enfin, son turbo à elle- illustre l'adage "la violence appelle la violence" et c'est vrai que ça commence à faire (de plus en plus) mal. Mais le film toujours se tient, impeccablement. Avec une grande élégance (la photo de Philippe Le Sourd touche au sublime). Je parlais de très bonne surprise et je confirme. Nicole Kidman m'a bluffé (peut-être parce que je ne l'avais pas vue depuis longtemps ? 2010, Rabbit Hole) et mérite aussi les éloges (mais, comme dirait Téléramuche, "le reste de la distribution est à l'avenant" -moi je dirais plutôt "...n'est pas en reste" ce qui veut dire pareil, mais en faisant plus son malin...)
En parlant de malin, justement, ayons une petite pensée émue pour notre caporal Colinchou qui ne l'a pas vraiment été, quand même, à vouloir canonner ainsi, virilement, à tous les vents, et aurait du faire montre d'un peu plus de discernement, en faisant fonctionner son cerveau plutôt que son organe viril... Tel épris qui croyait prendre (hihihi).


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par contre je trouve l'affiche pas à la hauteur du film : parfaitement illisible, prétentieuse, chichiteuse

 

30 août 2017

qu'est-ce que vous faites assis dans les toilettes ?

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LIEUX SAINTS
d'Alain Cavalier

Retour ce matin à l'excellent Uncut, un peu délaissé ces dernières semaines. Je passais pour voir le nouveau programme de la semaine et je tombe sur ce titre -et l'image qui l'accompagne- , et la fiche du film m'apprend qu'il s'agit d'un film de 32' et de 2009. Et je le regarde illico, avant même de descendre pour petit-déjeuner.
On ne peut pas vraiment le qualifier de "documentaire", il s'agit plutôt d'un genre de journal intime, filmé uniquement dans les toilettes, tout un tas de toilettes, chez lui, chez des gens, dans des bars, à la maison de retraite..., avec les réflexions qui les accompagnent, souvenirs, observations, rêveries, confidences...
Alain Cavalier, je l'ai déjà dit et je le répète, j'aime vraiment beaucoup ce monsieur-là, pour sa singularité (sa spécificité) cinématographique(s). De rendre à l'image tout son pouvoir, à l'acte de regarder aussi, et, donc, de montrer. Cette démarche m'enchante, d'observateur et de commentateur. La voix de Cavalier qui accompagne le filmage de deux pastilles bleues et d'une cigarette abandonnées au fond d'un urinoir d'un "q(donner) de la valeur à la vie, aux preuves de la vie" (à propos de la présence de sa mère, qui vient de décéder) m'enchante. Ce trublion qui s'amuse avec sa caméra et n'en fait qu'à sa tête.
on pourrait croire qu'il ne parle qu'à lui, qu'il ne parle que de lui, pas du tout du tout.
Les "lieux d'aisance"  sont ici le prétexte, le point de départ, le rivage depuis lequel il fait des ricochets. Comme on rêvasse quand on y est soit même, y faisant ce qu'on a à y faire. Et c'est très agréable.

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29 août 2017

le (faux) sang dans la baignoire

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120 BATTEMENTS PAR MINUTE
de Robin Campillo

En sortie nationale dans le bôô cinéma. Séance du soir, avec Catherine et Manue.
On parle beaucoup du film, on en a beaucoup parlé à Cannes, et ici du coup on est contents d'avoir un film qui fasse le buzz, même si ça ne se bouscule pas dans la salle (et que- consternation- il y a toujours des gens qui commentent et/ou ricanassent devant une scène d'amour entre mecs).
Le film est long mais ça ne se ressent pas du tout. Pourtant il s'agit (du moins la première partie) surtout de scènes d'A.G, de discussions, de prises de paroles et de claquements de doigts (pour exprimer son approbation au lieu d'applaudir). Il est question du mouvement Act Up, et de ses militants, pas tout à fait à la création du mouvement, mais quelques mois après. Les années 90,  Mitterrand, Fabius, le sang contaminé, le sida, la Gay pride, Bronski Beat... Ces militants, ils sont sur tous les fronts, et mettent en place des actions, le plus souvent spectaculaires et radicales. (et parisiennes, car il s'agit d'Act Up Paris, et je vous invite/incite à lire d'urgence ici l'intervention de Didier Lestrade, président du mouvement de 89 à 92). Silence = Death, c'est eux, l'utilisation comme logo du triangle rose la pointe relevée c'est eux aussi, et la capote  géante sur l'obélisque,vous ne pouvez pas avoir oublié ça...
La lutte pour les droits des LGBT (maintenant on doit dire LGBTQI) s'est construite sur plusieurs vagues successives : j'ai été (un peu) plus concerné par celle du FHAR (front Homosexuel d'Action Révolutionnaire) dans les années 70 que par celle d'Act Up, justement (on était loin, on vivait en province, on ne savait pas vraiment ce qui se passait, on ne s'en souciait pas trop, on avait trente ans quoi...) donc il est indispensable et salutaire que Robin Campillo (qui fut acteur du mouvement) nous rafraîchisse un peu la mémoire sur tout ça : le sida, le black-out des pouvoirs publics, l'incurie du gouvernement, les saloperies des laboratoires... Et d'entendre aussi des mots comme "séropo". Non le sida n'est pas banalisé comme semblent vouloir le croire les jeunes générations, ce n'est pas une maladie anodine. Tout ça m'a ramené au très très  beau livre de Jonas Gardell N'essuie jamais de larmes sans gants, qui raconte à peu près la même histoire, (sauf que ça se passe  en Suède), et que je vous exhorte à lire (prévoyez suffisamment de temps, il est très long...)
Mais revenons au beau film de Robin Campillo. Il est brillamment construit, nous exposant d'abord les protagonistes en tant que militants, véritables acteurs d'une contestation pugnace, obstinée, en les dotant progressivement d'un background affectif, amoureux, familial, en plus du politique.
Et, comme dans N'essuie jamais de larmes..., il se focalise sur un couple, plus précisément, celui de Sean (le séropo) et de Nathan (le séroneg). Si Arnaud Valois est très bien dans le rôle de Nathan, Nahuel Perez Biscayart  (qu'on avait découvert -et adoré- ici dans le touchant Je suis à toi, projeté lors d'une Belge Semaine, dans le rôle d'une crevette-gigolo-argentin qui déboulait dans la vie tranquille d'un gros boulanger belge) est vraiment magnifique (et c'est mérité qu'il soit sur l'affiche, tant il est le coeur (corps) battant du  film...). On en oublierait presque Adèle Haenel, c'est dire (elle, je l'adore toujours autant, je le dis et je le répète), qui se tient aimablement presque sur la touche, en marge de ce qui est surtout l'histoire "des garçons".
La deuxième partie, donc, est plus grave (et encore plus forte) puisqu'elle accompagne Sean et Nathan jusqu'au bout, oui, jusqu'au bout du bout (j'ai trouvé la toute dernière scène, avant un générique de fin totalement silencieux, tout à fait sublime, et j'aimerais revoir le film pour ça. Et peut-être aussi pour essayer de comprendre le pourquoi de l'inimitié persistante entre Sean et Thibaut, le président du groupe -dans le sens Sean/Thibaut-)
Me restera aussi la vision très forte (et plastiquement parfaite) d'un fleuve rubis, et, last but not least, le grand plaisir de réécouter Small Town Boy de Bronski Beat, dans un remix d'Arnaud Rebotini, qui signe par ailleurs la musique du film. "To your soul... to your soul..."
Et se dire, comme on l'a fait avec Catherine ce midi, qu'accorder la Palme d'Or plutôt que le Grand Prix (où il succède à Xavier Dolan en 2016... Tss tss le grand prix serait-il follement gay ?) à Cannes aurait été un geste  politique autrement plus fort...

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Sean et Nathan

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24 août 2017

les oies dans la baignoire (de sang)

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ON THE MILKY ROAD
d'Emir Kusturica

Ca faisait un bail qu'on n'avait pas eu de nouvelles de Kustu. Ou, du moins, que je n'en avais pas pris. J'ai l'impression d'en avoir raté quelques-uns des derniers (ou, si je les ai vus, de les avoir oubliés). Je me souviens de l'avoir vu comme acteur il n'y a pas si longtemps dans 7 Jours à la Havane, où il jouait son propre rôle, et comme réalisateur il faut remonter à 2004 (La vie est un miracle) ou, encore mieux, à 2001 pour le très très aimé Super 8 Stories, un doc "rugueux" en noir et blanc sur le No Smoking Orchestra, son groupe...
Cet homme-là a quand même gagné la Palme d'Or à Cannes et autres menues friandises, et voilà qu'il sort un nouveau film et que beaucoup regardent ailleurs en sifflottant, voilà qu'il ne semble plus être en odeur de sainteté, et que la critique parisienne en escarpins vernis et perruques de courtisans se met à faire la fine bouche, à se pincer le nez, à l'expédier manu militari en quelques lignes assassines sur le ton de "Ah quand même c'était -bien- mieux avant..."
J'y suis allé le dernier jour, pas très sûr de mon coup, donc, et Catherine à midi, pas hyper-enthousiaste non plus, ne m'avait pas  beaucoup plus rassuré. Et voilà qu'Emma arrive au débotté dans la salle juste au moment où le film commence, et que je l'installe à côté de moi, et ça démarre plein pot. On n'est pas dépaysé, tout de suite on en prend plein les oreilles, et les yeux aussi. Toute une ménagerie : un faucon, un troupeau d'oies, un cochon qu'on va saigner, des mouches, un âne, un serpent qui boit du lait, pas de doute on est bien dans le Kusturica Land. Et c'est plutôt plaisant comme retrouvailles (et entrée en matière).
Au générique, on a vu qu'il y avait principalement Monica (Bellucci) et Emir. Lui est laitier et débonnaire, elle émigrée italienne et avenante. Elle est là pour épouser le frère de la femme qu'Emir est censé épouser le même jour. Une guérillère athlétique. Le frère est à la guerre, et on attend donc qu'il en revienne. Car la guerre est là, autour, partout, tout le temps, une bonne guerre bien imbécile où chacun pense que c'est la faute de l'autre, où on affronte un ennemi invisible, mais surtout où chacun continue aveuglément de la faire, même les civils, surtout les civils. Volatiles, musique, alcool, guerre et amour, bref the show must go on...
Les oies cancanent, la musique tzigane, et les mecs défouraillent. Des trognes, des matrones, des beuveries, et toujours une certaine même bonne humeur balkanique expansive et explosive. Pas dépaysés, je vous l'avais dit...

La paix est déclarée, et le frérot revient, les deux mariages se préparent (le frérot en question a des airs de Saddam Hussein, et sans doute le même sens de l'humour), sauf qu'on sent que aïe aïe aïe le laitier est plus attiré par la belle italienne que par la pasionaria serbe (celle qui elle est gymnaste et révolvériste). Et voilà que tout va voler en éclats et partir en fumée avec l'irruption de "vrais" soldats (avec du camouflage sur la figure et des kalach') qui vont mettre le mariage à feu et à sang (la même chose que j'ai déjà vue dans un autre film des pays de l'Est dont je n'arrive pas à me souvenir du titre). Emir et Monica s'enfuient, poursuivis par trois soldats, jusqu'à la fin du film... Par monts et par vaux (et par moutons aussi), sur terre et dans les airs (et sous l'eau aussi...)

On regarde tout ça, en pleine immersion, (le dolby dans la salle augmente encore plus cette sensation), béat, alternant sourire et larmes, heureux comme des gamins devant leur première histoire de Tintin (ah, les pailles pour respirer sous l'eau...). C'est vrai que, question scénar, on a déjà eu affaire à plus complexe... Mais la mise en scène se déploie, flamboie, rutile, et, question d'équilibre, si certaines scènes sont monumentalement belles, d'autres tout aussi épouvantablement dégueulasses. On suit, on avance, on tient la main qu'Emir nous a tendue, on s'envole sans perdre des yeux la robe de mariée que Monica a ôtée, ça zigzague ça louvoie, ça se convulse, comme ce gros serpent un peu insistamment récurrent (et plutôt moche, en plus) mais on reste toujours accroché derrière.

Le programme kusturicien est respecté à la lettre, et même s'il en fait des fois un poil trop, tout ça est compensé par le lyrisme déglingos de l'ensemble (et il a même la gentillesse, Emirchounet, d'apparaître -enfin!- barbu, comme je l'aime, dans la dernière scène, que je trouve, personnellement, magnifique...) alors pourquoi alors bouder notre plaisir ?

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Je cite quand même les Cahiaîs (cités par allocinoche) :
"Tout semble ici si kitsch, fatigué, faux et forcé qu’il semble peu probable que Kusturica nous inflige à nouveau ce genre de mascarade sans révéler, sous le vernis décati de ses atroces visions numériques, l’obscénité idéologique de ce cinéma."
oh et puis le Figharo, tiens aussi (allocinoche again) :
"Ici, le trop-plein étouffe. Pour rien. Il faut être juste, Kusturica a une qualité: la galanterie. Il est encore plus mauvais que Monica Bellucci. Ça n'était pas gagné."

Si c'est pas du dézinguage en règle, ça...

23 août 2017

dédicace

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RETOUR A MONTAUK
de Volker Schloendorf

Celui-là, je sais, je sais, je suis inexcusable, je me suis endormi pile-poil à l'endroit où, justement, il n'aurait pas fallu s'endormir... celui, où, justement, ils retournent à Montauk, et que j'ai ainsi perdu la quintessene du récit. Pourtant jusque-là je m'étais très bien comporté.
un écrivain allemand vient à New-York pour une tournée de promo pour son nouveau bouquin, (et les séries de dédicaces qui vont avec). Il y est pris en charge par son attachée de presse (jeune et mimi), il y retrouve la femme qu'il aime, mais avec qui il ne vit pas (jeune et mimi aussi) mais surtout il retrouve, par hasard, une femme qu'il aima (et que lâchement il abandonna). Librairies, cocktails mondains, bars branchouilles, appartement de haut standing, il fait la tournée des grands-ducs, répartissant son temps entre l'attachée, l'actuelle et l'ancienne, et les choses, évidemment, ne sont pas si simples... Surtout quand il commence à mentir à la deuxième avec l'aide la première pour aller retrouver la trosième en cachette.
Bon j'ai manqué l'essentiel, et donc le film n'avait plus guère de sens pour moi hélas, oui, je suis passé à côté, et entièrement de ma faute.
Photos, faute de mieux :

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Oui, je suis désolé d'être passé à côté...

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