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lieux communs (et autres fadaises)

2 juin 2019

franco-serbe

Francuskim

 

Ce livre trouvé dans la boîte à livres du lac (d'habitude j'en dépose mais je n'en prends pas) que j'ai feuilleté et qui m'a tout de suite intéressé.
Et donné envie d'inventer une histoire (ou plutôt d'essayer de la reconstituer)
Un guide de conversation franco-serbe, avec les phrases dans les deux langues, à la seule différence que seules les phrases en français ont leur traduction phonétique en dessous (et donc que la méthode s'adresse plutôt, a priori, à des serbes voulant parler français.
Comme tous les guides de conversation, il est subdivisé en chapitres tournant chacun autour d'un thème précis.

Le nom du (ou de la) propriétaire est écrit en première page.
Là où ça commence à devenir intéressant, c'est que plusieurs chapitres (4) ont été marqués d'un post-it fluo (en guise de marque-page) :

- page 15 : EXPRESSIONS GENERALES

- page 32/33 : TAXI / L'HÔTEL

- pages 64/65 : ORIENTATION DANS LA VILLE

- pages 90/91 :  LES COMPLIMENTS / LES QUALITÉS

Là où ça devient carrément passionnant c'est qu'une feuille de carnet à spirales, pliée en deux, a été glissée dans le livre, avec dessus  le dessin d'un panneau de sonnettes comme on en voit à l'entrée des HLM, dont la sixième en partant du haut est signalée par une flèche, et porte un nom écrit à côté en capitales cyrilliques, avec en dessous la mention manuscrite 6ème bouton à partir du haut
Le thème de la page marquée par ce signet est IZLAZAK U DVOJE / RENDEZ-VOUS A DEUX. (de Vous êtes libre ce soir ? à Quel est votre signe d'horoscope ?)
Il est à noter aussi que cette page, ainsi que la suivante (RAZONODA / DIVERTISSEMENT - avec comme sous-chapitres Sortie au théâtre (de Voudriez-vous aller au théâtre ce soir ? à Le jeu des acteurs était magnifique) et Le Cinéma (de Quel film passe-t-on ce soir ? à Le film était excellent) sont toutes deux marquées par une corne dans le coin inférieur.)
La page suivante Au Concert n'a pas été cornée.
Une autre page a été cornée en bas (je viens de m'en apercevoir après coup), il s'agit de la page 76 (Les soupes / les plats de viande / La volaille), faisant partie du copieux chapitre (p 69 à 80)  U RESTORANU / AU RESTAURANT.

Un premier rendez-vous, quelque part en Serbie... Un trajet en taxi... Un immeuble... Un nom sur une sonnette...Un repas au restaurant... Une soirée au spectacle... Et alors... et alors...
A chacun d'imaginer la suite
(Le guide date de 2001)

 

1 juin 2019

mai 2019

mercredi 1er (la vie des parkings)
beaucoup de monde en ce jour férié, je lis -ou j'essaie de lire- Richard Yates pendant que non loin jacasse sans discontinuer un vieux beau à 4x4 appuyé sur sa canne avec un autre papy (qui lui ne pipe mot), garé derrière un mec qui sort régulièrement de sa voiture comme s'il avait oublié quelle apparence elle avait vue de l'extérieur, encore derrière un autre mec immobile dans sa camionnette tandis que se pavane, allant et venant, comme un coq dans une basse-cour, un impressionnant routier peut-être allemand juste en short noir et tongs
jeudi 2 (dans la cuisine)
une série de belles parties, avec Marie, dont une d'anthologie (puisque pulvérisé mon record avec un score de 697 points, obtenu notamment grâce à deux scrabbles sur 2 triples (donc, multipliés par 9), SONDERAI et MORSURES) dans la même partie, fait rarissime pour moi
vendredi 3 (boulangerie)
une horrible vieille qui fait chier tout le monde (et, en premier chef la vendeuse qui reste stoïquement stoïque) en prenant son temps pour acheter tout le magasin ou presque : une part de quiche, deux brownies, un pain complet tranché, une salade (avec sauce), une bouteille d'oasis, des mini-croissants (nature et chocolat), une tablette de chocolat de pâques soldée à 50%, en en rajoutant à chaque fois et qen aiguillonnant bien la vendeuse pour être bien sûre qu'elle n'a rien oublié
samedi 4 (Maison de la Presse)
ça faisait très longtemps que ça ne m'était pas arrivé : suite aux conseils judicieux (via sms) d'Isa, je suis allé acheter L'Equipe, qui faisait sa couverture (celle du magazine) sur Embrassez qui vous voudrez, avec deux joueurs de water-polo en train de se rouler une pelle (probablement extraite des Crevettes pailletées), dans un numéro spécial consacré à la lutte contre l'homophobie dans le sport. Merci Isa! (Merci L'Equipe aussi!)
dimanche 5 (tri)
des livres des livres des livres et des livres oh la la j'en ai tellement partout que ça me saoule et que j'ai, finalement,  envie de tout jeter (ou presque) : peut-être se fixer un nombre-limite ? (100 livres ?)
lundi 6 (mesures)
passé en fin d'après-midi dans mon futur appart', pour voir avec Pépin ce qu'il me laissera et ce que j'y mettrai (et où je pourrai le mettre)  (je réalise que les images mentales que j'avais de chacune des pièces ne correspondent pas vraiment à la réalité)
mardi 7 (Espace Villon)
comme tous les ans ou presque à pareille époque, Christine ma voisine m'a invité à l'accompagner pour voir sur scène la présentation des travaux théâtraux des élèves de seconde et de première, elle sait que c'est quelque chose qui me plaît et qui m'émeut (et comme je m'y attendais ça m'a plu et j'ai été ému...)
mercredi 8 (jouons)
après une série de parties de scrabble pas franchement enthousiasmantes (euphémisme), nous avons une nouvelle fois regardé le jeu télé où nous avons presque gagné "en vrai" (et, depuis notre canapé, nous aurions -une fois de plus- été jusqu'en finale)
jeudi 9 (reprographie)
aïe aïe aïe... déjà qu'on n'était pas en avance, voilà que la machine refusait de reproduire correctement le fichier pdf des pages de la nouvelle programmation : les rectos étaient ok mais les versos décalés vers le bas de quelques milimètres... j'ai du revenir chez moi pour rapporter le fichier publisher, avec lequel la machine a, cette fois, daigné aligner fidèlement les pages
vendredi 10 (cinéma)
avec Catherine et Marie, une nouvelle fois, le bonheur de se retrouver pour la projection à 13h45 de La Flor deuxième partie (3h10 de plaisir cinématographique, heureux comme des gamins)
samedi 11 (j'irai demain)
de la procrastination comme hygiène de vie : arriver devant la Poste à 11h55 (alors qu'elle ferme à midi le samedi, et qu'on avait toute la matinée pour y passer), se dire qu'on ne va pas embêter la postière à cette heure-ci pour acheter 250 enveloppes pré-affranchies jusqu'à 50g, et donc repartir (et même chose en fin d'après-midi, avec le magasin où on avait envisagé d'acheter une chaîne hifi d'occase, à 18h50, où l'on se dit de la même façon "bah il est trop tard je reviendrai...")
dimanche 12 (souvenirs souvenirs)
à quoi sert-ce donc de conserver les choses ? Juste pour le plaisir de se les rappeler, sans doute... Tomber ainsi sur une chemise marquée "Très vieux courriers d'amis -avant 82!-", et y retrouver des lettres écrites il y a 40 ans et plus (dont une, par exemple, fort touchante, ou Philou me confie - à demi-mots et sans la nommer- qu'il vient de rencontrer Fran...)
lundi 13 (anticipation)
étant donné que " je serai bientôt dans les cartons", Marie m'offre, avec un peu d'avance, un cadeau d'anniversaire, dont on va pouvoir d'ailleurs faire usage immédiatement : un exemplaire flambant neuf de la toute dernière édition de l'Officiel du Scrabble! Merci Marie!
mardi 14 (mobilier)
le jeune homme à vélo est repassé (à ma demande) pour voir, dans chacune des pièces s'il était intéressé par ce que je pouvais éventuellement lui laisser : le petit buffet à la cuisine, le gros meuble bleu et le canapé au salon, mais cette fois je n'avais pas assez de temps pour lui offrir une bière
mercredi 15 (ouaibe)
le hasard a fait que je me suis retrouver en train de dialoguer quasi en même temps avec trois hommes différents, que je connais tous les trois depuis un certain temps via internet, un à Rennes, un à La Rochelle, et un à Londres (tout ça c'est loin)
jeudi 16 (à la maison)
rigolo de prendre certaines dispositions particulières (fermer le portail, par exemple) pour garder Erika pendant que Catherine assiste à la première deux journées de communications érudites ; au début elle couine un peu et fait sa Sarah Bernhardt (regarde comme je suis malheureuse) mais réussit ensuite très bien à prendre son mal en patience en attendant le retour de sa Maman
vendredi 17 (Au bord du champ, entre la Grande Planche et la Fontenelle (près d’Esserney et Colombe-Lès-Vesoul))
en point d'orgue d'une journée riche, avons fêté le 35ème anniversaire du colza, dignement comme il se doit, en buvant du champagne puis en lisant des textes, malgré le mauvais temps et ledit colza quasi défleuri (j'aime toujours autant cet événement pour sa singularité, son unicité, sa gratuité -bref, en quelque sorte, sa folie douce-)
samedi 18 (à la Rodia)
de chez moi à chez Catherine, puis de là jusque chez Manue, puis de là jusque chez J-H, puis de là jusqu'à Besac, pour ce premier concert après la réouverture de la salle, où je suis d'abord enchanté  par la première partie (Red, un mec tout seul avec sa guitare), puis conquis par la prestation de Bertrand Belin (qui se termine sur un Dimanche d'apothéose, aux limites, en ce qui me concerne,  de la transe)
dimanche 19 (déménagements)
il y a désormais dans ma cour, sous une bâche bleue, une machine à laver, celle du précédent locataire du futur appart que je vais occuper, qui me l'a laissée, et déposée là, à destination du futur locataire de mon actuel logement.
lundi 20 (plates-bandes)
on dirait que mes roses trémières n'ont jamais été aussi belles (elles ont des feuilles presque aussi grosses que des feuilles de rhubarbe), luxuriantes, je dirais même, comme si elles voulaient ainsi me retenir de partir
mardi 21  (fjt)
finalement Catherine n'est pas venue, et on a mangé notre taureau tous les deux avec Marie (elle a bien fait car la foule était particulièrement nombreuse et la machine à cartes spécialement capricieuse, ce qui immobilisait presque la progression dans la file)
mercredi 22 (Le Coffee Song)
Et j'ai franchi le pas, en y portant tous les disques vinyl (les "disques noirs") que je souhaitais lui vendre (que je ne souhaitais pas déménager), dans quatre sacs qui me sciaient les doigts, avec le très net sentiment qu'une partie de ma jeunesse s'en allait là
jeudi 23 (courrier)
après avoir reçu le mail de Pépin m'informant de leur nouvelle adresse et numéro de téléphone, je n'ai pas pu m'empêcher de préparer rapidos un envoi groupé de 22 postcards in english (puisqu'ils habitent désormais au n° 22)
vendredi 24 (Le Coffee Song 2)
Quand je suis retourné à la boutique pour chercher mes sous, ça m'a fait un drôle d'effet de les voir, comme, ça, tous mes disques, exposés dans le magasin d'un autre, et je me suis senti comme si je venais vraiment de perdre quelque chose
samedi 25 (débarras)
tout seul comme un grand (et couvert de toiles d'araignées), j'ai vaillamment sorti du grenier et transporté jusqu'à la déchetterie environ quatre-cent cassettes vidéo, dites VHS, qui se jettent dans la benne n°11, dite "des encombrants"
dimanche 26 (pas le choix dans la date? )
les hasards du calendrier font que  surviennent concomitamment (aujourd'hui) deux événements sans rapport entre eux sauf qu'ils me concernent aussi peu l'un que l'autre : la fête des mères et les élections européennes
lundi 27 (emballage)
la maison commence à être envahie par les cartons (de toutes taille forme et provenance), mais, lors des premiers essais, avoir le sentiment que ça ne va jamais exactement, et que c'est difficile de trouver exactement le bon carton, qui sera rempli tout juste, en piles régulières, sans espace perdu (et sans être trop lourd)
mardi 28 (téléphone)
Pas mal de coups de fil échangés, de messages laissés sur répondeur, de sms, pour finalement se mettre d'accord : nous serons quatre demain matin (Pépin, Patrick, Gigis et moi) pour démonter cette énorme penderie que Pépin m'avait laissé dans l'appartement (mais qu'il faut démonter pour que peintre et menuisier puissent faire leur job)
mercredi 29 (de bon matin)
ce ne fut pas une mince affaire, mais tout le monde était là ce fut fait (démontage et transport du meuble dans le garage de la propriétaire, qui nous rendit d'ailleurs fort civilement visite dans l'appartement, à la fin de son jogging, et avec qui j'ai fait le point, tandis que Régis prenait des mesures pour ma future bibliothèque)
jeudi 30 (adresses)
mis le nez dans ces cartons de vieux courrier pour y faire du tri (de deux cartons j'ai réussi à n'en faire qu'un seul), les sédiments postaux m'ont rappelé que j'avais été domicilié rue Théodule Ribot, rue Victor Hugo, Square St Amour, rue Claude Pouillet, rue de Gerlingen (mais aussi plus temporairement, Chemin de la Pinède, Rue Frochot, voire, beaucoup plus élégant, 335 East 6th st, NY)
vendredi 31 (regrets ?)
floraison(s) suite : le très vieux rosier qu'on avait impitoyablement taillé, avec Manue, n'a jamais été aussi chargé de fleurs que cette année : certaines de ses branches en ploient carrément (et même la coloration me semble plus intense)

31 mai 2019

ascension : des photos

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La Rodia

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Rue Miroudot St Ferjeux

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Rue Baron Bouvier

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Besançon, Gare Viotte

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anniversaire du Colza

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Espace Villon

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Lac de Vaivre

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Le Royal, Besançon

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sur la terrasse, derrière chez Catherine

30 mai 2019

bourdieu ?

106
LOURDES
de Thierry Demaizière et Alban Teurlay

C'est grâce à Dominique que j'y suis allé (au début je n'en avais pas envie du tout et j'étais juste disposé à ricanasser). J'en sors et je suis sidéré.
Lourdes, je n'y suis jamais allé en vrai (Dieu m'en garde, hihihi), mais je connais déjà un peu par le cinéma, que ce soit dans le pieux car(a)mélisé (Bernadette, de Jean Delannoy), l'observation décalée (Lourdes, de Jessica Hausner),  la satire vitriolée à (gros) boulets rouges et gros sabots (Le Miraculé, de Mocky), ou encore carrément l'ailleurs, l'extrême petit bout de la lorgnette (Lourdes l'hiver de Marie-Claude Treilhou). En gros, d'un côté la religion, et de l'autre côté le commerce. Miracles, prières, grotte, cierges, eau bénite par jerrycans, médailles, messes, et vierges en plastique. Les "marchands du Temple"...
Et les pèlerins. Par trains entiers, auxquels vont s'intéresser les deux réalisateurs. A travers plusieurs personnages emblématiques  qu'on va suivre, de plus ou moins près, tout le temps de ce fameux pèlerinage. Le premier personnage, celui sur qui s'ouvre le film d'ailleurs, et qui nous en met un bon coup derrière les rotules, est celui d'un travesti "d'un certain âge" qui se prostitue au Bois de Boulogne, et vient ici, régulièrement chaque année pour le fameux pèlerinage en question.
Cette entrée en matière, déjà, nous place d'emblée à des années-lumière du cliché attendu. Lui succède aussitôt une famille (papa maman deux enfants), dont l'aîné présente un défaut de croissance et dont le plus jeune, à deux ans, souffre d'une maladie rare qui ne devrait pas lui permettre de vivre très longtemps au-delà de, justement, cet âge, tous en train de prier ensemble, car le père et l'ainé vont partir le lendemain à Lourdes pour le salut du plus jeune, qui ne peut se déplacer. Puis le cas d'un homme silencieux qui ne peut s'exprimer qu'en montrant avec son doigt, successivement, chaque lettre des mots de ce qu'il veut exprimer. Puis une adolescente au visage fermé, accompagnée de son père, qui vient comme chaque année pour mettre fin à la fois à sa maladie et au harcèlement scolaire dont elle est victime. Puis un homme atteint de la maladie de Charcot, qui nous décrit la façon inexorable dont son corps se paralyse progressivement, jusqu'à la mort inéluctable que lui a annoncé un médecin deux ans auparavant.
L'énumération des différents personnages pourrait juste évoquer un terrible catalogue à la façon de Toute la misère du monde, faire ricaner certains, et s'apitoyer d'autres. Mais la façon dont les deux réalisateurs nous les présentent, d'abord, puis les suivent (les retrouvent) tout au long du film, au fil des différents "passages obligés" (rituels) de ce pèlerinage, est simplement bouleversante, parce qu'extrêmement respectueux. A la juste distance. A chaque instant. Chacun de ces personnages souffre, à sa façon, chacun(e) est venu là pour chercher quelque chose, chacun(e) va rencontrer d'autres personnes, chacun(e) prie, et chacun, à la fin du film, prendra le même bain (en principe lustral), sur lequel d'aiileurs  se refermera le film, laissant chacun(e) face à son attente et à son discours intérieur (un principe qu'on avait travaillé au théâtre avec Pépin et qui ici fonctionne à merveille).
Je ne suis pas croyant, je suis même un athée fervent, (et c'est drôle, j'avais été prévenu, avant d'entrer, sur le parvis du bôô cinéma, par ma vieille copine Françoise L. que le film était "très catho" (encore plus drôle que cette remarque vienne d'elle car elle l'est, justement, "très catho"...)  mais j'y suis allé, pour vraiment me rendre compte. Et c'est peut-être ce point précis (tout sauf un point de détail, Lourdes, tout de même...) qui me gênait le plus aux entournures, a priori (d'ailleurs la salle, quand je suis entré, était remplie de vieux cathos, justement, pas du tout notre public habituel j'avais le sentiment de m'installer pour une petite messe solennelle) l'aspect liturgique et religieux du truc , et je me suis comporté comme j'avais pu le faire déjà en voyage, en Inde, par exemple, en écoutant les prières dans une langue que je ne connaissais pas, et j'ai fait comme si le catho était une nouvelle langue étrangère, aux côtés du yiddish, de l'araméen et du sanscrit, que je ne la comprenais pas vraiment. La scénographie et les chants d'un rituel que je ne comprenais pas. Et c'était très bien comme ça.
Thierry Demaizière et Alban Teurlay ont fait un sacré boulot, à la fois dans ce qui est filmé et ce qui est mont(r)é, et à aucun moment je n'ai décroché (je n'ai même pas fermé l'oeil, c'est dire.)
J'ai beaucoup pleuré pendant le film (et je pense que je n'étais pas le seul dans ce cas), car les deux réalisateurs ont choisi de se focaliser sur l'humain, le personnel, l'individuel. L'intime. Et que, face à la foule des malades -et des croyants-, ils ont su faire exister tout ceux qui les entourent, les religieux, certes, mais aussi les médecins, les infirmières, le accompagnants, les auxiliaires de vie, oui les faire exister d'une façon tout aussi forte (avec de la tendresse, avec de l'humour, avec de l'émotion). Avec surtout une grande simplicité, qui fait la force incontestable du film.
Rassurez-vous, je n'ai pas connu de révélation mystique ou autre illumination du genre. Athée je suis entré, et athée je suis ressorti, heureusement. Si je me suis converti, c'est juste à l'émotion intense générée par le dispositif. Un film intelligent, bien au-delà des bondieuseries omniprésentes du décor dont il traite. Jamais malveillant, jamais complaisant, jamais voyeur, jamais risible ni grotesque (alors que, grottesque, le sujet l'était, par définition...).
Une très belle réussite.        

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27 mai 2019

never talk to strangers

105
SIBYL
de Justine Triet

Et un troisième film de Cannes quasiment en temps réel dans le bôô cinéma, hop! Justine Triet, dont j'avais été impressionné par le culot du premier long, La Bataille de Solférino (avec Vincent Macaignechounet d'amour, même s'il n'y jouait pas un personnage très plaisant). Virginie Efira était déjà dans le deuxième (Victoria) où elle interprétait  déjà le rôle-titre, mais il me semble que le film ne m'avait pas entièrement convaincu (peut-être à cause de Vincent Lacoste). Et la revoilà donc -toujours aussi magnifique- (Virginie Efira), à nouveau dans le rôle-titre, aux côtés cette fois d'Adèle Exarchopoulos, de Laure Calamy, de Sandra Huller (l'actrice de Toni Erdmann) pour les dames, et, côté garçons, de Gaspard Ulliel, de Niels Schneider, de Paul Hamy, d'Arthur Harari, tous déjà aimé(e)s auparavant dans un film ou dans un autre, donc autant dire qu'on est dans de beaux draps (de très beaux draps, même).
C'est l'histoire de Sibyl une écrivaine qui est devenue psy, mais qui voudrait se remettre à écrire, et commence un roman avec l'aide -involontaire-, de Margot, une jeune fille paumée qui vient, justement, un soir à l'improviste, demander son aide, une jeune actrice, enceinte d'un acteur, avec lequel elle est en train de jouer dans un film dont la réalisatrice n'est autre que la maîtresse dudit acteur. La jeune Margot se demande si elle va garder l'enfant ou pas. Sibyl va se plonger dans son histoire et la faire devenir sienne.
Ce qui impressionne, d'abord, c'est la matière du film ("l'étoffe dont les rêves sont faits" dirait Shakespeare), la façon dont c'est fait, dont les événements les souvenirs (et les regrets aussi) sont tissés ensemble (le montage est virtuose), assemblés en une sorte de paysage mental (ce qu'on fait, ce qu'on a fait, ce qu'on voudrait faire, ce qu'on ne peut pas faire...), conçu autant comme  un trajet qu'un voyage immobile (comme le film sait louvoyer entre drame et comédie, ou, mieux, figuration et abstraction). Une tapisserie très moderne (contemporaine), et, en même temps, usant de thèmes furieusement romanesques, au service d'une narration complexe (mais, finalement, pas tant que ça) celle de l'histoire de Sibyl comme chatoyante toile de fond, dans laquelle seraient inclus (enchassés) une multitude de fragments narratifs mémoriels ou oniriques (les détails, les images qui reviennent dans la tête) en éclats de miroirs, parfois polis, parfois tranchants.
J'ai toujours eu un gros faible pour les films avec un film dans le film, et voilà donc une seconde raison pour moi de m'enticher de Sibyl (plus j'y pense, plus je me dis que le choix de ce prénom est tout sauf anodin). Le film du film s'appelle Never talk to strangers, semble être l'histoire d'une rencontre amoureuse entre un homme et une femme ("Boy meets girl" dirait Hitchcock) et semble aussi passionné/passionnel que celui qui est en train de se jouer "en vrai" entre les différents protagonistes (car le scénario, astucieux, va faire en sorte que Sibyl  se retrouve parachutée en plein tournage (qui a lieu, tiens tiens, sur l'ile-volcan de Stromboli, qui abrita déjà par le passé de somptueuses (et sulfureuses) passions cinématographiques) et va devoir endosser plusieurs rôles consécutifs.
Le film est conçu comme un triptyque (avant le film / le film / après le film) où l'épilogue ("dix mois plus tard") pourrait sembler a priori un poil casse-gueule mais permet à Justine Triet de prouver quelle réalisatrice intelligente et douée elle est.
Virginie Efira est... somptueuse, et irradie solairement le film. Elle a dit, sur allocinoche qu'elle était prête à tout jouer pour Justine Triet, et elle le montre. Et c'est bluffant. Vraiment (j'avoue avoir espéré un instant pour elle un prix d'interprétation à Cannes 2019,  que nenni, mais bon, il y a encore les César, n'est-ce pas?). Encore un sacré beau portrait de femme, en tout cas. Dont on ne ressort pas forcément indemne (attention, des fois ça coupe...)

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26 mai 2019

odeur de jasmin de pisse et de brise de soir d'été

104
DOULEUR ET GLOIRE
de Pedro Almodovar

Séance en VO dans la petite salle 1 du bôô cinéma, et du coup "soirée entre copines"... Aiguillonné par une bande-annonce en VF dans ce même bôô cinéma, parfaitement épouvantable, (aussi mal doublée que ces poussiéreuses séries télé au kilomètre diffusées l'après-midi et que personne ne regarde) et par le titre aussi, qui, dans le même ordre d'idée, faisait soudain résonner pour moi le générique de Chateauvallon ("Puissance et glooooooooire..." ah Herbert Léonard...), j'avais donc décidément envie de rendre justice au film, de savoir comment sonnait le vrai.
Almodovar, je le suis et je l'aime depuis... pfouh! Femmes au bord la crise de nerfs (1989) ou, mieux (encore plus vieux, mais vu plus tard) Matador, en 1986 (où le jeune Antonio Banderas allongé en slip sur un lit sinuait en murmurant Folla me...). C'est dire si nous sommes un vieux couple cinématographique... On se retrouve régulièrement. Mais voir un film d'Almodovar en VF serait  au-dessus de mes forces. Serait pour moi un acte injustifiable, un sommet d'ineptie et de mauvais goût. Une hérésie!  Et comme d'autre part, les lointains échos cannois, portés par le sirocco et le chant des sirènes des médias, étaient plutôt louangeurs... Vamos, donc! On s'y est donc retrouvé, avec Catherine et Manue.
Premier constat : Antonio Banderas vieillit excellemment (divinement). Comme un grand cru il se bonifie en prenant de l'âge, et semblerait là au summum de sa maturité virile - même si  j'avoue l'avoir un peu délaissé lors de sa carrière américaine et ne plus l'avoir vu à l'écran depuis un bail- (Almodovar ne se choisit quand même pas n'importe qui comme alter ego, hein, de même qu'il ne choisit pas n'importe qui pour jouer sa maman de quand il est petit, hein, rien de moins que la splendide Penélope Cruz, elle aussi au mieux de sa forme...) Le début dans la piscine est magnifique : Banderas/Almodovar entre deux eaux...
C'est l'histoire d'un réalisateur espagnol gay, arrivé à un point de sa carrière où il ne tourne plus et ne peut plus envisager de ne plus tourner, qui va alors rencontrer (retrouver) son passé sous les traits d'un acteur avec qui il avait tourné un film, Sabor, (qu'on va reprendre à la Cinémathèque en copie neuve), acteur avec qui il s'était brouillé après ledit film. Il va retrouver le comédien en question, vingt ans après, celui à qui il reprochait de trop se droguer (le caballo, en español, c'est l'héroïne) et ces retrouvailles vont, irniquement, se révéler l'occasion pour le réalisateur de mettre le pied à l'étrier (du caballo, justement) et se mettre à consommer muchas drogas. (Aïe). Et partir à la dérive. (J'ai touché le fond de la piscine..., chantait Adjani il y a longtemps).
Le film procède, joliment (mais c'est une habitude chez ce cher Pedro) par sauts dans le temps, allers-retours plutôt, depuis l'enfance du réalisateur jusqu'à l'ici et maintenant. Souvenirs souvenirs. C'est, comme toujours chez Almo, un film d'amour, un film qui parle d'amour, amour des hommes bien sûr (on en verra au moins trois spécimens), amour filial (deux versions du personnages de la mère), amour tout court.
La construction en est donc plutôt complexe, mais, si le temps dérive, va et vient, flue et reflue, le spectateur n'est jamais perdu dans la chronologie. D'autant qu'on retrouve, ça et là, des éléments glanés, aussi ça et là dans la filmographie almodovarienne (les lavandières, l'école des curés, la mère et son fils, les retrouvailles) placés comme autant de tendres clins d'yeux. Almodovar se regarde en train de se regarder, et c'est extrêmement attendrissant (et puis j'adore tous ces machos qui n'arrêtent pas de se donner affectueusement du maricon (pédé) quand ils s'étreignent).
Et le plaisir d'entendre parler en espagnol en rajoute encore au plaisir tout court (enfin, pas si court que ça en fin de compte hihihi).
C'est toujours pareil entre nous (Almodovar et moi) : je vais voir chacun de ses films, j'y prends énormément de plaisir, mais, bizarrement, je ne suis jamais vraiment touché. Et Douleur et gloire m'a procuré exactement les mêmes sensations : Énormément de plaisir de spectateur (pour des raisons variées et diverses, et, vous, me connaissez, -on ne se refait pas-, notamment, vers la fin, une splendide QV -il est vraiment trop mimi cet albañil!-), une sensation bienfaisante qui perdure à la sortie de la salle mais va ensuite s'estomper et finir pfuit! par s'évanouir. Oui, j'adore mais il ne m'en reste rien (et je serais bien incapable d'expliquer pourquoi).
Tiens, c'est beau comme la brume sur les prés au petit matin.

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ps : (juste après la cérémonie de clôture de Cannes 2019) Almodovar n'a pas été primé, mais Banderas si!

25 mai 2019

ablutions

103
LE JEUNE AHMED
de Luc et Jean-Pierre Dardenne

Radical.
Quel autre qualificatif siérait mieux à ce film, qui nous dresse le portrait d'un personnage (le jeune Ahmed du titre, d'ailleurs chapeau pour la typographie, justement, qui pose sur deux lignes "le jeune" (8 caractères, avec le blanc) et "Ahmed" (5 caractères seulement), obligeant du coup le prénom à s'étirer / s'agrandir pour, justement se justifier  (être à la bonne taille) par rapport à la ligne du dessus -ne me dites pas que tout ça a été fait au hasard-) , d'un personnage, donc, en train de se radicaliser, qui va faire une connerie, puis une autre...
C'est drôle que "les hasards de la programmation" aient fait diffuer ce film juste après M de Yolande Zaubermann. S'il était besoin de démontrer les méfaits (les dangers) de la religion (en général) et des textes dits "sacrés" en particulier (la Torah là-bas et le Coran ici...) en voici deux exemples parfaits.
Ahmed a changé depuis quelques temps, cornaqué par un iman, justement, radical, sous des dehors bonhommes de bon épicier arabe du coin, et l'endoctrinement semble porter ses fruits. le jeune homme s'enferme dans sa doctrine, sa prière, ses ablutions, son mépris des femmes, son obsession de la pureté (de l'impureté), du péché, du paradis, des apostats, etc.
Les frérots D. filment ce jeune Ahmed comme un Rosetton : de très près, et c'est vrai qu'il peut évoquer le personnage féminin qui jadis révéla Emilie Dequenne : il est jeune, fermé (opaque), focalisé sur une seule chose (pour Rosetta c'était trouver un job, pour Ahmed ça serait plutôt réussir ce qu'il a décidé d'accomplir, d'éliminer les apostats, pour faire plaisir à Allah) avec une impressionnante (terrifiante) obstination, qui vire à l'idée fixe, à l'obsession.
Ahmed a 13 ans, un visage d'enfant, avec ses joues de chérubin, ses cheveux frisés, ses lunettes rondes, mais c'est comme si quelqu'un d'autre vivait à l'intérieur de lui, sous cette apparence enfantine, et cette possession est insupportable (comme l'est celle de tous les "fous de dieu" - C'est lui, mais en même temps ce n'est pas lui comment un gamin de cet âge peut-il en arriver là ?-) qui le poussera au-delà de ses limites (la dernière  séquence l'est vraiment, terrifiante, par la matérialisation de cette rage qui l'habite, comme une addiction, de ce jusqu'auboutisme, de cette pulsion qui ne l'auront pas quitté de tout le film, à tel point qu'on pourrait presque se demander si les derniers mots qu'il prononce sont sincères, tellement on (ne) l'aura vu (que) mentir et tromper son monde pendant tout le film. Et c'est peut-être un peu ça le problème de ce personnage, et du film, c'est qu'en fin de compte il n'évolue pas, ne bouge pas d'un pouce, quoiqu'il puisse (faire semblant de) dire ou faire, et cette attitude est (de plus en plus) dérangeante pour le spectateur, par l'impossibilité d'empathie et d'identification qu'elle génère-).
A tel point qu'à la fin je me suis surpris -horreur- à penser "C'est bien fait pour lui". Et j'en ai presqu'eu honte.

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Le journaliste de la Voix du Nord résume assez bien mon opinion : "Les Dardenne, fidèles à leur style brut, épuré, tendu, se placent avant tout à la hauteur d’un gosse immature et perdu qui devrait plutôt être travaillé par ses hormones que par ses ablutions." (via allocinoche)

24 mai 2019

tanta agua

102
LOS SILENCIOS
de Beatriz Seigner

Nous l'avions programmé très en avant-première dans notre dernière Semaine Latino, à condition, avait dit la distributrice, que nous le reprenions par la suite dans le bôô cinéma. Et ce fut chose faite, cette semaine (en même temps, o coïncidences de la programmation, que El Reino, autre film en langue españole, mais c'est à peu près le seul point commun entre los dos).
Je l'avais donc vu à ce moment-là, mais j'y avais aussi un peu dormichouné, ce qui fait qu'il me manquait quelques clés pour en saisir toute la subtilité, et je tenais donc à le revoir, car même en l'état, avec les trou(ée)s de sommeil, il me semblait déjà être un des plus intéressants de cette Semana Latina 8.
Et j'y suis donc retourné cet aprèm', au lieu d'aller marcher avec les copines...
Et j'ai trouvé ça encore plus magnifique (vu dans son intégralité). Los Silencios est un film fantastique dont on ne s'aperçoit qu'à la toute fin (ou presque) qu'il s'agit d'un film fantastique. Une femme arrive sur La isla de la Fantasia (en bateau de nuit) avec ses enfants, pour fuir la guerre, elle y est accueillie par sa tante, (qui lui confie un cabanon pour s'y installer), et va faire ce qu'elle peut pour y faire son trou (se loger, trouver un travail, donner à manger à ses enfants).
Sous des dehors très terre-à-terre (démarches administratives, avocats, statut de réfugiés, bonnes soeurs, négociations, maire, boulots de merde, misère au quotidien) Los Silencios est un film qu'on pourrait qualifier plutôt d'eau-à-eau (et la réalisatrice la filme magnifiquement, cette eau, sous tous ces états, et à de nombreuses reprises), un film qui ne raconte pas tout à fait ce qu'on pense être en train de voir.
Un film à revoir, donc, une fois qu'on en connaît la clé (on a quand même eu plusieurs fois la puce à l'oreille, et on s'est questionné) pour réaliser à quel point c'est bien construit et ça tient bien la route (enfin plutôt la mer dans le cas présent).
La scène finale est absolument magnifique (et pourtant, encore une fois, très simple, dans sa façon de signifier -de justifier- le fin mot de cette histoire (qui se finit d'ailleurs plutôt paisiblement, là même où on l'a vu commencer, oui, une fin apaisée et digne, où la boucle de la narration est simplement nouée) qui m'a vraiment vraiment beaucoup impressionné.
Un beau film, qui me restera de 2019 c'est certain.

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23 mai 2019

bnei brak

101
M
de Yolande Zauberman

Un film coup-de-poing. Que la réalisatrice nomme elle-même, tout à la fin, via une citation de Franz Kafka, son film-couteau. Le genre de film qui vous laisse, lorsque les lumières de la salle se rallument (bon, c'est vrai, dans le bôô cinéma elles se rallument tôt et c'est rien de le dire...) sonné, immobile, comme planté sur le rivage tandis que la mer du film se retire. On reprend pied, on respire. On s'essuie un peu les yeux aussi. Je dois être trop sensible, je suis incapable de reprendre instantanément ma vie d'ailleurs, celle du hors-cinéma.
Nous voici à Tel Aviv, ou presque, la nuit, sur la plage, et un homme chante. Cet homme c'est le M du titre, il s'appelle Menahem, et après avoir chanté, (une chanson qui parle de rabbin et de petits enfants qui chantent ensemble l'alphabet) il explique, à la réalisatrice qui le filme, qu'il a aussi été un porno kid, qu'il a été violé quand il était enfant, par des adultes (dont son rabbin) de la communauté ultra-orthodoxe à laquelle il appartient (appartenait).
Menahem Lang, vous l'avez entendu chanter dans le Kedma d'Amos Gitaï. il chante aussi -superbement- dans le film, à plusieurs reprises, et c'est très touchant (surtout quand il explique pourquoi il met le plus de douleur possible dans son chant). Il revient à Bnei Brak (la ville de son enfance), vingt ans après en être parti (après avoir été chassé de la maison par son père à qui il venait d'apprendre qu'il avait été violé et lui avait répondu qu'il était impur et ne pouvait donc plus rester là). Il veut "régler les choses" (avec son -ses- violeur(s) d'abord, puis avec sa famille). Il revient. M c'est un garçon à la tête ronde, au crâne rasé, sans chapeau, sans barbe, sans papillotes, bref sans rien de la panoplie du juif ultra-orthodoxe telle qu'elle est portée par l'ensemble des homme qui vivent là. Et la réalisatrice le suit, de près, de très près.
Et la nuit, les nuits, il va rencontrer d'autres hommes, souvent dans un cimetière (là où l'un des rabbins avait l'habitude de violer les garçons, sur une pierre tombale) et leur parler, et va susciter la parole de ces autres hommes, qui ont tous vécu la même chose que lui, et  cette incroyable libération de la parole va prendre de plus en plus de place dans le récit, qui nous révèle une non moins incroyable généralisation de cet état de fait (le viol) et, surtout, du silence total et complice qui entoure l'événement, alors que tout le monde sait.
C'est... terrifiant. Et en même temps, salutaire. On se demande comment Yolande Z. a pu réussir à filmer toutes ces paroles (dans des lieux où les femmes n'ont pas droit de cité, n'existent pas) comme si, une fois derrière sa caméra, elle était devenue invisible. Ces paroles d'hommes qui reviennent sans cesse autour du même sujet : le viol dont ils ont tous été victimes, et que certains ont fait subir à leur tour à d'autres. L'homme en question explique d'ailleurs pourquoi.
Mais il est dans le film aussi beaucoup question du sexe, et des rapports sexuels, une terra incognita pour ces jeunes hommes dont la seule "ouverture" sur cet univers est la Torah, et ce qu'elle dit "plus ou moins" sur ce thème (une séquence plutôt drôle en compagnie d'un jeûot qui va se marier dans deux jours et est toujours persuadé que les femmes n'ont pas de sexe...).M dénonce cette hypocrisie érigée en règle de fonctionnement.
Le film se termine sur un apaisement, une réconciliation, pour Menahem, et la réalisatrice vient in fine poser ses mots sur les dernières images, comme si elle accompagnait doucement le spectateur, sonné, pendant que les lumières se rallument...
Un film fort, nécessaire, incontestable.

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18 mai 2019

chardonnay

100
THE DEAD DON'T DIE
de Jim Jarmusch

Le plaisir intact et à chaque fois retrouvé de découvrir un nouveau film de JJ. Bon là ça n'était pas gagné d'avance : je suis moyennement adepte des films de zombies, mais j'aime tellement Jimchounet que je n'ai pas hésité longtemps (j'ai tenu bon pour l'avant-première dans le bôô cinéma, à laquelle j'ai préféré LES CREVETTES PAILLETEES avec Isa) mais le jour de la sortie officielle j'étais au Victor hugo dès la première séance pour voir de quoi il retournait...
Et pour ce qui est de retourner, ça retourne... (hihihi)
Les morts-vivants c'est un genre archi-connu et archi-exploité (pour ma part je me suis arrêté à peu près à LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, de Georges Romero (cité dans le film) qui m'avait bien plus retourné que, par exemple, L'EXORCISTE vu la même semaine et qui, allez savoir pourquoi, ne m'avait pas fait plus d'effet que ça...) on sait comment ils sortent de leurs tombes dans les cimetières, ou se rassoient sur leurs lits à la morgue, on sait à quoi ils ressemblent, on sait comment ils marchent, on sait ce qu'ils aiment manger (de la chair humaine en général et ici en particulier, certains plus raffinés dans d'autres films ou séries ayant eu plutôt un faible pour la cervelle -humaine, bien entendu-) et Jim Jarmusch respecte assez scrupuleusement le cahier des charges, introduisant simplement une seule -mais plaisante- nouveauté (que je vous laisse le soin de découvrir par vous-mêmes) sur le comportement desdits undeads.
Pour répondre à tes interrogations, Marie, je dirai que le film est affreusement drôle (et c'est très juste). Et, bon, c'est vrai, il y a bien un ou deux moments où il faudra te cacher un peu les yeux (et encore). Le souci, avec les undead (pour parler comme les personnages du film), c'est que c'est exponentiel : puisque chaque humain boulotté par un mort-vivant devient à son tour un mort-vivant, et ainsi de suite. Au début du film, tout le monde est normal (pas mort, je veux dire), à la fin c'est un peu moins évident (vous vous rendrez aussi compte par vous-même, hein).
Au début on fait la connaissance des policiers de Centerville : le vieux briscard (Bill Murray), le petit jeune (Adam driver) et la petite jeune qui va avec (Chloé Sevigny), qui vont nous présenter tranquillou l'essentiel des personnages du film : un vieux fou qui vit dans les bois (Tom Waits), un fermier beauf et bas de plafond (Steve Buscemi), une dame des pompes funèbres très killbillesque (Tilda Swinton), etc. jusqu'à ce que se réveillent les deux premiers zombiechounets : ce bon vieil Iggy et sa copine Sara Driver (la copine à JJ). Tout ça nous est introduit de façon assez nonchalante et cool, bien que la situation ne le soit pas vraiment : il serait question de la fin du monde, pas moins. Dans un contexte (réaliste) de catatstrophe écologique (là il n'invente rien...)
Les amateurs de gore seront peut-être déçus (et les amateurs de jarmuscheries peut-être aussi ?), en tout cas moi ça m'a ravi. Et c'est rigolo, en plus, de trouver, vers la fin, un point commun " scénaristique" entre le cinéma de Jarmusch et celui de Bertrand Blier (je vous laisse aussi le soin de le découvrir...). J'aime les personnages, j'aime ce qu'ils disent, j'aime la façon dont ils le disent, j'aime les clins d'oeil et les références, j'aime la façon d'exterminer les morts-vivants, bref j'aime vraiment beaucoup de choses là-dedans.
C'est vrai que la distribution est somptueuse (même si certain(e)s ne font que passer ou quasi) mais elle en dit long sur la cote d'amour et de fidélité des  acteurs et les actrices pour "Jimmy" (et réciproquement)... Et ça vaut le coup pour le spectateur habitué à Jarmusch de sortir un peu de sa zone de confort (comme un zombie, justement, sortirait de sa tombe hihihi) et de venir voir de quoi il retourne...
Something weird is going on...

2574607

l'affiche

qui m'en a rappelé une autre, d'un film vu en 1974...

phase-iv-movie-poster-47x63-in-french-1974-saul-bass-nigel-davenport

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