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LE GANG DES BOIS DU TEMPLE
de Rabah Ameur-Zaïmèche
J'avais déjà vu le film en avant-première en nov/dec dernier (Festival Entrevues)où RZA est (enfin) venu, tout à la fin (contrairement à ce qui avait été annoncé) présenter ce film, avec une cohorte impressionnante (ils étaient au moins vingt sur scène) de membres de l'équipe du film... (Principalement des couilles, d'ailleurs, me semble-t-il). Car (comme beaucoup de films de RZA, LE GANG DES BOIS DU TEMPLES est un film de couilles. Viril, quoi. Un groupe de potes monte un casse dont ils pensent qu'il a été parfait. ils sont tous habitants de la même cité, et côtoient tous les jours Mr Pons, qui habite au même endroit qu'eux, et vient de perdre sa mère (le film débute quasiment par la scène d'enterrement). Ils le côtoient en bonne intelligence (on n'est pas dans LA HAINE ni dans LES MISERABLES), partagent des bons moments. j'avais deux mots en tête pendant la projection : humanité et fraternité, qui constituent les clés de voûte du cinéma de RZA (que j'aime tant). Les lascars ont réussi leur coup, ils sont riches, se pensent invulnérables... La suite leur prouvera que non.
Après l'avoir vu à Belfort, nous avions tous pensé plus ou moins la même chose : c'était bien, mais ça n'était pas son meilleur... Et là, à le revoir dans le bôô cinéma, dans cette salle 12 pleine à craquer (je plaisante, nous étions 3, et j'en étais malade), j'ai revu mon jugement. A la hausse. RZA aime les gens, et ça transparaît dans sa façon de les filmer, de raconter leur histoire. LE GANG DES BOIS DU TEMPLE peut apparaître comme un film hybride : polar , néo-polar ? film noir ? chronique sociétale ? Mais à la fin, on est terrassés, et on reste sur son siège jusqu'à la toute fin du générique...
Restera une séquence superbe (musicale) de boîte de nuit, où Sofiane Saïdi mixe, où on voit se déhancher ce grand escogriffe de Rodolphe Burger, où le prince s'éclate, et où des décisions radicales sont prises... Un grand et beau moment de cinéma.
Et c'est fort comme le film se termine, quasiment au même endroit où il a commencé. Dans la paix, on va dire, après être passé par une multiplicité d'états intermédiaires.
Mais je ne peux pas terminer ce post sans livrer un extrait de l'article de Luc Chessel, dans Libé :
"Toute l’histoire sera racontée, c’est promis, avec ses péripéties. Mais à la manière propre du film, de son auteur, de la bande d’acteurs (des hommes, surtout, beaucoup et comme toujours. C’est son univers, masculin pas mascu, ce qu’il préfère filmer – sauf Marie Loustalot, en femme de braqueur inquiète) qui autour de lui s’affaire et se mobilise. Manière qui atteint ici une transparence très limpide : donner à la séquence, à chaque fois, le bon flottement qui lui convient, la place (espace et temps) pour se délayer, se laisser voler un peu de simple présence, de libre parole, de chorégraphie spontanée. En sortant du film, on se souvient de la mythique chanteuse bretonne Annkrist qui chante longuement le texte perçant de la Beauté du jour à l’enterrement de la mère de M. Pons, des dialogues absolument tendres fusant entre les sept malfrats, héros et antihéros prolétaires, radieux parce qu’aimés par le film, et aimés autant que les ciels, les enfants, les nuages, les feux des voitures dans la nuit, les espoirs et les désespoirs, les destins possibles et impossibles, les cités réelles et imaginaires, tout ce qui les environne et qui passe dans les mailles du Gang des Bois du Temple. Ce film est comme un hold-up délicat, comme une lutte à mort câline, comme une tragédie qui y croirait encore, dur comme fer, rien que pour venger ses personnages, et tous ceux pour lesquels ils se tiennent en riant, tous ceux pour lesquels ils tombent."
article que je trouve particulièrement in the mood avec le film...