Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
lieux communs (et autres fadaises)
10 juillet 2018

jus de raisin (des français)

078
RETOUR A BOLLENE
de Saïd Hamich

J'ai attendu la Teuf du Ciné pour aller voir ce film de notre programmation (un euro de moins, hein, c'est toujours ça...) et je l'ai donc vu dans une salle inhabituellement remplie (mais ça, ça faisait plutôt plaisir).
Un film ramassé (1h15), sec, tendu, autour d'un fils, prénommé Nassim, ayant quitté sa famille pour aller travailler à Abu Dhabi, et décidant soudain de revenir les voir, (pour leur présenter sa fiancée ?), en France, à Bollène plus précisément, où il a passé son enfance, et où sont restés tous les siens.
Il revient sur des lieux qu'il a quittés (qu'il a fuis) depuis longtemps, et va devoir se confronter à son passé. Il passe voir son frère, ses soeurs, sa mère, mais refuse obstinément de rencontrer son père, avec lequel on comprend qu'il est fâché depuis un certain longtemps, sans espoir de rémission (de pardon). Nassim voit beaucoup de monde, donc, échange sur la religion, le respect du Coran, le chômage, les petits boulots, les petits trafics, la fumette, le rap, l'extrême-droite et les fascistes, les gâteaux faits maison de sa mère... C'est passionnant, jamais théorique ou systématique.
On observe, en même temps que Nassim, la situation catastrophique (pathétique) de la ville et de ses habitants.
Nassim est joué par Anas El Baz, un acteur imposant, impressionnant, à double visage pourrait-on dire, puisque le réalisateur nous le présente d'abord sous bon profil droit (son "bon" profil) avant qu'un plan suivant ne nous face découvrir son profil gauche, et de découvrir qu'il a quelque chose (peut-être un accident, qui a laissé des traces) au niveau de l'oeil et de l'arcade sourcilière, et nous le rend, du coup, encore bien plus attachant.
Le film aborde les problèmes, comme nassim, assez frontalement et poursuit vers sa destination (enfin, celle que le spectateur envisage), qu'il atteindra dans une scène qu'on aurait pu craindre climaxique (celle de la rencontre avec le père) mais qui reste, curieusement, assez dépassionnée, traitée à juste distance, au mileu d'une serre, un couteau à la main, mais juste pour cueillir des salades. Un genre de Du passé faisons table rase de notre héros. une rencontre qui ne changera finalement pas grand chose pour Nassim (ni pour son père d'ailleurs).
Et on se quittera sur cette scène magnifique (oui, qui justifie à elle-seule de voir le film) où Nassim, seul dans sa bagnole, enregistre un message téléphonique pour sa copine, qui est repartie, message où il se "déboutonne" et se laisse aller. puis l'efface et en enregistre un autre, moins touchant. Qu'il efface à son tour pour en enregistrer un troisième bien plus neutre, où il a reboutonné sa cuirasse.
Très fort.
Top 10, sans doute.

1275056

8 juillet 2018

cascade

071
073
077
SENSES
de Ryûsuke Hamaguchi

Bon, résumons : à l'origine, un film de plus de cinq heures. Projeté à Locarno, où les quatre actrices principales ont été collectivement récompensées pour leur(s) interprétation(s). Idée marketing : le saucissonner pour une exploitation en salles plus facile (et plus rentable : trois entrées au lieu d'une seule!). Le film étant lui-même subdivisé en cinq parties (correspondant à chacun des cinq sens, d'où le titre), il sera donc exploité en trois films, de taille décroissante (2h20, 1h30, et 1h15), et présenté, marketing toujours, comme "la première série cinéma" Et hop! Chacune des trois parties étant programmée, sur trois semaines consécutivement, début mai (oui, il faut le temps que ça parvienne jusqu'au bôô cinéma, je sais bien).
J'ai trouvé plus facile (et plus conforme, ou judicieux) de les chroniquer toutes les trois ensemble, puisqu'il ne s'agit, finalement, que d'un seul film.
Quatre parcours, quatre histoires individuelles, celles de Jun, Akari, Funi et Sakurako, qu'on suivra, ensemble ou séparément,  assez longuement dans le premier film (2h20), avant que l'une d'entre elles ne disparaisse, in extremis, justement à la fin de cet opus, comme elle l'avait annoncé d'ailleurs à ses copines.
Le film s'appelait à l'origine Brides (Epouses) en référence au Husbands de John Cassavettes, dont il pourrait être, dixit le réalisateur un genre de version féminine. mais le film est surtout né lors d'ateliers d'improvisation auxquels participaient les quatre actrices (dont c'est d'ailleurs, pour chacune, si j'ai bien compris, le premier rôle au cinéma.)

Je viens de voir le troisième (et dernier) film, et j'en suis enchanté. impeccable. Comme dans les deux autres le réalisateur procède par plans-séquences, personnages assis, immobiles, caméra statique aussi, sauf exception (notamment une très impressionnante scène de boîte de nuit et de danse de plus en plus frénétique, dont on se demande à un moment comment, rire ou larmes,  elle va bien pouvoir se terminer...). dans cette dernière partie (un seul "épisode" sensoriel : "Goûter"), 1h15, les fils narratifs sont censés se dénouer, sauf qu'à la faim on restera sur notre faim : Jun a disparu, mais on n'en saura pas beaucoup plus sur ce qu'elle devient, est devenue, deviendra... on aurait bien aimé, en spectateur occidental habitué au confort narratif, la revoir juste un peu, histoire de lui dire au revoir... J'ai énormément aimé cette dernière partie, où on est, en tant que spectateur, un peu secoué : une qu'on pensait morte mais qui ne l'est pas, une qui ment à son mari en lui racontant qu'elle a rencontré un homme, une qui croit que son mari va réchapper de son accident alors que pas vraiment, un autre mari qui tombe mais qui ne se fait pas trop mal, mais qui plus tard va s'acroupir dans la rue pour pleurer... Chacun des personnages, et donc chacun des couples (sauf l'infirmière qui est un couple à elle tout seule) nous (re)présente une situation affective (sentimentale) précise (avec les problèmes générés, y compris souvent au niveau de la communication...) et l'éventail proposé est assez complet (et joliment déployé, de surcroît) pour qu'on suive l'évolution de leur(s) histoire(s), et qu'on ait envie à chaque fois de savoir la suite.

5140686

7 juillet 2018

y a une pie dans l'poirier...

075
BECASSINE!
de Bruno Podalydès

Film "A" de la semaine de notre programmation (ils en ont de la chance, les films A : 31 séances hebdo pour celui-ci, et, en plus, en sortie nationale, ceci expliquant cela..). Les films de Bruno Podalydès, on les a tous vus, et quasiment tous programmés (si ce n'est pas dans le bôô, c'était dans le vieueueux cinéma) depuis Versailles Rive Gauche (1992, tout de même), ce qui représente une dizaine de longs-métrages nous ayant apporté chacun leur dose de bonheur cinématographique.
Les films de Bruno Podalydès, c'est d'abord un système (Bruno derrière et souvent devant la caméra, et Denis, le frérot souvent devant et de temps en temps, en plus, à coté  au scénar) bien rôdé, avec une tribu de comédien(ne)s qu'on a toujours grand plaisir à retrouver, (un peu comme la bande à Guédiguian), chacun(e) avec, d'une film à l'autre,  des casquettes différentes : Michel Vuillermoz, Isabelle Candelier, Jean-Noël Brouté, Philippe Uchan, et, en guise de cerise sur le Podalydès cake, pour chaque opus, une invitée de marque : (Agnès Jaoui, Valérie Lemercier, Jeanne Balibar, Sandrine Kiberlain...), ici c'est la toujours bien Karin Viard qui s'y colle.
Je n'ai pas souvenir d'avoir "vraiment" lu Bécassine, pourtant je connaissais au moins Clocher-les-Bécasses (le village) et Loulotte (la fillette). pour le reste je pensais juste que Bécassine était le prototype de la nunuche, de la cruche, alors que pas vraiment (enfin, pas tout à fait exactement).
Le film démarre de plain-pied avec Bécassine enfant, plusieurs scènes s'enchaînent, avec des gags qui tombent -un peu- à plat (rétrospectivement après on se dit, c'est normal, la BD n'a que deux dimensions) et à maintes reprises j'ai été tout seul dans la salle à en rire (bon, on était six) mais par exemple les parents de Bécassine avec la tête dans le potage à la fin du repas, j'ai adoré ça... Oui, avec en plus un genre de faux-rythme moumou qui fait se tortiller sur son siège un peu le spectateur moyen (il m'a d'ailleurs semblé voir s'allumer un portable...) qui ne sait pas trop sur quel pied danser.
Puis, après ces coups de manivelle filmiques, la mécanique pétarade et démarre, et on est ravis soudain d'être ainsi transportés, et d'ailleurs on l'est de plus en plus au fil du voyage. Et c'est rudement bien. Bruno Podalydès a su trouver le ton ad hoc, et c'est très plaisant, on a un film qui épouse merveilleusement les contraintes de la bande dessinée. A la simplicité "obligatoire" des cases de la BD il a su adapter une façon de filmer parfaitement adaptée.
Les personnages ont des noms rigolos, jeux de mots, et les acteurs qui les incarnent sont traités façon délicieusement "ligne claire", et agissent en sorte, et  plus le film progresse, oui, plus on est séduits... On s'étonne, on sourit, on est ému, on tremble, on espère, on s'indigne, comme les gamins au spectacle de marionnettes : on joue le jeu, et on y prend plaisir, et c'est très bien comme ça...

3707581

3 juillet 2018

les graines, ça prend du temps...

076
CORNELIUS LE MEUNIER HURLANT
de Yann Le Quellec

Séance privée à 18h dans la salle 2.
Ca commence par une chanson, un duo (en français!) entre Iggy Pop et Anaïs Demoustier! Après un joli ballet de crabes ensablés, on assiste au désensablement, justement, de Cornélius, le fameux meunier du titre, (dont on suppose qu'il vient de réchapper d'un naufrage), et qui se met illico en route, marchant obstinément en suivant les indications de l'anémomètre qu'il trimballe...
Cornélius est interprété par Bonaventure Gacon, qui "vient du cirque" (il a créé un personnage mi clown-mi ogre), et est doté d'un physique... remarquable (on a l'occasion de le voir d'abord -de loin- se doucher sous une cascade, et c'est vrai qu'il a un corps magnifique, muscles et cambrure, qu'on a l'occasion de revoir -brièvement- d'un peu plus près, lors d'une autre scène de douche, où il nous révèle une quéquette visible aussi plaisante que vigoureuse...).
Cornélius, donc, finit par arriver "au bout du monde" et décide de s'y installer pour construire un moulin, et, donc, devenir le meunier du village en contrebas. village dont on découvre le maire, Cardamome,  (Gustave Kervern), pas hostile à la proposition de Cornélius,  et sa fille, Carmen (Anaïs Demoustier), pas insensible aux charmes du même. Cornélius, muni de son titre de propriété, va donc construire son moulin, et tout irait bien dans le meilleur des contes possibles s'il n'y avait un petit hic : chaque nuit, il est pris d'une sorte de folie furieuse qui le pousse à hurler le plus vigoureusement du monde, empêchant les braves villageois de dormir, et générant donc une hostilité croissante de la populace à son égard...
Pour être atypique, le film l'est. Mélangeant allègrement le conte de Grimm, le western, la chronique paysanne, la bluette sentimentale, la comédie terrifiante. Un genre de bric-à-brac instable (au sens chimique du terme), à la fois bordélique, émouvant, maladroit, efficace, lourdaud. Des fois ça feu d'artifice, et des fois ça pschiiiitte comme un pétard mouillé. En même temps réussi et raté, alternant le "très" et l'à-peu-près", aussi fort visuellement qu'il peut être faiblard, parfois, au niveau des dialogues (mais bon, si on est dans un conte ou un western, c'est normal que le dialogues soient nunuchons).
C'est hétéroclite, c'est un joyeux foutoir, ça ne ressemble pas à grand-chose de connu, mais, c'est incontestable, on y retrouve le joyeux grain de folie de la fable originelle d'Arto Pasaalina, dont le film est l'adaptation. A-t-on déjà qualifié un film d'hirsute ? En tout cas ça pourrait tout à fait convenir à celui-là.
Et un film avec une si jolie (et vigoureuse) QV mérite absolument d'être (vigoureusement, donc) défendu!

4637548

22 juin 2018

bird blows the blues

074
MANHATTAN STORIES
de Dustin Guy Defa

Un film parfait pour un soir d'été (ou quasiment). Le genre de film qu'on ne peut qu'aimer : ça se passe à New-York, enfin, à Manhattan comme le titre l'indique, le temps d'une journée, et on va suivre un certain nombre de personnages, à qui il arrive un certain nombre d'histoires, dont chacune sera résolue à sa manière lorsqu'arrivera le soir, et la fin du film avec.
Très agréable, cette promenade en compagnie d'un collectionneur de disques (de jazz) à qui on annonce la découverte d'une perle rare, d'une jeune  journaliste "de terrain" qui effectue sa première journée, justement, sur le terrain, en compagnie de son collègue, propre sur lui mais grand amateur de métal, d'une adolescente blonde androgyne (et compliquée) qui sèche les cours en compagnie d'une copine, d'un jeune black poursuivi par le frère son ex-copine, dont il a publié des photos "compromettantes" sur internet, qui veut la venger, d'un horloger en train de réparer une certaine montre qui va amener la visite dans sa boutique d'un certain nombre de personnages, d'un suicide qui pourrait bien être un meurtre, bref tout une flopée de personnages très... new-yorkais.
Se consomme comme une boisson à la fois rafraîchissante et énergisante, un mélange plaisant d'arômes narratifs. Très agréable (la preuve, je n'ai pas fermé l'oeil une milli-seconde). le seul bémol (hihi c'est le cas de la dire) concerne la musique, jazzouillarde, qui ne m'a pas emballé du tout. Mais bon, tout le reste est suffisamment agréable et bien troussé pour qu'on garde néanmoins un très bon souvenir de l'ensemble. Ah, New-York New-York... On s'y croirait... (et puis c'est rare, quand même, un film dont la scène d'action la plus trépidante est une course-poursuite en vélo!)
Un film simple, un film doux, un film tendre, un film attentif (et respectueux) envers ses personnages (j'ai pensé à Amos Kollek et à son Fast food, fast women, que j'avais adoré en son temps, avec le même genre, justement, de tendresse new-yorkaise...) bref, un joli  film qui fait du bien.

0787187

 

18 juin 2018

big and tough

072
THE RIDER
de Chloe Zhao

Tout simplement bouleversant.
Poignant, impressionnant. Attendrissant.
Il y a des configurations (j'avais écrit conjonctions par erreur, mais vérification faite ça pourrait convenir) affectives (comme il y en a des astrales), inattendues (inespérées) qui tiennent du miracle. Et la vision de ce film en fut une. J'ai été en larmes quasiment dès le début, comme je l'étais à la toute fin (bon rassurez-vous,  j'ai eu quand même les yeux secs entretemps, mais c'est vrai que c'est remonté plusieurs fois...)
Pourtant les chevaux, ça n'est pas vraiment mon truc, et les rodéos a priori non plus. mais là, allez savoir pourquoi, là, j'ai -vraiment- adoré tout ça. tout du long.  C'est drôle de voir ce film quelques jours après celui de Samuel Collardey, car ils relèvent tous deux, quasiment, de la même démarche : des gens vrais, avec leur vrai nom (ici on a juste changé le nom de famille des trois personnages principaux), et leur vraie histoire, sur leurs vrais lieux de vie, avec les vrais gens qu'ils côtoient. Mais allez savoir pourquoi, celui-ci (The rider) m'a fait fondre, alors que celui-là m'a, si je puis dire, laissé (plus ou moins) de glace.
Le héros, celui qu'on voit sur l'affiche, c'est Brady, un jeune cowboy indien, un jeune espoir du rodéo (qui vit sa vie "huit secondes à la fois"), un jeune homme qu'on trouve au tout début du film amoché, traumatisme crânien après une chute en, justement, rodéo, et qui doit gérer une convalescence pas forcément très joyeuse, lorsqu'il réalise qu'il a gardé des séquelles de sa chute et qu'il ne pourra probablement plus jamais faire ce qu'il aime : rodéer.
Et Brady ne sait faire que ça : dresser (on dit débourrer) des chevaux. On le voit à l'oeuvre, et c'est fascinant. Il va s'agir alors, pour lui, d'abord de continuer à vivre (de trouver les raisons de) , mais de trouver un moyen  de gagner de quoi vivre, un job alimentaire, ou deux, histoire de tenir, tandis que son rêve continue de couver sous la cendre. Et on va l'accompagner, au quotidien, au jour le jour, avec sa famille, avec ses amis, avec les chevaux... c'est juste c'est simple et c'est beau.
Brady est interprété par Brady Jeandreau (de la même façon que sa soeur Lily est interprétée par Lily Jeandreau, et Tim, son père, par Tim Jandreau) d'une simplicité et d'une justesse exceptionnelles (il est pour beaucoup dans la force du film). Rien n'est inventé, il est vraiment dresseur, il a vraiment eu un accident, de la même façon que sa soeur est vraiment atteinte du syndrome d'Asperger et que son ami Lane Scott, est vraiment paralysé suite à une chute de rodéo (taurin, celui-là).
Le personnage et la vie de Brady sont au centre du dispositif (comme le personnage et la vie d'Anders étaient au centre d'Une année polaire) et la réalisatrice nous les retransmet avec infiniment d'attention et de délicatesse. La majorité des personnages sont des indiens de la tribu des Lakotas, vivant dans la même réserve. Là encore, on peut faire le parallèle entre ces deux univers "colonisés"  et la triste façon dont on les laisse survivre (Les Inuits avec le Danemark, Les Indiens avec les USA).
Je suis allé sur le ouaibe pour trouver un peu plus de renseignements sur Brady Jeandreau : des interviews pour la promo, le dossier de presse du film... et ce petit gars-là, il est dans la vie comme il est dans le film : émouvant. Il confirme que l'histoire du Brady du film est bien la sienne (la scène d'accident de rodéo est la sienne, vraie), que la réalisatrice a souhaité la raconter à l'écran (ils s'étaient déjà croisés lors du tournage du premier film de Chloé Zhao, Les chansons que mes frères m'ont apprises) après qu'il lui ait eu raconté ce qu'était sa vie après ce fameux accident, mais il établit une différence entre le vrai Brady et le Brady de cinéma qu'il incarne ("mon personnage a dans le film des réactions que je n'aurais pas forcément eues dans la vie, mais la réalisatrice a bien précisé que, justement, c'était le personnage du film, et pas moi...").
Même s'il est plutôt triste, le film n'est jamais insistant dans le pathos. Les scènes de l'histoire de Brady, filmées bien souvent de très près, contrastent avec les paysages somptueux en plans très larges, cieux, nuages, prairies, comme d'amples respirations qui viendraient adoucir le propos. Et la musique de Nathan Alpern (quoi qu'en dise le tâtillon critique de Libé) participe aussi à cet enveloppement soyeux et mélancolique.
Top 10

3144541

16 juin 2018

QV

NU
série de Olivier Fox

J'en ai rêvé, merci Orange, Olivier Fox l'a fait.
La première série à quéquette(s) visibles! Et je me suis empressée de la regarder de bout en bout (si je puis dire) gloutonnement, en deux soirs. Dix épisodes, de 20' minutes chacun, avec une fin de dernier épisode qui semble appeler une suite (et, donc, une saison 2).
Bon, c'est un fait, la publicité ne ment pas sur la marchandise : des quéquettes, il y en a. Chaque épisode apporte son quota de birds in the nest (j'ai trouvé cette expression sur un blog américain, même si elle n'a pas été attestée depuis sur beaucoup d'autres, mais elle me plaît, soulignant le côté attendrissant qu'a pour moi la chose en question.)
Le héros se réveille dans une chambre d'hôpital après 8 ans de coma, il a la zigounette (qu'il a fort jolie) à l'air, et apprend que les choses ont changé : contre le terrorisme a été votée une loi "transparence" qui oblige les citoyens à se promener à poil, pour qu'on soit bien sûrs qu'ils ne portent pas d'arme... Le monsieur en question, qui était flic avant de tomber dans le coma en se portant au secours d'une collègue, ne veut pas en entendre parler, (de se promener à poil) il est resté so 2018 dans sa tête, et va mettre quelques épisodes à se décider à l'assumer en public, sa zigounette jolie. Ca c'est le premier fil narratif.
Comme il est flic, il y a en a un second en parallèle, une vague enquête policière (le père de la loi transparence a été assassiné, et retrouvé, vêtu, dans un bois, et on soupçonne les réfractaires, ceux qui n'ont pas voulu se plier à la loi, les rebelles, et vivent camouflés, au milieu des bois justement, emmitouflés du haut jusque-z-en bas, mais bon comme en 2018 les magouilles politiciennes vont bon train...).
Bon, vous me connaissez, je suis bon public. Une série s'annonce "à quéquettes visibles" et donc je vais en profiter, et ne pas me priver, puisque j'aime ça, pour les regarder. C'est vrai  que c'est ce qu'il y a de plus intéressant, visuellement (plastiquement), dans cette série, et que, si elles n'avaient pas été là, j'aurais été très malheureux, et je n'aurais sans doute pas regardé jusqu'au bout... D'ailleurs, ces fameuses, quéquettes, si elles font bien le taf lors des premiers épisodes, il semble que par la suite elle deviennent plus timides, oui, plus épisodiques, plus dissimulées, plus hors-cadre, et c'est un peu dommage.
L'idée est plus que plaisante, mais la réalisation a du mal à suivre. malgré le capital sympathie indéniable que provoquent les acteurs (et pas juste à cause de leurs birds in the nest) et les actrices aussi bien sûr (mais je le redis, désolé, mais les zigounettes c'est mieux!) . Non seulement le format est -un peu- court mais la thématique est hybride : la série est rangée dans la case "comique" sur le présentoir à série d'Orange, je ne suis pas sûr que cela la serve vraiment (personnellement je n'ai pas trouvé ça drôle de voir des gens se balader à poil). La case polar ou anricipation, n'aurait pas tout à fait convenu non plus , c'est vrai que c'est difficile de trouver la case idoine, peut-être aurait-il suffi d'un "décalé", c'eut été plus juste...
Non, ce que j'aime, vraiment, ce qui fait très plaisir (en plus ds QV), c'est l'aspect "égalitaire" de la vision, parce qu'elle donne à voir des gens de tous âges, (et ça c'est culotté!) et agrège des acteurs/trices venu(e)s de quelques séries télé d'horizons divers, de Vestiaires à Scènes de Ménage  (ceux-là j'ai reconnu tout seul) en passant par Caméra Café (là c'est les critiques qui me l'ont appris)... Ils méritent tous des applaudissements, parce que ce n'était pas forcément si simple que ça à faire, je suppose...
Avec une mention spéciale  pour Satya Dusaugey, le personnage principal. Qui paie de sa personne et fait bien le job. En plus d'être plaisant à regarder. Parce qu'en cherchant sur le ouaibe plus de choses sur lui, j'ai appris qu'il avait déjà réalisé un court-métrage, intitulé Tapette, dans le quel il joue aussi -et où il montre déjà sa zigounette, oui oui- mais surtout je suis tombé sur cette image

tapette

qui ne vous dira sans doute rien, mais que j'avais repérée il y a plusieurs mois en couverture d'une programmation de la MJC Les Oiseaux, que je trouvais sympathique mais énigmatique, puisqu'aucun nom n'était cité. Et un mystère de résolu, un ! c'est Satya Dusaugey dans son court! ( court que j'aimerais pouvoir voir!)

tumblr_p32e0udFe51wolroio8_1280


Pour en revenir à NU, (ah oui, au fait, la série est interdite aux moins de 16 ans, si si...) concluons que c'est un premier essai intéressant (les amateurs/trices de QV, allez-y !), une idée, formidable,  dont on espère qu'il prendra un peu plus d'envergure (d'amplitude) dans la Saison 2 que, bien sûr, on espère...

15 juin 2018

ton phoque est délicieux, thomasine

070
UNE ANNEE POLAIRE
de Samuel Collardey

Soirée de gala dans la salle 12 du bôô cinéma (qui, tiens, cherchez l'erreur, n'en compte d'ailleurs que 10), avec la venue annoncée de Samuel Collardey (pour la quatrième fois!) venu nous présenter son dernier film. Depuis son premier long-métrage (L'apprenti) -et même depuis son court-métrage à l'origine dudit long , Du soleil en hiver, on l'aime on on le suit, cet homme-là.
Déjà parce qu'il est du coin (bisontin) qu'il aime rencontrer son public et n'a jamais donc failli à cette tradition, et puis par la singularité (et la constance) de son univers cinématographique. Samuel Collardey ne fait pas (tout à fait) de la fiction, ni (complètement) du documentaire. Comme quelques autres, il tricote dans le genre "fiction documentairisée" (ou, bien sûr, documentaire fictionnarisé).
Ici, dans le cas présent, il est question d'Anders, un "vrai" instituteur danois, qui a demandé un poste dans un "vrai" village reculé groenlandais de 80 habitants de la côte ouest. Anders joue son propre rôle, il débarque à Tiniteqilaaq (le fameux village en question) et tente de faire son trou (dans la glace hihihi), de trouver sa place, de se faire accepter. On a donc un authentique instit danois en immersion, au milieu de non moins authentiques Inuits. Des gamins insupportables qui goûtent le bordel en classe, et qui ne voient pas véritablement l'intérêt pour eux d'y aller en classe. Des parents qui s'en occupent un peu, et des grands-parents beaucoup. Et le problème de la langue (danois versus inuit, habilement différencié par la couleur des sou-titres, jaune pour ceux-ci et blancs pour ceux-là . c'est rigolo d'entendre l'instit' se faire nommer "trou du cul" à son arrivée par un de ses élèves et de ne pas le comprendre, tandis que nous spectateurs, si). Qui dit inuit pense forcément eskimos, phoques, chasse au harpon, traîneau -et chiens de-, aurores boréales, immensité blanche, chasse à l'ours, icebergs, kayaks, et (forcément, quand on est un peu allé au cinéma ou simplement qu'on ait fait partie du dispositif Ecole & Cinéma) Nanouk l'esquimau et Robert Flaherty (que Samuel Collardey a d'ailleurs évoqué rapidement lors de la discussion).
Le film est magnifique (les paysages s'y prêtent, il faut le reconnaître) et toutes les scènes en extérieur nous en mettent plein les mirettes. A paysage mirifique, récit à la hauteur, et c'est là que pour moi il y a comme un léger décalage. Comme l'a fait remarquer, lors de la discussion, une spectatrice tout celà est tout de même très idyllique (et c'est exactement le mot qui m'était venu en tête pendant la projection). En me posant juste la question : est-ce que le réalisateur filmait ce que Anders faisait, ou bien est-ce qu'il a filmé surtout ce qu'il souhaitait le voir faire ? (ou ce qu'il lui disait de faire ?). Resté sur ma faim, (un chouïa à distance), avec le sentiment que plus le film avance et plus le personnage d'Anders est "sacrifié", se fond dans la masse, disparaît progressivement. C'est un peu le sentiment que j'ai éprouvé tout au long de cette histoire d'apprentissage, de transmission, et de filiation, comme les affectionne -et sait parfaitement les réaliser- Samuel Collardey.
J'ai passé un très bon moment de dépaysement, un magnifique moment de fascination glaciaire, mais pas (en ce qui me concerne) un moment inoubliable de cinéma. Voilà. En précisant que j'ai presque mauvaise conscience de pichenoter ainsi (tous les gens à la sortie autour de moi étaient hyper-enthousiastes, et le syndrome du "je suis sans doute un vieux con..." a donc repointé le bout de son nez.)
Ca m'embêtait presque de ne pas me sentir aussi hyper-enthousiaste que les autres. Quelque chose sans doute dans la manière de faire, ou de dire, qui ne me satisfait pas tout à fait (sans que je puisse vraiment mettre le doigt sur quoi...)
Tout en précisant, pour clore le chapitre que je considère que le film est "parfaitement inattaquable", et que j'applaudis encore une fois à la démarche de Samuel Collardey, à sa belle rigueur, et à ce beau sillon de cinéma qu'il creuse et qu'il retourne avec force et obstination.

1879045

14 juin 2018

pas d'oiseau dans le nid de l'automne passé

069
L'HOMME QUI TUA DON QUICHOTTE
de Terry Gilliam

Clataclop clataclop, il a fini par arriver. Qui donc ? Eh bien non pas Zorro, mais Don Quichotte (dont j'ai réappris que son nom prenait deux t en français), bien sûr, suivi de son fidèle Sancho Panza (Pança croyais-je aussi). Enfin soyons précis : un certain nombre de Don Q., accompagnés du même certain nombre de Sancho(s).
Disons tout de suite les choses, Terry Gilliam est quelqu'un que j'aime fort et depuis fort longtemps, à qui je dois un certain nombre de grands bonheurs cinématographiques (Bandits Bandits, Brazil, les Aventures du Baron de Munchausen, et, surtout, surtout, FisherKing) et que je continue de suivre assidûment, vaille que vaille, (coûte que coûte), même si les films suivants peuvent parfois prêter à confusion et/ou provoquer (parfois) un peu moins d'enthousiasme. J'aime le bonhomme, point. Et je suis donc depuis un certain temps les rebondissements quichottesques dans sa filmographie (qu'on vit résumés dans Lost in la Mancha, il y a déjà tout de même -déjà- quinze ans! (je tiens le dvd à votre disposition), ce qui dit quand même que ça fait déjà un bail que cette affaire traîne...)
Le barouf médiatique à Cannes 2018 en rajouté une louche (des démêlés un peu compliqués avec Paulo Branco le producteur historique du premier, si j'ai bien compris...) sur, d'abord la projection cannoise ou pas, puis la diffusion en salle idem. Bon le film est donc sorti, avec un carton explicatif en ouverture (mais qui ne clarifie pas vraiment les choses), et le voilà dans notre programmation, dans le bôô cinéma, et nous étions quelques-un(e)s, en petit comité, pour la première projection (à 118h dans la salle 1) et j'étais très content de me retrouver là assis à côté de mes amis Pépin et Régis.
Et nous voilà partis en Espagne. un grand maigre sur son cheval, un petit gros sur son âne, des moulins à vent... Clataclop clataclop, oui, Don Quchotte et Sancho. sauf qu'il s'agit d'un film, tourné par un réalisateur pas extrêmement sympathique (joué par Adam Driver, ce gaillard-là je l'aime aussi, Paterson ne sors pas de ce corps!). On est sur le tournage, et on laisse un instant Quichotte accroché à l'aile du moulin (une image qui reveindra à plusieurs occasions) pour suivre le dit pas très sympathique réalisateur, dont on apprend qu'il a tourné quand il était jeune une autre version de Don Quichotte, dans un village voisin, avec des acteurs non professionnels du cru, qu'il va soudain avoir envie d'aller retrouver (en vrac le village, Don Quichotte, Dulcinée, sa jeunesse enfuie), en moto cette fois, et nous voilà parti (vroum vroum, pas cataclop) à sa suite. Celle du réalisateur du film dans le film, mais aussi celle du réalisateur du film dans le film dans le film, Terry Gilliam himself. Le début est un peu embrouillé, mais, assez vite on est embarqués, et on jubile, de ces incessants allers/retours entre ce qui est vrai dans le film (mais qui, pour nous, est filmé, et donc, déjà,  fictionnel) et ce qui relève de la pure fiction (rêve, fantasme, hallucination, film), et qui est donc, pour nous spectateurs ébahis, doublement ou triplement- fictionnel.
Ca devient du grand Terry Gilliam. On jubile, oui, pendant un grand moment.
Et ça retombe hélas un poil à la fin (la looooongue scène dans le château n'en finit pas de ne pas finir), et c'est comme si soudain Terrychounet ne savait plus trop comment se dépêtrer avec panache de sa narration, et donc l'appliquait juste point barre.
Tous les trois, en sortant (Régis , Pépin et moi-même donc) on a fait la même remarque : que c'était longuet, platounet et un peu inutilement délayé.
Mais bon le sentiment de jubilation qu'on avait ressenti avant était suffisamment puissant pour nous laisser, tout de même, tous les trois, devant le bôô cinéma, avec un large sourire.

0798456

6 juin 2018

arrête de toucher ta barbe

068
LES RIVES DU DESTIN
de Abdolreza Kahani

Cas de figure pas si fréquent : un film vu par défaut, à la séance de 13h30 (Dominique avait déjà vu Une année polaire, et dans la troisième salle,  Nanouk l'esquimau, merci, on avait déjà donné, en séance scolaire, en plus...). Donc film inconnu, en sortie nationale, réalisateur inconnu, titre et affiche moyennement attractifs, mais bon on y est quand même allés (et on était d'ailleurs les deux seuls spectateurs, et, donc, on ne s'est pas gênés pour faire comme les deux vieux du Muppet Show et commenter à voix haute quand on en avait envie...).
Et une excellente surprise, pour résumer notre expérience en trois mots.
Un film iranien bref (1h15 tout mouillé), résolument contemporain, iranianissime a priori (les femmes sont voilées, les hommes sont velus) mais, on s'en est rendus compte assez vite, puis tout au long du film, un film surprenant. Par la façon qu'il a d'aborder frontalement des choses qu'on ne voit pas si fréquemment abordées dans les films iraniens, justement : tiens des hommes torse-nu qui jouent au foot, tiens deux potes qui piquent un fou-rire en fumant un pétard, tiens le mot "gay" qui est prononcé, même si c'est sur le ton de la boutade, et tiens tiens quelques petits métiers abordés, ancrés résolument dans la technologie et, surtout, l'illicite (récepteurs et paraboles pour "avoir toutes les chaînes"...)
Un beau portrait de femme forte, Samira, dont on comprend assez vite qu'elle a divorcé, qu'elle était partie à la campagne, et qu'elle revient à Téhéran avec sa fille, où dès son arrivée elle est "accueillie" par son ex-mari, Hamed, qui lui prend la gamine et lui annonce qu'il va lui pourrir la vie.
Ca démarre fort. On va donc suivre parallèlement Samira qui fait tout son possible pour s'installer,reprendre sa vie d'avant comme avant, et le hargneux Hamed (mais pourquoi est-il si méchant ?) qui va tout faire pour, justement l'en empêcher (et c'est vraiment un salopard). Le film est ancré dans un quotidien réaliste, bien souvent même de l'ordre de l'intime, et on est notamment, comme Samira, témoin des scènes de ménage du couple qui l'aide, Davoud (lui) et Rezvan (elle) tous les deux formidables. Comme le film, oui, formidablement juste. On suit Samira, mais aussi  les gens qui gravitent autour d'elle, de plus ou moins près, et les démarches, et les tentatives, et les complications. Le film sait n'être pas grave, ou, en tout cas, pas que grave. j'aime beaucoup la proximité et la simplicité avec laquelle les personnages sont traités. On pourrait presque parler de familiarité, et ça c'est bien.
Le seul bémol formel est la "parenthèse" (qui ouvre et ferme le film), genre de pirouette narrative qu'on pourrait qualifier de maladroite ou, mieux, désinvolte, (et dont il est difficile de parler davantage sans déflorer l'intrigue). un peu comme un gamin qui aurait joué avec un truc pendant un certain temps, lui accordant tout son intérêt, puis à un moment le bazarderait parce que ça ne l'intéresserait plus. Comme la place de Samira dans le film. Elle est présentée comme le personnage central, mais, finalement, le réalisateur ne lui accorde pas tant d'importance que ça, elle ne "porte" pas le film, elle n'en est qu'un des piliers, à égalité avec les autres personnages.
Mais bon, semble se résigner le réalisateur, la vie continue à Téhéran, un seul être vous manque mais ce n'est pas pour autant que tout est dépeuplé, hein, la preuve... Et du coup, à défaut d'attendre Les rives du destin 2,  on a très envie de voir tous les films qu'il a fait avant, ce cher Abdolreza Kahani, dont aucun ne semble être sorti en France (voilà une idée intéressante pour un prochain Ficâââ, non ? Moi je dis ça je dis rien, hein...)

4594014

Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 384 527