Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
lieux communs (et autres fadaises)
25 novembre 2017

à l'eau

181
STEAMBOAT BILL JR

Séance du dimanche matin, inhabituelle, nous étions trois. j'avoue que, Buster Keaton, je ne connais pas plus que ça (j'ai juste vu en ciné-concert Le mécano de la General et j'avais trouvé ça pas mal...) mais l'enthousiasme incitatif d'Hervé (qui d'ailleurs avait annoncé qu'il y serait avec ses petites filles mais qui n'y était point) a fait que je me suis bougé, pendant que mes petites patates cuiraient au four...
Et j'ai trouvé ça très bien. Une histoire de bateaux rivaux (celui du riche et celui du pauvre), ceux des pères respectivement de l'héroïne et du héros (qui bien entendu tombent amoureux au premier coup d'oeil) -et finiront bien sûr dans les bras l'un de l'autre-, une histoire de rapports familiaux (le fiston crevette un peu gandin -joué par Keaton- qui arrive de Boston avec casquette et ukulele, et fiche la honte de son mastodonte de bourrin de père.
Beaucoup beaucoup d'eau, celle sur laquelle les bateaux naviguent, et dans laquelle vont tomber successivement beaucoup de personnages, ensemble ou séparément, mais celle aussi qui vient du ciel, en pluie d'abord et en tempête ensuite (une longue scène qui justifierait, à elle seule, de voir le film, avec le célébrissime gag de la maison qui tombe sur Keaton, filmée sans trucage, on en tremble encore).
Un film, donc, entre deux eaux. Mais extrêmement réjouissant (autant que ses personnages sont mouillés), d'autant plus que j'avoue avoir pris un plaisir pervers à y glisser (j'avais écrit glousser) un sous-sous-sous- texte gay (Buster K. premier héros LGBT ?) qui n'a faire rire que moi mais en rajoutait encore à la bonne humeur ambiante. (Drôle de constater que, même à trois, on ne riait pas vraiment aux mêmes moments...). Et qui donne envie de revoir et revoir le film (et, du coup, aussi les autres de monsieur Keaton).

 

Keaton-Buster-Steamboat-Bill-Jr

Annex-Keaton-Buster-Steamboat-Bill-Jr

Annex-Keaton-Buster-Steamboat-Bill-Jr

16 novembre 2017

un ascenseur, un mur, 200 kurdes, un cheval, et Hamburgo

 

sordi danse veuf

 

176
LE VEUF
de Dino Risi

Premier film vu de La Quarta Settimana Italiana qui débute aujourd'hui (et qui m'aura causé alcuni problemi). Un film de 1957, dirigé par Dino Risi, autour d'un Alberto Sordi impeccable de veulerie. Le film a été restauré, la copie est impeccable et Alberto Sorti est grandissime. Dino Risi nous faisait déjà rire jaune : Un quasi-aigrefin sans le sou a épousé une richissime et jongle avec ses créanciers, jusqu'à ce qu'on annonce la mort de ladite épouse dans un accident de train. Le veuf se croit riche, et change de statut et de comportement, jusqu'à ce que... Si le récit est assez prévisible (les deux-tiers en sont d'ailleurs racontés dans la bande-annonce, et le tiers restant n'est pas le plus palpitant...) le film vaut, bien sûr par l'abattage de notre Alberto (auquel est d'ailleurs rendu, cette année, un hommage avec deux films). Qui en fait des caisses,certes,  mais des caisses géniales, alors, on lui pardonne tout...

*

ultima spiaggia

177
L'ULTIMA SPIAGGIA
de Thanos Anastopoulos et davide Del Degan
QSI 2 : un documentaire fort attendu (je l'avais déjà souhaité pour la précédente édition, mais il était alors de trop fraîche date sorti). Deux heures ritalissimi, mais en maillot de bain. La plage du Pedocin, à Trieste, qui a la particularité d'être coupé en deux par un mur, les femmes d'un côté et les hommes de l'autre. Une plage payante, avec deux guichets et deux entrées. Et les gens qui sont sur la plage, depuis le début de la journée jusqu'à l'heure de la fermeture (19h30). Un documentaire simple et touchant, attentif, attendri, les gens, la vie quoi, les discussions, les rigolades, les chansons, les disputes, et les petites histoires du quotidien : le composteur de tickets coincé, un cadenas sur un transat pour le réserver, les toilettes qui se bouchent, un maître-nageur serbe, la mort d'une femme de ménage, de quoi alimenter les conversations des autochtones (i locali). Etre et avoir, été.

*

170303_Un_paese_di_Calabria3-1024x576

178
UN PAESE DI CALABRIA
de Shu Aiello et Catherina Catella
QSI 3 : le deuxième doc, celui-ci aussi très attendu. Un film qui démarre piano piano, un peu confusément, mais se construit progressivement, et accueille le spectateur à bras grands ouverts, comme les derniers habitants de Riace l'ont fait avec les 200 kurdes débarqués un beau matin sur la plage... La première voix du film est en français (celle d'une émigrée vers la France), la seconde, en italien, est celle d'un de ces kurdes, justement, qui explique comment il est arrivé là et n'en est plus jamais reparti. Un film optimiste, un film qui fait du bien,  qui redonnerait presque foi en l'humanité (comme disait Claude W. à la sortie "C'est pourtant pas compliqué..."), entre "Si tous les gars du monde..." et "Tous ensemble, tous ensemble!". Ça réchauffe et ça fait du bien... (notamment une jolie scène avec les Saints Côme et Damien)

*

img-A_Ciambra-300dpi-1

179
A CIAMBRA
de Jonas Carpignano
QSI 4 : Hervé m'avait prévenu de la similitude avec La BM du Seigneur, et je n'ai donc pas été étonné lorsqu'au générique de fin, autour de Pio Amato, l'interprète du personnage principal, l'écran s'est ensuite entièrement rempli avec le nom de tous les autres Amato de la famille, qui jouent leur propre rôle... Un film réaliste, âpre, "rugueux", sur la vie d'une famille rom (en vo "zingari") où un gamin de 13 ans veut qu'on arrête de le considérer comme un môme et veut devenir un homme, ou du moins qu'on le reconnaisse comme tel. (et, coïncidence ,tiens, une nouvelle référence aux saints Côme et Damien). Je dis, à la sortie,  "Dommage qu'il faille faire une saloperie pour devenir un homme" mais Zabetta corrige "Il a choisi de rester fidèle à sa famille..." Dur dur, quand même

*

180
PROFESSION : MAGLIARI
de Francesco Rosi
QSI 5 : Le deuxième film de l'hommage à Sordi, sorti la même année que Le veuf. Un beau noir et blanc, des italiens émigrés à Hambourg (il fait froid), qui traficotent pour s'en sortir, du jazz dans la bande-son BEAUCOUP TROP FORT encore une fois, je gueule, oui, c'est exprès), un Sordi égal à lui même (Albertissime), et un Renato Salvatori débutant qui joue les pieds-tendes à coeur d'artichaut. Dès le début, j'ai senti hélas que je papillonnais, et si à un moment Hervé ne m'avait pas dit "Tu dors ?", me réveillant en sursaut,  je crois que j'y serais encore (en train de dormir). Du tout je n'ai pas tout compris à cette histoire de tissus et de tapis. Pas un sommeil hostile pourtant, mais un film longuet, qui a un peu vieilli... Une curiosité en tout cas, et une découverte : Alberto Sordi n'a pas tourné que des comédies...

sordi magliari

 

12 novembre 2017

rohingyas

173
LE VENERABLE W.
de Barbet Schoeder

Comme je l'appréhendais, un film terrifiant. Barbet Schroeder ajoute à Amin Dada et Jacques Vergès le Vénérable W du titre. Il n'a l'air de rien, à le voir comme ça, tout sucre et tout miel, calme posé et lénifiant, avec sa robe orange il colle tout à fait à l'image qu'on se fait desdits moines et de leur religion : zenitude et respect. Sauf que, pas du tout.
On est très vite fixé, dès sa toute première intervention. Cet homme-là profite de sa position de "Maître" (je mets les guillemets juste pour lui) pour proférer une haine féroce envers les musulmans. La mauvaise foi et la violence du discours en rappellent d'autres (chez nous, il n'y a pas si longtemps, certain borgne, sa fille, et consorts, et, en Allemagne, un peu plus tôt, mais de façon bien plus systématique et "rationnelle", certain autre moustachu à méche).
Je cite ces deux-là pour situer le niveau de haine, de violence, de mauvoise foi et de dégueulasserie auquel leur "discours" se situe, sauf que les deux derniers le faisaient en hurlant, en éructant, tandis que notre moine safrané le fait posément, sans hausser à la fois, en ajoutant parfois même un sourire pour parapher ses déclarations.
C'est terrifiant, c'est révoltant, c'est monstrueux, et le réalisateur nous raconte les choses, simplement : les images, le plus souvent documentaires, sont -soyeusement- doublées par une voix, qualifiée au générique de "petite voix du bouddhisme", et qui a la bonne idée d'être celle de Bulle Ogier. Qui se contente d'énoncer les préceptes de ladite religion, et le déroulement des événements. et le simple fait de l'associer aux images qui montrent ce qui se produit en réalité, en suivant soi-disant ces préceptes, un génocide de masse, celui des Rohingyas, rend les choses encore plus choquantes.
Un film poignant.

042735

9 novembre 2017

si j'avais un marteau

175
A BEAUTIFUL DAY
de Lynne Ramsay

D'abord, précisons qu'il semble toujours aussi idiot de "traduire" un titre original en anglais (You were never really here) par un autre titre anglais (il faut attendre la dernière minute du film pour comprendre pourquoi).
Ensuite, "le Taxi driver du 21 ème siécle" est une accroche publicitaire nulle (pléonasme). Taxi driver, wtf ? En plus je n'ai jamais aimé ce film.
Et quid des prix ? Le film a été couronné deux fois à Cannes : meilleur acteur et meilleur scénario. Acteur, oui, c'est incontestable, Joaquin Phoenix est immense, je le redis je le répète, j'en bave et je m'en convulse. Pour le scénario, c'est un peu moins évident. Tant qu'à faire, celui de la mise en scène aurait été plus... judicieux.
Fin des ronchonnades (aah si, quand même : pourquoi, dans le bôô cinéma, le projectionniste -facétieux, comme à son habitude- nous avait-il mis le son si fort ? un coup à vous faire péter le sonotone, ça...).
Pour le reste ? c'est tout bon. (Un peu drôle de dire c'est tout bon devant l'histoire d'un mec, disons "tourmenté", qui détruit des pédophiles à coups de marteau, mais c'est pourtant le cas. Une vieille spectatrice -nous étions trois à la séance de 16h - m'a dit "Oui mais, c'est un film d'homme, ça cogne, etc." pour expliquer pourquoi elle avait détesté, quand je lui ai répondu "Mais c'est réalisé par une femme...").
Lynne Ramsay, je connaissais de nom., mais je n'ai vu aucun de ses films. J'avoue que celui-là me donne envie de voir les autres, même si -j'y suis allé voir après avoir vu le film- les critiques ne sont pas tendres (enfin, certaines : une salve de 1 * en bas du tableau pour Téléramuche, Première, Libé, La septième saison et, tiens, last but not least, tiens je vais les citer in petto : "Un nanar qui se fantasme en objet clinquant et artistoïde, et tout autant l’inverse, enfin quelque chose qui traduit surtout un mépris ultra-bourgeois du cinéma", méprisantissimes, Les Cahiaîs (et, en plus, je ne suis même pas sûr de comprendre ce qu'ils racontent).
C'est sûr que ce film est, pour moi, beaucoup plus une forme qu'un fond. Plus qu'une histoire, surtout la manière de la raconter. Mais bon, j'aime ça, qu'un film soit avant tout un objet cinématographique, un dispositif, et You were never really here l'est, brillamment, incontestablement. Joaquin Phoenix, bien sûr. Cet homme-là, je l'aime autant aux USA que Vincent Macaigne par ici, c'est dire. Et il est filmé avec tellemnent de fascination (et presque de concupiscence, non ?) par la réalisatrice qu'il prend toute la place, même quand il ne fait rien. Un personnage torturé, qui sidère d'abord physiquement, par la force de sa présence (50% nounours et 50% terrifiant) puis, progressivement, par la complexité de son mental (des flashes, des visions, parcellaires et incompréhensibles au départ, puis de plus en plus prégnants, qui permettent au spectateur de reconstituer quelques situations qu'on qualifiera de "traumatisantes". J'ai vraiment été fasciné d'un bout à l'autre, avec un point culminant (j'avais écrit  acmé mais je n'étais pas certain que ce soir le bon terme) au beau milieu du film (et au beau milieu d'un lac), une scène qui cite quasiment Bill Viola (et tiens, presqu'un peu de La nuit du Chasseur, allez...) et m'a simplement subjugué.
Bien sûr, ça peut sembler parfois un peu embrouillé (la narration est à l'image du personnage central, perturbée), on ne comprend pas pas tout, mais bon on est en plein dedans, on galope derrière, la nuit nous appartient, la nuit new-yorkaise, celle qu'on avait déjà tant aimée filmée par les frères Safdie dans leur Good Time. Et Joaquin Phoenix y règne sans partage.

1695604

7 novembre 2017

backgammon

172
THE WORLD IS BIG
de Stephan Komandarev

Une découverte Uncut. J'avais un peu délaissé mon abonnement depuis quelques temps, et j'ai donc pas mal de films à rattraper... Voilà un joli p'tit film bulgare, un feel-good movie, même, avec Miki Manojlovic (un habitué Kusturicien et "films de l'est" en général) en grand-père bulgare champion de backgammon qui va rechercher en Allemagne sont petit fils à l'hôpital, amnésique à la suite d'un accident où ses parents ont perdu la vie.
Deux trames d'histoire : pendant que, aujourd'hui, le grand-père et le petit-fiston font une virée en tandem de l'Allemagne vers la Bulgarie, on suit en même temps le voyage inverse, des années plus tôt, qui mena Alex (le petit fils) et ses parents de la Bulgarie vers l'Allemagne, (en passant par l'Italie).
Petite leçon d'histoire récente (Bulgarie, communisme, police, milice, c'est pas jojo), dans un film doux, touchant, attachant, plein de bons sentiments (on devrait plutôt dire de délicieux sentiments, ça paraîtrait moins péjoratif), et de tendresse, où la vie est comparée à une partie de backgammon (auquel on a envie de jouer, une fois le film fini), et la chance juste une histoire de penser aux bons chiffre avant de lancer les dés...
Plaisant.

19456912

4 novembre 2017

monnaie de singe

171
THE SQUARE
de Ruben Östlund

Vu juste après Corps et âmes, et ce fut sans doute une erreur. J'ai déjà parlé des "films qui ne vont pas ensemble" (et de l'image "comme le fromage de chèvre et le jus d'orange", que -je viens de vérifier, il me semblait bien- que, donc, j'ai déjà utilisé ). Ce fut le cas. La comédie ne m'a pas fait rire et la dénonciation ne m'a pas touché. Enfin, pas vraiment. Disons que si le propos du réalisateur était de crééer le malaise, il a réussi, mais pas forcément de la façon dont il l'avait envisagé. Il voulait que son personnage principal nous file la honte, et c'est lui qui le fait. La petitesse, la lâcheté, la compromission du mâle suédois (ou plus largement, européen, ou même mondial, qu'importe), il les avait déjà traitées dans Snow Therapy, et je lui avais alors trouvé un certain charme (une certaine habileté ?) mais que j'avais finalement gratifié d'un Mouais. Il revient donc ici à la charge, continue de grattouiller dans son petit pré carré, autour du personnage de Christian, un conservateur de musée très contemporain (le qualificatif sied aux deux, à l'homme et au musée).
Christian s'est fait voler son porte-feuille et cherche comment les récupérer, Christian draguouille une journaliste, Christianlaisse la com' de sa nouvelle expo partir en quenouille, Christian organise une conférence de presse, etc. on découvre même, au bout d'un certain temps, que Christian a des enfants...

Il veut jouer au moraliste (ou fait mine de) et ça ne fonctionne pas. Il voulait dénoncer mais au final se contente d'énoncer. Et c'est loooong. Le film m'a produit le même éffet que La grande belleza (et il tient d'ailleurs le même genre de discours) :  avec une petite heure de moins c'eût sans doute été jouable. (Peut-être n'aime-je pas les films qui glosent sur l'Art ?)

"Mais pourquoi est-il aussi ­méchant ? Film après film, Ruben Östlund nous inflige sa misanthropie radicale — Haneke, à côté, c’est Capra ! Et s’acharne sur ses personnages avec une cruauté narquoise. Ce jeu de massacre est d’autant plus pénible qu’il a du talent. Sa ri­gueur esthétique dans la composition des cadres, son sens de l’humour à froid font souvent mouche dans la première heure de The Square, quand il se contente de suggérer sa haine de ses contemporains. Ensuite, ça se gâte : le réalisateur explique tout (et plutôt deux fois qu’une), et on ne voit plus que le petit malin, ravi de ses effets provocateurs — pas toujours efficaces : la fameuse scène du happening au milieu du dîner des donateurs est si étirée que son potentiel de malaise s’émousse. Östlund ne dérange pas, il agace. Quant à sa satire de l’art contemporain, elle est aussi subtile que les gribouillis d’Omar Sy vendus à prix d’or dans Intouchables…"(Samuel Douhaire, Télérama).

Merci merci Téléramuche ! Ce qui m'a surtout gêné, cinématographiquement, c'est cette énervante habitude qu'a le réalisateur de ne pas (savoir/vouloir) terminer ses plans. A quoi bon construire une scène (l'introduire, la développer, y installer une problématique, une tension, pour soudain tout abandonner et passer à autre chose comme si ça n'avait finalement aucune importance ? peut-être est-ce une référence (clic clic un clin d'oeil) au Musée à l'Art, aux Oeuvres, et à la façon dont on les voit dans une Exposition : on y consacre un moment et hop on passe à la suivante ? Le réalisateur a agencé ses jolis petits blocs narratifs et sautille de l'un à l'autre, à nous spectateurs de nous conformer à son rythme...
Je sais, j'ai un problème avec le second degré, je n'en possède pas vraiment, oui je suis primaire, et je prend donc les choses au rez-de-chaussée de la compréhension, au pied de la lettre, de l'image, ici, plutôt. Les attaques contre l'art conceptuel, je serais plutôt d'accord (je persiste à considérer Fluxus et consorts comme une joyeuse fumisterie), la petite mendiante qui explose j'ai même tendance à trouver que c'est la chose la plus drôle -en tout cas la plus inattendue- du film, mais je pense que la scène du repas et du "grand primate" relève du plus grand mépris, du spectateur surtout.
je garderai du film le personnage du petit gamin énervé qui crie sur Christian qui l'a embarqué contre son gré dans une histoire qui ne le concernait pas et veut absolument qu'il lui présente des excuses. Peut-être parce que là, à ce moment, je m'identifiais.
Bref tout ça m'a mis d'assez mauvaise humeur je dois le reconnaître (peut-être aurais-je du rester en compagnie de la biche et du cerrf du film précédent)

"Le play-boy propre sur lui finit littéralement dans le local à poubelle transformé en piscine de déchets domestiques où il plonge et patauge comme en un bain lustral où quelque chose de sa nature humaine profonde et perdue se récupérerait au contact des couches culottes souillées et pots de yaourt vides. Les bourgeois, les journalistes, les femmes, les immigrés, les pubards, les enfants, tout le monde aura pris au passage sa petite éclaboussure à peine salissante. Au fond, Ostlund est trop calculateur, didactique ou idéologue pour faire entrer dans son film cette part de vraie trivialité qui trahirait sa vulnérabilité, ses doutes, les failles qui rendraient du coup plus sympathique son insatiable besoin d’être reconnu et plébiscité par ce monde qu’il croit si aisément pouvoir encadrer dans une farce glacée." (Didier Péron, Libération)

1297137

(et l'affiche est très moche... pour le coup, la Com', ici, n'a pas fait son job...)

 

 

3 novembre 2017

biche ô ma biche

170
CORPS ET ÂME
de Ildikó Enyedi

J'ai bien ce genre de film, qui apparaît tout à coup sur les écrans et à l'affiche -plop!- comme un champignon magique. Ni répertorié, ni attendu, ni connu. Et qui vous produit un tel effet. Un film hongrois, donc, d'une réalisatrice dont le nom m'évoque un pépiement d'oiseau exotique. Allocinoche m'informe qu'elle a réalisé quatre films depuis Mon XXème siècle, qui avait obtenu la Caméra d'or à Cannes en 1989 (soit grosso modo un film tous les dix ans) inutile de dire que je vais chercher à en savoir plus sur la dame et ses oeuvres, après avoir vu ce film-ci, que j'ai beaucoup beaucoup aimé.
Une histoire d'amour (?) entre un homme et une femme (pas trop chabadabada) : lui est patron d'un abattoir, et elle en est la nouvelle "contrôleuse-qualité". Ils se côtoient d'abord professionnellement, mais, aussi, et surtout, oniriquement : ils se retrouvent toutes les nuits, dès qu'ils s'endorment, sous la forme d'un cerf et d'une biche, dans la forêt enneigée...
On suit en parallèle leurs deux parcours : le nocturne, bucolique et forestier, et le diurne, beaucoup plus... terre-à-terre (les tueurs des abattoirs ne sont pas précisément réputés pour leur légèreté et leur finesse).
Lui est plus âgé, taciturne, handicapé (il a perdu l'usage d'un bras), elle est blonde, timide, mal à l'aise avec les autres (on apprend qu'elle continue de consulter le même pédopsychiatre que lorsqu'elle était enfant), pendant le film j'avais envisagé d'intituler ce post "Je suis in, inadaptée" comme la chanson de Brigitte Fontaine, tellement Maria (c'est son prénom) semble avoir des problèmes : elle est à mi-chemin entre l'autisme et le personnage d'extra-terrestre que jouait Scarlett Johanssen dans Under the skin, c'est dire son inquiétante étrangeté...
C'est la venue d'une psychologue dans l'entreprise, (pour faire des bilans psy de chacun des employés pour trouver le coupable d'une histoire d'aphrodisiaques) qui va permettre (elle leur demande de raconter leurs rêves) à Endre et Maria de réaliser qu'ils se rencontrent ainsi chaque nuit, dès qu'ils s'endorment. Et je trouve le postulat de départ magnifique. Et Maria/biche se comporte plus en "vraie biche" que Maria/femme en "vraie femme". C'est beaucoup plus simple la nuit, dans les rêves, que dans la réalité. D'autant plus que le contexte professionnel en rajoute dans le terre-à-terre et le sanguin, et on a, ainsi, droit au portrait de quelques joyeux bourrins qui y officient.
Avec une maladresse touchante (je devrais dire deux maladresses touchantes) nos deux tourtereaux -oups pardon cervidés- vont tenter de se rapprocher... La réalise entrelace avec soin (avec délicatesse) les deux niveaux de l'histoire, le trivial, boulot, cantine, collègues, et l'onirique, sous-bois enneigé, herbe qu'on broute, museaux qui se frôlent, et on se demande bien comment tout ça va finir... Et Dominique m'avait bien prévenu que c'était "pour public averti, mais pas celui que je pensais...", et j'ai compris lorsque, dès le début, j'ai vu les scènes d'abattoir, dont je n'étais absolument pas au courant, mais qui donnent au film une dimension documentaire, réaliste, "vitale", supplémentaire.
Cette idéalisation de l'amour ne pouvait bien évidemment que me toucher (vous me savez midinet plus que de raison, surtout à mon âge, où l'on est censé n'être plus qu'un vieux braconnier endurci, cuirassé de cicatrices et couturé de certitudes) et je me suis senti dans cette histoire (et son traitement) autant en terrain de connaissance que biche en sous-bois.
J'ai presque trouvé la singularité de Maria à peine un poil (de biche) trop excessive, mais me suis aussi un peu reconnu dans cette fameuse inadaptation, et j'aime aussi que les autres personnages (la psy, le collègue à queue de cheval) soient, eux aussi, à peine exagérés (dans la féminité ou dans la bourrinitude).
Un film, pourtant froid, où, allez savoir pourquoi, je me suis senti bien...

484854
l'affiche hongroise

 

3724713
et la française

 

28 octobre 2017

monument (aux morts)

169
AU REVOIR LA-HAUT
d'Albert Dupontel

Ce mec-là je l'aime énormément. Acteur, réalisateur aussi, responsable de quelques bonheurs cinématographiques dans un cas comme dans l'autre (Bernie, 9 mois ferme, Les premiers les derniers, Fauteuils d'orchestre, Le bruit des glaçons...). Là, il était attendu au tournant. Je n'avais pas lu le bouquin de Pierre Lemaitre (dont j'avais pourtant adoré les polars, et surtout Travail soigné que je recommande encore une fois -merci à Pépin qui me le fit découvrir-), parce que 1) roman historique et parce que 2) Prix Goncourt, deux raisons suffisantes pour moi. Mais voilà que j'avais trouvé le roman il y a peu de temps à Emmaüs, et que, grâce à une formidable insomnie, à 3h du matin, j'en ai lu cette nuit  les 100 premières pages, juste de quoi avoir encore plus envie de m'y précipiter (ce que n'avait pas forcément provoqué la bande-annonce...).
Donc j'y étais ce mercredi, dès la première séance, et qui plus est en compagnie de Catherinechounette, ce qui ne pouvait que me rendre encore plus joyeux. Et on était, bizarrement, dans la plus petite salle du bôô cinéma, mais qu'importe!
Ca commence par un truc qui n'est pas dans le roman (en tout cas pas à la même place, je n'ai pas encore lu la fin) : le personnage de Dupontel, au Maroc, arrêté par les policiers locaux et sommé par leur chef de raconter son histoire (parenthése d'ouverture qui aura sa jumelle -de fermeture donc- de la même manière à la fin du film) Et nous voilà partis, début novembre 18, dans les tranchées, tout comme dans le livre.
Bon, ne nous taisons pas plus longtemps, j'ai vraiment beaucoup beaucoup aimé ça, de a jusqu'à z. La double dédicace du film ("à Alain de Greef" et "à Marcel Gotlib" pourrait orienter le spectateur mu (c'est celui qui vient juste après le spectateur lambda, un petit cran au-dessus, quoi) vers l'option "on va se poiler" alors que non non pas vraiment (j'ai même versé ma larmichette oui oui). Et en parlant de se poiler, il y a peu de lettres de différence avec spoiler (j'avais écrit spolier, ça fonctionne aussi), alors je n'en dirai pas trop. Ceux qui ont lu le bouquin joueront au jeu des différences, et ceux qui ne l'ont pas lu le découvriront avec un grand bonheur, que je ne voudrais pas gâcher.
C'est donc un film en costumes (1918/1920), qui parle de la guerre, de ce qui arrive pendant, et après. Avec un budget gigantesquement confortable. Et Albert Dupontel (qui filme désormais dans la cour des grands) confirme qu'il est un homme sensible, et de goût qui plus est. Il a eu la bonne idée de s'adjoindre les talents de Nahuel Perez Biscayart, fraîchement ressuscité de 120 bpm, en tant que compère du personnage qu'il joue. Et rien que ça ça fait du bien, du encore mieux au film. J'ai déjà dit à plusieurs reprises combien je l'aime et combien il me touche, ce maigrichon touchant, et là, il est toujours aussi bien, à ne s'exprimer la plupart du temps que par les yeux (qu'il a très bleus) sous des masques divers (qui ont -hélas- fait chichiter le critique de Libé ("le film s’encroûte inexorablement en une lourde sarabande de masques percés de regards effarés, emblème d’une folie contagieuse que le film entend d’un même mouvement propager et dénoncer en une sorte de vrille qu’il voudrait vertigineuse."). Tsss*
C'est aussi un film qui fonctionne, qui remplit son contrat (l'adaptation d'un roman "historique", Prix Goncourt, de plus de 600 pages). Courageusement. Et on lui pardonne les à-peu-près, les un-peu-trop, qu'on voudra bien lui trouver, vu l'énorme plaisir de spectateur qu'il procure. Du vrai bon plaisir de spectateur au cinoche (le lieu du simulacre, de la fascination, des faux-semblants, dela poudre aux yeux).
C'est aussi -encore- un film qui parle du rapport au père (Niels Arestrup, immense), et ceci ne pouvait que me toucher davantage (la confrontation finale entre les deux, quand elle se joue juste avec les yeux, me bouleverse complètement.
Moi, si j'avais des réserves, ce serait à propos du méchant du film, du méchant très méchant qui est tellement méchant qu'il n'a pas le temps ou la place d'être autre chose qu'une caricature de méchant, un genre de loup de Tex Avery, quoi, mais qui a peut-être l'avantage fonctionnel de resituer le film dans le contexte du film de genre, du comic, du feuilleton. Entre mélo hyper-réaliste léché et bande dessinée grinçante façon Tardi (oui, j'ai pensé par moments, je ne sais pas pourquoi, à Adèle Blanc-Sec).
Un grand bravo donc à Monsieur Dupontel et à toute son équipe (et au générique, ils sont quasiment autant que sur celui de Blade Runner 2049, c'est dire...)
Je réalise que j'ai voulu faire vite, publier ce post tout de suite, à peine sorti du four ("démoulé trop chaud" ?), et qu'il y a plein de choses dont je n'ai pas parlé (j'y reviendrai peut-être plus tard). Je voulais juste vous dire "allez-y!"

196053

(et je trouve l'affiche justement magnifique -et, évidemment, magnifiquement juste!)

* ce même critique a pourtant dit le plus grand bien des films de Macaigne, Cantet, et Ferreira-Barbosa...

27 octobre 2017

sniper!

167
UNE FAMILLE SYRIENNE
de Philippe Van Leeuw

J'avais oublié que c'était un film belge... Il ne passait plus que dimanche soir, alors j'y suis allé. Un quasi-total huis-clos (à peine quelques minutes, furtivement, dehors), dans un appartement, en Syrie. L'appartement d'Oum Yazam, (jouée par Hiam Abbass, qu'ici on adore toujours autant...) une maîtresse femme qui y héberge non seulement sa famille (ses enfants, son père, un copain de sa fille aînée) mais aussi d'autres gens (une femme qui s'occupe du ménage, un couple de voisins du dessus, dont l'appartement a été en grande partie détruit). L'appartement est grand, et la caméra le fait souvent paraître labyrinthique. Le spectateur va y vivre une journée, en compagnie de ses occupants. Un jour dans un appartement d'un pays en guerre. La guerre est omniprésente, mais restera la plupart du temps hors-champ.
Le coeur de l'appartement est la cuisine, où tous ont consigne de se réfugier en cas d'alerte, en un huis-clos encore plus resserré que celui de cet appartement dont la porte est dûment barricadée. Protection un peu illusoire, mais protection quand même. Le film s'ouvre, le matin, sur le jeune couple dans sa chambre, et se refermera, le soir, sur un gros plan silencieux (magnifique) du grand-père qui fume, les yeux dans le vague. Et le hors-champ.
Entre ces deux moments se seront passées beaucoup de choses, des moments quotidiens, toujours dans un état de tension "habituelle" (la guerre), et d'autres parfois touchants (la vie, simplement) parfois inquiétants, parfois terrifiants, insupportables même. Le film laisse en état de choc.
Ce jour-là est passé, et d'autres suivront. Et l'angoisse est toujours là. Et c'est intolérable de se sentir ainsi pris en otage, perpétuellement, au coeur de cette saloperie de guerre, imbécile, absurde, insensée.
Le film est fort, dense, et ne laisse que peu de place à l'espoir... Un film très tenu, tendu, qui nous assigne à notre place d'observateur impuissant, désarmé (mais n'est-ce pas ainsi que devraient l'être, tous ces connards de belligérants ? L'homme est con par nature, il suffirait peut-être de le désarmer simplement pour le rendre inoffensif ? Même pas sûr...), comme le sont, sous nos yeux, les habitants de ce logement, et, par extension ceux de tout ce pays.
La situation est un peu similiaire à celle de Dégradé, le film des frères Nasser, qui dressait le même genre de constat (huis-clos) dans un salon de coiffure, mais en Palestine cette fois. Avec la même violence hors-champ, mais je trouve cette Famille syrienne encore plus fort, parce que moins théâtralisé, plus brut, plus "réel". Moins "visiblement" théorique...
Et j'aime beaucoup ce thème récurrent du regard, tout au long du film, qui va vers le dehors, à travers ces rideaux ocre jaune (j'avais écrit jeune)... L'espoir ?

298749

(et l'affiche est simplement magnifique je trouve)

 

27 octobre 2017

woman on the beach

168
NUMERO UNE
de Tonie Marshall

J'ai fini par y aller, la deuxième semaine (en principe nos films n'ont la chance d'y rester qu'une seule, sauf les sorties nationales), car mes maies Emma et Dominique m'en avaient dit toutes les deux beaucoup de bien, et je les ai donc écoutées.
L'histoire d'une femme Emmanuelle Blachey (Emmanuelle Devos) à qui on offre l'opportunité - oui, c'est bien dans ce cas précis une opportunité...- de devenir la première femme pédégette d'une entreprise du CAC 40. Hervé, bien plus au fait (et au faîte) de l'actualité historico-économico-politico de notre pays m'a tout traduit à la sortie, aussi bien les acronymes des entreprises que les patronymes des gens impliqués. Mais le film se voit très bien sans savoir tout ça.
D'ordinaire les histoires de haute politique et ou haute finance m'inintéressent. Emma m'avait rassuré en disant que le point de vue humain était privilégié. Le film tourne (gravite) autour d'Emmanuelle Devos (j'ai toujours beaucoup aimé cette dame), qui occupe déjà de hautes fonctions au début du film, dans un monde de buildings-miroirs où s'assemblent des gens en costume-cravate (de façon écrasante du genre masculin) pour parler de gros sous et préparer d'autres rendez-vous pour d'autres réunions pour d'autres plus gros sous encore. Mais dans cet univers de prédateurs encostardés, quelques femmes ont la volonté de planter leurs jolies dents pointues dans de viriles anatomies pour récolter leur part du bifteck.
Notre héroïne est contactée par un "club de femmes" (avec à leur tête la divine Francine Bergé -me sont instantanément revenus en tête de quasi-émois érotiques adolescents à l'écoute de sa voix quand elle jouait La belle jardinière, tous les soirs à la télé en noir et blanc sur la première chaîne- qui lui propose de l'aider dans son accession au poste de pédégère en remplacement d'un vieux mourant après la succession duquel jappent déjà de multiples prétendants. Et nous sommes donc dans l'arrière-cuisine des bagarres intestines en vue de cette nomination, et ça n'est pas joli joli. On voit passer du beau monde : Suzanne Clément, Richard Berry, Benjamin Biolay, Anne Azoulay, Bernard Verley, Jérôme Deschamps, qui vont se battre, fleurets mouchetés, champagne, soirées fastueuses, ors de la République, arcanes du pouvoir...
C'est la guerre, mais Tonie Marshall reste concentrée (focalisée) sur le personnage d'Emmanuelle Devos, qu'elle dote d'une famille cinématographiquement (et humainement) forte : un père vieillissant (Sami Frey, très Chat du Cheshire), une mère disparue en mer, un mari américain, deux enfants pas du tout idéalement beaux. Et on s'intéresse du coup davantage à elle qu'à ce qui peut bien lui arriver, finalement (qui fait penser à la chanson de Cloclo Ca s'en va et ça revient...).
Et j'aime beaucoup cette rêverie périphérique qui sous-tend son existence, de plage, de femme et d'eau. Ce contrepoint formel et fantasmatique qui fait même citer un plan sublime de La nuit du chasseur, oui oui...

ob_4221b6_charles-laughton-la-nuit-du-chasseur

Un film, donc, plaisant dans ce qu'il peut avoir de surprenant (d'inattendu) encore plus que dans la qualité générale de son interprétation (une pensée spéciale pour Benjamin Biolay, parfait).

016113

Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 384 593