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lieux communs (et autres fadaises)
6 avril 2018

valet de carreau

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7 PSYCHOPATHES
de Martin Mc Donagh

Mais comment ai-je pu passer à côté de ce film? J'avais pourtant adoré Bons baisers de Bruges, le premier film du réalisateur, et c'est 3 billboards, son troisième, qui m'a donné l'envie d'aller voir ce qui se cachait entre les deux (même si, si j'ai bien compris, ledit réalisateur le désavoue maintenant plus ou moins).
Résumons : comme dans Bons baisers... on a Colinchou Farrell en vedette, une sacrée bonne dose d'humour (noir) et des mecs avec des  flingues qui s'entretuent mais pas de façon conventionnelle ; et comme dans 3 Billboards, on a Woody Harrelson et Sam Rockwell, une histoire à rebondissements, encore des mecs avec des flingues, et toujours une sacrée dose d'humour (noir). Avec, ici, en prime, un Christopher Walken anthologique, un Tom Waits idem, plus la présence en ouverture de Michael Pitt et de ce très cher Michael Stuhlbarg, qu'en ce moment j'ai tendance à voir -et à aimer- un peu partout, et qui reste bien de devenir ma prochaine coqueluche...
Ajoutez un scénario tordu, oui, au sens propre, vrillé comme un ruban de Möbius (en gros l'histoire d'un scénariste qui écrit un film mais va finir par s'y retrouver en plein dedans, 7 psychopathes pourrait être au polar ce que Scream fut au film d'horreur : une mise en abyme maligne,où le cinéaste examine les  "codes" sous un angle théorique et complice mais les intègre finalement en tant qu'éléments de son propre film). Un scénariste écrit le scénario d'un film qui s'appelle 7 Psychopathes (comme dans paludes, Gide écrivait un bouquin qui s'appelait paludes, mais dedans il y a avit beaucoup moins de flingues).
C'est le premier film qu'a réalisé Martin Mc Donagh aux Etats-unis (qui nous le signifie bien dès l'ouverture, avec un plan sur l'inévitable HOLLYWOOD à flanc de colline) et il nous offre (voir, plus bas, la campagne d'affichage américaine) un casting inoxydable, où chacun(e) tient son rôle de jubilatoire façon (bon, c'est "un film de mecs" : la critique d'un des personnages sur le manque d'épaisseur des personnages féminins dans le scénario -Ô Pirandello- n'est pas totalement injustifiée, et le réalisateur saura d'ailleurs s'écouter (en tenir compte) et rectifier le tir en offrant à Frances Mc Dormand le rôle principal en or massif de son film suivant).
Le récit est un peu déconstruit, et avance, au moins au début, un peu de bric et de broc, avec différentes histoires que le cinéaste ou un de ses personnages nous raconte(nt), histoires qui ne se situent pas toutes, d'ailleurs sur le même plan fictionnel mais qu'on suit toujours avec grand plaisir (tout le début du film ferait un peu penser à une compilation, une anthologie d'histoires de psychopathes) qu'après il est plus ou moins facile de relier entre elles. Mais le réalisateur y vas de bon coeur.
Martin Mc Donagh pratique une forme d'humour (et de distanciation) que j'adore : il met en scène des personnages (ou des situations) qui sont des clichés, mais ont suffisamment de force pour regarder en face le spectateur et lui dire "Oui, je sais, je suis un cliché mais regardez comme j'en suis conscient..." Oui, qui le revendiquent. Et bam bam! (les mecs et leurs gros flingues, pour un amateur de sous-sous-texte gay comme moi, c'est du vrai grand bonheur, tellement ils aiment les sortir et les braquer, leurs gros machins rutilants et chromés, pour un oui pour un non, c'est ça les vrais z'hommes hin hin).
Bref, 7 psychopathes est un film ludique, facétieux, ironique. un film qui, même s'il ne tient pas toutes ses promesses, m'a, en l'état, grandement réjoui.

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un casting inoxydable vous disais-je...

4 avril 2018

ce soir,petite chambre...

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LES BONNES MANIERES
de Juliana Rojas et Marco Dutra

Semaine latino 7.2 : Brésil
Vu hier le film interdit aux moins de 16 ans, et cet aprèm' celui-ci, "seulement" interdit aux moins de 12a. Après, ils seront tous "tous publics". Bon je l'appréhendais un peu à cause de ce que je savais du pitch (qui en fait n'est que la moitié du film). On avait déjà programmé, lors d'une précédente semaine latina, le précédent (et premier ?) long-métrage de ce couple de réalisateurs : Trabalhar cansa (Travailler fatigue) qui distillait déjà une certaine -et réjouissante- singularité (la critiquounette est ). Celui-là vient juste de sortir (21 mars) et les critiques en sont plutôt très bonnes (il a même été primé à Locarno, eh!), et je l'ai bien aimé, oui, mais en sachant que je n'aurais sans doute pas envie de le revoir...
Un bemolito, donc, mais voilà parfois j'ai un léger problème avec le cinéma "de genre" (Hammer des années 60 et toutes ses diverses créatures...) car c'est bien de  film de genre qu'il est question ici (pour être dans l'air du temps, on pourrait même le qualifier de transgenre, tant il en a, avec intelligence, récupéré les codes, mais pour les transposer dans le Brésil -cinématographique- d'aujourd'hui, avec la chronique (critique) sociale et politique qui va avec.)
La première partie (le film est, oui, comme déchiré de l'intérieur par une scène centrale) est la moins surprenante (mais pas la moins intéressante) : on est en terrain connu. Une femme (une employée) arrive chez une autre femme (une patronne) dans son magnifique appartement pour un entretien d'embauche (que la patronne avait d'ailleurs oublié). Malgré des références pas très convaincantes, elle est pourtant engagée par cette riche bourgeoise enceinte, qui a besoin de quelqu'un pour être là à demeure et l'aider jusqu'à l'arrivée du bébé, dont elle sera chargée ensuite de s'occuper comme nounou. La patronne en question a bien quelques comportements nocturnes bizarres, mais va vite se nouer entre les deux femmes une relation amoureuse passionnée, un peu déséquilibrée par les errances somnambuliques de la patronne (dont elle ne garde d'ailleurs aucun souvenir au matin), qui ont lieu uniquement quelques jours par mois (oui, oui, la pleine lune vous avez deviné...) mais dont l'amante ne semble pas lui tenir rigueur....
Après la scène déchirante, au sens propre, on voit d'un coup quelques années passer (juste avec du linge pendu sur un fil, idée simple mais joliment efficace) et on retrouve la nounou avec un adorable petit garçon, Joël. Et démarre une seconde partie beaucoup plus inattendue, dans un film brésilien je veux dire (mais pour qui a vu -spoiler attention- disonsLLe loup-garou de Londres, de John Landis, rien de vraiment étonnant, à part le fait qu'il s'agit ici d'un enfant-garou.) Une maman brésilienne et son fils de cinq ans, et les problèmes d'éducation que cela suppose. Car l'enfant est vaiment particulier (commez chez Rohmer, hihi, surtout Les nuits de la pleine lune, où il est davantage ... dirons-nous... agité). Et j'avoue qu'il y a dans cette moitié-là des images plutôt dérangeantes pour la petite chose sensible que je suis (et que, je pense, on voit ici pour la première fois) pas forcément les plus gore -le film reste bien plus souvent dans l'allusif et n'éclabousse jamais excessivement- juste celles relatives à la figuration de la pilosité chez le personnage en question.
Mis à part ce détail, c'est très bien construit, les effets spéciaux sont là mais jamais  trop abusivement, la progression de l'action est bien dosée, dans ce film au-dessus duquel volettent plusieurs ombres tutélaires bienveillantes (une très jolie scène de terreur enfantine nocturne dans un supermarché, à mi-chemin entre Nocturama et Jacques Tourneur), une scène de révolte populaire qui m'a évoqué le Frankenstein de James Whale, jusqu'à une image finale très forte, (et, somme toute, logique, inévitable) comme celle de Butch Cassidy et le Kid (oui oui!) sans oublier celle, plus diffuse peut-être, du Truffaut de L'enfant sauvage...
Décidément le Brésil est très fort pour nous offrir, à chaque nouvelle Semaine latino, un film saisissant, surprenant, inclassable...

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3 avril 2018

dans la cabane

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LA RÉGION SAUVAGE
de Amat Escalante

Semaine latino 7.1 : Mexique
Et nous entrons de plain-pied dans notre querida Semaine Latino (la 7ème déjà!). Plain-pied est d'ailleurs une façon de parler, et pas forcément la plus appropriée puisque le pied n'est pas l'organe (le membre ?) le plus sollicité dans le film (pour entrer, je veux dire). Interdit aux moins de 16 ans il est. Diantre. C'est cul, c'est cru, et ça démarre en fanfare : premier plan : une demoiselle se caresse avec un chose pas très bien identifiée, deuxième plan une autre demoiselle, dans son lit, se fait matinalement et de dos honorer par son mari, troisième plan (ou presque) un homme est assailli tout aussi par derrière et énergiquement par un  autre monsieur (qui y va de bon coeur...) bref, on rentre dans le vif du sujet (et des sujettes) avec vigueur. L'appétence sexuelle est une chose nous concerne tous, partout, géographiquement, mais on peut dire qu'elle est spéciquement intensive ici, (enfin, là-bas, quand on regarde depuis chez nous) au Mexique. (L'amateur attentif de langues étrangères apprendra notamment, via sms, que baiser se dit coger... et notre héros aime ça, coger...) Comme je l'ai déjà écrit, ailleurs, Mexico, Mexiiiico, serait-on donc à même de chanter à pleins poumons au moment de la jouissance. On comprend assez vite que le monsieur avec la dame et celui avec l'autre monsieur sont le même, Angel, puis que la dame et l'autre monsieur qu'il honore sont frère et soeur... Donc, voci le trio : la femme, le mari, et le beau-frère. Plus la demoiselle du début, qui va assez vite les rejoindre.
Il est aussi question d'une cabane au milieu des bois où un couple de vieux scientifiques hébergent quelque chose, qui provoque le plaisir -et l'addiction- de celles (d'abord), puis ceux qui en font la connaissance, et qui nous sera révélé (le quelque chose) aussi progressivement que la bestiole dans Alien, pour vous donner un ordre d'idée (pour ceux qui se souviennent de Possession, avec isabelle Adjani, ce sera aussi le même ordre d'idée...). Et cette fameuse cabane va accuieillir, l'un(e) après l'autre, chacun des principaux protagonistes.
Amat Escalante, on l'aime aussi beaucoup ici (Sangre, Los bastardos) et on a passé presque tous ses films. mais qui dit Mexique pense aussi forcément Carlos Reygadas,  qu'on a aussi  toujours beaucoup aimé par ici (Japon, Batalla en el cielo, Post tenebras lux), auquel ce film ici emprunte non seulement ses paysages matinaux verdoyants embrumés et humides mais également une certaine folie furieuse. Les deux hommes se connaissent (Escalante a été l'assistant de Reygadas, et Reygadas a co-produit les films d'Escalante) leurs univers cinématographiques respectifs sont un peu poreux, perméables l'un à l'autre, et leurs films ont en commun une certaine violence, une frontalité, une crudité qui peut en désarçonner certain(e)s (mais qui, personnellement ne m'est pas du tout inconfortable...) à la seule différence que, chez Escalante, on n'a jamis de QV.
On a donc un récit extrêmement réaliste et prosaïque (des gens qui travaillent, qui préparent à manger, qui prennent leurs repas, qui vont chercher les enfants à l'école) dans lequel vient interférer un élément "autre" qui va bien sûr perturber -parasiter- cette réalité terre-à-terre et ordinaire ("normale", quoi) comme une maladie contaminerait progressivement une population donnée (et deviendrait visible au même rythme). Comment la fatalité affecte, en ricochet, une série de personnages diversement maussades (on ne sourit pas beaucoup dans le film, et c'est rien de le dire... Le récit se situe dans le registre de l'excès, qu'il soit de malheur, de violence, ou de sexe. Où le plus monstrueux finalement, ne serait pas forcément celui qu'on croit... Avec au centre du récit ce personnage masculin particulièrement double (il baise en douce le frère de sa soeur mais tient officiellement un discours macho et outrageusement homophobe), dualité qu'on retrouve aussi, in fine, en écho, chez la bestiole... (Premier film mexicain, à ma connaissance, avec un alien. En tout cas, un film qui marque.)

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(je trouve l'affiche très réussie)

 

2 avril 2018

you make me feel

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MEKTOUB MY LOVE : CANTO UNO
d'Abdellatif Kechiche

Ohlalalala... 2h55 annoncées mais j'ai eu l'impression que ça en durait au moins cinq! Je me méfiais un peu je dois dire (je trouve toujours les films de Kechiche un peu beaucoup trop longs) mais bon la bande-annonce avait l'air sympathique (c'est sans doute le Youuuu make me feeeeeel qui m'a appâté) et c'est le sms d'Isa ("un cinéday à 20h ça te dit ?") qui a comme on dit emporté le morceau.
Au début du film, le jeune Amine observe à la dérobée (à travers les persiennes) une scène de baise torride entre Ophélie et Tony. Ledit Amine, d'ailleurs, ne va faire que ça dans le film : mater (serait-il l'alter ego du réalisateur ?, son Antoine Doisnel sétois ?) Ophélie (qui, entre parenthèses surjoue cette scène de baise avec des mines d'actrice porno, mais bon)  couche "en cachette" avec Tony (elle doit épouser clément, qu'on ne verra jamais). Quand Amine finit par frapper à la porte, Tony se barre et Ophélie se rhabille, short en jean et cache-coeur pigeonnant,  et lui ouvre pour lui faire la conversation. Et nous expliquer la situation. Amine rentre à Sète pour les vacances, après une année studieuse à Paris, et retourve sa famille et ses copains/pines.
Plus tard, les mêmes, à la plage, vont faire la connaissance de Charlotte et Céline. Tony, Amine, Ophélie. Charlotte est séduite par Tony, et croit qu'Ophélie veut le lui piquer (alors qu'elle l'a déjà, mais que l'autre ne le sait pas) ce qui va être la source d'interminables discussions (euh... tu vois...elle m'a dit ça... et j'ai dit ça... et euh... tu vois...) entre les protagonistes, et Amine, qui sert surtout de confident/confesseur (et dont on se demandera jusqu'à la fin s'il a du désir, une sexualité, tellement il se place en observateur (dès la première scène du film) et détonne un peu par rapport aux autres qui ont tous l'air d'être en surchauffe et d'avoir le feu aux fesses...) En parlant de fesses, justement, on va beaucoup en voir, dans le film, et filmées avec une complaisance qui confine bien souvent à la vulgarité. Kechiche aime les gros culs, et nous le proclame avec insistance en les filmant en très gros plans lubriques (on a le sentiment que s'il pouvait mettre la caméra  encore plus près (dedans) il le ferait carrément, et c'est peut-être cette (pour moi) obscénité-là qui a fait bander à mort tous les critiques ? Cette légitimation de pouvoir baver à son aise sur ces spécimens callipyges m'agace et me dérange (bon, je reconnais, je préfère baver sur le cul des mecs oui oui c'est vrai ). Mais bon, c'est comme les dialogues  niveau roman-photo ou courrier du coeur ou série ado (et le niveau sonore de ces jacasseries), au bout d'un moment, ça lasse.
Mektoub my love est comme la nourriture de fast-food, un film extrudé : si on enlevait tout l'air qu'il contient,
1) il aurait une durée normale
2) il serait beaucoup plus digeste
Là j'avoue que, très souvent, j'ai pris mon mal en patience (je soupirais intérieurement pour ne pas gêner mes voisines) mais certaines scènes sont -véritablement- interminables : celle où tout le monde se prépare à partir en boîte notamment (et où tout le mond est déjà bourré, où j'ai failli sortir tant ça m'énervait), celle de la boîte de nuit (la plus putassière -et la plus loooongue- du film mais bon), et même celle de la mise à bas de la brebis (oui oui). Certains personnages, en plus, me posent problème (enfin plutôt la façon dont le réalisateur les traite), surtout Céline (la copine de Charlotte) dont on a du mal à comprendre  l'enthousiasme à s'asseoir sur les genoux d'un vieux cochon alcoolisé (le tonton Kamel) et se faire tripoter  à part d'être juste dépeinte en (comme dirait Blier) "reine des salopes" (c'est la seule utilité qu'elle a dans le film, la seule façon dont elle est décrite), pour faire la balance avec sa copine qui serait, par opposition l'amante courtoise qui ne rêve que d'amour pur (et qui donc est malheureuse). Les personnages dans leur grosse majorité sont brossés à gros traits (et on a un peu de mal à s'y reconnaître et les différencier, les mères, les tantes, les cousin/sines). Par contre on a le plaisir de retrouver, soudain, Hafsia Herzi dans un rôle de tantine joyeuse et libérée (et juste, ce qui n'a pas toujours été le cas...)
Mais il faut reconnaître -soyons objectif, ou tentons de l'être- que le film n'est pas dépourvu de qualités. J'aime beaucoup le montage,  la façon  dont Kéchiche passe d'une scène à l'autre, ses transitions abruptes, très séchement. Et, surtout, surtout, j'adore la dernière scène, peut-être parce qu'elle n'a pas tout à fait l'air d'appartenir au même film. Allez savoir pourquoi, m'est soudain revenue l'image de Melvil Poupaud dans Conte d'été, ou d'Amanda Langlet dans Pauline à la plage. Oui, tout à coup, in extremis, nous voilà de retour chez Tonton Rohmer (et ça fait un bien fou...)
Mais bon je vous confirme que je suis sorti du film surtout en ronchonnant, et plutôt d'abord avec ce qu'en avait pensé Zabetta (isa était moins catégorique que moi, mais, me semble-t-il, pas hyper-enthousiaste quand même), et, en rentrant  je suis donc illico allé voir sur allocinoche et là, ah la la, bien ce que je craignais : ça ding-dingue-dongue de ***** (cinq étoiles), et de pleines brouettes de dithyrambes délirantes et de superlatifs en colliers et de lauriers tressés en pleurant de joie par la quasi-unanimité des critiques qui n'en peuvent plus (et qui n'ont sans doute pas vu le même film que moi) et, tiens, pour conclure,  cette fois je serais plutôt d'accord avec Ecran large : "Les amateurs du cinéma de Kechiche apprécieront la formidable sensualité de cet opus organique, quand les autres regretteront les effets de redite d'un film trop long et stéréotypé."

 

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30 mars 2018

être enceinte et avoir un enfant ça n'a rien à voir

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DIANE A LES EPAULES
de Fabien Gorgeard

Deux bonnes nouvelles : le film est délicieux et je n'y ai pas fermé l'oeil une seconde. Yesss! Ca faisait un moment qu'Emma m'en avait vanté les mérites, et j'étais donc plutôt content d'enfin pouvoir le voir.
Quel bonheur! Un personnage féminin fort (comme la juge Anne Gruwez de Ni juge ni soumise, la Mildred de 3 billboards ou même l'Alma de Phantom Thread) charpente le récit. Celui de Diane, ici, qui a accepté d'être mère porteuse pour un couple d'amis (dont Grégory Montel, le délicieux nounours vu et aimé dans Dix pour cent) et rencontre, en faisant des travaux dans la maison de ses grands-parents, l'électricien qui y travaille, Fabrizio (Fabrizio Rongione, en qui j'ai cru, pendant tout le film, avoir reconnu le héros du plaisant Je suis supporter du Standard, sauf que pas du tout, alloinoche m'apprend que le monsieur est apparu dans maints films belges récents, surtout ceux des Dardenne, mais j'ai la mémoire des visages, et le sien je suis sûr de l'avoir déjà vu quelque part... peut-être le Ca rend heureux de Joachim Lafosse ?).
Diane, c'est Clotilde Hesme, beaucoup aimée déjà par le passé (Les amants réguliers, Les chansons d'amour, Les Mystères de Lisbonne, mais aussi Angèle et Tony, et, bien sûr, les trois saisons de la série Les Revenants) et là à l'épicentre du film. Si j'avais un peu tendance à la ranger jusque là dans la catégorie "belles actrices tristes", (ex-aequo quasiment avec Céline Sallette), ici elle pétarade, elle sidère, elle ensoleille, elle illumine, bref, elle explose dans ce -premier- rôle visiblement taillé sur mesure pour ses jolies épaules (qu'elle déboîte, d'ailleurs -ouch!- à merveille), et ce n'est pas par hasard si je citais plus haut les trois personnages féminins avec qui elle aurait définitivement quelque chose à voir. Anne, Mildred, Alma, et Diane. Et pas très loin non plus (j'y repense après coup) de la jeune femme de Leonor Serraille (incarnée par Laetitia Dosch)
La même franchise, le même franc-parler, la même force. (Pugnacité). Qu'est-ce que ça fait du bien de voir des personnages féminins de cette trempe. Les hommes, ici, font juste office de faux-bourdons, qui volettent et... bourdonnent (justement) comme ils le peuvent autour de cette reine qui fait beaucoup de vent. Clotilde Hesme nous épate et nous fait jubiler dans ce récit somme toute assez simple et resserré (un journal de grossesse, en quelque sorte, filmé en chapitres mensuels) en nous exposant la multiplicité des nuances de sa palette de jeu. Mais elle est très bien entourée (la distribution est plutôt resserrée) les personnalités de chacun (e) se complètent à merveille (et c'est toujours très juste.)
Diane a les épaules est un film qui fait du bien, tout simplement. Et donne envie d'avoir très vite des nouvelles de son réalisateur.

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29 mars 2018

clichés

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VERS LA LUMIERE
de Naomi Kawase

Devrais-je dire encore une déception ? Mais ça s'adresse surtout à moi-même, qui m'y suis -à la séance de 18h pourtant- copieusement endormi. J'aime pourtant beaucoup comme le film commence, avec cette jeune femme qui rédige les textes d'audiodescription, pour spectateurs malvoyants au cinéma., avec les va-et-vient que cela autorise entre le film -celui qu'on est en train de voir- et le film dans le film (l'histoire d'un vieil homme) -celui sur lequel elle travaille-. La jeune femme fait, dans ce cadre, la connaissance d'un photographe ("assez connu") qui est en train de devenir aveugle, et en conçoit, on le comprend, une certaine amertume.
Ca commençait plutôt bien, oui.

(...)

Après j'ai, hélas, commencé à perdre un peu le fil(m) (comme si je devenais alors moi-même malvoyant, ou plutôt profondément -mais en pointillés- aveugle.) me surprenant chaque fois à rouvrir les yeux (sans avoir eu conscience de les avoir fermés auparavant, c'est  exaspérant, et hélas rien n'y fait) et ne me restent hélas que des fragments de l'histoire, des bouts de scène, des instants. Des fragments juxtaposés. J'aime pourtant beaucoup comme c'est filmé, de très près, et même de très très près, avec beaucoup de mouvement, de flou, de tangage... Mais voilà j'ai plein de trous noirs dans le récit, donc il m'est décemment difficile de critiquer. Faudrait que je puisse le revoir en entier pour vérifier si ce sentiment d'incomplétude (en ce qui me concerne) est justifié par le film où par les trous que mes micro-siestes y ont fait.
Donc je m'abstiens...

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28 mars 2018

construction/destruction

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TASTE OF CEMENT
de Ziad Kalthoum

Un chantier, à Beyrouth. Des ouvriers syriens. Un film qui par sa forme se revendique au-delà du simple cinéma. L'intensité, la force, de la proposition m'ont évoqué l'effet d'immersion produit par le Leviathan de Castaing-Taylor et Paravel (que j'adore) même si les deux films n'ont strictemnt rien à voir (ici un chantier et là un chalutier, ah si, quand même, tiens, tous deux avec des hommes, rien que des hommes -juste des hommes-).
Des hommes sans nom, presque sans voix, qu'on voit sortir d'un trou pour prendre le monte-change qui les emmène au-dessus des buildings où ils travaillent. Des hommes en action, au travail (avec des gilets fluo et des casques de chantier c'est dire si je bichais), dans le fracas des machines-outils (j'ai toujours adoré le bruit des chantiers) et voilà que soudain s'élève une voix, un "discours intérieur" (comme dirait Pépin au théâtre), le voix d'on ne sait pas lequel d'entre eux, qui évoque ses souvenirs, l'odeur de son père, et la guerre. La guerre omniprésente que tous ces hommes ont fui, pour devenir à Beyrouth d'invisibles et anonymes maçons, mais qui les poursuit qui les hante (dans leurs mots dans leurs rêves et leurs souvenirs et même leurs téléphones).
Le réalisateur s'est emparé de son sujet comme d'un immeuble en construction, à bras-le-corps, et a échafaudé un film vertigineux et puissant. La matière même du film (les cadrages, les images, et surtout le son, qui a bénéficié d'une vraie "création") nous embarque et ne nous lâche plus. on est fasciné par la fusion entre la réalité "constructive" de ces hommes (et son interprétation graphique, le réalisateur ne se prive d'aucun effet pour nous estourbir) et les images intérieures qui leur (re) viennent (parfois d'ailleurs en symétrie avec leur activité : construire/détruire), se superposent et se mélangent, les souvenirs et les regrets aussi. Et les rêves.)
Taste of cement, c'est la réalité (dans sa brutalité) et la beauté plastique générée par sa perception. C'est un opéra baroque de bruits industriels, agencés comme une partition, où émergent parfois, comme dérivant, les mots de l'intime de ces hommes dont on n'en saura hélas pas beaucoup plus.
C'est un film magnifique, qui n'a pas eu vraiment de chance (sorti le 3 janvier 2018 -qui avait envie d'aller s'intéresser au destin de ces hommes en se réveillant du réveillon, je vous le demande ? - , peu de critiques presse, dont un détestable * de Téléramuche, (qui, s'y j'avais été abonné, m'aurait fait me désabonner illico), et ne passant plus, au moment où j'écris, que dans quelques salles en france (bravu Utopia, bravo le Studio Galande) et dont j'attends désormais de pied ferme la sortie en dvd.
Merci, le Festival Diversité!

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24 mars 2018

fucking chic

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PHANTOM THREAD
de Paul Thomas Anderson

Ou l'histoire d'un malentendu. Et d'une bande-annonce maladroite. A l'image des robes créées par son grand couturier de personnage principal Reynolds Woodcock (Daniel Day-Lewis dans ses grandes oeuvres retrouvé avec un très grand plaisir, oh mon dieu cette voix...) le film a lui-aussi des trucs cachés cousus dans la doublure et les ourlets. Et c'est ça qui est vraiment chic.
Où la rencontre entre un grand couturier (Reynolds, donc) et Alma, une petite serveuse maladroite mais jolie n'est pas exactement -tiens donc!- la chronique amoureuse et/ou sociale escomptée (et annoncée)... C'est un peu ça, mais c'est aussi bien plus  tordu que ça. Et on n'en prend conscience que progressivement.  Paul Thomas Anderson n'est pas un de mes réalisateurs de chevet (je n'avais aimé ni Magnolia -argh Tom Cruise- ni Punch-drunk love -argh Ben stiller!- et même le multi-dithyrambé There will be blood ne m'avait pas plus enthousiasmé que ça... le post est ) je l'avoue. mais là, y a pas à tortiller, bonne pioche.
C'est dire donc si ce film-ci est plutôt une bonne surprise.
Grand couturier, génie au travail, jet-set et têtes couronnées, peites mains, maisons de couture, on connaît tout ça (on a quand même deux St Laurent successifs d'assez récente mémoire), pas un froufrou de dentelle ni une épingle de bâti n'y manque. Maison de couture, le mot est juste, l'empire de Reynolds W. Et de Cyril. Cyril, c'est la soeur de notre couturier, la co-maîtresse de maison, qui rit à peu près chaque fois qu'ellle se coince le nez dans un tiroir (ça n'est pas de moi mais de Gotilib) c'est à dire assez peu fréquemment. Celle qui partage sa vie, son espace vital, sa maison, ses créations, ses relations, sa vie mondaine. Et qui voit d'un assez mauvais oeil l'intrusion de cette péronnelle blonde dans leur univers immuable et millimétré. Cyril a toujours raison (c'est dit dans le film, et j'ai d'ailleurs failli intituler ce post ainsi, mais pour de toutes autres raisons...).
Il s'agit au départ d'une histoire d'amour, puis, quasiment de lutte des classes (au fur et à mesure qu'Alma tente de faire sa place dans ce fonctionnement mortifère et guindé (une très plaisante scène de petit-déjeuner, notamment, toute aussi mise en scène que mise en son...) Si le grââând couturier a son petit caractère, la demoiselle n'en manque pas non plus (et joue avec brio les différentes facettes de son personnage : employée, maîtresse, muse, épouse, etc.) Et elle aura fort à faire pour atteindre son objectif (à partir de là, je suis obligé de rester dans le flou pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui n'ont pas vu le film) et heureusement que mes amies ont fait de même, car je n'ai compris qu'a posteriori le sens des qualficatifs sybillins avec lesquels elles commentaient le film...
La fin est excellente, et vous confirme qu'effectivement ce que vous venez de voir n'est pas exactement ce que vous vous attendiez à. On pensait être en terrain archi-connu, hyper-balisé, on savait à quoi s'attendre, et non... C'est malin, c'est fort. Et on ne peut que s'incliner : ah l'amour...

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22 mars 2018

dans la baignoire

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JUSQU'A LA GARDE
de Xavier Legrand

Terrifiant.
J'ai déjà dit toute l'admiration que je porte à Denis Ménochet (ah la scène de chambre avec Jean-Louis Couloch' dans Le skylab...), toute la faScination qu'il exerce par hmmm... sa présence virile. mais bon, là, j'avoue, je n'aimerais pas être marié avec lui. C'est Léa Drucker qui s'y colle, merveilleusement éteinte, en femme terrifiée. Le film débute devant la juge (une juge beaucoup moins rigolote que celle vue récemment dans Ni juge, ni soumise) et finit avec les flics. On part du quasi-documentaire, et on finit par y revenir. mais en passant par quel(s) chemin(s)! Cette première scène met en place le fonctionnement qui sera celui de chacune des scènes : il y a ce qu'on voit, ce qui se passe, ce qu"on pense voir se passer, et ce qui se passe réellemnt. Pour un premier film, Xavier Legrand témoigne d'une sacrée force (ou puissance) dans la maîtrise de son récit ou la gestion de ces personnages. Sur le ring de cette première scène, Ménochet pourrait être le bon gros gentil nounours que l'on a arbitrairement privé du droit de voir ses enfants, et Léa Drucker, monolithique, la vilaine méchante maman qui a tout fait pour l'en priver, chacun jouant sa partition -son rôle- dans le fracas de basse-cour (j'exagère à peine), le combat de gallinacées de leurs avocates respectives.
On comprend dès la scène suivante ce qui s'est joué, et qui a gagné, tandis que continue de grandir le malaise qu'on avait commencé à ressentir dès l'ouverture.
Le week-end, le klaxon de la camionnette du père qui vient prendre son fils, (il n'a visiblement pas le droit d'entrer dans la maison), le visage fermé du fiston, on sent bien que ça ne passe, justement, pas très bien, et que dans ce "jeu" personne ne fait rien, justement, pour que les choses aillent mieux.
Car rien ne va s'arranger, justement. Bien au contraire. Le réalisateur a placé ses jalons, ses cailloux blancs : audience chez la juge, repas en famille, fête d'anniversaire, trajets en voiture, un parcours "réaliste" (terre-à-terre, banal, balisé) toujours sous-tendu par une certaine dimension fantasmagorique (mythologique), jusqu'à cette dernière partie du film, dans l'appartement de la mère, qui est parfaitement terrifiante, comme je l'ai écrit tout au début (et qui est virtuosement filmée, même si elle reproduit une situation a priori pas très neuve, et qu'on pouvait d'ailleurs craindre depuis le début du film), où j'avais tellement la trouille que j'ai à un moment envisagé de sortir...
Oui c'est impeccablement (impitoyablement) réalisé. A tel point qu'on est noué sur son fauteuil de a jusqu'à z. Et que lorsque l'écran devient noir et que  défile (en silence) le générique de fin, on peut enfin reprendre sa respiration. J'ai rarement été aussi tendu pendant toute la durée d'un film. Denis Ménochet y est incontestablement pour beaucoup. Cette présence massive, monstrueuse presque, stature de grizzly, comportement d'ogre, qui font que, spectateur, on ne peut que se retrouver dans la position du Petit Poucet (le fils) ou de la femme de l'ogre, au choix.
Sans doute que je prend trop les choses à coeur.

5236618

20 mars 2018

elle a dit "attiser" ?

035
3 BILLBOARDS, LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE
de Martin Mc Donagh

Elle a eu l'Oscar, elle le méritait.
Frances Mc Dormand, je l'aime (et à tout jamais) depuis Fargo. Et Martin Mc Donagh, le réal, nous a déjà offert le jubilatoire Bons baisers de Bruges. Déjà deux bonnes raisons, donc. Mais on est obligé de passer ici à la vitesse supérieure, pour les superlatifs : 3 billboards est jubilatoirissime, on ne peut pas y couper. (même si je trouve que ce titre "français" est idiot, avec le nombre écrit en chiffres et le mi-anglais mi-français... Le titre original Three billboards outside Ebbing, Missouri est à la fois plus simple et plus juste...)
Il y a des films, comme ça, où on sait, dès la première image, que ça va être du pur bonheur. Oui dès que ça commence on est embarqué, ça ne vous lâchera plus. Martin Mc Donagh a l'intelligence des personnages, des situations, des dialogues, doublée de l'art de vous retourner comme une crêpe, en passant du rire aux larmes (et inversement) en quelques secondes dans un même plan.
Dans un trou-du-cul-du monde du Missouri, une mère de famille (Frances Mc Dormand, donc) dont la fille a été violée et assassinée s'émeut que, sept mois après, aucun progrès n'ait été effectué dans l'enquête menée par les flics locaux. Elle décide de le faire savoir (et de rafraîchir la mémoire) à tout le monde, en louant à l'année trois immenses panneaux publicitaires à la sortie de la ville (sur une route ou presque plus personne à part elle ne passe) sur lesquels elle apostrophe nommément le shérif (Woody Harelson, dont j'avais un peu oublié combien il était bon). Un brave gars, pourvu d'un adjoint particulièrement colérique et violent (Sam Rockwell, bluffant) et tête à claques. Chacun dans le poste de police va réagir à sa façon, mais ce simple événement -la pose des panneaux- va être l'élément déclencheur, le détonateur, d'une réaction en chaîne  quasiment atomique où chacun(e) dans ce petit bled ricain merdique, est le domino dont la chute va frapper le suivant, dont la chute va, etc. , une déflagration, une vraie onde de choc qui ne laissera personne indemne. Le récit étudie la propagation de trois lignes de failles principales, celle de l'épicentre (la mère), celle du shérif, et celle de son adjoint (le personnage qui aura peut-être le parcours le plus surprenant du film).
Et c'est du grand art. Comme dans Bons baisers de Bruges, le réalisateur a constamment recours à un humour très noir (entre ironie, sarcasme et provocation) qui fait office de lubrifiant sur des rouages ou rebondissements parfois spécialement violents. Le scénario, dans son agencement, est millimétré, c'est de la mécanique de précision, où, paradoxalement on pourrait à chaque fois deviner grosso modo ce qui va se passer mais où le réalisateur réussit néanmoins à chaque fois -tadam!- à nous surprendre, en tordant légèrement la ferraille au coeur du béton armé de son histoire, en n'étant pas exactement là où on pensait qu'il allait nous amener, en déviant l'impact.
Comme pour La forme de l'eau, je me suis régalé, totalement, d'un bout à l'autre, sans débander, pourrais-je dire en usant d'une virile métaphore, et les larmes qui sont montées plusieurs fois (chacune des trois lettres fait mouche) étaient aussi douces que les rires et sourires qui affleuraient tout aussi régulièrement.
Un univers à mi-chemin entre celui des frères Coen, et ce polar que j'avais énormément aimé l'année dernière, sorti de nulle part, Comancheria... Avec la  même acuité à la fois vacharde et attendrie que celle d'un Steven Soderbergh pour ses ploucs de Logan Lucky. Du gros bonheur cinématographique donc, à voir et à revoir.
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l'affiche française

Three-Billboards-Affiche

et l'affiche originale

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