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lieux communs (et autres fadaises)
4 avril 2012

textiles et crevettes

SUR LA PLANCHE
de Leïla Kilani

Un film TNT. Tendu, nerveux, teigneux. Et rageur.  Qui a la franchise de nous annoncer dès les premières secondes comment tout cela finit. Mal. Et que j'étais d'autant plus curieux de voir que Malou ne l'avait pas aimé.
Premier constat : Malou, nous n'avons pas tout à fait les mêmes goûts! Moi j'ai plutôt beaucoup aimé... pour l'énergie qui sous-tend le film, pour la quasiment poésie sonore survoltée des dialogues (monologues) de Badia (qui sonnent, c'est vrai, tellement slam, tellement trop bien écrits que c'est peut-être ça qui t'a énérvée, non ?).
Portrait de quatre filles (enfin, plutôt d'une, centrale, et de trois autour), aujourd'hui, à Tanger. Boulot(s) de merde, envie de s'en sortir, rêves de richesse, petites combines, traficounets, rapports de force, et, évidemment, ça finit mal (mais on est prévenu dès les premières images...)
L'actrice principale (Soufia Issami) est formidable (mais les trois autres aussi sont très bien.) et n'est pas, c'est vrai, sans faire penser à Rosetta (même détermination, même opacité, même accompagnement de la caméra).Elle a plus de punch, elle est plus sèche, plus rêche, que ne l'était Emilie Dequenne. Car le boulot, elle l'a déjà, elle ne veut pas vraiment le garder, au contraire (les scènes dans l'usine de crevettes sont plastiquement saisissantes).
Même si on ne comprend pas tout, tout le temps, on reste vissé, sidéré, par tant de force, de noirceur, et finalement de réalisme (sans rien de misérabiliste ni de complaisant).
Avec le plaisir de retrouver en co-scénariste Abdel-Hafed Benotman, découvert il n'y a pas si longtemps (et accidentellement, en plus) avec son tres bel Eboueur sur l'échafaud, (chez Rivages), tout à fait dans le même ton.

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31 mars 2012

ton âme était dans le slip de V.G ?

TWO DAYS IN NEW-YORK
de Julie Delpy

Mettons les choses au point : j'adore Julie Delpy. A part La Comtesse, que je n'ai pas eu envie de voir, j'aime tout le reste. J'ai énorméméent aimé (et beaucoup ri) à Two days in Paris (même si, je me souviens, j'étais quasiment le seul à le faire dans la salle) et donc j'attendais impatiemment cette suite.
Le personnage central reste le même (Miss Delpy), mais elle a cette fois-ci changé de boy-friend. elle vit avec lui, à New-York, et, cette fois, c'est son père et sa soeur qui viennent lui rendre visite. Et c'est là que c'est un peu dommage : ils ne sont pas que deux, ils ont amené avec eux un troisième larron, l'actuel boy-friend de la soeur. Et chacun des trois personnages : Manu le beauf lourdingue, Papa le ravi et Soeurette psycho-nympho machin-chose, est un peu trop chargé. Et, hélas, le personnage laisse peu de chances à l'acteur qui l'incarne (à moins que ce ne soit le contraire...)
Julie Delpy a eu tort de penser qu'elle ne pouvait pas à elle seule constituer un centre d'intérêt suffisant avec Mingus, son amant, et en a donc ainsi rajouté quelques louches, c'est donc parfois c'est un poil lourdingue (Albert Delpy, notamment, est parfois à la limite du grotesque tellement il joue en roue libre) et  c'est dommage, sans ça, le film eut été autrement plus plaisant.
La famille est un sujet qui semble vraiment lui tenir à coeur (cf le récent Skylab dont je me suis tout autant régalé), et elle parvient même à nous tirer une larmichette à propose de sa maman (immédiatement suivie d'un éclat de rire, c'est comme ça que ça fonctionne chez julie d., et c'est très bien...)
Ce mélange de tendresse et de vacherie, de fleur bleue et d'humour noir,  me ravit, vraiment. Sans les trois frenchies caricaturaux, c'eut été encore mieux! Parvenir à faire rire avec une histoire d'âme vendue ou de fausse tumeur au cerveau, faut oser quand même! Et elle, elle le fait!
Absolument délicieux à certains moments et parfaitement indigeste à d'autres! (mais je t'aime toujours autant, Julie, va!)

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24 mars 2012

arriba riba riba!

Que le temps passe vite! Déjà à la moitié de notre jolie semaine latina, et pas encore eu le temps de pondre un petit quelque chose! petit survol rapide des 4 films déjà vu jusque là :

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EL CHINO
de Sebastian Borenzstein

Une comédie réjouissante, et pas seulement parce que je me suis identifié grave au héros (!) : il s'appelle Roberto, c'est un vieux garçon ronchon (pléonasme) et maniaque (idem). A cause d'une vache, le voilà obligé par un concours de circonstances, à cohabiter avec un chinois qui ne parle pas un mot d'argentin... En attendant de trouver -rapidement, il l'espère- une solution, voilà notre "héros" forcé de bousculer ses habitudes, ce qui ne va pas sans problèmes et difficultés diverses... Une comédie tendre, aussi idéaliste qu'idéale, qui fait du bien, simplement. Meuh!

*

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LA VIDA UTIL
de Federico Veiroj

Un film uruguayen, charmant, en avant-première, qui plus est en présence de son acteur principal (qui arrivait quasiment directo de Montevideo pour venir nous le présenter dans le bôô cinéma) tout ça hélas devant un nombre de spectateurs que je ne n'écrirai pas tant il m'a déçu et agacé. (...) Tant pis, ils ne savent pas ce qu'ils perdent, ceux qui n'étaient pas là ! (Rendez-vous compte, on a eu l'avant-première avant le MK2 Beaubourg, où notre cher Jorge Jellinek devait présenter le film le lendemain...). Un film en noir et blanc ("muy especial") comme il fut sobrement décrit, sur un vieux garçon (encore!) qui travaille depuis 25 ans à la Cinémathèque de Montevideo, et doit soudain faire face à un incident majeur : il est viré! C'est cinéphile et cinéphilique, c'est certes un peu pointu, mais c'est en même temps tellement agréable que, décidément, on n'a envie d'en dire que du bien!

*

 

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REVOLUCION
de dix réalisateurs différents, pour les 100 ans de la révolution mexicaine

Qui dit programme composite dit intérêts partagés...
Mes préférés ?
LA BIENVENUE de Fernando Eimcke, LE PRÊTRE PENDU d'Amat Escalante, (deux très  beaux films en noir et blanc, chacun avec un univers singulier, et chacun mettant en oeuvre une dimension particulière,  l'un le temps et l'autre l'espace), R-100 de Gerardo Naranjo (un univers coloré/contrasté, muet et  sanglant : des mecs, des bagnoles, des accidents... viril, quoi!) , et 7TH STREET AND ALVARADO de Rodrigo Garcia (un essai poétique et urbain : un coin de rue, aujourd'hui, où passent soudain les fantômes des révolutionnaires, dans un fabuleux plan-séquence, au ralenti. Bluffant)
Des films sympathiques, mais pas entièrement convaincants :A NOTRE BIEN-AIME, de Patricia Riggen, LUCIO de Gael Garcia Bernal,  LE MAGASIN DE L'HACIENDA, de Mariana Chenilo, 30/30, de Rodrigo Pia, et PACIFICO de Diego Luna, plus classique dans leur forme et dans leur narration, et dont on se demande parfois (surtout pour le dernier) de quelle façon ils se rattachent au thème...
Et, inclassable CECI EST MON ROYAUME, de Carlos Reygadas, qui fait tellement son Reygadas que ça peut en devenir insupportable... (je détestais franchement au début, puis -peut-être parce que je me suis dit "tiens ça doit être le Reygadas..."- j'ai mieux aimé ensuite.) Mais c'est assez incompréhensible, et formellement éprouvant.

*

 

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TRABALHAR CANSA
de Juliana Rojas et Marco Dutra

Un autre film en avant-première (il doit sortir début avril). Brésilien (ce qui, en ce qui me concerne, ne joue déjà pas en sa faveur hihi). Un film qui commence dans le social-réaliste-contemporain-urbain (un jeune couple avec fillette, la dame veut racheter et remettre en état une supérette à l'abandon tandis que son mari se fait justement virer de son emploi...) Et va se mettre soudain à dériver par bouffées vers le fantastique-inquiétant-zarbi-épouvante, sans qu'au bout du compte on  soit vraiment sûr de ce qu'on vient de voir. Beaucoup de pistes ébauchées (à l'image du titre, attirant, et de l'affiche, singulière) : le travail, les relations de pouvoir, le travail au pouvoir, le pouvoir au travail, le pouvoir du travail, le travail du pouvoir... et ces machins innommables cachés derrière ce mur pourrissant...
Les réalisateurs se promènent, et nous promènent, parsemant leur récit "normé" (le travail, au Brésil, aujourd'hui) de clins d'oeil (facétieux ?) macabres et/ou fout-les-jetonnesques, mais on peut regretter, au final, que tout ça s'éparpille un peu trop (et que certains  personnages (la fillette, la bonne) soient insuffisamment exploités). cette scène finale qu'on n'est pas certain de savoir comment elle se rattache au reste exactement.
Intriguant, prometteur, mais, au final, un peu frustrant, au vu des potentialités entrevues.

*

19 mars 2012

fentanyl

ANOTHER HAPPY DAY
de Sam Levinson

L'appréciation des films dépend aussi de avec qui on les voit. J'étais avec Marie, et je pense que si j'avais été avec Dom et Emma, je n'aurais pas réagi pareil... Je savais qu'elles n'avaient pas aimé (du tout) et je partais donc avec un a priori négatif (mais Emma m'avait dit "  peut-être à toi ça va te plaire...")
Finalement, c'est bien de ne rien attendre ou presque, on ne peut qu'être agréablement surpris! Et ce fut le cas. D'abord, précisons qu'il est malhonnête de vendre ce film comme une comédie.  il est sûr que certaines répliques au rasoir font mouche et m'ont fait rire (parfois rire), mais la tonalité d'ensemble est plutôt sombre.
Une famille américaine éclatée (la mère d'un côté, avec sa fille aînée qui se scarifie régulièrement au rasoir jetable, son cadet qui en est à sa quatrième cure de désintox, et le benjamin qui passe son temps à filmer tout ce qui passe à sa portée, et à se souvenir de nombres compliqués... et de l'autre côté son ex-mari qu'elle a fui parce qu'il la cognait et qui a refait sa vie avec une "maîtresse femme", et le fils qu'il a eu de sa première femme mais qu'elle lui a visiblement abandonné) va se décomposer / recomposer lors d'un week-end de mariage (oui oui, Festen, Mélancholia, Un mariage, j'aime bien ce genre de situation...).
Il y a énormément de malaise là-dedans, celui que ressentent les êtres en eux-mêmes (on a quand même un assez joli petit catalogue de maladies psy) et celui qu'ils provoquent dans leurs relations avec les autres. Toute la famille y passe quand il s'agit de commencer à régler les comptes, ou, tout simplement, s'expliquer, essayer simplement de dire les choses. Grands-parents, belles-soeurs, mère biologique ou pas, mère/fille, père/fille, frère/frère, ça tire de tout les côtés. et, bien évidemment, beaucoup plus de larmes que de franche rigolade au bout du compte.
Un film fort, en tout cas, et assez finaud. même si on peut -légitimement- trouver que la barque est tout de même assez chargée, et que, peut-être, du coup, beaucoup de choses ne sont finalement qu'effleurées (bon, autrement le film aurait fait quatre heures, mais je pense que ça ne m'aurait pas pesé.)

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(l'affiche est non seulement assez laide, mais plutôt menteuse...)

14 mars 2012

reconstitution

38 TEMOINS
de Lucas Belvaux

Il y au moins trois films dans celui de Lucas Belvaux :  la relation  d'un fait divers (une femme se fait assassiner une nuit sans que personne ne réagisse à ses cris et ne vienne lui porter secours, et l'enquête qui y fait suite, jusqu'à la très très impressionnante reconstitution qui la clôt) ; un documentaire sur l'activité portuaire du Havre, graphiquement et plastiquement somptueux ; et , enfin, la chronique d'un couple (Yvan Attal et Sophie Quinton), et c'est là que le bât blesse, qui semblent hélas avoir été inscrits au Grand Concours des Meilleurs Clichés et Poncifs des Dialogues de Romans-Photos, tant leurs "échanges", les pauvres, sont d'une sottise et d'une platitude à pleurer, et c'est dommage.
Yvan Attal (qui co-produit d'ailleurs le film), qui joue celui qui a tout vu mais qui n'a rien dit -le 38ème témoin du titre-  s'est fait une tête à la Steven Seagal, un masque monoexpressif "regardez comme je suis malheureux et rongé par la culpabilité", on l'a connu plus souriant et on aimait ça! Sophie Quinton et Nicole Garcia (l'épouse qui n'a rien vu et la journaliste qui voudrait savoir) sont très bonnes toutes les deux, même si elles souffrent aussi hélas des ineptes dialogues qu'on leur fait débiter.
Le fait que le film soit basé sur un "fait-divers authentique" n'enlêve rien à la déception ressentie. Lucas Belvaux a déjà réalisé des films inconestablement plus justes, plus humains, pour réussis. Trop de pathos tue le pathos, comme dirait l'autre. Restent une scène de reconstitution glaçante et des très très belles images du Havre. C'est déjà pas mal, me direz-vous...
(Tiens, et pour une fois, Pierre Murat est d'accord avec moi, hihihi!)

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13 mars 2012

graine pourrie

ELENA
de Andreï Zviaguintzev

Vu en enfilade (!) du précédent le deuxième film dont j'avais vu la bande-annonce au moins 74 fois dans les diverses salles parisiennes.  Ladite bande-annonce racontait d'ailleurs à peu près tout assez précisément, Russie, image bleu glacé, violons de Phil Glass, portrait de femme, affrontements familiaux et sociaux. Amertume, malaise. Après Portrait au crépuscule, on nous confirme que la vie en Russie n'est pas spécialement youp la boum, et que cela a visiblement peu de chance de s'arranger, dans l'état des choses (et des gens).
Un film sec mais en même temps lyrique. Depuis longtemps un premier plan  n'avait pas  aussi bien exprimé la notion de durée -et donc de malaise-. Des fenêtres, un arbre, un corbeau. (immobilité, croassement). Puis un autre. A mi-chemin entre Angelopoulos et... Hitchcock, par exemple.
Portrait d'une femme qui se dédouble, d'un côté épouse d'un vieux riche russe pas très sympa (on ne sent pas leur couple véritablement ruisseler d'amour), dans leur grande maison impeccable et glacée, et de l'autre mère d'un chômeur qui vit en HLM pourrave avec femme et enfant(s) et qui passe son temps à zoner sur son canapé en attendant que sa chère maman, justement, lui ramène un peu de sous pour pouvoir aller refaire le plein de bière et de cacahuètes. entre les deux, elle prend les transports en commun.
Evidemment il lui en demande plus, et elle fait en sorte que, et ça continue en escalade mortifère et désabusée. Glacé, vous dis-je. Un thème unique (et bien choisi) de Phil Glass vient à point pour donner un genre de contrepoint répétitif (et lyrique) à ces existences fangeuses (et répétitives). Qui attend le générique de fin pour se laisser un peu aller, plus loin que les quelques premières notes qu'il aura répété pendant tout le film.
Sans concession, comme avait pu l'apparaître en son temps, disons La fille aux allumettes, de Kaurismaki. Noir. Même plan à la fin qu'au début, et il n'y a même plus d'oiseaux. un sacré porttrait de femme. Nadezhda Markina, multi -récompensée (une flopée de prix d'interprétation dans différents festivals) n'est pas tout à fait la Mère à l'enfant toute de douceur et d'amour suggérée par l'affiche (ou peut-être que si, justement...)
Intensément sombre.

 

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13 mars 2012

el cielo

HASTA LA VISTA
de Geoffrey Enthoven

Premier film de l'après-midi, à la bande-annonce vue et revue maintes fois, mais suffisamment accrocheuse pour me donner envie (c'est le but, direz-vous...) Trois mecs handicapés (un aveugle et deux paralytiques, pour faire bref) décident de partir en espagne dans un vieux bus déglingos pour ne pas mourir idiots (entendez "ils sont puceaux et ne souhaitent pas le rester ad vitam aeternam", puisqu'au moins un des trois est  promis à une mort proche. )
Le réalisateur met tout ça en place, sous la bannière de la comédie, dont on perçoit tout de même le mal-être et le désespoir sous-jacent(s), mais sans apitoiement, complaisance,  ni pathos (un peu vers la fin, tout de même, ok, mais c'était écrit dans le contrat depuis le début, d'une certaine façon...) excessifs.
L'intérêt étant, au début, l'affrontement entre les trois lascars qui font bloc contre leur chauffeur, Claude, dont ils ne s'aperçoivent qu'au moment du départ qu'il s'agit d'une femme, et même d'une maîtresse femme. Le voyage commence donc plutôt mal, nos trois zozos voulant la jouer macho et "on est assez grands pour se débrouiller tout seuls, on va pas se faire aider par une femme en plus" (le réalisateur épinglant au passage -savoureusement- le problème de la communication entre wallons et flamands.)
Road-movie en bus pourri et en fauteuil roulant, buddy-movie acerbe et vachard, feel good-movie mais avec une bonne dose d'amertume, avec des comédiens à saluer unanimement (les trois Pieds-Nickelés et leur fameuse Claude). Encore un excellent moment, décidément,  qui nous vient de Belgique.

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9 mars 2012

l'insurrection qui vient

LES CHANTS DE MANDRIN
de Rabah Ameur-Zaïmèche

Mettons les choses au point. Rabah Ameur-Zaïmèche figure parmi les plus doués des cinéastes français contemporains, je le redis et le répète, et je ne suis pas tout seul. C'est pourquoi j'étais un peu chagriné de ne pas avoir reçu son dernier film dans des conditions optimales. On a beau dire, mais les écrans du MK2 Beaubourg font quand même singulièrement riquiqui à côté de deux du bôô cinéma (même le plus grand de ceux-là est ridicule par rapport au plus petit de ceux-ci.) Grâce à Marie, je l'ai donc pu revoir en grandes pompes (et -ce qui a son importance- sans autre film adjacent.)
Encore une fois (comme pour Drive), le sentiment de ne pas avoir vu tout à fait le même film. La taille de l'écran le remet à sa juste place, et les qualités  indéniables du cadrage, de l'éclairage, des mouvements de caméra, sont enfin restituées à leur juste valeur.
Rabah Ameur-Zaïmèche fait des films à hauteur d'homme, des histoires de vrais gens, avec "sa" tribu (comme Guédiguian a la sienne) dans lesquelles il se met en scène, avec sur le visage la même paradoxale douceur que celle dont il enveloppe ses personnages et son son récit. D'aucuns critiquent ce qu'on pourrait nommer cette complaisance à se mettre ainsi en scène, à jouer des deux côtés de la caméra, personnellement, ça ne me dérange pas du tout, bien au contraire (R.A.Z est quelqu'un de plutôt agréable à regarder, et vraiment cette douceur fait du bien je le répète...)
Après une trilogie "contemporaine" (Weh wesh, Bled number one et Dernier maquis) voilà qu'il nous raconte encore peu ou prou la même histoire, précarité, révolte, solidarité, espoir, désespoir, pouvoir et contre-pouvoir, en l'habillant d'oripeaux historiques. R.A.Z fait un film en costumes, je dirais, une épure de film en costume, tant il se concentre sur l'essentiel, et ne dépense pas des millions de pépètes dans la reconstitution de la vérité historique accessoirisée et figurantée.
Les acteurs ? Jacques Nolot incarne, souverainement, un  jubilatoire marquis (le film aurait pu s'appeler Dernier marquis, pour rester dans la continuité, hihihi), qui vient rejoindre, à pied, descendu de son carrosse,  la joyeuse troupe de traînes-savates (les contrebandiers) qui gravitent autour de Belissard, leur chef-même-s'il-n'y-a-pas-de-chef (Rabah Ameur-Zaïmèche, très bien comme d'hab dans le registre de l'humanité bonhomme). Soyons franc, le niveau d'interprétation n'est pas toujours idoinement homogène (des textes parfois maladroits, des acteurs parfois moins convaincants, des scènes parfois moins justes) mais l'énergie et/ou la beauté de l'ensemble emportent le morceau. Haut la main.
Jusqu'à la scène du "marché" (où les contrebandiers convient les villageois), le film, est, pour moi, une réussite totale, parfaite. Chacun des plans, leur conception, leur enchaînement, tout est bon. Pas une faute de goût ni de rythme. On est au plus près des corps, des visages, de l'affrontement ( "tueur de flics" dès les premières minutes, marquis contre colporteur ensuite) puis pris dans une structure où l'encerclement ("tourner autour du pot") devient une figure de style et ce mouvement de caméra une écriture significative (le cheval qui tourne autour du marquis, les torches enflammées autour du même...) Menace ? Pas vraiment, il s'agirait de faire connaissance, de juger sur pièces, de s'apprivoiser. Le film juxtapose des moments vécus "au plus près".
A partir de ce moment là, où la caméra prendrait un peu de champ, et le scénar aussi, c'est comme si le récit était repris en main pour une narration peut-être plus "normalisée", et perdait alors un peu en force de suggestion ce qu'il gagne en pittoresque villageois. Et le récit va continuer d'alterner ces moments superbement plastiques (les chevaux sur fond de ciel, la construction de la barricade), et ces autres moments simplement "joués", et donc plus anecdotiques.
Le travail de R.A.Z est d'autant plus admirable et percutant qu'il oeuvre dans le signe, dans le détail, le fragment, dans la sensation, plutôt que dans la narration proprement dite.  On a un peu le sentiment que le film se laisse aller un peu dans sa dernière partie, se débraille, se détricote, joue un peu sur la redite, mais c'est peut-être  pour solliciter du spectateur une autre complicité (celle que Zvezdo appelait la connivence ?). Le message est ambigu, et le propos reste un peu flou, mais qu'importe, à l'image du superbe plan final, nocturne, lumineux, et mystérieux. Quid de l'instant présent, et quid de l'avenir ?
Top10, probablement...

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(l'affiche est vraiment superbe)

7 mars 2012

paris7

(la journée des imprévus)

RIVES
de Armel Hostiou

Je n'en avais jamais entendu parler, et pourtant je savais que j'irais le voir. Dernier matin, donc. Trois histoires, trois personnages, trois solitudes, une même journée dans Paris. Un jeune indien, une jeune hongroise, et un gamin qui fait l'école buissonnière. Ils ne se rencontreront jamais, dit le synopsis. Sauf en rêve. Facile, peut-être, mais plaisant (surtout le jeune indien). Un film un peu décousu, mais agréablement sensoriel (sensoriellement agréable, hihihi ?). Le sens du détail plastique, indéniablement (des mains qui patouillent dans l'eau boueuse, de la peinture blanche qui goutte à goutte...) et le plaisir de découvrir à l'improviste, derrière une porte rouge, en client grincheux, je vous le donne en mille : Vincent Macaigne! (ça faisait longtemps)

PORTRAIT AU CREPUSCULE
d'Angelina Nikonova

Longtemps hésité (il fallait que j'utilise la dernière place de ma carte MK2) entre celui-ci et LE DERNIER HIVER. Celui-ci commençait plus tôt, j'y suis donc allé... Mauvais choix. certes, la Russie va mal, et il faut peut-être le dire fort et le répéter. La même équipe de flics qui viole successivement, et en moins de dix minutes, une pute descendue d'un camion et l'"héroïne" du film, ça vous plante tout de suite le décor. Un film déplaisant, amer, aigre. Que je n'ai pas vraiment compris. Ironie ? Deuxième degré , Quel est le message ?? Dernier film vu, et, tiens, le premier que je n'ai pas vraiment (je n'ai pas écrit "vraiment pas", attention!) aimé. Il en fallait bien un, n'est-ce pas ?

19 février 2012

passeport

Un festival de cinéma, c'est un courant. un cours d'eau, un flux, qui progresse, qui avance inéluctablement, et auquel je m'abandonne avec le plus grand  plaisir. Se laisser porter,  (moi pour qui flotter est quasiment un idéal de bonheur terrestre) voilà qui me va.
Pour ça, bien sûr il faut le pratiquer assidûment, d'un bord à l'autre quasiment, pouvoir s'y immerger assez pour sentir le courant qui vous entraîne. Voilà pourquoi cette année encore j'ai pris un Passe (amorti au bout de 13 films) sachant que je pourrais en avoir au max 6 le mercredi, 5 le samedi et 5 le dimanche, et 2 les autres soirs... j'en étais ainsi déjà à 20, sans compter le dernier lundi ni le mardi, on verrait bien.

Nous voilà donc déjà dimanche , et j'en ai effectivement déjà vu 19 (ce matin, je l'avoue, à 9h30, j'ai fait l'impasse sur NOBODY KNOWS...)

et lorsque le flux est interrompu, on n'a plus forcément envie de s'y replonger (ainsi, lundi soir, j'ai fait l'impasse sur les deux films programmés -et dont j'avais les tickets d'entrée- ; mais bon j'avais déjà vu LA TERRE ABANDONNEE, et j'ai même le dvd d'ailleurs, alors, même si c'était la soirée Positif, tant pis, hein, je me suis couché à 21h et j'en avais besoin...)

Bilan, donc ? (car ce soir, je n'irai pas à la soirée de clôture). Comme pour ranger sa bibliothèque, pas forcément facile de les ranger/classer. Un constat : la qualité générale de la programmation. Incontestablement. un second, c'est que j'y ai re-vu pas mal de films (ceci expliquant cela, ou le contraire ?). Revue de détail, par section, et chronologiquement :

Rétrospective Kore-Eda
- I WISH *****
- STILL WALKING (R) *****
- HOWEVER ***
- AFTER LIFE (R) *****
- DISTANCE (R) ****
- WITHOUT MEMORY ***
- MABOROSI (R) *****

Les brûlures de l'histoire
- LONELY TUNES OF TEHRAN (Saman Salout) *****
- SHANGHAI DREAMS (Wang Xiaoshuai) ****
- 7 MINUTES AU PARADIS (Omir Givon) *****
- THE PRESIDENT'S LAST BANG (R) (Im Sang Soo) *****
- LES TORTUES VOLENT AUSSI (Bahman Ghobadi) ****
- WEST BEYROUTH (Ziad Doueiri) ****

Regards sur le cinéma du Kazakhstan
- ON M'APPELLE KOJA (Abdulla Karsakbaiev) ***
- LA JEUNE FILLE DE SOIE (Sultan Khodzikhov) **
- LE BALCON (Kalykbek Salykov) ***
- LA TERRE DES PERES (Chaken Aimanov) *****
- CHOUGA (Darejan Omirbaev) ***

Compétition
- LE TEMPS DURE LONGTEMPS (Özcan Alper) ****

Confirmation : Kore-Eda est vraiment un cinéaste que j'aime énormément (AFTER LIFE fut et reste un de mes films de chevet..., mais MABOROSI ET STILL WALKING l'égalent quasiment, tandis que le nouveau venu I  WISH fait excellente figure dans ce classement -je le reverrai d'ailleurs avec grand plaisir.)
Un film coup-de-poing : LES TORTUES VOLENT AUSSI (j'ai beaucoup pleuré à cette séance)
D'excellentes découvertes : LONELY TUNES OF TEHRAN et 7 MINUTES AU PARADIS, ainsi que LA TERRE DES PERES (de loin le meilleur de la rétrospective kazakh)
Une déception : CHOUGA (mais ça ne concerne que moi) et une semi-déception : LE TEMPS DURE LONGTEMPS, un film turc très beau et très référencé (cinématographiquement), inattaquable sur le fond, mais que j'ai trouvé hélas un peu trop long, léché et languissant (bon d'accord, le fait que ç'ait été le dernier film de la journée, que ma voisine de gauche passe son temps à consulter son portable, que mon voisin de derrière m'assaille de coups de pieds dans le siège tandis que mes entrailles malmenées  m'assaillaient d'émanations gazogènes n'a pas forcément joué en sa faveur) Comme son producteur est aussi celui de l'excellent L'AUTRE RIVE, je serai enclin à la clémence et à la mansuétude (A la question "le reverrai-je ?" la réponse est oui, mais bon vous me connaissez, il suffit qu'il y ait quelque part le mot turc pour que je sois émoustillé, ceci n'est donc pas un critère).
Je dédie ce festival à Dominique et à Catherine, en compagnie de qui j'aurai passé le plus clair de son temps.

Et à l'année prochaine donc!
Ah j'oubliais : tout ça se passait à Vesoul, bien évidemment!
Certaines contraintes et raisons personnelles font que je ne peux décemment pas écrire certains mots, voilà.

 

 

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