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lieux communs (et autres fadaises)
13 juin 2011

la vérité ou presque

UNE SEPARATION
de Ashgar Farhadi

Curieusement, la projection commença sous le signe de la contestation et de la friction sociale. Il y avait juste devant nous trois insupportables bourgeasses pétasses qui ne cessaient de jacasser et ricanasser avant le début de la séance, mais qui firent mine de continuerpendant le générique, provoquant un "voulez-vous bien vous taire? " de la part d'une spectatrice devant elles, et un "chttt" de la mienne, ce à quoi l'une des trois ricanassa dans le noir "tiens, y a des instits..." avant que -heureusement- d'obtempérer...
C'est donc dans un silence quasiment... religieux (!) que passèrent les deux heures du film. Une séparation est le troisième film d'Ashgar Farhadi, et, comme La fête du feu ou A propos d'Elly, c'est d'abord un film de gens, un film sociétal plus qu'un film d'esthète contemplatif (non que je n'aime pas les films "d'esthètes  contemplatifs iraniens", bien au contraire!)
Des gens avec des problèmes de gens (la fidélité conjugale dans la Fête du feu, la middle-class iranienne dans A propos d'Elly...). Ici, le film débute avec un couple devant le juge, dont l'épouse souhaite divorcer.  Et ce simple fait : l'épouse retourne quelques temps "vivre chez sa mère", va provoquer par un effet boule de neige un enchaînement de faits assez complexe, mettant en cause deux familles,  pour que tous ces gens se retrouvent à nouveau devant le juge, mais pour des faits autrement plus graves.
Le film est suffisamment bien fait pour que cette situation soit véritablement inextricable, tellement chacun des protagonistes n'est ni tout blanc ni tout noir, et a quelque chose à se reprocher, à un moment ou à un autre. Chacun est coupable, d'une certaine façon, et chacun est responsable, aussi, exactement de la même façon...

(J'ouvre ici une petite parenthèse, à propos de la façon un peu éhontément abusive dont le film nous est survendu. La ribambelle d'épithètes dithyrambiques a de quoi laisser un peu pantois. Certes, le film a raflé à Berlin l'Ours d'or du meilleurs film, ainsi que deux prix d'interprétations collectifs, pour l'ensemble des actrices et l'ensemble des acteurs, ce qui reconnaissons-le n'est pas peu, et voilà que tout le monde tombe soudain à genoux, les bras levés dans la lumière céleste de la révélation ultime : Une séparation est "le" chef-d'oeuvre du cinéma iranien, et Ashgar Farhadi est son prophète, prosternons-nous, prosternez-vous. On pourrait rappeler à la majorité de ces mêmes critiques qui aujourd'hui s'extasient avec des sanglots dans la voix qu'ils furent moins bavards sur le film précédent du même réalisateur, A propos d'Elly... , auquel ils n'accordèrent pas beaucoup plus d'intérêt que s'il se fût agi de, mettons, une bouse de gnou séchée. Fin de la parenthèse)

Farhadi conduit son récit linéairement, s'autorisant quelques ellipses, et, comme dans chacun de ses films précédents, tout ou presque pourrait en apparence  se résumer à une seule question. Pour La fête du feu c'était "A-t-il ou non trompé sa femme avec la voisine ?", et pour A propos d'Elly ç'aurait pu être "Qui était vraiment cette jeune fille ?". Ici, la question qu'on se pose pendant deux heures c'est "Est-ce qu'il l'a poussée ou pas ?", sauf qu'on y a apporté une certaine quantités de sous-réponses et de sous-questions. Qui générent à leur tour d'autres sous-questions, etc.
Toute la deuxième partie du film est essentiellement procédurale (les plaignants / le juge, l'accusé / le juge, les témoins / le juge) genre que -je ne sais pourquoi- j'affectionne particulièrement, sauf qu'ici, on n'est pas dans La défense Lincoln (le système judiciaire iranien semble plus rustique -on peut s'en remettre au juge mais il semble aussi qu'on peut se mettre d'accord directement pour retirer sa plainte contre un tas de pépettes),et, spectateur,  on se sent d'emblée à l'étroit, mal à l'aise, dans cette pièce minuscule remplie de tant de gens (dont certains font tant de bruit...). Car le réalisateur affectionne visiblement les intérieurs, les huis-clos, les espaces réduits, sans tomber dans  la théâtralisation, tant il reste près de ses personnages, simplement, à l'affût  de chaque frémissement, de chaque réaction.
Et on ne peut s'empêcher de s'en poser, justement, des questions, et de changer d'opinion régulièrement à propos des personnages (comme je l'ai dit, personne n'est tout à fait blanc, ni tout à fait noir.) Et le réalisateur parvient même à glisser quelques allusions (il ne serait pas forcément facile de vivre en Iran...) en enfonçant encore une fois le clou à propos du poids (et c'est rien de le dire) de la religion, des coutumes et des traditions, qu'elles soient sociales ou familiales, du choc entre entre les différentes classes, et de l'impossiblité, en fin de compte, de régler tout ça parfaitement,  en son âme et conscience, se payant le luxe, dans un très beau plan final, de laisser en suspens la question à laquelle tout autre mélodramatiste aurait cru bon de devoir répondre pour que, justement, le spectateur s'en aille un peu rassuré. Ce qu'il ne sera pas.
Du très beau travail, décidément.
Et j'apprend que les deux films précédents d'Ashgar Farhadi ressortent très prochainement en salle (décidément, voici un distributeur et/ou une attachée de presse qui font un boulot du tonnerre!)

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8 juin 2011

a minima

QUELQUES JOURS DE REPIT
de Amor Hakkar

Il y a des films qu'on a vraiment vraiment envie de défendre, parce qu'ils apparaissent fragiles comme des oisillons morts-nés, des films conçus en dehors d'une économie de marché, des films drastiques, des films ténus, des films un peu à côté, des films très un peu plus loin.
Des films où il aura  été avant tout question d'économie, de réduire encore plus un budget lilliputien, pour satisfaire une besoin, une pulsion (à ce niveau-là ça semble tellement vital) de faire du cinéma.
Un film réalisé par quelqu'un du cru, un voisin quasiment. et dans lequel d'ailleurs interviennent deux acteurs qui sont des "vrais gens", qu'on connaît. C'est incontestablement un "vrai" film, mais dans lequel la fiction a été tellement grattée jusqu'à l'os qu'on voit quasiment au travers de la trame, qu'il ne subsiste que l'indispensable, le minimum vital, et qu'on ne pouvait rien ôter de plus sinon le récit s'effondrait sur lui-même, se désagrégeait.
Deux hommes en fuite, des homosexuels iraniens arrivés en france clandestinement et sans papier, qui vont passer quelques jours dans le Jura, avant d'être à nouveau expulsés. Les "quelques jours de répit" du titre. L'un des deux rencontre une veuve qui l'invite à faire chez elle quelques travaux de peinture. Il y va. L'autre (le plus jeune des deux) reste  à l'hôtel,il est un peu inquiet...
Peu de choses sont montrées, et encore moins sont dites. Ca m'a un peu dérangé, cet hyperminimalisme forcené. Le réalisateur aurait pu ajouter quelques bouts de gras fictionnels autour de l'os tout sec de son anecdote. La tendresse entre ces deux hommes semble aussi abstraite que l'homosexualité pourrait l'être en Iran.
Marina Vlady a de bien beaux yeux, Samir Guesmi s'en tire avec tous les honneurs (j'aime vraiment beaucoup cet acteur.) et Amor Hakkar assure des deux côtés de la caméra.
Suis resté sur ma faim. Dommage.

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2 juin 2011

polar circle

ROBERT MITCHUM EST MORT
de Fred Kihn et Olivier Babinet

Un road-movie avec un budget (de poche) franco-belge-polonais-norvégien, un voyage de cinéma (dans le cinéma ?) organisé par deux réalisateurs conjointement, dont on se dit que peut-être l'un a fourni le véhicule et le second le carburant.
Où un "manager", Arsène (Olivier Gourmet, grandissime comme d'hab) miteux et son "protégé" Franky (Pablo Nicomedes, au visage vraiment étrange, mais dont les réalisateurs parviennent à transcender la beauté singulière -les cheveux longs lui vont bien-), un obscur acteur en lequel il croit, prennent la route,  dans une caisse volée, (puis d'une autre) en direction d'un improbable festival de cinéma au Pôle Nord où ils espèrent rencontrer un non moins improbable réalisateur mythique. Ils voyageront de concert (!) avec Douglas (Bakary Sangare) un grand black musicien à la coiffure d'Eraserhead avec des gants comme l'Etrange créature du lac noir (avec les griffes qui dépassent...)
Il ya des acteurs qui sont celui d'un seul rôle, Franky est encore mieux, il n'est l'acteur que d'une seule scène, qu'il se joue pour lui tout seul, puis qu'il rejoue filmé "en vrai" par les etudiants de l'école de Lodz, puis qu'on reverra projetée sur un drap, une scène de rupture entre un gangster et sa fiancée, extraite d'un film (imaginaire) et enregistrée sur microsillon, qu'il se rejoue sans fin...
De France, ils passent en Belgique, puis en Pologne (on suit les investisseurs du film...) avant d'atterrir effectivement au delà du cercle polaire, où tout, bien sûr, ne va pas se passer comme espéré... Belles images, cadrages léchés (un "film de photographe"...) rencontres diverses, amicales ou pas, troquets, stations-services, oui, l'univers du road-movie on the road again dans toute sa simplicité rustique et sa clinquance cinéphilique un peu glauque.
On se déplace, on avance, mais c'est un peu comme si on courait sans fin derrière l'horizon. Le but de la quête n'est qu'une illusion qui fuit, qui se dérobe, et seuls les gens qu'on y rencontre permettrent d'entretenir la flamme de cette illusion, de la faire perdurer.
Le film démarre vraiment très fort, le plein est fait, la mécanique turbine, les chromes rutilent, on se régale, c'est fort, c'est poétique, c'est original, c'est déglingué, c'est touchant, mais, bon, plus on avance et plus le rythme se ralentit (comme si les réalisateurs avaient, justement, ... réalisé qu'ils n'auraient pas assez de combustible fictionnel pour aller jusqu'au bout et coupé alors le moteur, pour finir comme qui dirait en roue libre, profitant jusqu'à la dernière minute de l'énergie cinétique impulsée au début, au prix peut-être hélas d'une décélération narrative tout aussi progressive, en s'arrêtant finalement à l'entrée d'un faux-plat.) Non, au Pôle Nord, il n'y a rien, ou presque...
Restent des rêves, des regards, des illusions, mais, finalement, une sacrée belle énergie. Mythologique ?

 

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30 mai 2011

retors

LA DEFENSE LINCOLN
de Brad Furman

 longtemps que je n'avais pas vu Mathiew mc Trucmuche (mon dieu je n'arriverai jamais à mémoriser son nom) La dernière fois, c'était dans Ed tv (dans la scène d'ouverture il se -me semble-t-il me souvenir- grattait virilement (et voluptueusement) les couilles à peine réveillé. (je viens de vérifier, c'était en... 1999! autant dire que depuis, je l'avais un peu perdu de vue!
Le voilà donc qui a revient, il a perdu sa jolie barbe frisottée, il a  vieilli (il pourrait quasiment être son père!), il a mûri, il est vraiment  parfait dans ce rôle d'avocat roué, friqué,  cynique et désabusé, retors, spécialisé dans les acquittements tout aussi retors pour vices de procédure, entourloupes coups-fourrés et autres enculages de mouches justicielles. Il est très fort, le gars, mais voilà-t-y pas qu'il va tomber sur  accusé infiniment plus roué que lui. un os, quoi.
Tiré d'un roman de Michael Connelly (un des derniers, que je n'ai pas lu. J'ai adoré Connelly, au début, jusqu'à ce qu'il se mette à nous pondre, avec une régularité de pondeuse justement des ouvrages qui devenaient de moins en moins intéressants... Ah, Le poète, Ah Le dernier coyote...DONC celui-là je l'avais zappé.)
Il faut reconnaître que c'est très bien ficelé, qu'on est en domicile connu : Los Angeles, meurtre sordide, procès,  erreur judiciaire, coups tordus non seulement entre l'accusation et la défense, mais aussi entre les avocats et leur client, pour nous donner un film à goût double : un film de tribunal comme je les aime, doublé d'un thriller solidement charpenté, qui met les gaz progressivement mais que, une fois qu'il a bien embrayé, vous ne pourrez plus  lâcher... Des meurtres, des accusations,   des témoins, des flingues, des couteaux, des battes de base-ball, du suspense, de la violence, des rebondissements, et même de l'humour , que demander de plus, franchement, hein ?

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26 mai 2011

complot

HH, HITLER A HOLLYWOOD
de Frédéric Sojcher

Bien sûr, Maria de Medeiros est mimi comme tout, et pimpante comme un oiseau des îles avec ses tenues versicolores (en plus elle est filmée amoureusement, ou quasi, et les prouesses techniques la font toujours se détacher merveilleusement sur l'arrière-plan).
Bien sûr, ça fait toujours un immense plaisir de revoir Micheline Presle, d'hier ou d'aujourd'hui. Plus belle femme du monde hier, grande dame aujourd'hui, pimpante, drôle, acidulée, attachante.
Bien sûr que c'est assez plaisant, l'idée d'un faux-documentaire sur un cinéaste imaginaire.
Bien sûr qu'on aime bien le style caméra portée, regard-caméra, je parle avec le caméraman, on échange nos places,  et il me dit qu'il m'aime (là c'est Maria de M. qui parle), fausse caméra-vérité à la C'est arrivé près de chez vous, mais en plus gentil. Bien sûr que ça fait du bien de redire l'hégémonie, méritée ou pas, du cinéma américain sur l'européen.
Mais est-ce que tout ça, mélangé ensemble, fait un vrai film ? Pas sûr... Il faut parfois oser choisir son camp, entre la vérité et le mensonge (entre l'illusion de la réalité, et la réalité de l'illusion ? hihihi)
Attachant, même si maladroit et pas abouti, avec des idées sympathiques, mais il manque indéniablement quelque chose...
(Si vous voulez voir Manoel de Oliveira, c'est après le générique de fin...)

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25 mai 2011

les douze coups

MINUIT A PARIS
de Woody Allen

Oh l'excellente surprise! Après avoir vu deux fois en vf sa pauvre bande-annonce, je n'avais absolument pas envie de voir le film, et c'est à cause (grâce à) l'insistance de Marie (qu'elle en soit ici mille fois publiquement remerciée) que ma curiosité fut piquée (mais pourquoi donc parlait-elle de "magie", et évoquait-elle La rose pourpre du Caire ?) Je dois dire que, quand ça a commencé, je n'étais pas très rassuré, ça part vraiment très mal dès le générique, enfilade lourdaude des clichés les plus poncifs et convenus de Parisss (qui bien entendu sera toujours Parissss) monuments "typiques" et "pittoresques" et vues mille fois vues.
Ca démarre pataud plan-plan: un et une américaine en visite pré-nuptiale à Paris, ça pue le fric et la suffisance (des friqués), et voilà que soudain le scénario sort de ses rails, en faisant apparaître, sur le coup de minuit, une voiture d'époque, remplie de joyeux noctambules -parmi lesquels j'ai reconnu l'aimable frimousse de Guillaume Gouix, tss, celui-là il mène bien sa barque!-, qui vont inviter le young american , un peu perdu à ce moment à tous les sens du terme, à faire un tour avec eux, dans un Paris d'antan, nocturne et fêtard. Pour Cendrillon, c'était l'heure où tout s'arrêtait, pour lui cela devient l'heure où tout commence...
Et, nuit après nuit, le blondinet va rencontrer Scott et Zelda Fitzgerald, Gertude Stein, Hemingway, et même une jolie brunette (dont je ne suis pas sûr de  l'existence historique), avec laquelle...
Points de suspension. Woody Allen joue cartes (postales) sur table, et, de la même façon qu'avec les clichés touristiques du générique, il va nous livrer un autre catalogue de clichés,  historico-culturels, cette fois-ci. Mais en toute candeur, pourrait-on dire. comme un gamin pris en flagrant délit le doigt dans le pot de confiture. Ville-lumière, ville des lumières (je dois dire que j'ai été particulièrement ému par la scène avec Dali, Bunuel et Man Ray...) Le film est riche (intrigues sentimentalo-amoureuses sur les deux niveaux de l'espace-temps), et c'est vrai qu'il contient le même genre de magie qui faisait le charme de La rose pourpre du Caire (même si cette magie paraîtra à certains plus laborieuse). Il est aussi joliment éclairé (le chef-op' fait un beau travail sur la lumière, alors que j'avais détesté ce qu'il avait fait sur Vous allez rencontrer... Mais était-ce bien le même ?), même si filmé assez... paresseusement.
Vif, léger, spirituel, le film a un indéniable aspect (effet ?) champagne. bref, le meilleur film de Woody Allen depuis.... pfouhhhh, j'ai du mal à fixer une date (ne vous fiez donc pas ni à la bande-annonce benête ni à l'affiche nunuche! Et Carla B. est aussi bien que les autres, tiens!)
Je suis sorti de là avec un sourire rêveur, et, sur le parvis devant le cinéma, les discussions furent vives, certains (dont moi) avaient d'autant aimé que d'autres avaient détesté...

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23 mai 2011

viens danser avec moi

"UN JOUR, PINA A DEMANDE..."
de Chantal Akerman

Quel bonheur de voir ce film jamais sorti en salle, conçu et diffusé à l'origine pour la télévision (il y avait même au début, le logo kitschounet de Antenne 2) troisième (mais, chronologiquement, donc, premier) film consacré à Pina Bausch (et au travail de).
Chantal Akerman a filmé la troupe en répétitions en filages et en représentations pendant plusieurs mois et dans plusieurs villes d'Europe (on termine au Festival d'Avignon). Elle alterne les différentes créations (Nelken, Kontakthof, Walzer), elle juxtapose les vues d'ensemble (parfaitement fascinantes, je pourrais regarder ça pendant des heures) et les plans plus rapprochés, sur un, deux, danseurs, et c'est toujours aussi extraordinaire.
Elle intervient même brièvement (Akerman) pour tenter de nous expliquer ses réactions lorsqu'elle a assisté pour la première fois à un ballet de Pina Bausch...
C'est émouvant de retrouver, trente ans plus tôt, les chorégraphes des Rêves dansants, mais cette fois-ci sur les planches, et de magnifique façon.
On retrouve au générique de fin la musqiue de chaplin qui sert de génrique de début aux Rêves dansants, justement (celle des déhanchés) et la boucle est bouclée.
Ca passe trop vite...

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21 mai 2011

pitbull

LE GAMIN AU VELO
de Luc et Jean-Pierre Dardenne

Au début c'est presque un peu agaçant, tant on sait tout de suite qu'on est chez les frères Dardenne. Rosetta n'avait qu'une idée en tête : trouver du travail, eh bien, ici, Rosetton (en vrai,dans le film, il s'appelle Cyril) n'a qu'une idée en tête, retrouver son père, qui l'a planté dans un foyer avec la vague promesse de revenir le chercher un de ces quatre...
Rosetta marchait vite et la caméra à l'épaule la suivait, de dos, Cyril aussi est très speed et n'arrête pas de courir sur les traces de ce père évanoui. On le suit. A pied d'abord, puis en vélo. Car sa route va croiser celle de Samantha, une jeune coiffeuse, qui va d'abord lui rapporter son vélo (que son salaud de père avait revendu) et le prendre sous son aile -et accessoirement chez elle- tous les week-ends, l'aider dans cette quête, jusqu'à lui organiser un rendez-vous avec ledit père, qui a visiblement d'autres chats à fouetter. Bref, une vraie de vraie gentille, ce qui n'est pas si courant dans le DardenneLand. Révolte, misère, coups tordus, violence sociale et familiale, relation fils/père,c'est sûr, on est en terrain connu, et pourtant, plus le film avance, plus on se prend à dire que c'est plutôt bien fichu, que c'est vraiment du cinéma (la première apparition de Cyril en chrysalide enroulée dans ses draps, par exemple, fait mouche), et que , finalment ce petit  rayon de soleil, cette note d'espoir, fait du bien dans l'univers habituellement beaucoup plus noirâtre et glacé des deux frères...
Je suis ensuite tombé sur une interview des réalisateurs, et je dois dire que l'intelligence et la simplicité de leurs propos m'ont tout à fait séduit (ces gars-là ne ressemblent pas du tout à leur cinéma, ils rigolent!) ils ont parlé d'un conte, ce qu'avait aussi évoqué Cécile de France dans une autre interview (en ce moment, on voit beaucoup d'interviews Cannesques...), qui a été engagée comme Fée bleue de ce Pinocchio belge (et aussi -dixerunt les Dardenne- pour savoir si la greffe était possible entre une actrice "célèbre" et leur univers, et que - dans un éclat de rire commun- ben oui, c'était possible!)
En y regardant bien, c'est stricto sensu une structure de conte qu'ils ont donné à ce Gamin au vélo (le héros, la quête, la bonne fée, les méchants, l'objet magique, le lieu magique, les épreuves...) mais très habilement, dardennesquement, quoi, camouflée sous un épiderme de vraie réalité, avec des gifles, des sandwiches, des signatures de papiers chez le juge, et des robinets qu'on refuse d'arrêter de faire couler...
Côté interprétation, il faut, bien évidemment saluer le gamin, Thomas Doret, petit animal buté, raidi dans le déni (au début, on a envraiment envie de lui filer des baffes) et progressivement apprivoisé,  et la simplicité souriante de Samantha / Cécile de France, personnage d'autant plus attachant que rien n'est explicité des raisons qui la poussent à agir comme elle le fait. Les compères habituels (Jérémie Rénier, Olivier Gourmet,) répondent présent (Rénier -encore!- en père faible et lâche, Gourmet en barman), et on sort de là plutôt ragaillardi et souriant.
Mérité-ce pour autant une troisième Palme d'Or ??? A voir...

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19 mai 2011

trois frères cosmiques

THE TREE OF LIFE
de Terence Mallik

(billet à lire très fort, et plutôt en plongée qu'en contre-plongée, pour être dans le ton)

Il y a au moins deux films dans ce Tree of life, vu lundi soir en avant-première, en VO, et dans d'assez mauvaises conditions qui plus est (pendant deux heures, l'image fut de qualité plus que moyenne : dès qu'il y avait un peu de contraste, ça bavait sur les bords en rose fluo d'assez désagréable façon comme une vieille vidéo pourrave des familles... puis le film s'est arrêté, pas "a cassé" puisque c'était du numérique, et au bout d'un certain temps, quelqu'un s'est tout de même préoccupé du sort des spectateurs, et, comme avec une télécommande de lecteur de salon, nous a remis le film à l'endroit où on voulait, et cette fois -miracle !- l'image était parfaite. Heureusement ce monsieur, à la fin de la séance, s'est excusé platement "pour tous les problèmes lors de la projection" et a remis à chacun des présents une place gratuite.) : l'histoire d'une famille américaine, avec trois fils, dont l'un meurt / va mourir / est mort (on se déplace dans le temps, entre brad pitt / p comme passé et sean penn /p comme présent) , et, d'autre part, tout ce qu'il a fallu d'évolution pour en arriver là (en gros, pour faire simple, l'histoire de la vie, depuis son apparition sur terre), avec, en plus une petite post-face "au-delàtesque".
Ça a l'air énorme (c'est survendu comme ça) et, en ce qui me concerne, ça l'est, dans une certaine mesure (pendant un certain temps ?). Dès le début, c'est comme si la mâchoire m'en tombait, d'admiration, de béatitude (comme on serait béat d'admiration) ou de je ne sais quel mot exactement. Des images insensées, insensément belles, incompréhensibles parfois, chiadées souvent,  fascinantes toujours. Un maelström ? Un tsunami ? Une apocalypse now ? Il y a de tout ça (la première partie, la "mise en route" m'a évoqué les sentiments qu'on avait pu éprouver devant les vingt dernières minutes de 2001 Odyssée de l'espace, de Tonton Kubrick -auquel le réalisateur ne peut pas ne pas faire penser : fascination, perplexité, admiration,incompréhension, émerveillement, et la consigne passe à ton voisin que c'était encore mieux à voir avec un petit pétard dans le nez...)
Donc beaucoup d'images sublimes, accompagnées de voix off chuchotées (ne s'adresserait-on pas d'ailleurs directement à God himself ?) pour qu'apparaisse -enfin! diront certains- la deuxième couche du film (le praliné au coeur du chocolat, si vous voulez) celle de trois frères young americans, dans une amérique rurale des années cinquante, entre un père autoritaire et une mère attentionnée (ce sont d'ailleurs surtout ces scènes-là qui bavochaient rose fluo à la projection), et le grand écart entre les deux sujets, les deux angles d'attaque ( les éléments cosmiques déchaînés / le quotidien des frangins ) est -à mon avis- un (tout petit ?) peu  gênant,  malaisé (genre "tout ça pour ça ?"). Oui, cette intégration des deux peut sembler artificielle et presque illogique (quoique.)
C'est très élégiaque (zut Libé m'a piqué mon adjectif), très mystique, très cosmique, très démesuré, très démiurge ("démiurge" peut-il être adjectivé ?),très emphatique, très amphigourique (si, si!), très "très", très... "trop", très "vous voyez, vous avez bien fait d'attendre une année supplémentaire que j'ai fini mon montage -le film a usé cinq monteurs successifs-, le résultat en valait bien la peine, non ?", pour ne pas éviter que  les réactions (des spectateurs) soient variables et variées. Déjà qu'on nous a pilonné le cerveau suffisamment depuis des mois (que dis-je des années) en nous enfonçant le clou du film génialissime, chef-d'oeuvre ultime, joyau sans pareil au firmament de la cinématographie pour qu'on n'aie pas un peu envie de répliquer eh oh j'ai mon libre-arbitre à moi laissez-moi donc décider ce que je pense... (même si c'est un leurre).
Donc on en prend plein la vue, c'est incontestable, même si on ne comprend pas toujours ce dont à quoi auquel il est question.  C'est vrai qu'on ne peut pas s'empêcher de se sentir quelque peu dépassé (c'est fait pour), comme naguère Pascal avec ses deux infinis, avec  le droit parfois comme qui dirait de sourire -eh eh je ne suis pas dupe...-  (pour certains ce sera devant les dinosaures, pour d'autres devant le paradis, pour d'autres encore devant l'utilisation presque pompière de La Moldau à grand fracas et autres classiqueries...) et que de grandiose à grandiloquent la frontière est fragile. N'empêche, il y a dans la boursouflure intrinsèque de la forme un effet de sidération incontestable, et dans cette démesure mégalo-wagnérienne (non, non, on n'en entend pas dans le film, c'est juste une image) une maestria qu'on ne trouvera pas chez un tout-un-chacun réalisant.
Prêchi-prêcha ? un peu de ça, aussi, quand même. La religion étant un sujet qui m'inintéresse (après m'avoir longtemps révulsé), je n'ai pas trop envie de me creuser pour savoir si Dieu c'est la nature, ou bien l'inverse, ou bien encore autre chose... Je suis un esprit simple, je veux pouvoir m'émerveiller, faire oh et faire ah, être ému (quoiqu'ici, bizarrement, il me semble me rappeler qu'à aucun moment à mes yeux la moindre larmichette ne perla), fasciné, sans forcément poser dix milliards de questions et savoir si ça provient plus de ceci ou de cela (ou si c'est cela qui provoque ceci, ou bien le contraire).
Le film s'ouvre sur une citation du livre de Job et presque finit sur la situation d'un homme qui se retrouve peu ou prou dans la même... situation justement, que le susdit (en gros "my god qu'ai je fait pour mériter ça ?") mais ce n'est pas obligatoire de passer par la case "La Bbible (ou la Rreliggion) pour les Nuls" pour l'apprécier (le film, pas la situation!). Ca c'est plutôt habile et bien fait.
Mais (je reviens aux "deux films pour le prix d'un") c'est peut-être juste une question de regard, de point de vue (ça m'est venu hihi devant l'affiche de Pirates des Caraïbes 4) plus exactement de façon de regarder, ou plus exactement de façon de voir les choses : la longue-vue ! la lorgnette! ("par le petit bout, par le petit bout"... air connu). Je ne parle pas ici de la façon dont le spectateur regarde le film (quoique) mais de celle dont le réalisateur regarde son (ses) sujet(s). On peut voir ça de très près ou de très loin, avec un énorme agrandissement ou en prenant de la distance, rikiki / maousse costo... c'est la même chose, mais on ne la voit pas pareil, quoi! La disparition des dinosaures et la prise de conscience de Brad Pitt ("je vous ai élevés à la dure, mais c'était pour vot'bien...") du pareil au même, le cosmos et la famille, kif-kif, la voie lactée et l'assiette de petits pois, idem, la division cellulaire et le pétage de vitres avec des cailloux tout pareil... Z'avez compris ? (ah... fait mollement -timidement ?- le lecteur visiblement pas convaincu et soudain inquiet que le chroniqueur ne soit subito en train de péter les plombs grave.)
A film démesuré, post destructuré, n'est-il pas , (et encore, je pourrais vous mettre de la musique, hein!) Bon, je plaisante, mais  je vais y retourner dès que possible dans le bôô cinéma (ce n'est pas là que je l'ai vu en avant-première et en vo, vu que l'avant-première en question, elle avait-lieu le mardi à 16h15... Mais qui peut se payer le luxe d'aller voir Tree of life en VO à 16h15 ? d'heureux retraités , des rentiers nantis , des oisifs cacochymes ??? cessons là l'épanchement de bile) pour en apprécier pleinement les -indéniables- qualités visuelles esthétiques plastiques graphiques, et peut-être vous en ferai-je un nouveau compte-rendu ?

(et pour finir,hihihi,pour vous, qu'est-ce que dieu ?)

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15 mai 2011

on est les versions tristes

RABBIT HOLE
de John Cameron Mitchell

Oh le beau film. Le réalisateur du furieusement, joyeusement, et plurisexuellement cul Shortbus (qui m'avait tant plu à l'époque) signe ici un opus à des kilomètres d'années-lumière du susdit. J'avoue que je me désintéressais depuis assez belle lurette de la carrière de Nicole Kidman, vu les grosses daubasses dans lesquelles elle s'obstinait à tourner (la dernière fois qu'elle m'avait "touché", c'était dans The Hours, c'est dire...). Et là, soudain, c'est... miraculeux ou quasiment. Elle est parfaite. Dans un projet qui visiblement lui tenait à coeur (elle l'a initié et même elle le produit.) : l'histoire d'un couple dont le jeune fils vient de mourir et qui  tente de "continuer".
Un film "doux", un film en retrait, en pudeur, en retenue. Replié vers l'intérieur. Le quotidien de chacun des deux, ensemble ou séparément, la famille autour (la sienne à elle), l'extérieur (les voisins, les collègues) dans ce qu'il peut avoir d'apparemment "simple"... Ce qui se passe en apparence, et ce qu'on ne voit pas, à l'intérieur.
Le partenaire de Nicole Kidman est Aaron Eckhart, et il est au moins aussi bon qu'elle, dans le rendu de ce "ça", de  cette douleur rentrée,  enfouie, installée. Avec laquelle il faut vivre, ou ce qui y ressemble, ce qui en donne  grosso modo l'apparence. Chacun des deux réagit à sa façon, elle essaye d'effacer progressivement les traces de la présence de cet enfant disparu, lui au contraire ne veut ne peut rien oublier, rien perdre. Vider la chambre ? Refaire un autre enfant ? Assister à des séances de thérapie ?
Leur quotidien comme ouaté, la réalité vaguement présente, estompée, à l'image exacte du film. Filmé comme avec respect. Toujours sur la retenue, sur la réserve. Ou presque (il est d'ailleurs significatif que les seules scènes qui détonnent sont celles des disputes en tre les époux, où, soudain, on perçoit le jeu des comédiens, -forcé ?-, alors que le reste du temps ils se contentent d'être, juste, d'être exactement idéalement, simplement justes.
Chacun tente de trouver une échappatoire. Elle se rapproche de l'adolescent qui a provoqué le drame (il est parfait lui aussi), tandis que lui fait de même avec une des participantes du groupes de thérapie auquel il se rend régulièrement.
Ils tentent, ils réapprennent.
Avec un sujet pareil (la mort d'un enfant) il y avait le risque (le danger) d'en faire des tonnes, dans le lacrymal et le sordide (pathos ou putasse). Il n'en est rien et c'est tant mieux. On a (presque) tout le temps  -je le redis- le sentiment d'une justesse quasi miraculeuse. même si le film est adapté d'une pièce à succès, même si le réalisateur n'a pas obtenu le director's cut qu'il escomptait, même si certains critiques parlent de grosses ficelles (les sots), on a juste le sentiment d'assister oui à un genre de miracle. Le réalisateur réussit à faire exister véritablement les personnages secondaires (la mère, la soeur, l'autre couple) en insérant sans accroc dans cette trame fragile et "rectiligne" des moments extérieurs bienvenus, de sourire, voire de fou-rire, quand   il ne s'agit pas de larmes carrément!
(Je suis tout de même curieux de savoir ce que John cameron Mitchell aurait véritablement fait, tant ce film-ci me semble cohérent et honnête. Peut-être dans un univers parallèle existe-t-il...)

19684090 19584350
(version française à gauche, version américaine à droite)

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