in den wolken
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SANS FILTRE
de Ruben Östlund
... Eh bien ce fut une surprise.
Et plutôt une bonne surprise. J'y suis allé avec la conviction que j'allais le détester, ce film. Et, finalement, pas tant que ça. Au moins, en tout cas, je suis resté jusqu'au bout (même si je trouve que la fin, justement, est plutôt bâclée), je ne me suis pas endormi, et j'ai même ri (bon, on n'était pas beaucoup dans la petite salle 1, et j'ai eu souvent l'impression que je riais seul, ou presque -il y avait juste quand même un mec, derrière, qui a pas mal ri avec les scènes de gerbe-). J'ai vu les deux films précédents du gus (Mouais pour SNOW THERAPY, et Beurk pour THE SQUARE), j'avais été très surpris quand celui-ci a obtenu la Palme d'Or à Cannes 2022, et c'est finalement la curiosité qui l'a emporté (parce qu'on a eu le film en sortie nationale ET en VO) : est-ce que j'allais partir en courant ? (j'en ai même parlé avec le caissier/propriétaire à l'arrivée).
J'avoue que j'ai été surpris (au début d'icelle) par la troisième partie du film (que j'aurais pu pourtant supputer d'après quelques plans de la bande-annonce). Après les castings de mannequins mâles, la vie privée d'un couple d'influenceurs (et savoir qui paye au restau et comment et pourquoi), et la croisière (de luxe) s'amuse, cette version suédoise -et très grinçante- de Koh-Lanta (d)étonne.
Mais toujours ce sentiment de malaise qui persiste, dans ce troisième film, toujours ce sentiment que ce réalisateur narquois et provoc' n'aime pas ses personnages, qu'il s'en fout même, carrément. (Il n'y en a pas un(e) de tout le panel à sauver, quand même, et le moins qu'on puisse dire est qu'on a forcément du mal à s'identifier). Le film est construit comme une succession de points de vue (images du monde hihi), des univers disjoints, comme juxtaposés, sans rapport, dont Yaya et Carl seraient le seul dénominateur commun (les Aventures de Yaya et Carl aurait été un titre plus approprié, et facile à mémoriser): Yaya et Carl vont au restaurant, Yaya et Carl en croisière de luxe (sans payer), Yaya et Carl sur l'île déserte, etc.
J'ai déjà parlé de réalisateurs qui étirent le plan jusqu'au point de non retour, qui l'épuisent (en France Rabah Ameur Zaimèche fait ça magnifiquement, mais le champion toutes catégories est asiatique, j'ai nommé Tsai Ming Liang), Ruben Östlund fait la même chose mais ça ne produit pas du tout le même effet : au lieu de fascination il serait plutôt question d'agacement, voire d'énervement, parce qu'il n'étire pas le plan, il étire la situation (la conversation pour savoir qui devait le restau, l'échange de citations entre le capitaine et le russe...) et on a du mal à le supporter (cf l'interminable scène finale avec le singe dans THE SQUARE).
Un film qui se veut provocant, provocateur (il faudra un jour que je réfléchisse à la différence entre ces deux mots...), un film plein de morgue, qui veut en foutre plein la vue, et qui parfois y réussit (on ne peut que constater que cet homme sait filmer...). comme si un peintre avait réussi une tableau hyper-réaliste, brillant, virtuose, de, disons, une décharge publique. (La forme et le fond).
Un film avec un titre français idiot et une affiche mochasse (comme si ce parti-pris de morgue avait aussi contaminé la comm'...)
Mais un film auquel on aura "quand même" pris du plaisir, et c'est quand même ça qui compte, non ? Dans ce domaine, j'ai un faible pour le gros russe "who sells shit".
(Même si on se demande d'où a bien pu surgir l'idée stupéfiante -et irraisonnée- de lui décerner une (deuxième) Palme d'Or...)
Me restera de ce film une séquence plastique tout à fait gratuite (les mecs torse nu sur lesquels on jette de la peinture de façon très graphique) mais jolie.