tous les vents d'espagne
21 NUITS AVEC PATTIE
d'Arnaud et Jean-Marie Larrieu
"Il m'a retournée, et là il m'a sodomisée..." (dixit Karin Viard -qui, après Lolo enchaîne un autre rôle de chaudasse- dans le seul extrait que j'avais vu du film...) Je n'en savais rien de plus (ah si, "une histoire de cadavre qui disparaît..."). J'y suis allé juste après Les cow-boys (Jean-Luc m'avait préconisé l'ordre de visionnement, et il a eu raison).
Lieu de naissance oblige (Lavelanet, 09300) je suis plutôt attaché aux films pyrénéens des frères Larrieu, que j'ai pratiquement tous vus, depuis La brèche de Roland, sauf l'avant-dernier, je ne sais plus pourquoi.
Il y a du soleil, il fait chaud, Caroline (Isabelle Carré) marche dans une rue et débarque dans une maison où elle salue deux zozos en train de se rafraîchir dans la piscine. C'est la maison de sa mère, qui vient de mourir, et dans la chambre mortuaire où elle est entreposée (avec voilages et ventilateurs, à cause, justement, de la chaleur) elle fait la connaissance de Pattie (Karin Viard) la soeur d'un des zozos de la piscine, et aussi une amie de Zaza, la dame qui est morte.
L'enterrement est prévu pour le lendemain, après quoi la demoiselle rentrera à paris, après avoir mis la maison en vente (elle n'arrête pas de nous répéter qu'elle ne connaissait pas vraiment sa mère et qu'elle ne l'a pas vue depuis des lustres.) Elle prend donc son mal en patience, (elle a l'air un peu tristounette, coinçouillée) écoute les confidences sexuelles de Pattie, fait un peu connaissance avec les autochtones (Denis Lavant, excellent), refuse de participer au premier des trois bals consécutifs prévus dans le(s) village(s). Mais quand elle rentre le soir dans la maison, elle se rend compte que le corps de sa mère à disparu.
Emoi dans le village, gendarmerie, inquiétudes, suppositions, l'enterrement est donc provisoirement suspendu et le retour à Paris ajourné. Et le film va se promener (et nous aussi) le long de ces trois journées suivantes... Arrive un vieux beau (Dussolier) un vieil ami de Zaza, qui est confondu avec JMG le Clézio, tandis que se met en place une chasse au nécrophile (nécrophage ?), que les bals se succèdent, et que l'orage gronde... et se rapproche.
De plus en plus.
J'avoue que je ne savais pas trop quoi en penser, pendant un certain temps (et j'ai d'ailleurs un tout petit peu piqué du nez), le film s'arpente nonchalamment, ruelle au soleil, bord de lac herbeux, table dans le jardin... c'est très agréable mais pas forcément sidérant. Un peu instable. Tout reste encore un peu convenu, sur ses rails : Karin Viard raconte avec gourmandise ses histoires de cul, Isabelle Carré reste vertueuse, Dussolier glose, le gendarme (aux faux airs d'Alexandre Astier) expose sa tactique...
Et on en apprend de belles sur la défunte (qui était plutôt de moeurs légères). Mais il y en a pas mal dans le coin, qui ont le feu quelque part (Ou envie de l'allumer. Ou de l'éteindre.)
Le film donc suit son cours, et on se laisse aller.
Jusqu'à une scène de danse sur la table qui m'a émerveillé. (Je trouvais que c'était vraiment exquisement chorégraphié, et avec raison, le générique m'apprenant par la suite qu'il s'agissait de Mathilde Monnier, tout de même...). Le film alors prend de l'ampleur, de l'envergure, (du vent dans les voiles) et cette troisième soirée (le dernier bal) sera riche en électricité, en découvertes, en déclarations, en espoirs, en déconvenues. La troisième (partie de la) nuit.
La chaudasse découvre l'amour -le vrai- et la vertueuse le cul -le vrai-. Le fantôme de Zaza sera bien allé et venu, jusqu'à un ultime -et disparaissant- plongeon.
Et les frérots Larrieu nous empaquetteront tout ça, et décoreront l'objet avec un épilogue qui se revendique effrontément en tant que tel. (C'est écrit sur l'écran.) Et je réalise, tout à la fin, ce qui m'a un peu gêné dans cette "leçon de vie" made in Montagne Noire : il n'y a pas dans tout ça l'ombre du bout de la queue (!) d'un SSTG (sous-sous-texte-gay), mais alors rien de rien, et c'est dommage. My god que tout estbien hétérosexué, dans les villages de montagne reculés. Comme le disait Puck, à la fin du Songe d'une nuit d'été, "Chacun reprendra sa jument, et tout ira bien!"
Le film laisse un goût plaisant de soleil, de muscat, joyeux comme une fanfare de fête populaire, et nous vante les plaisirs de l'hédonisme, en sachant rester aussi cru dans les dialogues que pudique dans les images (pas l'ombre non plus d'une QV). C'est agréable comme les vacances, dont on sait tous hélas qu'elles finissent par avoir une fin (private joke).