MUERTE EN BUENOS AIRES
de Natalia Meta
Un film... inepte, soyons honnête, mais qui ne serait pas loin de -perversement- me ravir, tellement c'est trop, un film argentin, donc, qui je pense ne sortira pas sur nos écrans et qui a -plop!- mystérieusement surgi du néant sur les miens (enfin, celui de mon ordinateur) et que je me suis donc dépêché de regarder
Qui dit film argentin dit Ricardo Darin ? Eh bien non encore une fois (la loi des séries...), mais tiens nous avons ici au générique, et en co-tête d'affiche un jeunot nommé Chino Darin (le noeud -ou la tête de noeud ?- de l'intrigue, qui n'est autre que... oui oui, le fils de "notre" Ricardo Darin, puisqu'il s'appelle, aussi, Ricardo Darin Jr.
Un film inepte, donc, (jai rarement l'occasion d'utiliser cet adjectif) mais surtout, et hélas, désespérément sérieux dans ses propos (comme si quelqu'un -que ce soit les spectateurs, ou les personnages, ou même les acteurs qui les habitent -de cheval bien sur, vous comprendriez mieux si vous voyiez le film- pouvait y croire ne serait-ce qu'une seconde) autant que le vieux flic aux machoires serrées (soudées ?) pourtant pas dépourvu d'un certain charme.
On a donc au départ le cadavre d'un mec dans son lit et assis sur le rebord du lit un jeune flic impeccable (il a l'air de sortir du pressing) qui se lève, prend une coupette de champagne, va mettre un disque, s'allume une cigarette (du mort) pas plus ému que ça, tandis qu'en même temps ou presque un vieux flic mal rasé buriné cuir tanné qui fait équipe avec une super vamp choucroutée hypersexy se rendent sur les lieux du crime où on les a appelés. Plaf! quand ils arrivent il y a une panne d'électricité (c'est inspiré par un fait divers authentique, et des pannes d'électricité récurrentes à Buenos Aires à la fin des années 80, ça reviendra plusieurs fois dans le film et on aura droit à chaque fois, pour bien comprendre, à un gros bruit de disjoncteur) et le vieux flic manque d'abattre le jeune flic qu'il prend pour le meurtrier dans le noir mais ouf la lumière revient, et personne ne tue personne,pour ce coup-là tout du moins.
L'enquête (du vieux flic) se poursuit, le jeune flic fougueux (ambitieux ? intéressé ?) lui colle aux basques, il voudrait enquêter aussi, d'abord le vieux dit niet, mais comme heureusement, une nuit que le jeune a ramené le vieux chez lui, collé serré sur sa moto et que le jeune fils du vieux flic qui est somnambule a failli tuer père et mère avec l'arme de service de papa, mais que le jeune qui n'était pas reparti a entendu le coup de feu et s'est précipité chez son supérieur (qu'il s'obstine à appeler jefe) et a courageusement réussi à désarmer le bambin avec un caramel, et que, lui vouant donc une reconnaissance éternelle (c'est sa femme qui le lui a soufflé dit-il) il (le vieux) le fait nommer enquêteur plutôt que de continuer à faire le planton devant le bureau du juge...
Comme l'enquête se situe dans le milieu homosexuel (en Argentine on dit "mariposas" (papillons) pour pédés) et que le jeune est bien fait de sa personne et aime bien faire semblant d'être gay (il va en boîte, mais juste pour danser -avec des mecs torse-nu en sueur oui oui- , et il drague son supérieur dans la bagnole de service mais non il faisait juste semblant pour vérifier s'il était crédible et que son jefe d'ailleurs l'a trouvé très convaincant tss tss) il est donc chargé par le vieux d'infiltrer le milieu -il lui offre d'ailleurs un beau costume pour faire plus vrai, avec nouage de noeud de cravate langoureux les yeux dans les yeux- , pour démasquer celui qu'on soupçonne d'être l'assassin, un chanteur pas extrêmement viril -euphémisme- prénommé Kevin, qu'il est chargé de séduire, (ce qu'il réussit sans peine, il est mimi, le jeunot) lequel va lui apprendre l'usage du couteau à beurre et l'emmener au derby, mais ce n'est que le début...
Le commissaire principal se fait une ligne de coke en parlant au juge au téléphone, le juge donne au flic jefe une enveloppe pleine de biffetons de la part de la famille de la victime en lui demandant discrecion y celeridad, le flic en question a volé une cravate sur les lieux du crime, le médecin légiste fait la sieste comme un cadavre, le gérant de la boîte a des écrans de contrôle pour filmer ses clients -tous des notables de la ville- en train de baiser en slip sur des draps de soie, la fliquesse sexy roule une pelle au jeunot mais baise plus tard avec le vieux, et le grand n'importe-quoi continue...
A un moment, je suis quand même allé vérifier à la fin du film si ce que je supputais depuis le début allait bien se produire : le vieux flic et le jeune flic qui se roulent un patin de la mort comme des bêtes, et oui oui, ça se produit bien exactement comme je l'avais imaginé (craint ? espéré ? en plus, c'est justement la nuit où le jeune se marie, et même qu'il n'hésite pas à abandonner sa virginale épouse et tous les invités en pleine danse du balai endiablée pour suivre le vieux flic (qui est entré, l'a regardé et est ressorti) pour aller sur le champ (et sur le capot de la voiture) lui faire sa fête...
Ajoutez douze chevaux de course lâchés la nuit dans les rues de Buenos Aires (oooooh c'est là que je me suis dit "c'est grotesque"), un trafic de faux tableaux, un trafic de drogue (la cocaïne que sniffait le commissaire) dans les chevaux (ceux qui galopent dans les rues) un assassin qui n'en est pas un (qui tente d'ailleurs de s'enfuir à cheval dans les rues de Buenos Aires) et un qui n'a pas l'air d'en être un (mais bon le spectateur a presque tout de suite deviné) mais qui en est un pour de vrai, (ah le coup du je t'aime je te tue) et on finit par un match de polo ensoleillé (y a-t-il un message subliminal ?)
On hésite tout le temps entre se tenir les côtes de rire (et de délectation) ou se couvrir la tête de cendres en se flagellant, d'autant plus que la version du film livrée ici (vo argentine sous-titrée en français) a été semble-t-il sous-titrée à la tronçonneuse (traduction telle que des sous-titres anglais originaux, ce qui occasionne quelques perles du style :
"Je ne vous ai pas vu autour depuis un longtemps"
"Tu vas perdre ton bulot à cause de ce salaud"
"Comment suis-je censé d'investiguer ?"
et, la perle ultime (un échange) :
-Tu ferais bien de ne pas me balnaver...
-Quel douteur !
... ce qui en rajoute encore dans le plaisir au nième degré pris au visionnement de ce film... Quel plus beau cadeau de père noël cinéphile aurait-on pu rêver, hein ?
(même l'affiche je trouve, a un petit air toc, faisandé - nième degré, non ?)