chalumeau
avant l'été, Pépin m'a prêté
(2014)
(que lui avait conseillé le libraire de RESERVOIR BOOKS, en lui promettant que c'était encore mieux que Jacky Schwartzmann)
J'ai trouvé ça irrésistible
(les personnages, la construction, les situations, les dialogues, l'humour, le politiquement très incorrect, le dézinguage "tous azimuths"...)
"... Tu as vu, dans le coin, le Weber 310?"
Moktar secoua la tête.
"C'est un barbecue à gaz, convertible en plancha. J'avais le même, avant. Sept cents euros, ça vaut. Bref. Le Weber, tu sais ce que ça veut dire?"
Moktar haussa les épaules avec une moue d'excuses.
"C'est avec ça que cette chienne se fait griller du porc! Du porc qu'elle mange ensuite en tenue indécente avec d'autres Français de souche, comme elle mangeurs de porc. Ils mangent du porc grillé et ils boivent de l'alcool! Du vin, de la bière, du Ricard, du Malibu, de la vodka. Je les vois, là : vieilles putains toutes ridées, chargées d'or, avec leurs seins refaits, trop bronzées. Leurs maris, des gros ventres, rougeauds. Tous buvant du rosé! Du rosé en mangeant du saucisson ou des mini Knackis, taille apéros cocktail! Je les vois! Je les vois! Je les vois d'ici!"
Il attrapa le Uzi sur la table et leva les yeux. "Un jour peut-être Dieu m'autorisera à vider un chargeur sur une de ces orgies diaboliques au barbeuque."
Il brandissait le Uzi, frustré de devoir se retenir de tirer au plafond. Ratata-tata. Ah, sérieux, ç'aurait été si bon. Moktar gâcha tout en disant : "Kader, mon frère - ça va? T'es sûr? Peut-être tu devrais t'asseoir?"
*
“Comment tu l’as appelé ?”
Régis soupira avant de dire, “Bineladan.”
“‘Bineladan’ ? Comment t’écris ça ?”
Régis soupira à nouveau. “B.I.N., plus loin, L.A.D.E.N.”
“Donc Bin Laden, en fait. Pourquoi tu prononces bine-la-dent ?”
“C’est lui qui veut. A cause du 11 Septembre, il préfère que les gens disent Bineladan. Ça pourrit moins l’ambiance quand il fait une résa au restau ou un billet d’avion.”
“Attends, donc, Bin Laden, en fait, c’est Ben Laden – comme Oussama ?”
“Oui mais bon, c’est une famille très très nombreuse. Là, nous, on bloque sur Oussama, mais ils sont je sais pas combien de branches. Des gens tout à fait normaux : BTP, fret, pétrole. On se rend pas compte mais, depuis dix ans, ils souffrent de l’amalgame avec une brebis galeuse.”
*
Georges dit, "Attends, je comprends pas. Sur le papier, la banque, ça dit que j'ai quatre mille euros. Il est où, le reste ?"
Pendant le dîner, ils avaient parlé d'autre chose, mais là, Gisèle dans la cuisine à remplir le lave-vaisselle, Georges et Régis au salon, terminé, plus d'excuses.
Georges redit, "Hein ? Il est où le reste ?"
Régis leva la paume. "Alors, je te dis tout de suite, si tu t'énerves, ça sert à rien. Dès l'instant qu'on s'énerve, c'est plus la peine de discuter. Moi, tu t'énerves, j'arrête et on voit ça une autre fois, un jour où t'es plus calme."
"Mais je suis calme, je te demande juste où est l'argent ?"
j'ai été tellement emballé par l'écriture de ce mec que je suis allé voir illico sur rak*ten ce qu'il avait écrit d'autre, et j'ai découvert qu'il y en avait beaucoup, et j'en ai donc acheté pas mal (chez gibert et momox)
l'auteur publie depuis le début (Fuck, son premier bouquin) chez Grasset, et les romans sont ensuite réédités en Points (sauf deux qui ont eu l'honneur de Rivages)
j'ai donc lu successivement (et un peu dans le désordre, au feeling)
(2007)
(2018)
"Les mecs comme toi, en général, ça ne paye jamais. Le restau, vous payez pas. L’avion, c’est frais du contribuable. Les vacances, sur le yacht d’un milliardaire. Vous payez rien. Surtout pas quand vous faites une connerie. Vous faites sauter vos PV. Et même les trucs plus graves, zéro sanction. Au pire, vous faites une loi rétroactive et hop ! Il y a prescription. Si malgré tout, vous vous retrouvez en taule, c’est dans un carré VIP. Mais le plus souvent, pire du pire, vous prenez du sursis. Vous devez vous croire drôlement malins."
*
"C’est juste des actionnaires. Assoiffés de thunes, mais dans les clous. Et là, voilà : même que tu te goinfres en étant en France, si tu peux encore plus te gaver en allant domicilier le siège social en Irlande, mais mon pote, yallah ! Vive la Guinness. Et la tréso en paradis fiscal ? Pas de problème. Et pour la fab, le savoir-faire français, tu peux te le mettre au cul. En Roumanie, ils ont des petites mains qui feront ça très bien pour la moitié du prix. Ah ça c’est sûr que c’est plus souple, tout de suite."
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(2017)
"Maître, vous contestez la version officielle ? Par principe, oui. Et alors, selon vous ? Dur de se prononcer, peut-être ne saura-t-on jamais. Je vois ce que vous voulez dire. Oui mais je ne peux pas en dire plus. Et ainsi de suite.
Mais ça, les insinuations torves et sous-airs entendus, ce sera plus tard. En sus et bien à point pour qui aura su attendre. Pour l’heure, dignité et pudeur. Enquête en cours, confiance en la justice et tirelipimpon sur le chihuahua. Heureusement, on prête aux riches des roueries qu’ils n’ont pas toujours et quand il déclare ne pas pouvoir en dire plus, il sent qu’en face, chaînes info, quotidiens ou blogueurs de mes deux ne le croient pas et prennent, Dieu soit loué, son aveu d’ignorance pour une ruse, un élément de langage. L’honneur est ainsi sauf."
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(2006)
(2009)
"La fille, c’est le contraire. La fille qui vient de cité, le patron petit Blanc, s’il l’embauche, comme ça il peut se dire qu’il n’est pas raciste – la preuve : il a une secrétaire ou une standardiste beur – sans se sentir menacé par la virilité de l’Arabe ou du Noir. Et en plus, le patron petit Blanc, il se dit, la Beurette, va savoir, elle va être tellement reconnaissante qu’elle va lui témoigner sa gratitude, s’il demande gentiment. Parfois, ça marche pas gentiment, il demande carrément cash. Tu regardes bien, c’est juste le colonialisme qui se perpétue. Mais hypocrite et ramené en métropole : on humilie les indigènes et on leur pique leurs femmes."
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""Comme par exemple l'instauration du délit de racolage passif. En gros, tu peux arrêter une fille juste parce qu'elle est sur le trottoir [...]. Si le critère, c'est la jupe ras le moteur et le décolleté Nichon-Parade, bonjour ! Par ici, ils vont rafler les ménagères qui sortent du Huit-à-Huit. Voilà. L'idée, c'était juste de dégager les filles des beaux quartiers pour faire plaisir aux électeurs, que leurs bonnes femmes puissent recommencer à s'habiller en putes sans qu'on puisse confondre."
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avec toujours autant de goût pour l'écriture du monsieur.
Là je suis en train de lire
(2010)
"On va lui faire ça à la Beyrouth, avec un peu de Guantanamo : privation de sommeil, rien à boire, rien à bouffer et pas le droit d'aller pisser pendant huit heures."
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"C'est normal que ce soit une partouze ?"
Elle dit, "Quoi ?"
"Là, ta fête, en fait, c'est pas une fête. C'est une partouze. Pourquoi tu me l'as pas dit ? T'avais peur que je vienne pas ?"
"Mais enfin, qu'est-ce que tu racontes ! C'est pas une partouze. T'es malade. Qu'est-ce qui te fait dire que c'est une partouze ?"
Du menton, il lui montra tous les bols et petits saladiers disposés un peu partout, remplis à ras bord de préservatifs. Et chaque fois, à côté, une boîte de Kleenex.
"T'as vu le look des bonnes femmes ? Et ça, là, dans les bols, c'est des apéricubes ? C'est pas grave. Juste le truc, c'est de le savoir."
Et là, quand même, la petite avocate blonde percutant et disant : "Oh mon Dieu ! Oh mon Dieu, t'as raison. C'est une partouze. Putain de merde, je le crois pas, ça ! On est à une partouze !"
*
et il me reste encore
(2021)
(1994)
L'été 22 aura été pour moi un été très Chalumeau!
(normal, avec la température qu'il a fait!)