argentine
SOUS LE CIEL DE KOUTAÏSSI
d'Aleksandre Koberidze
Ah le cinéma géorgien... (soupir rêveur et enamouré).
Ah les gentils distributeurs qui nous envoient des liens de visionnage (DAMNED, pour ne pas le nommer, dont vous pouvoir voir le catalogue là, tout rempli de choses que j'ai beaucoup aimées et d'autres que j'ai très envie de voir) -autre soupir énamouré et rêveur. Encore une fois, il s'agit pour moi d'un film qui tombe des nues (j'ignorais parfaitement son existence avant de lire le mail du distributeur), et d'un film qui m'a tout autant parfaitement séduit.
Un conte géorgien, (le film est explicitement présenté comme tel) qui se passe à Koutaïssi (j'ai vérifié si ça existait "en vrai", on ne sait jamais, cinéma oblige...), deuxième ville de Géorgie, qu'une page sur le ouaibe décrit comme "douce, lumineuse, et un peu bohème"....
Il s'agit du premier film de son réalisateur, un jeune homme de 37 ans (dont allocinoche m'apprend qu'il en a, depuis, réalisé un autre -BLOODSUCKERS- qui doit sortir "prochainement"...).
Donc, à Koutaïssi, qu'advient-il ? Girl meets boy (comme hier dans COMPARTIMENT N°6), puis re (dans l'autre sens, une rencontre joliment filmée au niveau des pieds, avant qu'une voix-off (qui reviendra souvent dans le film pour mettre son grain de sel narratif) nous apprenne que Lisa et Giorgi -qui n'ont même pas pensé à se demander leurs prénoms- viennent d'être frappés par une malédiction qui les empêchera de se retrouver le lendemain à l'endroit qu'ils avaient prévu...
Le "mauvais oeil" (c'est lui le responsable) à bien préparé son (mauvais) coup puisqu'il les a fait tout deux changer d'apparence, et donc on se demande comment ils vont bien pouvoir faire pour réussir à vaincre cette satanée malédiction...
Le réalisateur inscrit son conte dans une chronique presque "villageoise" (alors que Koutaïssi compte tout de même 135 000 habitants), où la caméra, voletant de ci de là, reviendra souvent au bar pour le propriétaire duquel travaillent nos deux tourtereaux, mais sans se reconnaître, dans l'ambiance estivale d'une Coupe du Monde (de football hihihi) qui commence (le ouaibe m'informe, au vu du résultat, qu'il pourrait s'agir de celle de 78 ou de 86) et tandis (dans le même temps) qu'un film se prépare, où le réalisateur a chargé son assistante de lui dégotter, pour son plan final, 6 couples (à choisir parmi 50). On est dans un univers de conte où, bien sûr, couple = madame + monsieur).
La romance, le foot, le cinéma, voilà les trois grands axes du film, qui va pourtant, régulièrement et tout du long, préférer les vagabondages, les sentiers qui bifurquent, les chemins de traverse, au fil d'une déambulation souvent champêtre, où la caméra souvent s'attarde sur les gens (certains qu'on reverra, et d'autres pas forcément...) Lisa, Giorgi, certes, mais toutes et tous les autres aussi.
C'est délicieux (comme a l'air de l'être le khatchapouri, recette typique, que Lisa prépare suivant la recette de sa grand-mère...), et on se laisse aller à ce mélange de nonchalance narrative et, quasiment, de candeur... (le film montre beaucoup d'enfants, il y est très attentif, et se met souvent à leur hauteur -comme dans la très jolie scène du match de foot filles/garçons, au ralenti, à la fin de la première partie-).
On pourrait juger -et je suis sûr que certains critiques chagrins sans doute le feront- que c'est un peu fouillis (ou fourre-tout, le film fait tout de même 2h30 et sans doute aurait très bien pu être raccourci, mais aurait alors perdu beaucoup de ce charme buissonnier qui le caractérise...), mais bon c'est la boîte à trésors du réalisateur. Même chose pour la voix-off, dont certaines interventions pourraient être jugées pontifiantes, ou redondantes, ou inappropriées), mais en entrant dans cet univers très personnel, on a accepté d'en jouer le jeu, jusqu'au bout, sans moufter, et on écoute religieusement la voix-off...
Le réalisateur réussir à tenir grosso-modo ses rênes principaux (Lisa et Georgi), même s'ils semblent un peu lâches de temps en temps, et s'accorde le droit (abandonner le discours officiel et lui préférer la poésie, comme dans Le Sous-Préfet aux champs), de nous décrire attentivement (à sa façon de regarder) cette ville géorgienne, et ses habitants (les adultes, les enfants), et toutes les histoires qui s'y tissent, et d'être tout aussi attentif (et disponible) aux hasards charmants qui peuvent intervenir au cours d'un plan ou d'une scène (ah, ces oiseaux joliets qui viennent sautiller au milieu d'un décor...)
Le sens du détail.
Bref,encore une perle géorgienne (rappel : MANDARINES, L'AUTRE RIVE, UNE FAMILLE HEUREUSE, KHIBULA, ET PUIS NOUS DANSERONS... sans oublier toutes celles de l'ami Otar Iosselliani, en pépère fondateur). On est sous le charme. et voilà, comment pourrais-je dire autrement ? Ah oui:"Un film doux, lumineux, et un peu bohème" (cf plus haut à propos de Koutaïssi).