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lieux communs (et autres fadaises)
15 septembre 2014

bagouzes

PARTY GIRL
de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis

Cas de figure peu banal : un film dont la projection m'a été malcommode (j'ai même envisagé à un moment de quitter la salle) mais pour lequel la façon dont son  réalisateur(s) (un de ses trois)  nous en a parlé m'a véritablement fasciné. Ce film, on en avait beaucoup parlé (depuis sa projection à Cannes), et les divers échos en étaient unanimement enthousiastes, et pourtant, je n'étais pas vraiment certain que ça allait me plaire -je me connais un peu, et mes goûts cinématographiques aussi, en principe-, et donc, la façon dont j'ai réagi ne m'a pas vraiment étonné...
Une ancienne entraîneuse (la mère du réalisateur) qui joue son propre rôle, décide de se "ranger" un peu, et d'accepter d'épouser un des habitués du cabaret où elle travaillait, qui vient de la demander en mariage. La mère, donc, joue son rôle (son vrai), les enfants, aussi, l'histoire du mariage lui est vraiment arrivée, mais le marié (dont je croyais naïvement qu'il était "vrai" aussi) s'avère être un comédien, recruté sur casting pour le film.
J'avoue que j'ai eu beaucoup de mal à m'intéresser à l'histoire jusqu'à la scène quasi finale (le mariage, et tout ce qui s'ensuit) que j'ai vraiment trouvée magnifique (peut-être parce que c'est justement un moment "différent", sans clopes à la chaîne, sans biture, sans pétage de plombs, un temps "juste", simplement, et d'autant plus touchant) et qui justifie à elle seule la vision du film.
Sans critiquer plus avant, juste dire que ce n'est pas ma tasse de thé cinématographique, mais que, je le répète, j'aurais pu écouter Samuel Theis en parler encore pendant des plombes, tellement je l'ai trouvé pertinent et, n'ayons pas peur des mots, brillant.

 

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15 septembre 2014

au quatrième top, il sera exactement...

THE CLOCK
de Christian Marclay

«The Clock» (2010).
«The Clock» (2010). (Photo Christian Marclay. Courtesy White Cube. London and Paula Cooper Gallery. New York)

Yesss!
Je l'ai fait, j'y suis arrivé, j'ai réussi, j'en reviens, et j'en suis encore tout chaviré. De quoi ? de la projection en intégrale de The Clock, le film-mon(s)tre  de Christian Marclay qui dure 24 heures, (en fait c'est une "installation-vidéo"), au Centre Pompidou-Metz, et que j'ai donc visionné pendant quasiment la même durée (en principe de samedi 10h à dimanche 10h, mais en réalité pas tout à fait.) Soit vingt-quatre heures moins quelques brouettes.
J'avais déjà pris mon billet de train pour Paris au mois de juin lorsque la même chose avait été annoncée à Beaubourg, à l'occasion de la fête de la musique, mais les trains avaient été en grève (en fait, juste celui-là) et j'en avais été très malheureux, mais intégralement remboursé (rendonz à César, etc.)

Le film The Clock dure 24 heures parce qu'il retrace un jour entier (de 0h00 à 23h59), chronologiquement, avec uniquement des extraits de films (au minimum 60x24, puisque chaque minute de la journée y est représentée, et dure (exactement ?) une minute, puisque The Clock est aussi, tout le temps, les directives du réalisateur quant à ses conditions de projection sont extrêmement claires là-dessus, un film qui donne -exactement- l'heure à chaque instant, mais (j'en reviens au nombre des films) en réalité beaucoup plus puisque chaque minute (comme dit Christian Marclay, "C'est long, une minute..."), peut être composée d'un nombre variable d'extraits de films, selon la richesse de l'iconographie du moment en question. C'est toute l'histoire ou presque du 7éme art qui est conviée (noir et blanc, couleurs, polars, classique, sf, art et essai, horreur, comédies, thrillers), des acteurs et actrices connus et immédiatement reconnaissables, et pas mal aussi d'obscures et d'obscurs qui ont pourtant laissé leur trace, furtive. On y voit apparaître aussi un certain nombre de séries télé célèbres (Columbo, Mission Impossible, Mc Gyver, The avengers), chaque spectateur doit ainsi pouvoir y trouver son compte... La seule règle c'est que doit figurer à l'image une représentation de l'instrument  de mesure temporelle  avec le nombre y figurant, ou bien que le dit nombre soit prononcé dans le dialogue.

Je suis entré dans cet univers tictaquant à 10h08, et, immédiatement j'ai éprouvé cette fascination qui est au moins double, puisque, au jeu du passage du temps s'ajoute celui du  cinéma (c'était qui ? c'était quand ? c'était où ?). Je dirais même triple, avec les enchaînements. Car Christian M. ne s'est pas contenté de poser  simplement les extraits les uns au bout des autres, non, il a, en plus, effectué un véritable (et ahurissant) travail de montage pour que la succession des différents plans soit, c'est selon, percutante, bluffante, drôle, brillante, efficace, surprenante, et qu'il parvienne à chaque fois à nous surprendre et à nous donner envie de rester.
Bien évidemment, pas question d'une intrigue "cohérente" et suivie, mais les transitions fonctionnent à chaque fois, et font entrer les extraits parfaitement en résonnance. L'histoire se dévore elle-même, chaque moment successif n'existant qu'au temps de son présent, mais les relations (et les interférences) sont ingénieuses. Raccords de plan dans l'action (quelqu'un ouvre une porte, quelqu'un d'autre entre dans une pièce), dans l'espace, dans les acteurs, dans les lumières, dans les objets, en un marabout-bout de ficelle géant, sans oublier le travail incroyable effectué sur la bande-son (Christian Marclay est, à la base, un musicien), la musique, les sons, les bruits même, pour unifier encore cette énorme et hétérogène masse filmique. Aucun dialogue n'est traduit, mais ça n'est pas gênant (on n'est pas là pour comprendre, on est juste là pour ressentir, pour expérimenter, ce gigantesque voyage dans le temps).
Car c'est cela que Christian Marclay filme stricto sensu, le temps, le passage du temps, la succession immuable, inéluctable, inévitable, des secondes qui s'égrènent, des images qui s'enchaînent (et nous enchaînent aussi : le film a un effet incroyablement addictif, hypnotique, qui, au vu d'un plan, nous donne immédiatement envie de voir le suivant, puis celui d'après, et celui encore... quand on est là, il n'y aurait a priori aucune raison de s'arrêter, c'est fascinant...) tout un monde de cadrans, d'aiguilles, de sonneries de montres, de pendules, d'horloges, de réveils (une collection incroyable de "réveil-poule(s)", à toutes les époques), de bracelets-montres, de montres à goussets, et même de clepsydres et de sabliers divers (un cadran solaire aussi, si je me souviens bien ...)
Le dispositif de projection est très simple : "Le Studio", une vaste pièce sombre, un grand écran au mur, et, dans la salle des "canapés" rectangulaires (4 rangs de 3) pouvant accueillir, suivant l'affluence (et elle varia au cours des 24 heures, jusqu'à 4 personnes maximum chacun  (pas des grosses, et en se serrant : pour deux c'est par-fait!)

Le matin, on n'a été pas beaucoup, puis la fréquentation a augmenté, au fur et à mesure qu'on se rapprochait de 20h, heure à laquelle le Centre fermait ses portes (on nous l'a annoncé une demi-heure, puis un quart d'heure avant) mais où la projection continuait exceptionnellement (et un accès extérieur étant aménagé pour que les spectateurs (suivant le souhait du réalisateur, puisse entrer et sortir à leur guise, libérant ainsi des places sur les canapés (qui étaient immédiatement occupées par ceux qui attendaient au fond contre le mur).
Le public a été assez nombreux jusqu'à 23h/minuit, décroissant ensuite progressivement. Il ne restait sur le coup de 3/4h qu'un "petit noyau d'inconditionnels", les canapés n'étant plus occupés, alors, que par une personne dans la majorité des cas, deux plus rarement. Sur le coup de 3h ont débarqué un groupe de jeunes qui, je pense, sortaient de boîte, et sont resté quelques heures, assez sagement d'ailleurs.
A 7h du mat', on était encore 7 ou 8.
Quand ils ont rallumé les lumières à 9h33 (les pompiers de service étaient  venus gentiment un peu avant pour nous prévenir individuellement qu'ils allaient rallumer dans dix minutes et qu'ils feraient un strip-tease qu'on devrait alors tous sortir pour d'énigmatiques raisons (mais on aurait pu revenir à partir de 10h), on était encore 5 (dont un qui ronflait voluptueusement -et sonorement- depuis déjà quatre ou cinq heures, donc, peut-on vraiment le compter ?), on a donc retrouvé la lumière du jour, un peu hébétés, et j'ai alors pu discuter quelques instants sur le parvis avec un joli jeune homme barbu (il a engagé la conversation au moment où j'étais prêt à le faire, je vous promets) qui n'était là "que" depuis 18h (mais qui avait déjà vu un bon bout de la première partie directement à Venise, où, m'a-t-il assuré, "les sièges étaient meilleurs") et qui partageait visiblement mon enthousiasme véhément pour The Clock. On s'est séparés, il est allé récupérer son vélo, et moi je suis allé au parking, un peu inquiet de savoir ce qu'allaient me coûter, justement, 24 heures de parking (bah, 10,80€, à peine moins que ce que m'a coûté l'entrée à la projection : 12€, le total nous mettant, grosso modo l'heure de projection à un peu moins d'un euro, ce qui vaut la peine, non ?). J'avais envie de lui proposer de lui offrir un café (en tout bien tout honneur), mais va savoir pourquoi, état semi-comateux oblige sans doute, je ne l'ai pas fait... Quel idiot ! (moi)

Le problème inhérent au dispositif c'est que, de par sa nature même, il ne s'arrête jamais, et qu'il est humainement impossible de s'enquiller les 24 heures en continu sans en prerdre une miette. Dès qu'on a accepté le principe de la "non-narration", on sait que peut en manquer un bout ici, un bout là sans aucun problème pour la compréhension (mais avec toujours l'inquiétude de manquer un moment particulièrement réussi). Qu'on peut regarder un grand moment, et s'octroyer quelques minutes de pause pour les nécessités humaines.
Ainsi (Caliméro), lorsqu'à midi et quelques, le pompier m'a dit qu'on ne pourrait pas entrer dans l'immédiat, car il y avait un problème de son, et qu'il allait falloir une vingtaine de minutes pour le réparer -renseignement pris auprès d'un gens de la maison, il n'y a jamais eu la moindre défaillance technique depuis le premier jour (là, c'était l'avant-dernier)- j'ai donc pu en profiter pour aller, sans regrets puisque je ne manquais "rien", boire mon premier café et manger un bout de tarte au fromage -ce qui fut d'ailleurs  peu ou prou mon seul repas de la journée- (j'avais des fruits secs et du chocolat dans mon sac.) Heureusement donc, que cette première pause a eu lieu..., mettant en place un genre de "cadence" (deux ou trois heures de projection / une pause/ et hop on y retourne, pas forcément à la même place d'ailleurs)

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C'est vrai que 24 heures, finalement, c'est très long, quand on y est attentif, et que, comme je l'avais vagument subodoré tout au début, il aurait peut-être mieux valu en fractionner en deux fois la vision : la première fois l'"ordinaire" (de 10h a 18h, ou à 20h si c'est un samedi), et la deuxième fois, l'"intégrale", de 20h à 10h, ce qui permettait peut-être de mieux assimiler tout ça. C'eût été plus raisonnable mais bien moins fun. Mais voilà, j'ai eu cette occasion et j'en ai profité (d'autant que c'était la dernière, ça ou rien, The clock s'arrêtant le 15/09) et j'en suis très content, finalement, d'avoir réussi à mener tout ça à bien, tout comme je l'avais prévu, et ce n'était pas joué d'avance (je souffre d'un syndrome "je ne sais pas le faire /je ne suis pas capable de le faire / je ne vais pas y arriver /" assez prononcé, ne riez pas.) Le seul regret, concernant ces fameuse vingt-quatre heures, c'est que ce genre de projet un peu zinzin est encore plus agréable lorsqu'il est partagé, oui, c'est plus agréable de vivre ça ensemble, simultanément, et que là, non, tant pis, personne d'autre ne semblait disponible,  dommage mais c'est comme ça... Tic tac tic tac tic tac Une autre fois, peut-être. Plus tard.

12 septembre 2014

a dream within a dream

ENEMY
de Denis Villeneuve

Je n'avais pas tellement aimé le premier film du monsieur (Incendies) que je trouvais... manipulateur (l'adjectif vaut ce qu'il vaut, faute de mieux), j'ai zappé le deuxième (Prisoners), et suis donc pourtant allé voir celui-ci lundi à 13h45 et en VO, surtout pour étrenner mon statut de "jeune sénior" (j'y étais d'ailleurs tout seul dans la salle), alors que je n'en avais pas a priori forcément très envie, mais Pépin me l'avait vanté à demi-mot avec une mine gourmande, et je lui ai donc fait confiance...
C'est... étrange.
Après une scène d'ouverture dont on comprendra (peut-être) à la fin le pourquoi, on rencontre le héros (Jake Gyllenhaal, qui, n'en déplaise à l'ensemble des critiques, ne livre pas une double prestation si extraordinaire que ça), prof d'histoire, qui se découvre un double parfait en visionnant un dvd. C'est le début des embêtements... (mais qui est vraiment l'enemy du titre ?)
Filmé beigeasse, jaunâtre, cotonneux, poisseux. Une sensation générale de vague torpeur, d'engourdissement, avec parfois l'impression de déjà-vu, ou de ne pas comprendre ce qu'on voit, comme ces rêves avec des scènes qui se répètent en boucle, des gestes qu'on n'arriverait pas à accomplir, des choses abominables qu'on devine plutôt qu'on ne les voit (mais ce qu'elles suggèrent est peut-être encore plus abominable), des éléments apparemment disjoints qui pourtant se rejoignent (ou peut-être le contraire), des fausses pistes, des chausse-trapes, des pièces mystérieuses, des enveloppes scellées "personnel et confidentiel", des rêves, des rêves dans le rêve, des réveils, des endormissements,  bref un magma sans doute un peu psy -mental serait plus juste- (les critiques évoquent souvent Lynch et Cronenberg, ils n'ont sans doute pas tort) dont on ne peut pas  parler trop précisément sans risquer de déflorer le sujet (et donc de gâcher le plaisir du spectateur).
Car le plaisir, ici, serait de réagencer tous les éléments disparates dont on dispose pour reconstituer chacun sa propre petite histoire, avec ses bon sang mais c'est bien sûr!, ses failles, ses incohérences (et le plus drôle c'est que chacun pourrait bien avoir raison. ) Comme dans ces puzzles de hmmm milliers de pièces, des fois on tient deux morceaux dont on est certain qu'ils s'emboîtent nickel, et pourtant pas du tout.
Le sentiment que, chez Lynch ou Cronenberg, le malaise résulte d'une nécessité interne, une soigneuse (in)cohérence, alors qu'ici, (mais qui suis-je pour juger, hein ?) on n'en est pas trop sûr, tout ça pourrait n'être qu'esbrouffe dolanesque ou jemenfoutisme... (là mettez le qualificatif qui vous agrée), on se laisse mener en bateau, mais pour aller où ?
Non on n'est vraiment sur de rien (un ? deux ? et Mélanie Laurent ? et l'araignée ? et la mère ?), mais, comme conclut Pierre Murat dans Téléramuche (et, pour une fois je suis plutôt d'accord avec lui) "mais on s'en fout"...

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3 septembre 2014

cinéparis

Le Grand paysage d'Alexis Droeven : Affiche

LE GRAND PAYSAGE D'ALEXIS DROEVEN
de Jean-Jacques Andrien
Le "film de Nicolas".  un film patrimoine, aussi. Une distribution étonnante : Maurice Garrel y est paysan, c'est le frère de Nicole Garcia, le père de Jerzy Radzilovicz ("l'homme de marbre") et le copain de Jan Decleire (une très jolie scène d'oie et de poursuite). Une magnifique chronique paysanne et filiale, sur fond de révolte, de répression, de déchirements inter-communautaires, avec des dialogues de Franck Venaille. Un film brumeux, glaiseux, taiseux, une splendide (re)découverte.

Sils Maria : Affiche

SILS MARIA
d'Olivier Assayas
Un jeu de miroirs à la vache-qui-rit (pour ne pas dire "mise en abyme" comme tout le monde, avec ce y prétentieux) plutôt brillant : Juliette Binoche joue une actrice d'un certain âge confrontée à une actrice bien plus jeune, qui est censée reprendre le rôle qu'elle avait joué à 28 ans, celui d'une jeune fille confrontée à une femme plus agée, tandis qu'elle (l'actrice mûre) reprendrait l'autre rôle (celui de la plus âgée). Mais le personnage de Binoche est secondé par une jeune assistante (Kristen Stewart, fabuleuse) et toutes ces dualités se font écho, magnifiquement, dans ce monde de limousines, chauffeurs, palaces et paparazzi. Pour les germanophiles, on voit aussi passer Hans Zichler (Au fil du temps) et Angela Winkler. Brillant.

Le Sel de la terre : Affiche

LE SEL DE LA TERRE (PP)
de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado
Partir de photos  magnifiques, ça aide pour réaliser un documentaire tout aussi magnifique sur l'auteur de ces photos. Wim Wenders s'y colle, et nous parle en français dans ce portrait de Sebastiao Salgado, co-réalisé par le fils de celui-ci, Juliano. On suit chronologiquement le travail de création de Salgado, au fil de ses livres (et engagements) successifs, illustré somptueusement de ses photos, et musiqué majestueusement par Laurent Petitgand. Impressionnant.

La Dune : Affiche

LA DUNE
de Yossi Aviram
Niels Arestrup et Guy Marchand en vieux couple, le beau Lior Ashkenazy en joueur d'échecs mutique, un passage-éclair de Mathieu Amalric, Jean-Quentin Châtelain en collègue d'Arestrup (il est flic) : c'est un film d'hommes, incontestablement (et une histoire assez fortement autobiographique, semble-t-il). Emma de Caunes est un peu surnuméraire, mais fort joliment.  on a assez vite compris le pourquoi du comment (ou alors je suis hyper intelligent mais ça m'étonnerait), mais ça n'est pas gênant du tout. Touchant.

Léviathan : Affiche

LEVIATHAN (PP)
d'Andrei  Zviaguintsev
Wouah! Pour clôre ce mercredi "en beauté", un film asphyxiant de noirceur et de pessisimisme, mais chronique quasi documentaire de l'état des lieux en Russie aujourd'hui. "Feu de bois, grillades, vodka et tir" (pour résumer un week-end), l'itinéraire d'un homme, en forme d'escalier du malheur (que dévalerait une barrique d'au moins un hectolitre de vodka). Un triangle amoureux inséré une attaque en règle du pouvoir (du fric, de la politique et de la religion). Entre deux parenthèses sublimes de paysages sur du Phil Glass. Glaçant, justement.

Boys Like Us : Affiche

BOYS LIKE US (PP)
de Patric Chiha
Un film charmant : les déambulations de trois pédés en Autriche (avec chaussures de marche et valises à roulettes). Trois potes, trois états d'âme : celui qui vient de se faire plaquer, celui qui téléphone à sa psy, et celui qui drague. Celui qui voudrait tout organiser, celui qui cherche son amour perdu, celui qui a envie de baiser. Les "trois mousquetaires" dans une Autriche plus vraie que nature (montagnes, shorts en peau et panneaux d'interdiction). C'est tendre, bien écrit, gentiment vachard, beaucoup plus "léger" que le premier film de Patric C., et ça devrait faire du bien à tous les pédés (aux autres aussi). Un film beaucoup plus fin qu'il pourrait paraître à première vue. Adorable.

Hippocrate : Affiche

HIPPOCRATE (PP)
de Thomas Lilti
Un joli film, encore, sur le milieu hospitalier, très autobiographique. L'arrivée d'un jeune (Vincent Lacoste) interne dans le service de son père (jacques gamblin), qui bosse avec un autre nouvel interne (Reda Kateb) sous les ordres d'une infirmière-chef (Marianne Denicourt) pas forcément commode. La découverte "sur le tas", les erreurs, les relations entre collègues, avec les patients. Du vécu, de l'humain, du vraisemblable toujours, du réalisme idem (le manque de moyens, le principe de rentabilité, la réduction des effectifs, le mépris des gestionnaires envers le personnel médical et soignant...) Beaucoup de tendresse, d'humour, d'émotion, et de sourires aussi.  Un film irréprochable.

La Famille Bélier : Affiche

LA FAMILLE BELIER (A-P)
d'Eric Lartigau
Une très avant-première (le film sortira en décembre). Une belle idée : dans une famille de sourds-muets paysans et fromagers (papa Damiens et maman Viard) une adolescente est la seule parlante et entendante. Elle va au lycée, découvre l'amour, envisage de passer un concours pour intégrer la maîtrise de radio-France, mais elle sert aussi d'interprète et de porte-parole à toute la famille. Le scénario envisage plusieurs pistes (les élections, le petit copain, le frère avec la copine) mais finalement n'en suit qu'une jusqu'au bout, la plus nunuche et la plus attendue : le concours de chant. C'est plaisant à regarder, chacun se donne au maximum (Viard et Damiens sont impressionnants, et la jeunette aussi), mais on ne peut s'empécher de trouver ça un poil démago et sens du poil (et le fait que le réalisateur ne puisse répondre correctement à aucune des questions du public est un peu embarrassant). Gentillet.

3 coeurs : Affiche

3 COEURS (PP)
de Benoît Jacquot
La bande-annonce m'avait plu : Poelvorde entre deux soeurs : Charlotte G. et Chiara M., filles de Catherine D (la reine-mère est impériale, et elle finit par donner faim, à manger comme ça pendant tout le film.)J'ai repensé à ce que Charlie avait dit, il y a très longtemps, en sortant des Ailes de la colombe, du même Benoit J. : "Tout le monde est très beau, très riche, très malheureux..." c'est un peu ça, mais ça fonctionne. Jacquot qualifie son film de "thriller amoureux", et les liens forts tissés entre les personnages dès le départ (qu'ils soient amoureux ou familiaux, ou sociaux) ne peuvent évoluer que vers une issue fatalement fatale. La musique de Bruno Coulais renforce encore ce sentiment d'inévitablité (?), et, en même temps, d'impossiblité à régler "simplement" le conflit. Des violons ombrageux, des étreintes, des mensonges, et même, au coeur de tout cela, un miroir quasiment magique. Passionnel.

Bande de filles : Affiche

BANDE DE FILLES (A-P)
de Céline Sciamma
Encore une avant-première à l'UGC Les Halles (dans la "semaine de la comédie", hum hum...) Le troisième film de Céline Sciamma, qui suit la ligne des deux précédents. Céline Sciamma filme aussi attentivement les demoiselles que je photographie les messieurs.(...) Des filles, comme l'indique le titre, la banlieue, le quotidien, la "petite vie" avec son lot de vexations, d'interdits, d'envies, de révoltes, de désillusions, avec une troupe d'actrices non-professionnelles sidérantes (de naturel, d'énergie de force). En plus, Céline Sciamma a un don inné pour la composition graphique de ses plans (tout comme Para One a le même pour  la composition musicale, ici il nous refait quasiment du Steve Reich et c'est TROP BIEN, toutes les scènes musicales sont a tomber tellement ça fonctionne bien -et la larme à l'oeil je vous dis pas...-) Enthousiasmant.

Trap street : Affiche

TRAP STREET
de Vivian Qu
Un film étrange qui commence comme une comédie gentillette naturaliste (bien qu'un peu confuse) et vire ensuite au thriller paranoïaque. Chine, terre de contrastes, avec géomètre, rue qui n'existe pas officiellement, femme mystérieuse, laboratoire encore plus mystérieux, police secrète, caméras de surveillance aïe aïe aïe et après on perd un peu pied (le héros aussi, visiblement).

The Salvation : Affiche

THE SALVATION
de Kristian Evring
Après le western-spaghetti et le western-choucroute, le western-smørrebrød! Un western brutal et consciencieux à la fois. Qui respecte scrupuleusement tous les codes (poncifs ?) du genre, à part le fait que le héros s'exprime parfois dans cette langue mystérieuse. Avec en plus (progrès techniques obligent) des extérieurs nuit(s?) d'une beauté grandiose. Madds Mikelsen est le héros (normal, c'est danois), Eva Green y joue une guérillère mutique (normal, on lui a coupé la langue), et notre oooh aaah Cantona national y joue un desperado ma foi tout à fait honorable (mais un comparse). Saignant

Aimer, boire et chanter : Affiche

AIMER BOIRE ET CHANTER
d'Alain Resnais
Les critiques louangeaient, les amis qui l'avaient vu m'avaient quasi unanimement refroidi, mais bon, là, à 4€ je ne pouvais pas ne pas tenter l'aventure. Les critiques avaient peut-être raison, mais les amis aussi, et je m' y suis assez copieusement ennuyé. Une fois qu'on a accepté les fantaisies (travelling avant en voiture, dessin du lieu, l'essentiel de l'action en hors-champ, décor en penderillons) répétitives, il ne reste plus qu'a écouter les dialogues des personnages (entre le boulevard et Ionesco) et attendre que le temps passe... Pfouh! Joueur, mais je n'ai pas joué le jeu.

Pride : Affiche

PRIDE (A-P)
de Matthew Warchus
Le coup de coeur, inattendu (et en très gros plan, j'étais au premier rang!) de cette "semaine de la comédie et des avant-premières". Un film comme les britanniques savent parfaitement les faire (Full Monty, Les virtuoses...) avec du social, des affrontements (avec les flics ou d'autres) des engueulades, des tronches, des cup of tea, de l'humour, de la tendresse, des scénes de pub, de manifs, de liesse ou de hargne, bref, deux heures quasiment de bonheur à l'état pur. Un feel very good movie, qui vous laisse, quand les lumières se rallument, à la fois avec les yeux rouges et un sourire béat. So british (well...  so welsh!)

Boyhood : Affiche

BOYHOOD
de Richard Linklater
revu avec Véro et son fils. je  trouve ça toujours aussi bien (ficelé) et émouvant

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WHITE BIRD (PP)
de Greg Araki
Tiens, un deuxième film avec Eva Green, complètement transformée (elle joue une femme plus vieille que son âge) dans une adaptation (la première me semble-t-il) de Laura Kasischke (d'un roman que je n'ai pas lu, Un oiseau blanc dans le blizzard) dont la narratrice est une adolescente dont la mère a un jour mystérieusement disparu, un récit transposé dans les années 90 avec, Araki oblige, une bande-son furieusement dansante, des jeunes gens torse nu sur la pelouse, des "laissés-pour-compte" (c'est lui qui le dit), Une reconstitution furieusement (délicieusement) maniériste (ou Eva green ne serait pas très loin de la Julianne Moore de The hours). Araki assagi, mais avec le zeste de perversité fantastique de Kasischke.

Flore : Affiche

FLORE (PP)
de Jean-Albert Lièvre
Un documentaire poignant, autour de la mère du réalisateur, atteinte de la maladie d'Alzheimer, le récit d'une expérience (comment lui et sa soeur ont préféré sortir leur mère de l'institution où elle déclinait inéluctablement et la ramener en Corse, dans leur maison familiale, avec toute une équipe dévouée, pour lui permettre de revenir à la vie).

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METAMORPHOSES
de Christophe Honoré
Celui-là oh que je l'attendais, et quand on attend trop, on risque d'être déçu. J'en sors et ce fut un peu le cas, je crois. Ce qui est certain c'est que ce n'est pas l'engouement fou, spontané, immédiat, qu'avaient provoqué Les chansons d'amour ou Les bien-aimés. Pan a une très jolie flûte (c'est un FAQV, tout au moins au début, après ce sont plutôt les dames qui paient de leur personne), Jupiter aussi, et ma foi tout ça fait une bonne occase de revoir un peu sa mythologie (et de rêver à ce que ça aurait pu donner vraiment).

Pan pleure pas : Affiche

PAN PLEURE PAS
de Gabriel Abrantes
Heureusement que j'ai jeté un oeil ce matin dans l'officiel, "au cas où" : il passait justement ce soir (la seule et unique séance de la semaine!) Un programme de trois courts de Gabriel Abrantes, qui me reconcilieraient définitivement avec le Portugal... Qu'on pourrait qualifier de "décalés" ou de "surprenants", de "barrés" : un voleur de viagra dans le premier, un poète portugais dans le second, et tout un aréopage loufoque dans le dernier (dont Edith Scob). Parfois contemporain (mais pas ici) parfois en costumes (mais toujours pas ici) parfois on ne sait ni quand ni où... Idéale cerise sur le gâteau cinématographique de ces dix jours. Mon "jubliatoire" à moi de cette semaine et demie. Délicieux (et improbable).

28 août 2014

100%

LUCY
de Luc Besson

Celui-là, ça me titillait de le voir, depuis que j'avais vu la bande-annonce (que j'ai confondu longtemps avec Under the skin), mais bon ça ne passait qu'en VF, en plus ça cassait la baraque au box-office, je me tâtais, et puis j'ai eu ces fameuses places à 5,50€, et à ce prix-là, hein, on a le droit d'aller voir n'importe quoi ou presque, et j'y suis donc allé, juste après Les combattants (j'aurais préféré le contraire) dans une salle quinze fois plus remplie, ados, popcorn, greluches ricanant hystériquement - je n'invente rien-, enfin le noir se fait, le film commence, et je dois me rendre à l'évidence : la Vf est aussi épouvantable que Scarlett Johansonn est mimi.
Luc Besson est un cinéaste que je ne goûte guère (même si j'ai adoré certains de ses films, surtout dans les premiers) et le début du film me le confirme. Après un début sybillin (qu'on retrouvera à la fin, rien ne se perd...) , on a une blonde et son mec qui se prennent le chou (c'est l'intention des dialogues), une mallette mystérieuse, un hôtel avec des asiatiques très fourbes et très cruels (avec à leur tête un superasiatique superfourbe et supercruel) des gros flingues, du sang qui gicle, et voilà Scarlettchounette qui se réveille recousue avec à l'intérieur un sachet de super-drogue qu'elle est supposée convoyer à Paris ni vue ni connue.
Parallèlement, on a eu le professeur Morgan Freeman qui fait une conférence sur les théories de l'évolution, toutes les vilaines saletés et autres désastres écologiques produites par l'humanité et que le pire ne fait que commencer et, surtout, un questionnement -habile!- sur le pourcentage d'utilisation des capacités du cerveau humain et de leurs conséquences, avec des images qui bougent en accéléré comme j'aime bien, couplées, d'ailleurs, avec d'autres images style wild life pour illustrer le propos (du film) montrant une gazelle et un félin asns pitié, en parallèle avec l'attaque de la jeune blonde par les ATFETC (asiatiques très fourbes...vous connaissez la suite ; j'ai l'air d'insister, mais bon Besson aussi!).
Après je pense qu'il manque un morceau, car voilà notre héroïne pas du tout à l'aéroport, mais kidanappée, dans la voiture d'autres asiates, qui, en plus d'être FetC sont aussi tatoués avec des marcels cracra. iEt qui finissent par AH QUAND MÊME C'EST CA QU'ON ATTENDAIT DEPUIS LE DEBUT DU FILM lui donner un coup de pied dans le ventre qui va percer le fameux sac de poudre bleue  qui va se répandre dans son organisme, c'est douloureux et athlétique, et commencer à booster l'utilisation de ses capacités cérébrales, ce dont justement parlait, malin, Morgan Freeman au début. Allez vas-y, vas-y Scarlett!
Super-Lucy, donc, avec des super-pouvoirs, (et elle n'en est encore qu'à 20%, est aussi super énervée), et va continuer son aventure avec Le professeur (pour suivre le pourcentage d'utilisation de son cerveau, que le spectateur suit aussi, grâce aux intertitres)), flanquée aussi d'un flic à poil dur et à oeil de gazelle ("pour se rappeler", dit-elle) qui la suivra jusqu'au bout...
Je plaisante, mais cette partie du film est vraiment... plaisante (c'est ce pour quoi on est venu) sauf que, pour faire contrepoids, Besson nous remet les ATFETC qui mettent et remettent en place des moyens de plus en plus démesurés -on ne serait pas loin du cartoon- pour récupérer leurs fameux sachets de poudre bleue. Pour le même prix, Besson nous hybride un film de SF ma foi plutôt bien fichu ET une gangstèrerie hong-kongaise totalement (en ce qui me concerne) inintéressante parce que vue 100 000 000 de fois (autant que d'années depuis l'apparition des dinosaures) et manquant autant d'humour que d'originalité.
Sans oublier l'inévitable (ineffable ?) poursuite automobile (Taxi 5 ?)avec en prime carambolage exponentiel de bagnoles de flics, les kids devraient adorer. Et plus le temps passe, et plus Lucy mute, maîtrise la matière, les ebjets, les gens, l'lectricté, et... le temps ! (Lucy = God ?) jusqu'à se transformer en genre de boue noirâtre pas très ragoûtante, qui absorbe tout avant de devenir, in extremis tsing! ... (Lucy a donf) une grosse clé USB noire. Franchement, notre Scarlett était plus agréable à regarder... Et le méchant trèèèèèès méchant qui la poursuivait depuis le début ne périt même pas dans d'atroces souffrances , proportionnelles à sa vilénie, non,  pan pan! juste deux trois coups de flingue et basta! (on est un peu décu).
Besson boucle la boucle (ce que Lucy disait au début, c'était déjà la fin -habile!-) et les lumières se rallument, et les jattes de popcorn sont vides et voilà. Mouais...
20% tu disais, Luc ?

Lucy : Affiche

21 août 2014

sutemaru

LE CONTE DE LA PRINCESSE KAGUYA
d'Isao Takahata

Hervé nous l'avait vanté. Une foi(s) de plus, il avait raison.
Non seulement l'histoire est belle, mais l'animation l'est encore plus. Un film d'animation de 2h20, il avait intérêt à nous sortir le grand jeu, pour pas qu'on trouve le temps long. Là, bingo! Tout est bien dans ce conte multiforme ( /bébé trouvé dans un bambou par un humble coupeur de bambous appelé à devenir une princesse /  enfance joyeuse et insouciante de la fillette / départ à la ville où son "père", un parvenu, fait faire son éducation pour qu'elle devienne une vraie princesse  / défilé de notables qui veulent l'épouser / épreuve imposée à chacun des prétendants de ramener un cadeau introuvable comme preuve d'amour / ratage des prétendants / recherche de l'amour vrai / explication finale... /) dont les pans de récits successifs, utilisent plusieurs styles  d'animation.
On n'est pas du tout dans la "ligne claire" du collègue Miyazaki, il s'agirait plutôt de peinture, et de touches de pinceaux. Le résultat est fascinant, que ce soit dans le rendu "bucolique" réaliste (la nature, les animaux, les végétaux) ou simplement technique, graphique (une fuite représentée quasiment en noir et blanc, avec juste une tache de rouge, en traits nerveux et fuyants).
Chacune des époques (l'enfance insouciante, la "formation" et ses contraintes, l'adolescence et ses tiraillements) est l'occasion d'un traitement particulier, par ses éléments graphiques spécifiques autant que les émotions suscitées. Pauvres et riches, nobles et parvenus, empereur et peuple, ville et campagne aujourd'hui et hier, amour et amitié, tous ces antagonismes sont utilisés pour étayer le récit de cette jolie princesse Pousse de bambou, de ses parents, de son ami d'enfance, dans un grand film majestueux dont on ne voit pas s'écouler les 140 minutes...
Bien entendu, dans le bôô cinéma, ils ont comme d'hab' rallumé les lumières avant la fin (on se demande, finalement, pourquoi ils les éteignent) mais tant pis, ça ne faisait rien, fascinés qu'on était par ce qui se passait sur l'écran, fascinés, bouche ouverte et yeux brillants, comme les enfants, à rester assis sagement, comme ça, jusuq'au bout du bout, à écouter cette jolie chanson mélancolique sur le générique final...
Oui, un film vraiment magnifique. Où on pourrait, avec justesse et sans mièvrerie, utiliser l'épithète gracieux.

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20 août 2014

poussins congelés

LES COMBATTANTS
de Thomas Cailley

Le résumé, je dois dire, ne me faisait pas plus envie que ça... Mais bon y avait Adèle Haenel... Comme je n'avais même pas pu voir la bande-annonce, j'y suis allé comme ça, au jugé, dès la première séance (j'avais des places à 5,50€!).
Sacré film! Il me semble que c'est le premier long du réalisateur (je n'en suis pas sûr sûr), mais tout ça fonctionne super bien! Ca commence socio docu, un peu à la Doillon, un poil à la Dardenne, deux frangins dans la menuiserie, papa mort, maman attentive, potes et bière, du solide, du vécu, de l'authentique, qui sent la sciure, la sueur de jeune homme, et tout à coup la rencontre de "cette meuf un peu zarbi" qui vient perturber le plus jeune des deux... alors le film va s'orienter vers autre chose, dans une seconde partie kaki et camouflage,jusqu'à ce que, franchissant un grillage, il  bifurque une nouvelle fois, puis  encore une autre, au bord d'une rivière, et encore encore une autre, dans un village, en réussissant à chaque fois l'exploit, non seulement de nous surprendre mais de nous posséder, nous ferrer, en réinventant, en biaisant à chaque fois la forme qu'il emprunte en apparence, choisissant l'itinéraire-bis plutôt que celui emprunté par le plus grand nombre, habituellement, pour se rendre du point A au point Z de cette fiction..
C'est vraiment du grand art cette façon de rebondir là où on ne l'attendait pas vraiment, et à chaque fois de tenir la note juste, sans forcer, et à chaque fois repartir, sans vraiment jamais nous lâcher la main.
J'ai eu un peu de mal au début avec le personnage que joue Adèle Haenel, quasiment si macho qu'il n'en faudrait pas beaucoup pour pouvoir ajouter un sous-texte gay! On la sent "en force", a donf, "trop", tandis que Kevin Azaïs, qui joue le jeune homme en face d'elle serait, lui, "trop" le reste (oh que voilà une phrase obscure non , en gros, tout, les oppose) et ce bloc de granit, inattaquable en apparence, va, bien évidemment petit à petit se lézarder , oh pas beaucoup, juste de quoi laisser passer une bouffée de tendresse, celle après laquelle galope en vain le jeune homme depuis le début du film.
Très belle(s) étude(s) de personnage(s), cette fille qui joue les combattants parce qu'elle a peur de la fin du monde, ce garçon qui devient adulte sans forcer, simplement, progressivement, ce frère et cette mère qui l'aiment et tentent de lui faire comprendre... sans que jamais on piétine dans la glaise avec les sabots lourds du convenu ou du pathos poufpouf. Au contraire, Thomas Cailley et son frère ont adopté un ton délicieusement ironique, drôle à froid, par petites touches, ici le dialogue, là la situation, un peu plus loin le regard et la distance qu'il porte à ses "héros"...
Plus que plaisant. Hautement très recommandable.

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18 août 2014

roasted almonds

LE RÔLE DE MA VIE
de Zach Braff

Chocolat/amandes/guimauve : c'était ma glace préférée chez Baskin Robins à Avignon (ah, j'étais jeune!). C'est ce que m'a rappelé la glace aux amandes grillées que demande le père, dans le film. Et c'est le nom que je pourrais bien utiliser maintenant pour appeler cette catégorie de film, les "feel good movies" : Le chocolat c'est pour le goût d'ensemble, la texture et la saveur générales, les amandes ça serait ce qui donne du corps du crunchant à cette pâte cinématographique, tandis que les guimauves seraient, comme leur nom l'indique, les moments où, par contre, ça commence un peu dégouliner, question sirop de glucose et autres hypersucreries violoneuses et collantes.
Je suis allé voir le film parce que la bande-annonce donne vraiment envie de, et en plus il y a une chanson qui m'avait (c'est fait pour ça) aussi sec accroché l'oreille (là, il faut attendre le générique de fin, c'est une chanson des Shins.) Et c'est vrai que c'est trop mignon,  bisounours grave sa race (on se dit en sortant, avec un sourire béat qui fait carrément tout le tour du visage pour se refermer derrière la tête, que ça serait drôlement bien si la vraie vie était comme ce qu'on voit dans le film mais bon on a besoin de sucre en ces temps pluvieux et fadasses... ) et qu'en cela la bande-annonce le vend bien.
Le rôle de ma vie ? La partie chocolat est vraiment agréable : onctueuse, parfumée, oui, la bonne consistance et la bonne saveur : Une histoire de famille (le héros, sa femme et ses enfants, et son frère, et son père, et le chien de son père qui pisse partout -le chien pas le père-)  plurielle, chorale, américaine, contemporaine, drôle et tendre. La partie amandes est parfaite elle aussi : les états d'âme du héros (et des autres), les répliques qui fusent, les vacheries, les dialogues acides, les scènes qui font glousser de plaisir, ou qui vous font éclater de rire, les personnages entre croquant et craquant, oui, le dosage est vraiment parfait, on en jubile.
Jusqu'à ce qu'arrive la partie guimauve, et qu'on ait l'impression que le "Monsieur Plus" a vraiment eu la main lourde,  que c'est tout le contenu du seau qui s'est renversé dans la pâte du film, la rendant petit à petit (c'est insidieux) tellement sucrée qu'elle en devient  écoeurante (la partie autour de spoiler la mort du père gâche vraiment le plaisir incontestable qu'on avait pris jusque là à cette dégustation). Le réalisateur a tellement efnconcé le bouton "bons sentiments" qu'il en est resté coincé (ou collé, avec tout ce sucre, c'est normal).
Plus ça avance et plus le film se lénifie, abandonne en chemin les saillies et les aspérités qui en faisaient la saveur, et c'est trop dommage. La grande scène à l'hôpital, avec toute la famille réunie autour du pater familias chuchotant avec des tuyaux dans le nez en devient  pénible. (Pour la petite histoire, j'ai mis un certain temps avant de retrouver qui se cachait derrière cette belle grosse barbe poivre et sel : c'est Mandy Patinkin (oh comme le temps passe, c'était, dans les années 80, dans Yentl, le beau barbu qui chavirait le coeur et les ovaires de Barbra Streisand (et les miens aussi d'ailleurs...), puis, quelques années plus tard, le fougueux Inigo Montoya, dans le toujours plaisant Princess bride...) Et bien là, il est vieux et il est malade, et c'est le père du héros et il n'en finit pas de mourir.)
Oui, j'ai vraiment adoré ça, au moins les trois premiers quarts, mais quand l'indice de glycémie émotionnelle a implosé, on est déçu,de voir le film retomber plaf! des quatre fers dans la plus fâcheuse moralité moralisatrice (après avoir été plutôt politiquement incorrect, par rapport à la religion notamment, et délicieusement insolent et rebelle) et hop, l'apologie de la famille, de l'amour, et de Dieu, et du statut de père, et hop! God bless America et hissez les couleurs!
C'est trop maladroit pour être intentionnel, il a sans doute voulu trop bien faire, et ça  fait  regretter encore plus ce qu'aurait été le film s'il avait vraiment tenu jusqu'au bout la note vraiment drôle et vraiment acide qu'il avait su mettre en place dès le début. Le glaçage final (moral) le rend juste, au bout du compte beaucoup moins comestible (comme une pâtisserie qui aurait abusé de la crème au beurre.)

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17 août 2014

roadie

MISTAKEN FOR STRANGERS
de Tom Berninger

Puisqu'il ne sort toujours pas en France, j'ai fini par l'acheter (5$, ça va!). Un documentaire réalisé par Tom Berninger, le frère de Matt Berninger, le leader du groupe THE NATIONAL, à propos de... la dernière tournée mondiale de THE NATIONAL, sur laquelle Tom avait été engagé comme roadie (fait engager par son frère Matt) occasion pour lui de tourner un film sur cette tournée, la vie d'un groupe (en tournée), et... (surtout) les relations entre frères, sujet sensible quand le votre est une "rockstar" tandis que vous, à 30 ans, vous ne fichez pas grand-chose de vos journées, ni de votre vie d'ailleurs, et que vous pensez (ou que votre frère, justement, pense) qu'il serait temps que vous fassiez enfin quelque chose, qui pourrait vous aider à avoir confiance en vous, à connaître votre quart d'heure de gloire, bref à la fois à vous légitimer et vous sentir mieux, et ce quelque chose, c'est ce film.
Tom Berninger est le jeune frère de Matt (ils ont 9 ans d'écart). Il est grassouillet, il aime le hard-rock, la bière, les pizza slices, et pense que "le rock indie est une connerie prétentieuse". A l'invitation de son frère de venir bosser sur la tournée (et d'en profiter pour voyager, en même temps), il remplit son petit sac, prend sa petite caméra, et rejoint le staff de THE NATIONAL. On est d'abord étonné de la qualité des images, et, lorsqu'on voit Tom B. à l'écran, avec sa petite caméra à la main (d'accord, au début, il se filme dans un miroir, mais après, tiens qui est-ce donc qui la tient ? -et le générique le confirmera, envoyant des thanks à toute une escouade de cameramen...-  on se dit qu'on va avoir droit à nouveau à un genre de vrai-faux documentaire, comme Le grand'tour, ou, mieux, I'm still here (quand Joaquin Phoenix décide de devenir une star du rap).
Pas tout à fait...
Dans sa première moitié, on est effectivement dans le documentaire, le reportage (même si certaines scènes semblent un poil scénarisées et interprétées), par la mise bout à bout de moments bruts plus (les coulisses, le backstage, les moments pris sur le vif, la scène, les sorties de scène) ou moins (les questions 'on de Tom) intéressants. A un moment (spoiler) Tom se fait virer de la tournée parce qu'il n'a pas assuré (il a bu trop de bières, il a oublié d'acheter du Toblerone, il a perdu la liste des invités sur laquelle figurait Werner Herzog...), et donc il part (jolie séquence, sur fond de Vanderlyle Crybaby Geeks) avec (l)armes et bagages (et la caméra aussi donc.)
Car le film continue. Mais à Cincinatti, retour chez Mom and Dad, pour une petite séance de thérapie familiale light, histoire de reprendre confiance et le cours du film. Et c'est à ce moment que les choses deviennent plus intéressantes (tordues ?) , quand le film abandonne le "reportage sur THE NATIONAL" pour s'élargir (dévier) en un "fabrication du film qui était censé au départ être un doc sur THE NATIONAL".
Le syndrome du "mec qu'on voit tenir la caméra à l'écran pour faire son film et qui ne peut donc pas s'être filmé tout seul" devient celui du "film qui est apparemment terminé puisqu'on est en train de le voir mais dont pourtant on suit toutes les étapes de l'élaboration et du montage, de la mise en forme et même de la projection" et la perspective devient assez vertigineuse.
Et c'est à ce moment que ça en devient vraiment plaisant, et même émouvant. Ce n'est pas facile de vivre dans l'ombre d'un grand frère devenu célèbre, même si c'est juste "famous like that" (geste de Matt B. écartant son pouce et son index d'à peine quelques centimètres) et ce film était pour Tom B. non seulement l'occasion d'exister (même si au départ surtout en tant que "frère de") mais aussi de parler de son frère (mieux, de parler à son frère), en nous donnant l'impression de  plusieurs points de vue en même temps : le sien, celui de la caméra, les instants vrais -ceux du filmeur- (c'est agréable de surprendre l'intimité d'un groupe en tournée, de voir que ces gens vivent quasiment comme vous et moi, qu'ils sont des vrais gens comme vous et moi, qu'ils bossent, qu'ils dorment, qu'ils boivent, qu'ils vont aux toilettes, qu'ils se brossent les dents, qu'il leur arrive d'avoir le trac, de pleurer, de se foutre en colère, qu'ils ont un appartement, qu'ils montent un lit pour héberger leur frère) et les fabriqués -ceux du scénarisateur- (plus ou moins : les questions idiotes, mais aussi les répétitions de gestes qu'il fait faire aux gens soit disant avant de les filmer alors que tout est filmé, ou celles qui sont rejouées mais dont on ne le saura qu'après -comme dit le générique de fin, "dans tout film il faut un Dark Vador"-) . Ce qu'on montre (ce qu'on veut bien montrer). Ce qu'on monte (et la façon dont on le monte). Ce qu'on a l'air de dire (et ce qu'on dit vraiment).
J'adore cette scène , tout à la fin, où Tom, assis devant son ordinateur, en train de monter son film -celui qu'on est en train de voir- est visiblement filmé par son frère, qui lui fait croire que la caméra ne tourne pas, tandis que Tom,lui, cache, avec son bras, sur son moniteur, une photo de son frère (celui qui est en train de le filmer) parce qu'il ne veut pas que l'autre (que le spectateur) puisse la voir, mais qu'il bouge quand même brièvement son bras pour qu'on puisse quand même voir ce qu'en principe il ne voulait pas  montrer, ni à à son frère (celui qui est en train de le filmer en faisant croire qu'il ne le filme pas), ni à nous. Agréablement vertigineux, non ?
Comme si Tom Berninger parvenait in extremis à nous persuader de la légitimité de son entreprise, et des applaudissements qu'elle mérite. De l'émotion, aussi. Avec quelques regrets quand même : en plus de la durée du film (1h14), celui que le thème qui semblait pourtant évident des "frères" (si le film a été fait par le frère du chanteur, le groupe THE NATIONAL est aussi composé, en plus de Matt B., de deux paires de frères, qui sont un peu passés à l'as, et il y avait peut-être là une piste qui n'a pas été suffisamment exploitée, mais, comme le dit un des jumeaux à Tom qui l'interviewe "de toutes façons, tu fais un film sur ton frère, pas sur nous. nous, tout le monde s'en fout...")

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14 août 2014

feux d'artifice en plein jour

BLACK COAL
de Diao Yinan

J'y suis allé deux fois de suite. Parce qu'à la première séance, le jeudi à 20h30, je me suis endormi comme une grosse buse (comme un gros hibou serait plus juste, non ?) après vingt minutes à peine, le genre de sommeil papillonnant qui vous fait fermer les yeux de quelques secondes à beaucoup plus longtemps, vous réveillant de temps en temps juste pour choper une image, un détail au vol, pour replonger ensuite sans rien pouvoir y faire. Très frustrant. car ce que j'ai pu en voir au début, (en clair) à la fin (idem) et au milieu (en tranchinettes, donc) m'a donné vraiment envie de voir le reste, de tout voir, de tout comprendre, tellement je trouvais ça bien.
Black coal (encore une histoire de titre : le titre "international" complet est Black coal, thin ice (Charbon noir, glace fine) alors que le titre chinois est -hasard- celui que j'avais choisi  pour ce post en sortant de la première projection, "Feux d'artifice en plein jour", vous comprendrez pourquoi à la fin du film) est un film étincelant. Comme les patins à glace dont il sera beaucoup question, il est dur, coupant, brillant. Tschak! Il progresse avec ce bruit caractéristique (les bruits, la bande-son, sont très fouillés, très présents dans le film, surtout dans le bôô cinéma où on nous AVAIT MIS LE SON A DOOONF!) et plaisant que produit le frottement du métal sur la glace, et prend de la vitesse, nous emporte, sinue, zigzague, dérape (encore un beau bruit), repart... on est fasciné.
Techniquement, c'est vraiment époustouflant, de bout en bout (je ne suis pas encore remis de cette sublime transition temporelle de 5 ans, juste en faisant sortir une voiture d'un tunnel), le réalisateur empoigne la lumière, les matières, les sons, et même les accessoires (combien de fois aura-t-il fallu retourner la scène pour que cette bouteille de bière envoyée valdinguer d'un coup de pied descende impeccablement les escaliers jusqu'en bas ?) pour nous empaqueter/enrubanner de la façon la plus bluffante cette histoire de cadavre découpé en morceaux et balancé soigneusement aux quatre coins de la province qui nous roule dans la farine dans le charbon dans la neige jusqu'au bout.
Tout ça dans une Chine qui a depuis longtemps abandonné les kimonos et les les dragons d'or, une Chine hivernale, engoncée dans le froid la grisaille et la crasse, une Chine avec des accès de violence furibarde aussi inattendus que terrassants (mais, depuis les récents Touch of sin ou People mountain, people sea on a un peu comme qui dirait l'habitude, oui, Alex, tu peux te cacher les yeux!), une Chine contemporaine où c'est dur surtout pour les pauvres (et il y en a beaucoup) , où il faut gratter un peu de tous les côtés, et se démerder pour tenter de s'en sortir, ou du moins de résister un chouïa, une Chine cinématographique, enfin, où la réalité la plus banale peut soudain devenir inquiétante (des traces de pas dans la neige, une nacelle de grande roue, un camion de charbon),  où des femmes mystérieusement belles vous font passer des billets vous priant d'arrêter de les suivre, où les flics mangent des pastèques en en foutant partout, où l'on dégomme les gens à coups de patins à glace, où on trouve des yeux (de gens) dans sa soupe censément "au boeuf", où un flic peut (re)devenir un ouvrier alcoolo, où on baise dans le froid d'une nuit d'hiver saumâtre, où une simple patinoire peut devenir aussi grandiose que La porte du Paradis...
Je ne sais pas pourquoi ce film me fascine autant.  Put-être parce que tout m'y plait. Les plans-séquences qui prennent leur temps, les quelques scènes de violence, l'économie des mots,  les personnages  plutôt opaques, mais, justement, attachants, dont on n'est jamais tout à fait sûr de comprendre ce qui..., pourquoi..., qu'est ce que... (comme disait Boby Lapointe "on dit que l'amour même sans amour c'est quand même l'amour..."), les lumières chiadées et le son encore plus, les accélérations soudaines du récit, et ses demi-tours au frein à main (sur la neige ça donne de sacrées belles glissades). Peut-être aussi parce qu'il est difficile à étiqueter : des flingues des flics un meurtre une enquête, mais ce n'est ni un polar ni un thriller. pas que. C'est... davantage. Un sacré beau personnage complexe d'ex-flic confronté à un autre sacré beau personnage de femme mystérieuse, et à un autre, encore plus mystérieux, de tueur/tué/mort/pas mort/ par amour et dans l'ombre.
Surtout un splendide objet filmique,jamais complaisant, oui,  un grand beau film incontestable, à ranger sur l'étagère (très haute) où j'ai déjà posé A touch of sin et People mountain, people sea.

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l'affiche qui a été choisie pour l'exploitation française et qui me semble un peu "menteuse", comme si elle voulait évoquer  un mélange de

epouses-et-concubines-20110420092708

et de

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(alors que pas du tout du tout...)

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