LE GRAND PAYSAGE D'ALEXIS DROEVEN
de Jean-Jacques Andrien
Le "film de Nicolas". un film patrimoine, aussi. Une distribution étonnante : Maurice Garrel y est paysan, c'est le frère de Nicole Garcia, le père de Jerzy Radzilovicz ("l'homme de marbre") et le copain de Jan Decleire (une très jolie scène d'oie et de poursuite). Une magnifique chronique paysanne et filiale, sur fond de révolte, de répression, de déchirements inter-communautaires, avec des dialogues de Franck Venaille. Un film brumeux, glaiseux, taiseux, une splendide (re)découverte.
SILS MARIA
d'Olivier Assayas
Un jeu de miroirs à la vache-qui-rit (pour ne pas dire "mise en abyme" comme tout le monde, avec ce y prétentieux) plutôt brillant : Juliette Binoche joue une actrice d'un certain âge confrontée à une actrice bien plus jeune, qui est censée reprendre le rôle qu'elle avait joué à 28 ans, celui d'une jeune fille confrontée à une femme plus agée, tandis qu'elle (l'actrice mûre) reprendrait l'autre rôle (celui de la plus âgée). Mais le personnage de Binoche est secondé par une jeune assistante (Kristen Stewart, fabuleuse) et toutes ces dualités se font écho, magnifiquement, dans ce monde de limousines, chauffeurs, palaces et paparazzi. Pour les germanophiles, on voit aussi passer Hans Zichler (Au fil du temps) et Angela Winkler. Brillant.
LE SEL DE LA TERRE (PP)
de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado
Partir de photos magnifiques, ça aide pour réaliser un documentaire tout aussi magnifique sur l'auteur de ces photos. Wim Wenders s'y colle, et nous parle en français dans ce portrait de Sebastiao Salgado, co-réalisé par le fils de celui-ci, Juliano. On suit chronologiquement le travail de création de Salgado, au fil de ses livres (et engagements) successifs, illustré somptueusement de ses photos, et musiqué majestueusement par Laurent Petitgand. Impressionnant.
LA DUNE
de Yossi Aviram
Niels Arestrup et Guy Marchand en vieux couple, le beau Lior Ashkenazy en joueur d'échecs mutique, un passage-éclair de Mathieu Amalric, Jean-Quentin Châtelain en collègue d'Arestrup (il est flic) : c'est un film d'hommes, incontestablement (et une histoire assez fortement autobiographique, semble-t-il). Emma de Caunes est un peu surnuméraire, mais fort joliment. on a assez vite compris le pourquoi du comment (ou alors je suis hyper intelligent mais ça m'étonnerait), mais ça n'est pas gênant du tout. Touchant.
LEVIATHAN (PP)
d'Andrei Zviaguintsev
Wouah! Pour clôre ce mercredi "en beauté", un film asphyxiant de noirceur et de pessisimisme, mais chronique quasi documentaire de l'état des lieux en Russie aujourd'hui. "Feu de bois, grillades, vodka et tir" (pour résumer un week-end), l'itinéraire d'un homme, en forme d'escalier du malheur (que dévalerait une barrique d'au moins un hectolitre de vodka). Un triangle amoureux inséré une attaque en règle du pouvoir (du fric, de la politique et de la religion). Entre deux parenthèses sublimes de paysages sur du Phil Glass. Glaçant, justement.
BOYS LIKE US (PP)
de Patric Chiha
Un film charmant : les déambulations de trois pédés en Autriche (avec chaussures de marche et valises à roulettes). Trois potes, trois états d'âme : celui qui vient de se faire plaquer, celui qui téléphone à sa psy, et celui qui drague. Celui qui voudrait tout organiser, celui qui cherche son amour perdu, celui qui a envie de baiser. Les "trois mousquetaires" dans une Autriche plus vraie que nature (montagnes, shorts en peau et panneaux d'interdiction). C'est tendre, bien écrit, gentiment vachard, beaucoup plus "léger" que le premier film de Patric C., et ça devrait faire du bien à tous les pédés (aux autres aussi). Un film beaucoup plus fin qu'il pourrait paraître à première vue. Adorable.
HIPPOCRATE (PP)
de Thomas Lilti
Un joli film, encore, sur le milieu hospitalier, très autobiographique. L'arrivée d'un jeune (Vincent Lacoste) interne dans le service de son père (jacques gamblin), qui bosse avec un autre nouvel interne (Reda Kateb) sous les ordres d'une infirmière-chef (Marianne Denicourt) pas forcément commode. La découverte "sur le tas", les erreurs, les relations entre collègues, avec les patients. Du vécu, de l'humain, du vraisemblable toujours, du réalisme idem (le manque de moyens, le principe de rentabilité, la réduction des effectifs, le mépris des gestionnaires envers le personnel médical et soignant...) Beaucoup de tendresse, d'humour, d'émotion, et de sourires aussi. Un film irréprochable.
LA FAMILLE BELIER (A-P)
d'Eric Lartigau
Une très avant-première (le film sortira en décembre). Une belle idée : dans une famille de sourds-muets paysans et fromagers (papa Damiens et maman Viard) une adolescente est la seule parlante et entendante. Elle va au lycée, découvre l'amour, envisage de passer un concours pour intégrer la maîtrise de radio-France, mais elle sert aussi d'interprète et de porte-parole à toute la famille. Le scénario envisage plusieurs pistes (les élections, le petit copain, le frère avec la copine) mais finalement n'en suit qu'une jusqu'au bout, la plus nunuche et la plus attendue : le concours de chant. C'est plaisant à regarder, chacun se donne au maximum (Viard et Damiens sont impressionnants, et la jeunette aussi), mais on ne peut s'empécher de trouver ça un poil démago et sens du poil (et le fait que le réalisateur ne puisse répondre correctement à aucune des questions du public est un peu embarrassant). Gentillet.
3 COEURS (PP)
de Benoît Jacquot
La bande-annonce m'avait plu : Poelvorde entre deux soeurs : Charlotte G. et Chiara M., filles de Catherine D (la reine-mère est impériale, et elle finit par donner faim, à manger comme ça pendant tout le film.)J'ai repensé à ce que Charlie avait dit, il y a très longtemps, en sortant des Ailes de la colombe, du même Benoit J. : "Tout le monde est très beau, très riche, très malheureux..." c'est un peu ça, mais ça fonctionne. Jacquot qualifie son film de "thriller amoureux", et les liens forts tissés entre les personnages dès le départ (qu'ils soient amoureux ou familiaux, ou sociaux) ne peuvent évoluer que vers une issue fatalement fatale. La musique de Bruno Coulais renforce encore ce sentiment d'inévitablité (?), et, en même temps, d'impossiblité à régler "simplement" le conflit. Des violons ombrageux, des étreintes, des mensonges, et même, au coeur de tout cela, un miroir quasiment magique. Passionnel.
BANDE DE FILLES (A-P)
de Céline Sciamma
Encore une avant-première à l'UGC Les Halles (dans la "semaine de la comédie", hum hum...) Le troisième film de Céline Sciamma, qui suit la ligne des deux précédents. Céline Sciamma filme aussi attentivement les demoiselles que je photographie les messieurs.(...) Des filles, comme l'indique le titre, la banlieue, le quotidien, la "petite vie" avec son lot de vexations, d'interdits, d'envies, de révoltes, de désillusions, avec une troupe d'actrices non-professionnelles sidérantes (de naturel, d'énergie de force). En plus, Céline Sciamma a un don inné pour la composition graphique de ses plans (tout comme Para One a le même pour la composition musicale, ici il nous refait quasiment du Steve Reich et c'est TROP BIEN, toutes les scènes musicales sont a tomber tellement ça fonctionne bien -et la larme à l'oeil je vous dis pas...-) Enthousiasmant.
TRAP STREET
de Vivian Qu
Un film étrange qui commence comme une comédie gentillette naturaliste (bien qu'un peu confuse) et vire ensuite au thriller paranoïaque. Chine, terre de contrastes, avec géomètre, rue qui n'existe pas officiellement, femme mystérieuse, laboratoire encore plus mystérieux, police secrète, caméras de surveillance aïe aïe aïe et après on perd un peu pied (le héros aussi, visiblement).
THE SALVATION
de Kristian Evring
Après le western-spaghetti et le western-choucroute, le western-smørrebrød! Un western brutal et consciencieux à la fois. Qui respecte scrupuleusement tous les codes (poncifs ?) du genre, à part le fait que le héros s'exprime parfois dans cette langue mystérieuse. Avec en plus (progrès techniques obligent) des extérieurs nuit(s?) d'une beauté grandiose. Madds Mikelsen est le héros (normal, c'est danois), Eva Green y joue une guérillère mutique (normal, on lui a coupé la langue), et notre oooh aaah Cantona national y joue un desperado ma foi tout à fait honorable (mais un comparse). Saignant
AIMER BOIRE ET CHANTER
d'Alain Resnais
Les critiques louangeaient, les amis qui l'avaient vu m'avaient quasi unanimement refroidi, mais bon, là, à 4€ je ne pouvais pas ne pas tenter l'aventure. Les critiques avaient peut-être raison, mais les amis aussi, et je m' y suis assez copieusement ennuyé. Une fois qu'on a accepté les fantaisies (travelling avant en voiture, dessin du lieu, l'essentiel de l'action en hors-champ, décor en penderillons) répétitives, il ne reste plus qu'a écouter les dialogues des personnages (entre le boulevard et Ionesco) et attendre que le temps passe... Pfouh! Joueur, mais je n'ai pas joué le jeu.
PRIDE (A-P)
de Matthew Warchus
Le coup de coeur, inattendu (et en très gros plan, j'étais au premier rang!) de cette "semaine de la comédie et des avant-premières". Un film comme les britanniques savent parfaitement les faire (Full Monty, Les virtuoses...) avec du social, des affrontements (avec les flics ou d'autres) des engueulades, des tronches, des cup of tea, de l'humour, de la tendresse, des scénes de pub, de manifs, de liesse ou de hargne, bref, deux heures quasiment de bonheur à l'état pur. Un feel very good movie, qui vous laisse, quand les lumières se rallument, à la fois avec les yeux rouges et un sourire béat. So british (well... so welsh!)
BOYHOOD
de Richard Linklater
revu avec Véro et son fils. je trouve ça toujours aussi bien (ficelé) et émouvant
WHITE BIRD (PP)
de Greg Araki
Tiens, un deuxième film avec Eva Green, complètement transformée (elle joue une femme plus vieille que son âge) dans une adaptation (la première me semble-t-il) de Laura Kasischke (d'un roman que je n'ai pas lu, Un oiseau blanc dans le blizzard) dont la narratrice est une adolescente dont la mère a un jour mystérieusement disparu, un récit transposé dans les années 90 avec, Araki oblige, une bande-son furieusement dansante, des jeunes gens torse nu sur la pelouse, des "laissés-pour-compte" (c'est lui qui le dit), Une reconstitution furieusement (délicieusement) maniériste (ou Eva green ne serait pas très loin de la Julianne Moore de The hours). Araki assagi, mais avec le zeste de perversité fantastique de Kasischke.
FLORE (PP)
de Jean-Albert Lièvre
Un documentaire poignant, autour de la mère du réalisateur, atteinte de la maladie d'Alzheimer, le récit d'une expérience (comment lui et sa soeur ont préféré sortir leur mère de l'institution où elle déclinait inéluctablement et la ramener en Corse, dans leur maison familiale, avec toute une équipe dévouée, pour lui permettre de revenir à la vie).
METAMORPHOSES
de Christophe Honoré
Celui-là oh que je l'attendais, et quand on attend trop, on risque d'être déçu. J'en sors et ce fut un peu le cas, je crois. Ce qui est certain c'est que ce n'est pas l'engouement fou, spontané, immédiat, qu'avaient provoqué Les chansons d'amour ou Les bien-aimés. Pan a une très jolie flûte (c'est un FAQV, tout au moins au début, après ce sont plutôt les dames qui paient de leur personne), Jupiter aussi, et ma foi tout ça fait une bonne occase de revoir un peu sa mythologie (et de rêver à ce que ça aurait pu donner vraiment).
PAN PLEURE PAS
de Gabriel Abrantes
Heureusement que j'ai jeté un oeil ce matin dans l'officiel, "au cas où" : il passait justement ce soir (la seule et unique séance de la semaine!) Un programme de trois courts de Gabriel Abrantes, qui me reconcilieraient définitivement avec le Portugal... Qu'on pourrait qualifier de "décalés" ou de "surprenants", de "barrés" : un voleur de viagra dans le premier, un poète portugais dans le second, et tout un aréopage loufoque dans le dernier (dont Edith Scob). Parfois contemporain (mais pas ici) parfois en costumes (mais toujours pas ici) parfois on ne sait ni quand ni où... Idéale cerise sur le gâteau cinématographique de ces dix jours. Mon "jubliatoire" à moi de cette semaine et demie. Délicieux (et improbable).