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lieux communs (et autres fadaises)
24 avril 2023

ariège

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LES ÂMES SOEURS
d'André Téchiné

André et moi, c'est une longue histoire : ving-cinq films, depuis le cultissime -pour moi, mais pas forcément pour tout le monde- SOUVENIRS D'EN FRANCE, en 1975, quand ma cinéphilie gazouillait encore dans son berceau (j'avais 19 ans!). Presque 50 ans rendez-vous compte!
Je l'ai suivi, toutes ces années,  passionnément d'abord, aveuglément, puis au fil des ans (des décennies) avec un peu plus de distance, mais je crois que j'ai vu chacun de ses films dès sa sortie. Les derniers m'ont paru un peu "en-deça" peut-être, enfin n'avaient pas tous provoqué cet effet de sidération enthousiaste qui a accompagné celui-ci.
Téchiné, ça me parle, ça me parle souvent, toujours même, parce que l'Ariège, parce que l'amour (la passion), parce que l'homosexualité, d'abord. Parce que la famille aussi (la relation parent/enfant, ou frère/soeur) parce que, aussi, (surtout ?) un certain grand élan romantique (qui se traduit, musicalement, quand je l'évoque, par la musique bouleversante (les cordes) de Philippe Sarde dans BARROCO -pour moi une des plus belles musiques de film jamais écrite) lyrique et romanesque qui souvent me submerge. M'emporte.
Oui, j'ai beaucoup beaucoup aimé LES ÂMES SOEURS. En sortant de la salle, on était quatre à échanger nos impressions, et personne n'était du même avis : de ++ (moi) à -- (Michelle T. qui s'est déclarée "très déçue"), et deux autres avis intermédiaires venant nuancer (Dominique et Jean-Luc).
De quoi ça parle ? De qui, plutôt ? Un frère (Benjamin Voisin), soldat au Mali, est rapatrié en France où sa soeur (Noémie Merlant) va s'occuper de lui... (en Ariège, bien sûr). Sa soeur est logée par un vieil excentrique (André Marcon) solitaire. Le quatrième personnage "important" est celui de la mairesse du village (Audrey Dana). Non seulement le frère a besoin de soins (sa rééducation a été très longue) mais il souffre d'amnésie.
Et j'ai aimé chaque minute, chaque scène, chaque plan. Non qu'ils soient spécialement extraordinaires ou virtuoses ou... J'ai juste beaucoup aimé cette histoire, et la façon dont elle est racontée. J'ai aimé ce réapprentissage de la vie d'un homme condamné à vivre juste dans le présent (comme dirait Tchekhov “L'incertitude, c'est quand même mieux, il reste un peu d'espoir.). Cette force de l'amour que lui porte sa soeur. Ces problèmes immobiliers (la vieille maison va être vendue, il faut en trouver une nouvelle). Cette longue convalescence. Physique et mentale. Ce propriétaire / voisin qu'on découvre soudain à double face (je suis souvent un spectateur benêt, je l'avoue, et la première scène, avec le manteau de fourrure, m'avait juste laissé plein d'interrogations par rapport justement à ce manteau, la bascule étant pour moi peut-être un peu soudaine). Le jeu fiévreux (et intense) des deux acteurs principaux (Noémie Merlant et Benjamin Voisin). Le mot fiévreux, comme le mot passion ou le mot lyrique semble s'accorder parfaitement au cinéma d'André Téchiné.
J'avais entendu parler du film depuis un certain temps, l'été dernier (ou celui d'avant ?) à l'anniversaire de Marcello, lorsque son fils, Victor, nous avait annoncé que son mariage figurait dans le film -qui s'appelait encore alors Les pieds sur terre- (et c'était une émotion supplémentaire de le voir à l'écran, même si je l'ai attendu longtemps -il arrive très tard dans le film- et cette collision entre le réel et la fiction rendait le film encore plus désirable).
Bref, mystérieusement, (j'ai vraiment du mal à expliquer pourquoi) ce film m'a complètement séduit. Jusqu'à sa toute fin qui nous laisse, délicieusement, (littéralement) entre deux eaux...

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23 avril 2023

stylo quatre couleurs

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DE GRANDES ESPÉRANCES
de Sylvain Desclous

C'est Emma, finalement, qui m'a convaincu. Les films qui traitent de politique politicienne, tactiques, manoeuvres, candidats, premier ministre, Elysée, projets de loi, ENA, magouilles et contre-magouilles, en général ça ne me passionne pas... Là, on est en plein dedans, et pourtant je m'y suis intéressé. Pourtant l'histoire n'est pas a priori follement originale : une jeune fille brillante, pleines d'idées (et sans doute, aussi, d'ambition(s), d'où les grandes espérances du titre) est prise sous son aile par une ancienne secrétaire d'état (ambitieuse elle-aussi), intéressée par son cursus et ses idées, qui l'embauche dans sa garde rapprochée (qu'on pourrait situer, politiquement, plutôt à gauche) devenue députée "Madame la Députée", fait-elle préciser), avec un poste de Madame la Ministre  au bout de la lorgnette.
La jeune, c'est Rebecca Marder, la plus agée c'est Emmanuelle Bercot (toutes deux impeccables), avec, au centre du débat, une usine dont les ouvriers réclament le contrôle plutôt que le démantèlement et les licenciements envisagés. La jeune fille est très forte, et redoutablement pugnace. tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes de la politique politicienne (et on commencerait d'ailleurs un peu à baîller) s'il n'y avait une toute autre histoire qui se mettait en place : celle entre la jeune fille et son cher et tendre (lui aussi, ENA et compagnie, avec en plus un papa très riche, ce que la jeune fille n'a pas) : tout allait bien  dans la politique politicarde jusqu'à ce que, suite à un incident en Corse, qui s'est soldé par la mort d'un autochtone (son copain s'est comporté comme une chiffe molle, c'est elle qui s'est emparée du fusil de l'autochtone, et, un peu par hasard, lui a tiré dessus. Et l'a tué) tout n'aille plus si bien que ça. On met ça dans s poche et son mouchoir par-dessus ? On est deux, on se serre les coudes et on va s'entraider ? Tut tu pouet pouet, que nenni... Et on va suivre les trajectoires soudain divergentes de ces deux tourtereaux politiques, lui incarnant (c'est Benjamin Lavernhe qui s'y colle pour ce rôle peu gratifiant) tour à tour la lâcheté, la couardise, la veulerie, jusqu'à basculer dans la saloperie pure et simple... La blanche colombe et le noir corbeau.
On suit Rebecca Marder de a jusqu'à z, depuis les roucoulades corses du début jusqu'à l'affrontement final, corse lui-aussi... Et elle crée un personnage fascinant, parfaitement ambigu, (elle passe son temps à mentir, c'est une seconde nature chez elle, mais toujours de la plus naturelle -et exquise-des façons), adans ses relations complexes avec son entourage (celle avec son ex-petit ami, celle avec la députée, et, last but not least, celle avec son père (Marc Barbé y est comme d'hab', excellent).
Un film agréable, habile, manipulateur, à l'image de son héroïne, dont on est sûr qu'elle ira loin, la bougresse, avec ses grands yeux candides...

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20 avril 2023

toucher

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BRIGHTON 4TH
de Levan Koguashvili

De fil en aiguille... C'est en venant voir LES ÂMES SOEURS que j'ai appris l'existence de ce film... J'aime bien les réalisateur dont le nom se finit par -Shvili : Kosashvili (MARIAGE TARDIF, CADEAU DU CIEL, Ovashvili (LA TERRE EPHEMERE, KHIBULA, et j'ai même trouvé une réalisatrice : Ekvtimishili (EKA ET NATIA). J'aime le cinéma géorgien (dont le précurseur en france fut ce très cher Iosseliani, même si son nom ne finit par par -shvili : Iosselianishivili?)
BRIGHTON 4TH est très géorgien, même si l'essentiel du film se passe à New-York. Où un père géorgien ex champion de lutte, Khaki (joué par Levan Tedaishvili, un vrai ex-champion de lutte) part à New-York pour voir son fils Soso, qui fait croire à sa famille qu'il fait des études de médecine alors que c'est juste un joueur compulsif, qui vient de jouer et de perdre l'argent pour son futur mariage, et doit de l'argent à des gros mafieux russes pas très aimables du tout...
Le début du film (devant un match de foot anglais) est plutôt surprenant puisqu'il se concentre d'abord sur un premier homme (lémotif gueulard) avant d'en suivre un deuxième (celui qui veut l'affronter), avant de parvenir à Khaki, qui est le vrai héros du film, mais sans qu'on le sache encore...
Match de foot, entraînement de lutte, on est dans un contexte virilo-sportif (sportivo-viril ?) pas du tout désagréable - pour moi en tout cas, je précise que j'ignorais complètement ce que j'allais voir, que les choses soient claires), et je me suis dit que Dominique, à côté de moi, allait peut-être s'ennuyer.
J'aime les films géorgiens, et j'aime les personnages des films géorgiens. Spécialement ceux comme Khaki, un gros nounours qui a l'air très doux, comme ça, qui a le sens de la famille, qui aide son frère, puis son fils, qui paie de ses économies d'abord, de sa personne ensuite...
Un film plutôt mélancolique, mais sans en faire étalage, avec des hommes qui jouent, des hommes qui boivent, des hommes qui se battent et des hommes qui chantent. Un film justement mélancolique (et, bien sûr, mélancoliquement juste). A propos de cet environnement originel, et de celui recréé presqu'à l'identique à des milliers de kilomètres. L'effet diaspora, et les illusions qu'il entretient...
Une belle surprise. pleine de tendresse bourrue (juste comme j'aime, bien sûr).
(et avec de jolis BAB -barbus à bonnets- comme j'aime, tout autant).

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17 avril 2023

porquerolles

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L'ORIGINE DU MAL
de Sébastien Marnier

Ca faisait un moment que j'avais envie de le voir... le programmateur du bôô cinéma nous l'a refusé à plusieurs reprises ("c'est moi qui décide..."), le Festival Téléramuche ne l'avait pas sélectionné, nicht les César, et donc plus que mes yeux pour pleurer. Et voilà qu'il passe sur C*nal+. (et que je peux y accéder) l'aubaine! Et donc je me le mate aussitöt...
Laure Calamy, Dominique Blanc, Dora Tillier, Suzanne Clément, Céleste Brunnquell, Véronique Ruggia Saura... non pas 5 femmes autour d'Utamaro (rien à voir) mais bien six femmes , non pas pour l'assassin, mais autour de Jacques Weber, le patriarche richissime mais qui pourrait ne plus avoir toute sa tête, et dont la fortune en fait saliver plus d'un(e). Six femmes, donc, six "personnages", (l'épouse, la fille, la petite fille, la bonne, la fille cachée, la copine de la fille cachée) dans un film que les critiques ont qualifié de "vénéneux", à juste titre, certain(s) allant jusqu'à le situer entre Chabrol et De Palma, toujours à aussi juste titre.
Un scénario retors, pour un polar pervers, dont on ne peut finalement pas dire grand-chose sans risquer de spoiler. Disons juste que la jeune femme jouée par Laure Calamy, ouvrière dans une usine de poiscail, prend son courage à deux mains pour appeler son père, qui l'a visiblement abandonnée dès sa naissance, et pour le rencontrer...
Et la caméra précise de Sébastien Marnier suit avec attention ce qui pourrait être un genre de combat de mantes religieuses dans un vivarium... En n'oubliant pas de rouler tout de même, c'est de bonne guerre, le spectateur dans la farine de ce qu'il "croit...". Il y aura ainsi, au fil du récit, quelques "surprises" scénaristiques (dont une au moins -la première- que je n'avais pas du tout vue venir) pour ce polar qui n'hésite pas à aller "jusqu'au bout", mais pas forcément -hihi- le bout que vous auriez envisagé (la dernière scène est un modèle d'efficacité).
Tout le casting est au diapason (avec des applaudissements nourris pour toutes ces dames, chacune parfaitement aux petits oignons dans sa performance, mais notre ami Weber, qu'on croirait sorti de la dernière saison de EN THERAPIE, est tout autant digne d'éloges) et, donc, un film hautement recommandable.

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14 avril 2023

cannes 2023 conférence de presse

En compétition officielle:

Club zero par Jessica Hausner

The zone of Interest par Jonathan Glazer

Fallen Leaves par Aki Kaurismaki

Les filles d’Olfa (Four daughters) par Kaouther Ben Hania

Asteroid City par Wes Anderson

Anatomie d’une chute par Justine Triet

Monster par Kore-Eda Hirokazu

Il sol dell’avvenire par Nanni Moretti

La Chimera par Alice Rohrwacher

Kuru otlar ustune (Les herbes sèches / About dry grasses) par Nuri Bilge Ceylan

L’été dernier par Catherine Breillat

La Passion de Dodin Bouffant par Tran Anh Hung

Rapito par Marco Bellocchio

May December par Todd Haynes

Firebrand par Karim Aïnouz

The old Oak par Ken Loach

Banel et Adama par Ramata-Toulaye Sy (Premier film)

Perfect Days par Wim Wenders

Jeunesse par Wang Bing

 

Dans la catégorie Un certain regard:

Film d’ouverture: Le règne animal, de Thomas Caillet avec Adèle Exarchopoulos et Paul Kircher

Los delinctuentes de Rodrigo Moreno

How to have sex de Molly Manning Walker Walker (premier film)

Goodbye Julia par Mohamed Kordofani (Premier film)

Crowrã (The Buriti Flower) par João Salaviza et Renée Nader Messora

Simple comme Sylvain par Monia Chokri

Los Colonos (Les Colones / The Settlers) par Felipe Gálvez (Premier film)

Augure (Omen) par Baloji Tshiani (Premier film)

The Breaking Ice par Anthony Chen

Rosalie par Stéphanie Di Giusto

The new boy par Warwick Thornton

If only I could hibernate par Zoljargal Purevdash (Premier film)

Hopeless par Kim Chang-hoon (Premier film)

Terrestrial Verses par Ali Asgari et Alireza Khatami

Rien à perdre, par Delphine Deloget (Premier film)

Les meutes par Kamal Lazraq (Premier film)

 

Dans la catégorie séances spéciales:

Retratos fantasmas (Portraits fantômes/Pictures of Ghosts) par Kleber Mendonça Filho

Anselm (Das rauschen der Zeit/Le bruit du temps, Anselm Kiefer) par Wim Wenders

Occupied City par Steve Mcqueen

Man in Back par Wang Bing

 

Dans la catégorie Cannes Premières :

Le temps d’aimer par Katell Quillévéré

Cerrar los ojos (Fermer les yeux) par Victor Erice

Bonnard, Pierre et Marthe, par Martin Provost

 

Dans la catégorie Séances de minuit

Omar la Fraise, par Elias Belkeddar

Kennedy par Anurag Kashyap

Acide par Just Philippot

 

Hors compétition:

Killers of the Flower Moon par Martin Scorsese

The Idol par Sam Levinson

Cobweb par Kim Jee-woon

Indiana Jones et le cadran de la destinée (Indiana Jones and the Dial of Destiny) par James Mangold

 

(en rouge, c'est moi qui souligne ce qui me fait envie)

et mon tiercé de tête ce serait
VICTOR ERICE
AKI KAURISMAKI
NURI BILGE CEYLAN

8 avril 2023

les mains dans l'eau la nuit

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AMORE MIO
de Guillaume Gouix

C'est vrai, j'ai un peu insisté pour l'avoir, pour qu'on le programme. Avec en même temps un léger frisson : quand on projette le premier film réalisé par un/une acteur/actrice qu'on aime beaucoup, on risque la désillusion, la douche froide, le tombage de haut (je me rappelle avec tristesse le ratage catastrophique du pourtant très attendu MERVEILLES A MONTFERMEIL de la très aimée Jeanne B.)
Bon, mais là, il s'agissait de mon Guigui d'amour, Guillaume Gouix  (comme acteur, je l'ai à chaque fois beaucoup aimé, pour ne pas dire adoré : GASPARD VA AU MARIAGE, LES CONFINS DU MONDE, ATTILA MARCEL, ALYAH, MOBILE HOME...) donc j'étais plein d'espoir, d'autant plus que les critiques lues caressaient plutôt dans le sens du poil...
Un film "de filles", de soeurs plutôt, Alysson Paradis et Elodie Bouchez. Pourquoi donc Alysson ? je n'ai pas eu à googler très loin pour avoir la confirmation de ce que mon petit doigt m'avait soufflé : parce que c'est sa copine, voilà! Et la paire qu'elle consitue avec Elodie Bouchez (qu'on vient juste de voir en tandem avec Adèle Exarchopoulos, dans le très beau JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES) fonctionne du feu de dieu. Deux soeurs qui se retrouvent à l'occasion d'un enterrement (auquel elles n'assisteront d'ailleurs pas) et qui vont partir en vadrouille, dans la voiture de l'une des deux, avec le fiston de l'autre (la blonde avec les racines, jouée par Alyssa P.) après que son jules soit parti ( "avec la participation de" Félix Marithaud, qqu'on verra juste deux fois). Avec une vague destination : "vers le sud"... Se barrer pour (peut-être) se retrouver.
Le film est tout de suite fascinant (j'ai pensé à Cassavetes, que je ne connais pas très bien, mais au Cassavetes dont se réclamait Jean-françois Stévenin) : parce que filmé dans  ce format presque carré comme pas mal de films qu'on aime (1.33 précise Guigui en interview),  parce que filmé très près, voire très très près, avec une caméra très mobile, pour essayer de coller à ce qui se passe, parce que dialogué de façon assez brute ("nature"), parce que filmé aussi à toute vitesse, jusqu'au bout, sans prendre de gants ni souvent le temps de respirer... C'est une virée, et le réalisateur nous entraîne avec lui, à sa suite (on serait les casseroles attachées à une voiture de mariés, ça roule vite, ça saute, ça s'entrechoque, mais on reste toujours accrochés, même si des fois déstabilisés. Caméra embarquée, voilà, c'est ça.
Un film aussi loin des films de deuil habituels que des road-movies tout aussi habituels. Guillaume Gouix prend le contrepied, sale gosse, fait à sa façon et on aime ça. Le film zizague, déjante, éclabousse, freine parfois brutalement. Mais jamais ne nous perd. Et finit par abandonner ses personnages presque "en lieu sûr". Au soleil. Une magnifique scène de pâtes à l'encre de seiche, avant que de les (nous) laisser sur la plage.
Une très belle réussite. (pourtant, avec mon oreille gauche défaillante, il y a plusieurs scènes où je n'ai pas tout à fait saisi les paroles -ç'aurait été du moldave que je n'aurais pas compris mieux...- sans que ça nuise pourtant à l'immense plaisir que j'ai pris au film.)
Une très belle claque.

 

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7 avril 2023

essence

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HARKA
de Lotfy Nathan

Les hasards de la programmation (et le festival Diversité) font que nous proposons, à une semaine d'intervalle, un second film tunisien où il est à nouveau question d'immolation par le feu, (pour, hélas, juste trois petites séances riquiqui dont deux le même jour, ce qui n'est pas une fenêtre de programmation optimale...) Dommage dommage (mais, comme dit le programmateur "C'est moi qui décide...")
Je restais sur la conversation sibylline que je venais juste d'avoir au téléphone avec Hervé, qui l'avait vu la veille (lui : "on en reparlera plus tard", moi "en général quand on dit ça, c'est pas bon signe...", lui "non non, tu verras...")
Et j'ai compris dès les premières images (et la musique qui les accompagne) : ce film m'a tout de suite enthousiasmé, vraiment, avant de m'atomiser (ou quelque chose du genre, fortement secoué, en tout cas) dans le climax de sa dernière scène (que je connaissais pourtant, à laquelle je m'attendais). Terrifiante. Implacable.
Un film qui, chronologiquement, pourrait se situer juste avant l'impressionnant ASHKAL, projeté il y a peu.
L'histoire du jeune Ali, qui était parti ailleurs pendant trois ans mais qui revient pour s'occuper de ses soeurs, à la mort de son père. Qui survit en faisant de petits boulots (il vend de l'essence au détail), mais qui galère de plus en plus. il a besoin de plus d'argent, parce que la banque les met en demeure de rembourser un prêt contracté par le père sous peine d'expulsion, et ne va trouver que les moyens illégaux pour ramasser un peu de flouze. En se heurtant à chaque fois à la corruption généralisée qui fleurit (surtout chez les flics, mais, visiblement, pas que.)
Asphyxiant. Le film tout entier est à l'image de son jeune personnage principal (et de l'impressionnant acteur qui l'incarne) : tendu, serré, sec, hargneux presque dans cette volonté de réussir à faire quelque chose pour s'en sortir... Exister.
Mais le film n'est pas juste qu'un portrait ou un documentaire social. c'est bien plus. Et, en même temps, toujours plastiquement superbe. Simplement extraordinaire. Le jeune acteur a gagné un prix d'interprétation masculine (section Un certain regard) à Cannes 2022. Le réalisateur a, me dit allocinoche, réalisé avant juste un documentaire (non sorti chez nous), mais on a vraiment envie d'avoir très vite de ses nouvelles...
Enthousiasmant.

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6 avril 2023

cousu de fil doré

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LE BLEU DU CAFTAN
de Maryam Touzani

Vu juste après JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES (l'enchaînement est même un peu juste, puisque j'ai manqué la première minute du film), ce beau film en a sans doute un peu pâti. Un triangle amoureux entre un mâalem (un maître) en broderie, son épouse, et son nouveau (et très joli) nouvel employé. Ca démarre plan-plan. Le mari cache un secret "honteux" (il va régulièrement au hammam pour faire des choses que la morale réprouve, son épouse quand à elle est malade, appren-on vite, mais beaucoup plus gravement que ce qu'on pensait, et elle a, au début, encore la force de s'opposer à la romance naissante (farouchement pudique, juste à base d'échange de regards brûlants) entre les deux mâles, le maître et l'apprenti...
On parlera beaucoup chiffons. Il est beaucoup question de tissus (ah le coupon de satin rose...), de fils, de broderies, de mesures,  de finitions (notamment ce caftan bleu sur lequel Halim travaillera pendant tout le film). Bref on parle boutique (normal, on y est!) avec en doublure de ce tissu chamarré et un chouïa folklorique, les mal-être(s) et les non-dits du trio, (les deux zigotos et la zigota.) Sur cette trame de parfait mélo (le secret honteux, la maladie qui ronge, l'amour "interdit") la réalisatrice a construit un film délicat, dont il faut, au début, avoir la patience de suivre les lenteurs (les langueurs ?). C'est joliment dit, délicatement montré (je réutilise à dessein le mot délicat) et il arrive qu'on ait le sentiment parfois de faire un peu du sur-place (mais, en amour comme en maladie les choses ne sont jamais très faciles...).
Le film, progressivement, se déplace de la boutique vers l'appartement, à petits pas, jusqu'à une très belle (la plus belle du film, en tout cas, pour moi) scène de danse à la fenêtre, d'abord pour faire chier la voisine acariâtre, qui devient danse à trois, solaire, somptueuse où des choses sont dites sans qu'aucun mot ne soir prononcé... (je m'aperçois -tiens donc- que c'est cette scène qui est reproduite sur l'affiche).
Je suis moins séduit par la partie finale (qui appuie fort sur la pédale -si je puis me permettre d'utiliser cette métaphore automobilistique- du pathos et des larmes) et qu'on voyait un peu venir à des kilomètres, mais bon, si elle peut permettre que se mette en place cette image finale (deux mecs assis en terrasse -en tout bien tout honneur-) alors ok je veux bien l'accepter.

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Le-Bleu-du-Caftan--Visuel-7-©Les-Films-du-Nouveau-Monde-Ali-n-Productions-Velvet-Films-Snowglobe-1920x1036

 

5 avril 2023

bâton de parole

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JE VERRAI TOUJOURS VOS VISAGES
de Jeanne Herry

J'ai vraiment adoré ce film. (J'ai repensé aux BUREAUX DE DIEU, de Claire Simon, que j'avais adoré aussi, un film qui fonctionne (un peu) sur le même principe : une "institution" (là le Planning Familial, ici la justice restaurative -j'avoue que j'ignorais complètement jusque à que ça existait-), et une palanquée d'actrices/teurs connu(e)s pour défendre le sujet.)
Miou-Miou, Adèle Exarchopulos, Leila Bekhti, Elodie Bouchez, Suliane Brahim côté dames, et, en face, Dali Benssallah, Gilles Lellouche, Jean-Pierre Darroussin, Fred Testot, Birane Ba, sans oublier la "participation" de Denis Podalydès... dans deux histoires (illustrations) différentes, en rapport avec, justement, la justice restaurative : celle d'une jeune fille qui, enfant, a été violée par son frère, et celle d'un groupe de rencontre entre auteurs de hold-up et victimes d'agressions.
Comme dans le film de Claire Simon, on suit les intervenants à la fois sur le terrain, mais aussi dans leur vie privée, "extérieure".
C'est très bien joué, très bien construit (le rythme ne faiblit pas, et, signe, je n'ai pas fermé l'oeil une demi-seconde!). C'est vrai qu'on a plus que grand plaisir à voir évoluer ces personnages (et les acteurs qui les incarnent) (on peut parler de film choral). Au début, au vu de l'affiche, on se demande qui sera dans quelle équipe (les agresseurs / les victimes), après avoir vu la bande-annonce on est déjà un peu plus fixé, mais on peut se tromper quelquefois (comme Miou-Miou en voiture la première fois qu'elle voit Gilles Lellouche et qu'elle refuse de répondre à son bonjour... Lellouche en victime, c'est une bonne idée). On ne peut que féliciter l'intégralité du casting, en précisant -mais était-ce justement nécessaire de le préciser ?- combien une fois de plus Adèle Exarchopoulos est, une fois de plus, grandiosement excellente (rendez-vous aux César 2024 ?  Je l'espère de tout mon coeur.) Mais on ne peut pas ne pas y associer sa partenaire de combat, Elodie Bouchez, toujours aussi magnifiquement radieuse.
J'ai trouvé ça passionnant d'un bout à l'autre. Et je réitère donc l'enthousiasme ressenti à la vision de son précédent PUPILLE (). Avec aussi un minusculissime bémol : le côté très très youp la boum de la fin, peut-être un peu excessif mais bon ça fait tellement de bien!!!
Un film que je sais que je reverrai avec beaucoup de plaisir.
TOP 10?

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 (logiquement je devrais mettre des photos de TOUS les actrices/teurs)

4 avril 2023

identification d'une femme

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DALVA
de Emmanuelle Nicot

Je croyais que c'était une adaptation du DALVA de Jim Harrison. Pas du tout. Il s'agit d'un scénario original, et d'un premier film. D'une jeune réalisatrice, Emmanuelle Nicot. Un film puissant. Un truc qui cogne. Ici on aime le cinéma belge, on lui consacre même une Semaine dès que ça nous est possible. Le cinéma belge, en général, ça ne prend pas de gants, ça ne s'embarrasse pas de salamalecs ni de ronds-de-jambe, c'est franco, c'est cash, que ce soit dans la trashitude de l'humour noir, oiu dans la noirceur du constat (social, en général).
Ici on est dans le registre "social" : on va suivre une gamine (12 ans) attifée et maquillée comme une femme, qu'on enlève à son père (qui part en prison pour inceste) et qu'on place en foyer. De la difficulté de s'adapter et d'échapper progressivement à l'emprise de son géniteur (Jean-Louis Coulloc'h, très impressionnant, en juste deux scènes), grâce à l'aide d'un éducateur attentif qui mouille le maillot (Alexis Manenti, excellent) et va aider la gamine (incarnée par la nouvelle venue Zelda Samson, qui est totalement sidérante). Grâce aussi à sa voisine de chambre, une grande black pas commode (mais, en fin de compte, pas si pas commode que ça...) l'ambiance générale (la vie au foyer) fait refleurir le souvenir du délicat (et mémorable) MA VIE DE COURGETTE.
Comment redevenir une "simple jeune fille", repasser du statut de Barbie (d'objet de fantasmes) à celui de vraie personne.C'est quoi l'amour ? Sur un sujet casse-gueule (et aussi dérangeant que brutal) la réalisatrice réalise (réussit) un film plus qu'attachant. Impeccable. Et tout le monde participe au succès de l'entreprise.

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