ariège
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LES ÂMES SOEURS
d'André Téchiné
André et moi, c'est une longue histoire : ving-cinq films, depuis le cultissime -pour moi, mais pas forcément pour tout le monde- SOUVENIRS D'EN FRANCE, en 1975, quand ma cinéphilie gazouillait encore dans son berceau (j'avais 19 ans!). Presque 50 ans rendez-vous compte!
Je l'ai suivi, toutes ces années, passionnément d'abord, aveuglément, puis au fil des ans (des décennies) avec un peu plus de distance, mais je crois que j'ai vu chacun de ses films dès sa sortie. Les derniers m'ont paru un peu "en-deça" peut-être, enfin n'avaient pas tous provoqué cet effet de sidération enthousiaste qui a accompagné celui-ci.
Téchiné, ça me parle, ça me parle souvent, toujours même, parce que l'Ariège, parce que l'amour (la passion), parce que l'homosexualité, d'abord. Parce que la famille aussi (la relation parent/enfant, ou frère/soeur) parce que, aussi, (surtout ?) un certain grand élan romantique (qui se traduit, musicalement, quand je l'évoque, par la musique bouleversante (les cordes) de Philippe Sarde dans BARROCO -pour moi une des plus belles musiques de film jamais écrite) lyrique et romanesque qui souvent me submerge. M'emporte.
Oui, j'ai beaucoup beaucoup aimé LES ÂMES SOEURS. En sortant de la salle, on était quatre à échanger nos impressions, et personne n'était du même avis : de ++ (moi) à -- (Michelle T. qui s'est déclarée "très déçue"), et deux autres avis intermédiaires venant nuancer (Dominique et Jean-Luc).
De quoi ça parle ? De qui, plutôt ? Un frère (Benjamin Voisin), soldat au Mali, est rapatrié en France où sa soeur (Noémie Merlant) va s'occuper de lui... (en Ariège, bien sûr). Sa soeur est logée par un vieil excentrique (André Marcon) solitaire. Le quatrième personnage "important" est celui de la mairesse du village (Audrey Dana). Non seulement le frère a besoin de soins (sa rééducation a été très longue) mais il souffre d'amnésie.
Et j'ai aimé chaque minute, chaque scène, chaque plan. Non qu'ils soient spécialement extraordinaires ou virtuoses ou... J'ai juste beaucoup aimé cette histoire, et la façon dont elle est racontée. J'ai aimé ce réapprentissage de la vie d'un homme condamné à vivre juste dans le présent (comme dirait Tchekhov “L'incertitude, c'est quand même mieux, il reste un peu d'espoir.” ). Cette force de l'amour que lui porte sa soeur. Ces problèmes immobiliers (la vieille maison va être vendue, il faut en trouver une nouvelle). Cette longue convalescence. Physique et mentale. Ce propriétaire / voisin qu'on découvre soudain à double face (je suis souvent un spectateur benêt, je l'avoue, et la première scène, avec le manteau de fourrure, m'avait juste laissé plein d'interrogations par rapport justement à ce manteau, la bascule étant pour moi peut-être un peu soudaine). Le jeu fiévreux (et intense) des deux acteurs principaux (Noémie Merlant et Benjamin Voisin). Le mot fiévreux, comme le mot passion ou le mot lyrique semble s'accorder parfaitement au cinéma d'André Téchiné.
J'avais entendu parler du film depuis un certain temps, l'été dernier (ou celui d'avant ?) à l'anniversaire de Marcello, lorsque son fils, Victor, nous avait annoncé que son mariage figurait dans le film -qui s'appelait encore alors Les pieds sur terre- (et c'était une émotion supplémentaire de le voir à l'écran, même si je l'ai attendu longtemps -il arrive très tard dans le film- et cette collision entre le réel et la fiction rendait le film encore plus désirable).
Bref, mystérieusement, (j'ai vraiment du mal à expliquer pourquoi) ce film m'a complètement séduit. Jusqu'à sa toute fin qui nous laisse, délicieusement, (littéralement) entre deux eaux...