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lieux communs (et autres fadaises)

23 juin 2023

au nom de l'amitié que je te porte...

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L'AMITIÉ
d'Alain Cavalier

(revu)
La première fois c'était sur l'écran de l'ordi, là c'était dans le bôô cinéma. j'avais trouvé ça un peu longuet au départ, mais c'est sans doute parce que c'était sur un petit écran, que ça ne "respirait" pas suffisamment. Ca fait belle lurette que le cinéma d'Alain Cavalier m'intéresse, voire me passionne, depuis qu'il a sa petite caméra dv à la main et qu'il filme tout ce qui bouge (ou qui, justement ne bouge pas : les choses).
Trois portraits par petites touches de trois amis très différents, chacun dans leur lieu de vie, introduits très simplement, juste comme ça, sans nom, sans numéro de chapitre. on passe de l'un à l'autre, simplement. Boris Bergman, d'abord, un des paroliers attitrés de bashung (Vertige de l'amour, qui tient particulièrement à coeur à Alain C., c'est lui), ils se connaissent depuis un bail, depuis un projet de film d'Alain cavalier sur Bashung et Bergman (non daté), qui ne s'est jamais fait.
Le deuxième c'est Maurice Bernart, l'homme qui a produit THERESE, en 1986 (on apprend que le -petit- pourcentage accordé par contrat à Cavalier sur les droits lui avait permis à celui-ci de financer ses films suivants pendant un certain temps...)
Le dernier c'est Thierry Labelle, qui a joué dans le magnifique LIBERA ME, en 1993. Et dont ce fut l'unique expérience cinématographique.
Un film de gens, de mots, d'échanges, de souvenirs, de rires aussi,  de regards-caméras, de discrétion le plus souvent, mais parfois pas ("Je préfèrerais que tu ne filmes pas ça..." dira Maurice à Alain au moment où il s'apprête à cirer ses chaussures, et Alain arrêtera de filmer), de respect donc.
Les trois amis de Cavalier, donc, dont on comprend par fragments pourquoi ils sont chers à son coeur, mais également leurs femmes, épouses, compagnes, qui apparaîtront plus ou moins selon qu'elles auront accepté ou non d'être filmées. Celle de Boris Bergman qui est japonaise et dont je n'ai pas réussi à retrouver le prénom malgré d'intensives recherches, (elle est pourtant citée à l'égal de son mari sur les jolis cartons au pastel du générique de fin), celle de Maurice Bernart qui s'appelle Florence Delay et est écrivaine, et celle de Thierry labelle qui s'appelle Malika et dont on n'entendra que la voix...
Intimité, pudeur, vie privée, pour chacun des trois portraits Cavalier a ajusté plus précisément les curseurs.
Et c'est aussi réussi que touchant.

“J’ai intensément partagé le travail cinématographique avec certains, jusqu’à une amitié toujours vive. Filmer aujourd’hui ce lien sentimental est un plaisir sans nostalgie. Nos vies croisées nous permettent cette simplicité rapide de ceux qui ne se racontent pas d’histoires, qui savent être devant ou derrière la caméra, dans un ensemble de dons et d’abandon au film.” Alain Cavalier

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21 juin 2023

ouvrir les placards

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WAHOU!
de Bruno Podalydès

On devait l'avoir en sortie nationale, et tout... et pfuit! il a disparu dans les limbes (de là à penser que le programmateur n'a pas fait le taf... moi je dis ça je dis rien hein)
Je suis donc allé à Besac où il était effectivement en sortie nationale.
(mine de rien, presque deux semaines déjà se sont écoulées depuis que j'ai écrit le titre de ce post, et je m'aperçois que je n'ai quasiment rien écrit d'autre.
Que j'ai encore plein d'autres posts en retard (parce que je vois trop de films, voilà).
Je serai bref donc.
Bruno Podalydès on l'aime, et ce depuis VERSAILLES RIVE GAUCHE (1991), et on a programmé / vu tous ses films qu'on aime tous, certains un peu plus, d'autres un peu moins, d'autres énormément voire à la folie, mais aucun pas du tout. C'est l'amour au beau fixe, avec le cinéma de Bruno Podalydès (et sa troupe d'habitués), et ça tombe bien puisque c'est de ça qu'il parle souvent : l'amour. Souvent, très souvent, sauf que là, paf! un peu moins que d'habitude (ou d'une autre façon), puisqu'il sera (surtout) question d'immobilier, de deux agents de l'agence Wahou!, et de deux bien à vendre : une maison "de cachet" et un appartement flambant neuf dans un immeuble "du triangle d'or de Bougival". Les visites vont se succéder, d'un côté comme de l'autre, et être l'occasion de scènes plus ou moins pittoresques mais toujours bon enfant. Avec donc, comme d'hab' pléthore de comédiens (des habitués et des nouveaux).
Sympathique, très. (Je vais ouvrir les portes des placards, et je vais téléphoner à mon mari... vous comprendrez quand vous aurez vu le film.)

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20 juin 2023

la baballe à malabar

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CHIEN DE LA CASSE
de Jean-Baptiste Durand

J'y suis revenu pour être sûr. Dernier jour, dernière séance (on n'était même pas autant que les doigts de la même) pour ce film que je confirme être un des meilleurs vus cette année (et je suis abasourdi de constater que personne d'autre, parmi ceux questionnés à la dernière réunion, mais pas seulement, n'était allé voir, oui abasourdi). Mais c'est comme ça, et je comprends parfaitement que les gens ont autre chose à faire dans la vie qu'aller au cinéma (contrairement à moi).

Je vous remets le lien pour la bande-annonce
(que je n'avais pas vue, et que je trouve vraiment adaptée au film)

Je confirme que le film mérite le top 10, et que -même si Anthony Bajon et Galathea Bellugi sont parfaitement magnifiques- c'est Raphael Quenard qui étincelle (si ce mec n'est pas nommé aux prochains César, c'est à désespérer)

j'ai été encore plus sensible que la première fois au STG, qui est vraiment... patent, mais toujours avec une certaine délicatesse (on n'est pas dans L'HOMME BLESSÉ eh oh)
pour faire des copies d'écran, j'ai re-regardé le très beau making-of de Thibaut Bayard et Hugo David, en 4 parties, que trouveront sur y*utube les ceusses qui voudron s'en donner la peine (le premier, ) et que je trouve aussi touchant que le film lui-même (mais purée sur le tournage ils ont eu l'ai de bien se cailler hein)

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(en espérant de tout mon coeur retrouver CHIEN DE LA CASSE au prochain festival Téléramuche)

17 juin 2023

stats

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avec 2 photos de plus, ça faisait 3 chiffres ronds!

16 juin 2023

nous l'aimons tant glenda

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(1970)

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(1969)

*

Glenda Jackson est morte ce 15 juin, à 87 ans.
Son nom ne dira sans doute pas grand-chose à beaucoup de gens.
Elle fut une actrice, britishissime, comme sa compatriote Susannah York (avec qui je la confondais un peu d'ailleurs), dans les années 70, avec deux films-phares : LOVE (WOMEN IN LOVE) de Ken Russel et surtout l'extraordinaire SUNDAY BLOODY SUNDAY (UN DIMANCHE COMME LES AUTRES) de John Schlesinger.
Et, plus curieux, aussi, dans un film-fantôme (pour moi), sorti en 1973, TRIPLE ECHO, de Michael Apted, que j'ai toujours voulu voir et que je n'ai jamais réussi à. (une histoire de soldat qui se travestit en femme pour ne pas aller combattre, si je me souviens bien). Mais je ne désespère pas d'y arriver un jour...

Mais elle fut aussi (j'allais dire surtout) l'héroïne d'une nouvelle de (ce très cher) Julio Cortazar, publiée en 1980, dans le recueil du même nom...

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ce qui la rend donc doublement chère à mon coeur.

 

16 juin 2023

bondieuseries?

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NUMERO 10
de Alex Van Warmerdam

(sortie prévue 30 août 2023)

(entregent / prévisionnement GNCR 3) Le retour du grand méchant Alex VW., dont on était sans nouvelle depuis LA PEAU DE BAX (2015) et BORGMAN (2013) ce qui commençait à faire un petit bail. Deux opus assez malaisants qui laissaient craindre pour celui-ci, d'autant plus que le réalisateur confie en interview qu'il est "de plus en plus méchant".
On pourrait dire qu'il y a deux films pour le prix d'un : d'abord ce qui se passe sur terre (une histoire très terre-à-terre justement, dont on ne devinera pas le "vrai" héros tout de suite, une histoire de troupe de théâtre (qui monte une pièce "moderne") d'adultère au sein de ladite troupe, de rivalités masculines découlant dudit adultère, avec pourtant des événements -et des personnages- un peu surprenants dont dont on ne saisit pas tout de suite le rapport qu'ils ont avec notre héros (ça y est on l'a identifié c'est le barbu) avant que le film , enfin, le scénario du film, ne fasse un genre de demi-tout au frein à main, en nous embarquant ailleurs, pour nous raconter sensiblement autre chose... Et on peut compter sur la folle imagination du sieur Van Warmerdam pour nous emmener loin (ce qui est une drôle de coïncidence, c'est d'avoir vu ce film pas très longtemps après ON DIRAIT LA PLANETE MARS, avec qui, étrangement, il présente quelques similitudes...) avec une scène finale particulièrement plaisante...

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15 juin 2023

la guerre du feu

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PARADISE
de Alexander Abaturov

(sortie prévue le 30 aoüt 2023)

(entregent / prévisionnement GNCR 2). Un documentaire yakoute pour le visionnement duquel j'ai dû m'y reprendre à plusieurs fois (mais le film n'y est pour rien.). Il est question d'incendies gigantesques qui ravagent le pays, dont le pouvoir politique se désintéresse complètement, laissant les habitants se démerder par leurs propres moyens... c'est à eux -et à leur lutte contre le "dragon" que le réalisateur va -passionnément- s'attacher. Je précise qu'il me semble impératif de voir le film au cinéma, sur grand écran, dans des conditions de projection qui feront honneur à la force, à la beauté, à la simplicité, à la splendeur, à la poésie de la réalisation...

" Interview du réalisateur Alexander Abaturov

Comment est née l’idée du film ?
L’idée m’est venue au cours de l’été 2016 alors que je travaillais sur mon film LE FILS. Nous filmions le rituel du solstice d’été, avec un grand feu. C’était la dernière séquence du tournage. Il me semble que PARADIS en était la suite naturelle. Quand l’idée a surgi en 2016, je ne m’y suis pas attelé tout de suite, car je devais d’abord terminer LE FILS. Ensuite ont suivi plusieurs années de recherches et de réécritures du projet. J’ai préparé pendant longtemps ce film qui mijotait, mutait, se transformait dans ma tête. Mon idée de départ n’avait rien de très précis, mais je savais que je voulais parler des incendies et des feux de forêt sous leur forme extrême. Ce qui m’intéressait n’était pas tant de filmer des pompiers professionnels que de raconter l’histoire de gens ordinaires luttant contre les feux de forêt. Lors de mon voyage en Yakoutie (ou république de Sakha), j’ai été témoin des efforts des locaux dans la lutte contre les incendies, parce qu’on les avait abandonnés à leur sort et laissés se débrouiller seuls. Cela m’a beaucoup impressionné.
En 2019 et 2020, j’ai fait des repérages en Sibérie ; le tournage en lui-même a eu lieu l’année suivante. J’ai pu me rendre en Sibérie, en Yakoutie, malgré les différents confinements et la pandémie. Et c’est en juillet 2021 que notre équipe est allée filmer sur place. Ça n’a pas été facile, car les restrictions liées au COVID-19 étaient encore en vigueur, mais nous avons réussi à faire le voyage et nous sommes restés à Shologon pendant 4 semaines environ.

Comment avez-vous découvert le village de Shologon où se déroule l’histoire ?
Un feu de forêt est une créature imprévisible. On ignore quand, où et comment il va se propager, car il se déplace sans arrêt, ce qui ajoute une inconnue à l’équation. Cette imprévisibilité nous donnait vraiment l’impression de courir après le Dragon. C’est sans doute cet aspect qui présentait le plus grand défi, car je ne pouvais rien contrôler. Alors nous avons mis en place une stratégie. Après avoir défini un secteur très large touché par la sécheresse et la canicule (les principaux facteurs aggravants des feux de forêt), nous nous sommes concentrés sur un petit village pour y chercher des personnalités intéressantes et y suivre les événements.
Des journalistes locaux nous ont donné des informations sur certains lieux dans la région. C’est l’une des journalistes, Elena, qui m’a parlé de Shologon. Plusieurs villages étaient menacés par les incendies, mais je n’étais pas en quête de la zone la plus exposée au danger. Ce qui m’intéressait, c’était l’endroit lui-même. Sa description de Shologon m’a intrigué : elle m’a raconté que c’était le plus petit village de la région, que la route n’allait pas plus loin. On y trouve aussi bien des personnes âgées que des jeunes qui se teignent les cheveux. L’ambiance y est ancestrale, avec un goût d’éternité, et en même temps il a une dimension très futuriste

Vous avez parlé du feu comme d’une créature imprévisible. Dans le film, de nombreux habitants du coin le voient comme une entité bien vivante. Certains l’appellent même le Dragon. Le feu rugit, traverse les bois et échappe sans cesse aux humains. Pourriez-vous nous raconter comment cette vision des choses a orienté vos choix artistiques en tant que réalisateur, ainsi que le montage du film ?
Je me souviens avoir été touché par la manière dont les gens du coin parlaient d’un feu de forêt. Le feu dort la nuit, il s’éveille, il s’enfuit, nous allons l’attraper. Il était toujours là et on en parlait constamment : de ça, de « lui », de cet être vivant. À mes yeux, c’est une merveilleuse manière de percevoir le monde qui nous entoure, d’appréhender le feu. Si l’émotion que cela a provoqué chez moi se retrouve dans le film, c’est tant mieux.
Le feu est aussi un personnage du film. Je voulais éviter de me montrer trop explicite dans ma représentation d’un feu de forêt. Je ne souhaitais pas verser dans le sensationnalisme en recourant trop souvent aux images dramatiques d’un incendie géant – bien qu’elles ne soient pas complètement absentes du film. Ce qui m’aiguillonnait,c’était de créer la présence du feu, le sentiment d’une menace grondant derrière la fumée, toujours plus proche. Quand on sait qu’il est là, qu’on le sent, mais qu’on ne perçoit pas encore l’immensité des flammes dans leur totalité.

Le son est aussi une manière d’aborder l’univers du film. Comment vous êtes-vous servi du son pour façonner cette expérience sensorielle fascinante, celle d’être encerclé par un feu omniprésent sur le point de vous rattraper, comme lors d’une catastrophe imminente ?
J’adore travailler avec le son, c’est certainement l’un des aspects que je préfère dans la fabrication d’un film. J’y consacre énormément de temps, et c’était formidable de pouvoir collaborer avec Myriam René sur ce projet. Je dis toujours que l’image est le corps d’un film, tandis que le son est son âme, son esprit. On ne peut ni le voir ni le toucher ; pourtant, il a quelque chose de tangible et on doit pouvoir le sentir. L’une des décisions importantes sur le film a été de ne pas utiliser de musique dans les scènes de danger. Quant au son du feu lui-même, au lieu de l’enregistrer en direct,
Myriam l’a sculpté. L’enregistrement sur place n’aurait fait entendre que des craquements et des grondements. Il estdifficile de capter le bruit du feu (ou du vent), on reste prisonniers du micro qui nous pose des limites.
Alors on a sculpté le son.
Pour la musique et pour le personnage du dragon, nous avons travaillé avec les musiciens des Percussions de Strasbourg, qui jouent de mille et une façons avec toutes sortes d’instruments à percussion. Sans vouloir trop en révéler, je peux vous dire qu’en frottant des instruments d’une certaine manière, on obtient une vibration, un grondement des membranes. Ces effets sonores sont presque aussi imprévisibles que les feux de forêt eux-mêmes. Avec ces vibrations des membranes des tambours, nous voulions évoquer quelque chose de physique. Je me souviens très bien du moment de l’enregistrement à Strasbourg, quand j’ai entendu ces sons pour la première fois. Rien que d’en parler, j’en ai la chair de poule. J’ai pensé à ce moment-là : « Ça y est, on tient notre Dragon ! » Après l’avoir mis en boîte avec d’autres créations sonores des Percussions de Strasbourg, trois musiciens et compositeurs français, Benoît de Villeneuve, Benjamin Morando et Delphine Malausséna, ont pris le relais. On a appelé le résultat du « futurisme tribal ». C’est là que la magie a commencé.
J’ai décidé de ne pas utiliser de musique traditionnelle yakoute ni de chant de gorge. Notre choix s’est porté sur les tambours et les instruments à percussion. C’est un patrimoine partagé : dans le monde entier, les humains ont toujours joué des percussions. Elles existent partout, dans toutes les cultures. Tout comme le feu, qui a permis à l’humanité d’être ce qu’elle est. L’usage de musique traditionnelle ou « ethnique » me paraissait trop attendu. L’idée n’était pas de poser un regard exotique sur les personnes filmées, mais de montrer ce que nous avons en commun avec elles.

Les habitants semblent avoir un rapport particulier à la nature, fait d’affection et de patience. Ils ne cherchent pas à dompter les feux de forêt en les éteignant à tout prix, mais plutôt à les tenir à distance jusqu’à l’arrivée de la pluie. Ils comprennent, sans doute, l’impossibilité d’en venir complètement à bout avec les ressources et les effectifs dont ils disposent. Pourtant, on a la sensation que leur conception du monde joue aussi un rôle. Pourriez-vous nous donner votre avis sur la question, et nous dire comment vous avez
traduit cette impression dans le film ?
En Yakoutie, il ne fait aucun doute que le lien avec la nature n’a pas été rompu. Ils sont païens et animistes. Loin du christianisme, de l’islam ou du bouddhisme, la première forme de religion était l’animisme. C’est une croyance selon laquelle, dans la nature, chaque chose est un être vivant ; l’être humain n’y a rien d’un petit dieu qui contrôle tout, il n’est qu’un élément dans un grand tout. De nos jours, avec le développement des sensibilités écologiques, il y a un certain retour à cette vision des choses (toutes proportions gardées), selon laquelle tout fait partie du vivant, y compris nous, les êtres humains.
Par ailleurs, il faut comprendre que les habitants n’ont pas forcément choisi ce rôle de protecteurs de la forêt. Ils ont fait de leur mieux pour l’endosser, parce qu’il n’existait aucun système fonctionnel permettant d’enrayer la propagation des incendies et de les étouffer quand il était encore temps. La population a dû se mobiliser seule pour défendre sa terre natale parce que l’État l’a abandonnée. À la crise écologique s’ajoute une gestion gouvernementale calamiteuse, qui reflète bien l’approche coloniale que Moscou a toujours eue envers certaines régions comme la Sibérie. Il faut aussi songer qu’avec la crise climatique galopante, les règles du jeu ont changé. Les approches et méthodes ancestrales ne sont plus forcément adaptées pour affronter la catastrophe. Les feux de forêt peuvent-ils jouer un rôle régénérateur pour les écosystèmes ? D’une certaine manière, ils ont toujours fait partie du cycle de la vie ; mais aujourd’hui, sous la pression des activités humaines, ils se sont mués en force destructrice. Désormais, il y a tout simplement trop d’incendies, et les étés sont bien trop longs pour une région comme la Sibérie. Chaque année, c’est la sécheresse et si ce n’est pas la sécheresse, les inondations qui sont l’autre face d’une même situation. Alors, oui, les feux de forêt font partie d’un cycle naturel, mais l’équilibre a été brisé, et pour beaucoup d’habitants, c’est toute leur existence qui est en jeu. Je ne suis pas spécialiste en sciences de l’environnement, mais j’imagine que la planète et la nature trouveront toujours un moyen de s’adapter au changement. Pour les êtres humains, c’est une autre histoire. Dans notre cas, sauver la planète signifie aussi tenter de protéger notre civilisation.

Le tournage a dû vous placer dans des situations périlleuses lorsque vous accompagniez les volontaires qui luttaient contre les feux.
Oui, et je sentais le poids de cette responsabilité. Avec moi se trouvaient Paul Guilhaume, notre directeur de la photo, avec notre assistant caméra et notre ingénieur du son : en tout, quatre personnes pour filmer pendant l’été. Évidemment, ce n’était pas sans risques. On a tourné en deux fois pendant l’été, puis on est revenus au cours de l’hiver pour faire des prises de vues supplémentaires. Je me souviens de ma joie en retrouvant Vassia, l’un des protagonistes du film. Nous avons discuté du tournage de l’été précédent en buvant du thé. À un moment donné, en échangeant un regard, nous avons pris conscience du danger de certaines situations à l’époque. C’était seulement avec le recul qu’on prenait pleinement la mesure de ce qu’on avait traversé.

Pour beaucoup de non-Russes, l’existence de « zones de contrôle » est difficile à concevoir. On apprend que ces zones sont des territoires éloignés ou peu habités, où les autorités ne sont pas obligées d’intervenir en cas de feux de forêt, si le coût pour les éteindre dépasse celui des dommages estimés. En Yakoutie, dans le nord-est de la Sibérie, ces « zones de contrôle » représentent plus de 80 % du territoire.
Moscou voit certaines régions, et en particulier de la Yakoutie et de la Sibérie, comme des gisements à exploiter. Depuis très longtemps, le gouvernement accapare les ressources, point final. Après l’ouverture au capitalisme, la situation s’est encore dégradée, puisque c’était désormais une question d’argent, de budget, de coût des opérations.C’est la novlangue [imaginée par George Orwell dans son roman 1984] portée à son paroxysme : l’État fédéral russe invente des termes qui sont exactement l’inverse de ce qu’ils désignent dans la réalité. On ne contrôle rien du toutdans une « zone de contrôle » : c’est une zone hors de contrôle. Une telle hypocrisie revient à se moquer de nous. Il y a de quoi enrager.

Au début du film, la détresse de la population locale est présentée par le biais d’informations sur les « zones de contrôle » en Russie. Le documentaire y revient dans sa conclusion, comme s’il s’agissait d’une toile de fond, de la racine du problème, sans jamais devenir l’histoire principale. C’était précisément mon objectif. J’explique ce que sont les « zones de contrôle » russes pour faire comprendre la situation des habitants de Shologon face à la désertion d’un gouvernement qui les laisse gérer seuls des incendies dévastateurs. Mais l’histoire que je veux raconter, c’est celle de l’humanité incroyable des gens qui s’unissent devant une épreuve commune, celle des personnes qui protègent leur foyer pour ainsi dire à mains nues. *
* À la fin du film, on apprend que les incendies ont consumé 19 millions d’hectares en Russie pendant l’été 2021, et que 90 % des incendies venaient des « zones de contrôle ». Pour la première fois, on a vu des cendres voler jusqu’au pôle Nord

Une telle inaction gouvernementale en Russie se traduit-elle par un traitement médiatique biaisé des incendies ? L’ampleur et la rigueur du travail journalistique en sont-elles affectées ?
C’est particulièrement vrai ces dernières années, mais ça fait déjà une vingtaine d’années que ça dure, depuis que Poutine, qui est à la tête d’un véritable groupe criminel organisé, et ses complices, ont pris le contrôle des médias pour en faire un instrument de propagande. Quand les incendies se sont déclarés au mois de mai et se sont poursuivis en juin et jusqu’à la mi-juillet, les pouvoirs publics n’ont pas spécialement réagi. La colère des gens a fini par atteindre unpic. Les autorités régionales, qui sont censées représenter les citoyens, ont alors commencé à faire semblant d’agircontre les incendies (à grands coups d’uniformes militaires et de discours patriotiques sur la lutte contre les flammes).Cela, seulement parce que Moscou leur a ordonné de calmer le jeu face à la colère populaire, afin de pouvoir continuercomme si de rien n’était. Et encore, il a fallu un mois et demi d’incendies pour obtenir une réaction de leur part.
Pour moi qui suis originaire de Novossibirsk en Sibérie, j’ai remarqué qu’en général, l’opposition est beaucoup plus forte dans cette partie du pays, en raison des différences de mentalités, de cultures. C’est aussi sans doute l’éloignement de Moscou qui permet aux gens d’être en phase avec leur terre. Par ailleurs, on utilise des méthodes modernes pour obtenir et échanger des informations, et ça concerne tout le monde, pas seulement les jeunes. Dans le village de Shologon, tous les habitants sont membres d’un groupe Whatsapp et chacun est libre de s’y exprimer. Quand je suis arrivé dans cette région reculée en Yakoutie avec le projet d’y tourner un film sur leur situation, notre équipe a été reçue à bras ouverts. Les gens voulaient que quelqu’un s’empare de ces questions, parce qu’ils se sentaient livrés à eux-mêmes.

Pour finir, pourquoi ce titre « Paradis » ?
Selon moi, l’endroit où nous vivons est notre paradis. La vie en Sibérie est peut-être plus rude qu’ailleurs, mais c’est notre paradis et nous n’en avons pas d’autre. Il n’y a pas de solution de secours. C’est tout ce que nous avons.
Le paradis, ce n’est pas un lieu imaginaire auquel on aspire. Non, c’est là où on est. C’est l’ici et le maintenant. Mais le paradis est aussi fragile et peut se transformer en enfer."
(dans le -très beau- dossier de presse du film, chez Jour2Fête)

 

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14 juin 2023

deux sucres

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ON DIRAIT LA PLANETE MARS
de Stéphane Lafleur

(entregent /prévisionnement GNCR 1) Un film québecois, d'un réalisateur dont j'avais beaucoup beaucoup aimé un film précédent (TU DORS NICOLE, 2015). Construit sur un point de départ pas tout à fait convaincant (très artificiel en tout cas), poursuivi en vase (presque) clos sous forme  de  "film de s-f cheap à visée métaphysique des années 70" (ça m'a rappelé COSMODRAMA de Philippe Fernandez) qui compense la faiblesse des moyens par la profondeur de ses desseins, la fumosité de ses dialogues, et l'embrouillagement de ses situations (et tout ça en joual, mais rassurez-vous c'est sous-titré).
Cinq personnes comme vous et moi ont été sélectionnées en fonction de leurs profils psychologiques parfaitement identiques à ceux de cinq astronautes envoyés en mission sur Mars, David, Steven, Janet, Gary et Liz. Trois hommes et deux femmes dont les cobayes sélectionnés vont porter le prénom, endosser l'identité, pour vivre, dans un endroit isolé, ce que vivent quotidiennement les pionniers de l'expédition martienne. Sauf que, s'ils ont le même profil psychologique (ils ont été choisis pour ça), leur caractéristiques physiologiques ne correspondent pas toujours : si David et Gary sont bien des hommes et Janet une femme, par contre Liz est un homme, et Steven une femme...
Et l'expérience commence (ils sont supposés être là pour 2 ans). "Et rien ne va se passer comme prévu...". Bien sûr. (mais tout ça semble un peu moumou).
Un film juste... pas mal (dont on se demande pendant tout sa durée où est-ce exactement que le réalisateur veut bien en venir).
Qui se révèle, finalement (in extremis) plus intéressant que prévu.
(sortie prévue le 2 août 2023)

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toute la gang

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11 juin 2023

Bonniechounette et clydounet

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RIVER OF GRASS
de Kelly Reichardt

C'est grâce à Emma que j'ai pu regarder ce premier film de cette (très) chère Kelly Reichardt (daté de 1994, -mon dieu je quittais Les Capucins et j'arrivais au Montmarin...-, mais seulement sorti en France en 2019). Un film court (1h12) à peine plus que OLD JOY (1h16) la merveille qui allait le suivre 13 ans plus tard...
Ca se passe en Floride, dans les années 90 et c'est la virée "meurtrière" (enfin, ils ont un flingue) d'une jeune fille, Cozy,  (qui est aussi la narratrice, en voix-off), fille de policier, et de Lee Ray Harold (non non, rien à voir avec Lee Harvey Oswald...), un jeune homme à cheveux longs (qui dort sans pyjama et qui marche pieds-nus), qui a une grosse bagnole bleue pourrie (et qui a trouvé un révolver...)
Les tueurs de la lune de miel, Tueurs nés, True Romance, La balade Sauvage, le cinéma américain foisonne de ces roadmovies avec couple d'assassins dans le sillage de Bonnie & Clyde... Bonnie & Clyde, a priori, ok, mais ici avec des diminutifs, comme je l'ai signifié en tête de ce post... avec leur virée minuscule,  nos deux jeunes gens sont vraiment comme des bébés dans le monde des couples criminels en fuite...
D'après ce qu'en disent les spécialistes de Kelly R., le film serait en grande partie autobiographique (et quand on a fini de voir le film on se demande jusqu'à quel point...), la réalisatrice a grandi dans les coins qu'elle filme (elle filme dans les coins où elle a grandi serait plus juste), une certaine Amérique des laissés-pour-compte, des déshérités, de la démerde...
Il y a bien un couple, un flingue, une bagnole, un motel (et même un flic à leurs trousses), mais la jeune Kelly Reichardt (elle a 30 ans à l'époque) va nous brasser les cartes et les redistribuer à sa manière (qui pourrait évoquer, tiens, une cousine de Jane Campion, au nom de ses portaraits d'héroïnes un peu tourmentés.
Bon, il y a l'histoire (ou la non-histoire), la galerie de personnages, mais il y a surtout la façon de filmer, le sens du cadrage, de la couleur, de la composition impeccable des plans, qui transcende vraiment ce qui aurait pu n'être qu'un petit opus indépendant crasseux, et qui, avec vingt ans d'avance (et une sacrée détermination furibarde -mais rentrée-) préfigure déjà, à sa façon, les merveilles à venir.
Kelly Reichardt capte l'air du temps -de son temps à elle- et la capture de cette mythologie nous rend babas (ça tombe bien, c'était l'époque).
J'adore.
Top 10

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10 juin 2023

des photos de mai (& de moi)

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