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lieux communs (et autres fadaises)

24 avril 2015

impénétrable

SHAHADA
de Burhan Qurbani

(Ce post aurait pu aussi s'intituler "suppositoire", rapport à une plaisanterie sans doute de mauvais goût mais qui me réjouit depuis tant d'années et se termine par "parce que les voies du Seigneur sont impénétrables", mais qui ne rendait pas justice au film en lui conférant une notion de gaudriole avec laquelle il n'a aucun rapport, fin de l'introduction, ouch!)
Un film de 2010 dont j'avais en vain souhaité la programmation dans le bôô cinéma, et que finalement Marie m'avait offert pour mon anniversaire (dvd qui depuis m'attendait sur l'étagère, et, hier matin, voilà que c'était le moment de la rencontre... (rencontre qui a failli ne pas se faire puisque le lecteur de dvd sur mon ordi pédalait dans la choucroute -pour rester dans la gaudriole- et faisait mine de ne pas vouloir démarrer).
Un réalisateur au nom singulier, pour un film au générique tout aussi original (animé et graphique). Une histoire divisée en chapitres numérotés et titrés -bilinguement-. Trois histoires, plutôt, contrées sur trois personnages : une étudiante, un flic, et un employé aux abattoirs, chacun confronté à un problème précis (un avortement médicamenteux, un amour homosexuel, des retrouvailles problématiques) et ses conséquences (surtout dans les conflits moraux générés par ses rapports avec la religion islamique). Ce n'est pas un film sur la religion, mais, bien plus intéressant, sur les rapports que chacun entretient avec la religion, et surtout avec le Coran  que chacun des personnages appréhende à sa manière (un livre qui parle d'amour, ou qui stipule ce qui est interdit, ou qui évoque l'apocalypse, ou représente le fait d'être musulman), et, surtout sur les excès comportementaux, les aveuglements, - dans un sens comme dans l'autre- auxquels la foi peut conduire (bigotisme, frustration, illumination, souffrance).
Un dispositif choral, que le réalisateur a voulu peut-être trop resserré pour que les histoires soient imbriquées au maximum, ce qui n'était sans doute pas indispensable : la jeune fille croise à l'hôpital une infirmière qui est la femme du policier qui est intervenu aux abattoirs, sous les yeux du jeune homme dont le "copain" est harcelé par un autre jeune homme qui est le père de l'enfant que portait la jeune fille, etc.
Hormis cette réserve, on ne peut qu'être sensible à ce sacré beau portrait d'une communauté turque en Allemagne aujourd'hui, parce que centré sur les mots d'intégration, de tolérance, et de respect (avec, notamment, en plus de ceux déjà cités, un très beau personnage d'imam prêchant la tolérance -c'est le père de la jeune fille-, ce qui n'est pas si fréquent).
Un film très construit, rigoureux, sensible, actuel (il m'a semblé pouvoir y reconnaître quelques-uns des parents d'élèves auxquels j'ai pu avoir affaire en travaillant dans les "quartiers sensibles"), un film (très) injustement sous-estimé lors de sa sortie. (Il fait partie de ces "petits" (par les moyens, pas par leur impact) films qu'on a envie de, qu'on se doit de, défendre. Certains critiques y ont, heureusement, vu "un réalisateur prometteur". peut-être le sujet même du film a pu en rebuter certains. Mais rien de moralisateur dans tout ce qui est dit et montré, et c'est ce qui en fait la force.
Un beau film de nuit, de neige, d'amour (ou de dés-). De regrets souvent. Qui pour chacun des trois, finit comme ça, ni trop bien ni trop mal. Comme dans la vraie vie. Bref, à recommander.

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23 avril 2015

mingarellirama

HOMMES SANS MERE
d'Hubert Mingarelli

J'ai donc continué ma lecture chronologique des romans d'Hubert Mingarelli. Après l'hiver de La beauté des loutres et son camion de moutons, on change ici complètement de décor. Nous voici dans une Amérique latine (ou centrale ? On sait juste qu'il y a la mer) à peine esquissée, sur les pas de deux marins à la recherche d'un problématique bordel où aller passer la nuit. Homer et Olmann. Ils marchent, et, en marchant, bien sûr, ils parlent. Peu, ce ne sont pas de grands orateurs, comme la majorité des personnages d'Hubert Mingarelli, mais suffisamment pour qu'on puisse apprendre d'eux juste ce qui est nécessaire. (et comme d'habitude, supputer sur les manques, les blancs, et comment remplit ces interstices).
ils vont finir par la trouver, cette maison, et même y passer la nuit, comme ils l'avaient prévu, mais pas forcément de la façon dont justement ils l'avaient prévu. Ensemble, mais séparément. tandis que le premier (Olmann) respecte le "cahier des charges" (bières, filles, etc.) le second (Homer) va faire la connaissance de Maria, une des "filles", et de Pedrico, le gardien muet. Et c'est surtout Homer qu'on va suivre, Olmann étant plutôt en toile de fond. Le roman les accompagnera tout au long de cette nuit, et les abandonnera au petit matin...
J'avoue qu'au départ le sous-sous-texte gay était pour moi assez attirant (deux marins, deux amis, qui dorment l'un au-dessus de l'autre) et m'intéressait davantage que la situation elle-même (pour résumer trivialement : deux marins en bordée vont aux putes). C'est drôle d'avoir choisi deux marins, alors qu'ils sont à terre, et que jamais en mer, nous, lecteurs, on ne les verra (ç'aurait pu être deux soldats, deux ouvriers, ou simplement juste deux potes, mais non, il est bien spécifié qu'ils sont marins : ce qui compte, ce sont les détails, ce qui est évoqué de la vie à bord, esquissé, ces croquis tellement simples qu'ils en deviennent encore plus touchants : la main qui pend de la couchette du dessus, la petite pièce où ils sont tous les deux de quart, et tiens, en écrivant cela, il me semble me souvenir que Mingarelli a été marin, lui aussi, d'où l'impression de justesse de ces fameux détails.)
Même si, au début, j'étais un peu réticent (j'avais vraiment été très touché par La beauté des loutres) et que j'ai commencé à le lire un peu désinvoltement, ces Hommes sans mère ont réussi, progressivement, à m'emmener avec eux, auprès d'eux, entre eux (ces fameux interstices mingarelliens, ce qui n'est pas dit, mais dont ce qu'on en devine -ou imagine- fait tout le prix.). Cette fameuse fraternité virile que j'aime tant dans chacun de ses romans, ces échanges, ces partages, ces hasards, ces éclats, ces blessures et ces pansements. Avec toujours la même économie. et la même lumière.
Oui, Hubert Mingarelli est bien un -grand- écrivain des hommes.

hommes sans mèreMoyenne

(Il faudrait sans doute aussi parler du titre, mais là, comme dirait l'autre, je suis justement assez mal placé pour en parler, ou trop bien, peut-être, justement...)

21 avril 2015

ce qui restera de nous

UNE BELLE FIN
d'Uberto Pasolini

Un clin d'oeil, en titre, au court-métrage de Vincent Macaigne, qui m'avait plutôt exaspéré mais dont le titre convient parfaitement à ce film-ci, même s'il ne lui ressemble absolument pas. Autant le premier tonitruait, provoquait, à-bras-le-corpsait, épate-bourgeoiseait, autant celui-ci reste calme, mesuré, ouaté, so british. Serein en apparence mais bon... Presque trop, presque.
Porté par un acteur central, Eddie Marsan (que les critiques découvrent et sur lequel ils s'exxxxxxtasient), vu dans pas mal de films et séries, souvent au deuxième rang, au second plan, qui joue ici John May, un homme dont le métier consiste à retrouver les éventuelles relations (familiales, sociales, amoureuses, amicales) de gens qui sont morts seuls, et à l'enterrement desquels il assiste, seul lui aussi. Ces gens qui sont morts seuls, ont été enterrés seuls, sont veillés avec entêtement ("Je fais mon travail", dit-il) et affection par cet homme à l'existence réglée, millimétrée, et aux manies, millimétrées elles aussi, de "vieux garçon".
Eddie Marsan compose un personnage en retrait, presque en creux tellement il s'est effacé derrière ce "job" qui est devenu toute sa vie, qui lui sert de famille, de souvenirs, de substitut relationnel, d'existence par procuration. Bien morne(et pâlichonne) existence, d'ailleurs (il faudra attendre longtemps, dans le film, pour voir son visage s'éclairer d'un sourire...)
Il y a tous ces morts que tout le monde a oubliés, et qui attendent patiemment, chacun dans son urne, que Mr May puisse clore leur dossier, et accomplisse la dispersion de leurs cendres. Chacun d'eux a laissé au moins une trace, une photo que John May colle méticuleusement dans un énorme album-photo où chacun d'entre eux, au fil des ans, aura finalement trouvé sa place. et échappé un peu à l'oubli.
Un film très british et donc plutôt mélancolique (il y a pour moi une incontestable nuance de mélancolie dans la britannicité, qui n'apparaît pas toujours au premier coup d'oeil mais finit presque  toujours par affleurer, et je repense souvent à ce splendide Never let me go, de Mark Romanek, qui constitue sans doute pour moi le mètre-étalon de la britannique mélancolie), ce que souligne encore plus la jolie musique au piano qui l'accompagne (qui le nimbe).
J'avoue que je ne connaissais que le pitch du film, et que, d'après le qu'en-dira-t-on critical, je m'attendais plutôt à voir une comédie sociale et rigolarde à l'anglaise : fish and chips, cups of tea, beuveries au pub and so on. Eh bien pas vraiment (voire même pas du tout). Une grosse partie du film va concerner un cas précis (et un peu particulier) de "mort tout seul", et le travail méthodique de John May pour tenter de reconstituer son existence (et, du coup, les rencontres occasionnées par la recherche de "liens" vieux d'une vingtaine d'années, rencontres dont certaines d'ailleurs pourraient bien bousculer certaine(s) existence(s), de part et d'autre si le hasard...)  Comment la mort de quelqu'un peut "contaminer" l'existence de quelqu'un d'autre qui ne le connaissait même pas (ou presque). Eddie Marsan est de tous les plans ou presque, et c'est bien. Juste.
Le générique final m'a cueilli avec les larmes aux yeux (les scènes finales sont magnifiques...) Non, vraiment, tout ça n'est pas excessivement drôle. Et je n'ai pu m'empêcher de me poser la question : Et pour moi, comment ça sera ?

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18 avril 2015

micro142

*

ce papier que j'ai cherché en vain toute la journée
et qui réapparaît miraculeusement, le soir, sur mon bureau

*

ce que j'écris ici intéresse en moyenne 11 personnes
(c'est peu, mais c'est tout de même suffisant)

*

 jusqu'à quelle heure, le matin,
peut-on -raisonnablement- se recoucher ?

*

(phrases que je ne comprend pas immédiatement) :
La dépression n'est par un facteur de risque de criminalité.

*

 les premiers vrais beaux jours
me mettent dans un état inimaginable
(et indescriptible)

*

 des abeilles entrent dans ma cuisine je ne sais pas par où

*

on n'arrose pas les tulipes

*

finalement, à quoi bon
tous ces films ces concerts ces pièces de théâtre ces spectacles de danse
puisqu'à 99% on les oublie ?

*
"Si j'étais un bonhomme de neige ?
(après mûre réflexion)
... j'irais fondre au Maroc, ou en Algérie..."
(Rayane D.)

*

17 avril 2015

boucher roux

IL EST DIFFICILE D'ËTRE UN DIEU
d'Alexei Guerman

D'habitude je suis assis au fond, en bord de rang, mais il y a certains films pour lesquels j'ai besoin d'être au milieu de la salle, "au croisement des diagonales", pour mieux m'y mettre en immersion (dans les derniers : Ne change pas, de Pedro Costa, Leviathan, de Verena Paravel et Lucien Castaing-Taylor, Faust de Sokourov). Celui-là, je l'avais en ligne de mire, depuis que je l'avais raté à l'Etrange Festival (mais comme il était ensuite, bien avant sa sortie officielle, apparu -plop!- sur le web, j'avais pu en voir le début, sur mon ordi, avant de décider que cette prolifération marécageuse avait besoin d'être vue sur grand écran.) Il est programmé cette semaine dans le bôô cinéma, pour deux rikiki séances (dont une le mercredi soir, alors qu'on ne passe JAMAIS de nos films le mercredi soir) et nous étions donc 3 dans la salle au début -je pense que je devais être plus âgé que les deux autres spectateurs réunis-, mais ne fûmes plus que deux à la fin.
2h50, noir et blanc, russe sous-titré, tout pour attirer le chaland! Et le film tient effectivement ses promesses. Le "résumé" évoque  une planète comparable à la Terre, où des terriens ont été envoyés en observateurs. Une planète qui est restée coincée au Moyen-Âge. Et n'a pas l'air d'être prête d'en sortir. Les terriens observent mais n'ont pas le droit d'intervenir sur le cours des événements. On a donc la voix-off du narrateur/observateur, et ce qu'il voit (la caméra). C'est un des rares films (avec Le voyeur, de Powell) où la caméra existe en vrai pour les personnages du film, où on la regarde, où on s'approche pour la toucher, ou la sentir (c'est un film très sensoriel), où on la prend à parti, où on la provoque en agitant devant son oeil impassible (impavide) des machins divers. Face à la caméra, il y a un grand barbu qu'on va suivre sans arrêt, le Don quelque chose, qui parle aussi sans arrêt. Une sorte de seigneur qui est pris pour un dieu par la population locale -et quelle population, une sorte de cour des miracles, une galerie de trognes, sales, déformées, édentées- qui vaque à ses petites affaires moyen-âgeuses, qui grouille, qui s'affaire, qui s'agite, au milieu de la fange, de la merde, de la gouillasse...
C'est un film insensé.
C'est un film inracontable, incompréhensible (Pourrait-on raconter, ou expliquer, une fourmilière, ou une termitière, en faisant des très gros plans sur l'activité de certaines des bestioles qui l'habitent ? Pourrait-on comprendre, ou au moins appréhender une globalité sociale en n'en observant que des détails ?) Un flot d'images, et de mots (et la lecture des sous-titres en rajoute aussi à sa façon dans la difficulté d'appréhension -et de compréhension- de cet univers) perpétuel : l'écran est plein à ras-bord, toujours (on comprend que le tournage du film ait duré des lustres) pendant que le seigneur parle, ou commente, ou apostrophe, ou monologue, ou insulte, tout en faisant d'autres choses qui ne sont pas forcément raccord avec ce qu'il dit. Avec constance, obstination, la logorrhée accompagne la saturation visuelle. On est pris, captif plutôt (et il ne fait pas bon être prisonnier sur cette planète, vu la façon dont il les traitent... Noyé dans les latrines, ça vous dirait ?), il s'agit alors de tenter d'accommoder, d'être perpétuellement en alerte, les yeux et les oreilles grand ouverts (pas le nez, heureusement, le film n'est pas en odorama) pour tenter de -un peu- comprendre, de combiner les éléments disparates pour faire- un peu- sens.
C'est un film total, un film-somme, un film-univers (je parlais d'immersion au début du post et le mot est ici tout à fait justifié). Un film qui déconcerte, déstabilise, dégoûte même, (parfois, souvent) un film qui dégueule, qui chie, qui suppure, qui pue, un film de trou-du-cul-du-monde, un film organique, sphinctérien, un film d'entrailles, de sang, de merde. Métaphore physique, géographique, anatomique, mélancolique, boulimique, d'une certaine russitude (on ne peut pas ne pas penser à Stalker, d'après les mêmes Strougatski -pour le bouquin- mais avec Tarkovski derrière la caméra : même humidité, même fange, même désespoir).
Guerman a passé plus d'une dizaine d'années sur ce projet, et n'a pu vraiment en venir à bout (car il est mort. ) Et c'est sa femme et son filston qui en ont achevé le montage. (D'où la pensée que le film n'est peut-être pas que d'Alexei Guerman (qui n'a réalisé que six films mais dont aucun n'est trouvable -par des moyens "normaux"... -J'ai le bonheur d'être en position d'un exemplaire de Khroustaliov ma voiture! -enregistré sur VHS lors de son passage sur arte il ya longtemps, et numérisé ensuite, mais bon la qualité est celle de la VHS- autre film insensé en noir et blanc et en russe sous-titré, que nous avions programmé lors de nos -éphémères- "lundis des amis", dans l'ancêtre -un peu guermanien, d'ailleurs- du bôô cinéma, c'était plutôt alors le môôôche cinéma, d'ailleurs!) ou plutôt n'est pas tout à fait le film que Guerman "tout seul" aurait fait, mais au fond quelle importance ?)
Un film, donc, qui refuse le "récit" traditionnel, la narration "habituelle" : plutôt que d'aller de l'avant on a l'impression que le récit glisse latéralement, comme un travelling gigantesque, et peut-être circulaire, d'ailleurs, comme si aller de l'avant était impossible, inimaginable, proprement (!) impensable.
Un film viscéral.
Un film éprouvant.
Et aussi, un film qui, à force de coller ses yeux (et son nez) tout près, trop près, ("le nez dedans") finit pourtant par mettre le spectateur à distance. Le spectateur qui n'a pas grand chose de connu à quoi se raccrocher, qui patauge, et avance prudemment en essayant de ne pas s'en foutre partout. Rester debout, rester vivant. (rester éveillé, aussi, diront les mauvaises langues : j'avoue que j'y ai piqué du nez, et, même, dans cet état, mi-sommeil mi-éveil, le film a quelque chose d'hypnotiquement monstrueux : cette voix dont on ne comprend plus les mots (si on ferme les yeux, on n'entend que le russe) qui vous ferraille dans l'oreille sans trêve, infiniment...) Le temps n'a plus de sens. 
Un film sans précédent, comme une gigantesque boucle temporelle, une stase.
Il n'y a qu'à la fin que le réalisateur nous sort la tête du caca et des tripes et prend un peu de recul. Et modifie - enfin ?- notre regard, (et donc notre rapport au film). La caméra a pris de la distance  (elle n'est d'ailleurs à ce moment-là plus utilisée en tant que personnage, c'est juste une caméra, qui enregistre ce que font des gens). La scène où le Don, en chemise, le cul dans l'eau, explique aux autres qu'il ne reviendra pas sur terre.(J'avoue, je viens de la re-regarder sur mon ordi, et ça m'a permis de comprendre certaines choses. D'abord de mieux appréhender l'invraisemblable complexité -la virtuosité- de ces plans-séquences démesurés, où se combinent les mouvements de caméra, ceux des personnages, la profondeur de champ). A ce moment, après cette halte, cette respiration, (l'homme, toujours le cul dans l'eau, vient de s'endormir) la caméra reprend soudain son rôle initial, celui de personnage au même titre que les autres, puisque c'est à ce moment que le Don se rhabille, remet son costume de Don pour repartir... (la scène est absolument magnifique).
Puis la caméra prend -enfin- le temps, de la distance aussi, sur de splendides perspectives de neige (et de silence), qui  laissent  au spectateur le temps de respirer, de se reprendre, avant un sublime plan final où le film enfin s'apaiserait (si Le cheval de Turin virait au dark, à l'obscurité, aux ténébres, ce film-ci, au contraire, en sort, in extremis, et réussit finalement à nous tirer vers le blanc, sans que les perspectives d'avenir en soient plus joyeuses...), prendrait le temps de nous laisser le quitter, avant un austère (et démesuré) générique de fin.
C'est incontestablement le genre de film qu'il faut avoir chez soi, qu'il faut garder (et re-garder). Pour prendre le temps de. (L'arrêt sur image et le rewind sont des fonctions divines, quand il s'agit de mieux comprendre cet univers-là et de l'appréhender à sa juste mesure.)

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15 avril 2015

la porte le portail

juste une photo que j'ai prise hier et qui me plaît...

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15 avril 2015

mettre votre langue dans ma glotte et souffler comme un phoque

CORPS A COEUR
de Paul Vecchiali

Une drôle d'expérience : la première fois que je l'ai vu, j'avais 22 ans, et la seconde, j'en avais 58! Comme le temps a passé vite ("la vie, on l'a comme pas vécue"). J'en gardais un souvenir ébloui, et là, au début, en le reregardant, je n'en voyais plus que les défauts... On ne voit pas un film de la même façon à 20 ans et quelques, et presque 40 ans plus tard...
Il s'agit d'une copie restaurée, dans le cadre d'une rétrospective Vecchiali, et, dommage, on s'en aperçoit dès les premières minutes, le son est pourri n'est pas très bon. Hélas, le Requiem de Fauré qui leitmotive la bande-son en ressort parfois un peu crachotant et esquinté. J'ai eu beacoup de mal à trouver des critiques "actuelles" pour mettre dans notre plaquette de programmation (les critiques, visiblement, ne se sont pas dérangés) et heureusement que j'avais sur mes rayons une exemplaire de la Saison cinématographique de l'époque, que j'ai donc recopié /recollé.

"Il y avait longtemps que nous n'avions vu un film pétri d'une aussi grande sensibilité. Voici un vrai mélodrame, sincère, comme on ne sait plus en oser, un mélodrame dans lequel chaque protagoniste ose, abandonnant toute fausse réserve, aller jusqu'au bout de sa passion, dans lequel les réserves et les conventions habituelles sont bousculées : qu'il s'agisse de montrer nue et heureuse une femme de plus de cinquante ans ou de filmer un homme s'abandonnant sans retenue au désespoir et aux larmes, au mépris de toute "bienséance". une écriture cinématographique intelligente et enluminée (plans de la "découverte" par Pierre de Jeanne-Michèle, scènes provençales), un montage superbe, une musique riche accompagnant avec bonheur le délire des images, donnent à cette œuvre d'auteur une superbe originalité.
(...) Mais il est difficile de parler objectivement de ce film qui ne laisse jamais indifférent et qui s'adresse totalement à la subjectivité et au pouvoir émotionnel de chaque spectateur. Quels que soient ses défauts, il a le mérite, de nos jours immense, d'une totale sincérité."
(critique d'époque : La Saison Cinématographique 1980 )

Je sais que j'avais vraiment adoré le film (j'ai même encore, dans une valise, l'affiche originale et le jeu de photos) et j'essaie de retrouver ce qui à l'époque m'avait tant plu : le couple Silberg/Surgère, probablement, la musique (j'avoue que c'est là que j'ai découvert ce fameux Requiem), la discrète allusion à l'homosexualité (l'amour porté en silence à Pierrot par son patron -et un peu artificiellement révélé par l'ex-femme de celui-ci-) doublée de la façon qu'a Vecchiali de filmer amoureusement la virilité de N. Silberg (mmm ce torse tous ces poils, ohhh et même, à la fin, cette jolie quéquette -oui oui ça aussi avait dû compter-), la galerie des personnages de "la ruelle" qui gravitent autour de Pierrot, les dialogues très écrits (j'avais recopié amoureusement quelques-uns des dialogues d'Hélène Surgère -qui est absolument magnifique, j'en profite pour le répéter, et qui n'a pas eu au cinéma la carrière qu'elle méritait- ) la chronique d'un amour fou non-partagé puis partagé quand même -ça aussi j'avais dû adorer- même si..., et le mélo qui va jusqu'au bout avec spoiler la mort de Jeanne-Michèle... Je crois me souvenir que j'y étais même allé plusieurs fois...

Je continue de penser que la vision de chaque film est unique. A un instant n, un film donné produira un effet e, et à un instant n+1, il produira un effet n+1. C'est pourtant le même film, c'est pourtant la même personne, mais le résultat sera à chaque fois différent, sensiblement ou carrément diamétralement opposé.

Là, par exemple, j'avoue que je suis resté un peu à distance. (Mon moi de presque 60 ans regardait du coin de l'oeil mon moi de 20 ans, avec un petit sourire, en coin aussi, comme s'il avait envie de lui dire "Tsss... tout ça pour ça ?") Je n'ai pas ressenti grand-chose je dois le reconnaître, et pourtant, je suis sûr qu'à l'époque ça m'avait mis la larme à l'oeil. Ce que j'ai le plus apprécié, c'est ce à quoi je ne m'étais pas vraiment intéressé alors : les personnages féminins "secondaires" (Anna, Emma, Mélinda, l'employée de la pharmacie) que je trouve très justes. J'aime aussi la façon de représenter l'obsession, l'idée fixe, que suscite l'amour (ces flashes incessants du visage d'Hélène Surgère qui viennent "hanter" Pierrot.) Le son, je l'ai déjà dit, est un peu pourri, et dès que ça monte en intensité, ça devient pénible, voire inaudible (la séance d'enregistrement de Mélinda est un calvaire auditif), et il semble que c'est pareil pour le jeu des acteurs : tant qu'on est dans un registre "normal", tout va bien, mais dès qu'on "monte" un peu dans la gamme des émotions, ça devient parfois pénible, parce qu'excessif et donc difficilement crédible (les larmes de Pierrot par exemple).

(et je n'arrive pas à terminer ce post que je publie donc comme ça dans l'état.)

14 avril 2015

louie louie louie louaaaaaaaaah

Bonne nouvelle! Il est de retour mon gros rouquin préféré... Oui, la saison 5 de Louie vient de débuter sur FX, et je n'ai pas pu résister au plaisir de voir immédiatement le 1er épisode. Ce sera une saison courte (seulement 8 épisodes prévus) mais je trouve toujours ça aussi bien...

Louie-season-5

On retrouve Louie décidé à se rendre à un "repas de parents d'élèves" (potluck en vo), tout seul donc (ni Pamela ni enfants), où il tient, contre l'avis de l'hôtesse, à apporter un plat de son fameux poulet frit. mais, bien entendu, rien ne se déroulera tout à fait comme c'était prévu...
Toujours ce même plaisant système de petits segments narratifs plus ou moins indépendants, reliés entre eux -tiens c'est nouveau- par les images d'un joueur de banjo... L'épisode commence en parlant des aliens et se termine en évoquant les racistes, et toujours avec ce ton aussi inimitable. Funny, not hilarious.  Louie s'est laissé un peu pousser la barbe et n'a pas maigri, mais c'est comme ça, vraiment, qu'on l'aime! Mmmmh...

13 avril 2015

qu'il est donc doux de rester sans rien faire

... tandis que tout s'agite autour de soi...
(Jacques Higelin, Poil dans la main)

LIBRE ET ASSOUPI
de Benjamin Guedj

Un joli "petit" film, vu cet après-midi, et que je n'aurais en principe jamais dû voir, mais le hasard a fait que. J'étais sur un site de téléchargement un endroit interdit où on n'a pas le droit d'aller et où donc je n'irai jamais puisque je n'ai pas le droit et donc j'ai vu l'affiche d'un film qui me disait vaguement quelque chose, (j'avais dû la voir au moment de la la sortie du film et je n'avais pas eu plus envie de le voir que ça, d'ailleurs je dirais même qu'il n'est jamais arrivé jusqu'à nos contrées cinéphilement reculées, et donc je l'avais oubliée) mais qui acquérait soudain un intérêt nouveau, puisqu'y figurait Félix Moati (fort apprécié récemment dans A 3 on y va), et, j'ai honte mais je suis franc, l'accroche suivante le concernant :"le kiff pour Bruno c'est d'être en slip, il est slipiste" (oui j'ai honte, messieurs les publicitaires je ne vous félicite pas d'utiliser de si vils arguments et surtout, que ça marche!)
Je l'ai donc téléchargé souhaité très fort et hop! il est apparu miraculeusement sur mon ordinateur au bout d'un certain temps, alléluia, alléluia! et j'ai pu ainsi commencer à le regarder, prêt à zapper sans pitié à la moindre déconvenue...
Et bien, que nenni! Nulle tristesse ni colère ne se lisait sur mon visage au moment du générique de fin, au contraire. C'était plutôt la combinaison d'un sourire attendri et d'un semblant de larmichette pointant, ce qui chez moi est plutôt bon signe...
Le film commence avec un jeune homme (Baptiste Lecaplain) qui parle à la caméra (à moi donc) et m'expose, de but en blanc ses mécaniques intimes masturbatoires ("parce que c'est un sujet délicat pour en parler et comme ça ça sera fait") avant de se présenter, et là, j'ai un moment de trouble : ses envies, ses ambitions, son plan de vie, sont exactement les mêmes que les miens furent : Rien ! Il ne veut rien. Il n'a pas envie de travailler, il veut juste rêvasser, regarder le plafond, oui, il veut ne rien faire (vous saisissez la nuance ?) alors qu'en principe l'âge est arrivé pour lui de se trouver un job, etc.
Le voilà en coloc avec Anna, une ancienne copine de fac (il est bardé de diplômes), et Bruno, un jeune homme  barbichu (voilà Félix Moati, un peu gentiment bourrin et amoureux transi d'Anna -Charlotte Le Bon-). Jeunes gens, appartement, cohabitation, confidences, insouciance, fou-rires, le contexte est familier, et tout à fait plaisant. Les histoires des mecs (qui tournent bien sûr autour des filles, bien sûr), mais celles des filles aussi (qui essayent de comprendre les garçons, c'est un film très hétéronormé, mais ça ne me dérange pas, voyez comme j'ai l'esprit large.) Dans cet appart, entre ces trois personnages, flotte un délicieux parfum d'adulescence, d'inachevé (le désir de Bruno pour Anna, la complicité d'Anna et Sébastien dans le dos de Bruno, la complicité "virile" des deux garçons)  comme si les gamineries, (les palabres et les jeux),  servaient surtout à (se) protéger, à laisser sans réponse des questions trop explicites.
Sébastien (le jeune homme qui ne veut rien faire) va "s'inscrire au RSA", où se lie d'amitié avec son conseiller -enfin, le deuxième-  (Denis Podalydès), qui décide même de le couvrir dans sa quête d'inaction, et la vie continue... Anna bosse (dans une maison d'édition), bruno enchaîne avec vaillance les petits boulots merdiques, et Sébastien ne fait rien, ou presque. Jusqu'à ce que...

Le film est très agréable, parfois un peu indolent (à l'image de son personnage principal) mais plein de petites notations délicieuses, de scènes drôles, surprenantes, attendrissantes. (le musée, l'ours, Valentine Caillou...). Un vrai "film de gens" comme je les aime (qui m'a évoqué lointainement, par sa structure, ce qu'il raconte, et ses fréquentes adresses-public le délicieux 2 automnes, 3 hivers), qui accompagne avec tendresse ces trois jeunes gens dans leur passage à l'âge adulte, chacun à sa manière, et qui laisse, oui, un petit goût agréable, le sucré  dissimulant la légère amertume que pourrait apporter le fait de grandir,  l'"installation", l'entrée dans une certaine norme, la fin des rêves d'adolescence, ou pas, d'ailleurs.
Oui, un joli petit film.

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12 avril 2015

et, pourquoi pas ?

A TROIS ON Y VA
de Jérôme Bonnell

Oui, qui se souvient de Pourquoi pas! le deuxième film de Coline Serreau ? Un trio amoureux (deux mecs et une fille : Sami Frey et Mario Gonzalès, et Christine Murillo -dont ma soeur dit que c'est notre cousine mais je ne suis pas sûr...-), dans la France de la fin des années 70, un parfum d'utopie amoureuse, de l'amour, de l'humour, on s'en était bien bien régalé à l'époque, avec les copines et les copains (j'avais arghh à peine 20 ans), on avait même cru d'ailleurs un moment que ça pouvait être un modèle mais on s'était vite rendu compte que non non.
J'ai repensé à Pourquoi pas! en voyant A trois on y va. Par la similarité de la situation amoureuse (ici, on a deux filles pour un garçon, les temps changent), par l'injonction donnée par le titre, par ce ballet des sentiments, ce trouble, cette confusion, oui, qui constitue(nt) l'essentiel de la matière -soyeuse et chatoyante- du film.
Jérôme Bonnell, d'abord, parlons-en un peu. Un réalisateur qu'on aime beaucoup par ici (n'aurait-on pas d'ailleurs passé quasiment tous ses films dans le cadre de notre programmation dans le bôô cinéma ?). Un réalisateur "discret" sans doute, mais pour lequel j'éprouve une énorme tendresse, surtout depuis le magnifique J'attends quelqu'un, (et la révélation que j'en avais eu de la divine Florence Loiret-Caille). Il y a des noms de réalisateurs, comme ça, qui me font éprouver de l'impatience quand je vois qu'ils vont sortir un nouveau film : Bonnell, Ameur-Zaimèche, Weerasethakul, Jarmusch, Porumboiu, Zang-Khe... Tiens ça y est je bave...
Parlons aussi d'Anaïs Demoustier, découverte-en moineau notamment !-  dans l'aérien Bird people de Pascale Ferran (tiens, elle aussi, que j'aime énormément, avec une belle constance...) ; elle "confirme", ici, (plus que dans le film d'Ozon) toutes les raisons qu'elle a de me plaire, mais il faut dire qu'elle est magnifiquement entourée/soutenue par ses deux "partenaires" amoureux : Sophie Verbeeck et Félix Moati.
C'est l'histoire d'une jeune avocate qui vit un début histoire d'amour compliquée avec une autre jeune femme, histoire qui va encore se compliquée quand une nouvelle relation va se nouer entre la jeune avocate et le copain de l'autre demoiselle... Bonnell filme tout ça avec son élégance habituelle, mais sans jamais trop s'apesantir, tout se joue comme une comédie un peu légère, sensuelle, pleine d'élans, de doutes, d'hésitations, de virevoltes, de ressorts comiques parfois presque boulevardiers (Ciel mon mari! cache-toi ma chérie) mais surtout beaucoup de grâce, de tendresse, d'attention(s). Une construction plaisamment (et discrètement) géométrique, avec des parallèles et des symétries, entre autres figures (sans oublier les hyperboles et les tangentes -celles qu'on prend-).
Plus que d'un film choral, il serait surtout question ici d'un trio (à cordes) cherchant l'accord parfait pour jouer le mieux possible la même (vieille) partition. C'est délicieux, c'est drôle, c'est attendrissant. A la sortie, j'ai dit "c'est charmant" comme j'aurais pu dire "ça m'a enchanté".
Et je ne partage pas les réserves de Jean-Luc (et d'autres) sur les fameuses trois dernières minutes. Telles que, ça me va tout à fait, il y a des indices qui pouvaient l'annoncer, me semble-t-il. (j'aurais été un peu gêné au contraire que ça se termine comme ça juste avant sur la plage.) Les happy endings de 2015 ne sont pas ceux de 1977, et c'est tant mieux!

071757

 

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