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SIMPLE COMME SYLVAIN
de Monia Chokri
Vu hier avec Catherine.(Une "vraie séance" : plus de 12 spectateurs!). Un film plutôt bien chroniqué un peu partout, présenté comme une "réjouissante comédie". C'est canadien, ça parle beaucoup beaucoup (çomme déjà dans LA FEMME DE MON FRERE, le premier long de la réalisatrice, où, tiens, le personnage féminin central se prénommait déjà Sophia). Sophia donc, une intellote qui attend un poste de prof à l'université de Montréal, mariée à un intello, entourée d'ami(e)s intellos, et fait des conférences sur l'amour (ou les amours, plutôt) devant des papys et des mamies studieux) rencontre Sylvain, un bo barbu charpentier en charge des travaux de rénovation du châlet qu'elle vient d'acheter avec son mari. Et crac! c'est un coup de foudre ! Et crac crac! qui est consommé sur le champ, et crac crac crac! qui se transforme en adultère. Et crac crac crac crac qui va fissurer le couple jusque là en apparence si stable et solide et tranquille (trop ?) de notre héroïne.
Comment aimer, comment s'aimer, quand on est aussi différents , (malgré la loi du " opposite attracts" ?). Et, d'ailleurs, c'est quoi aimer ? Sur la théorie, Sophia en connaît un rayon. Pour ce qui est de la pratique, c'est une autre paire de manches...
J'ai beaucoup aimé le début (midinet un jour...), une histoire d'amour, qu'elle soit de coeur de cul ou les deux ensemble, c'est toujours très plaisant à voir naître. Et c'est d'ailleurs le fonds de commerce habituel du cinéma. Girl meets boys. ("J'entends pas beaucoup l'anglais" comme dira à un moment une des personnages.) Ca ouvre l'appétit.
Mais la suite, ici, ne l'est pas moins (d'une relation amoureuse considérée comme une course d'obstacles...). Tout ça filmé avec une grande intelligence (et un subtil sens du (dé)cadrage par la réalisatrice.) (Comme chez Mouret, il y a les choses qu'on fait et les choses qu'on dit. Et on dit beaucoup (je le redis) et en joual, cette langue virevoltante qu'on adore qu'on décrypte, et qui surprend toujours autant, par sa prononciation, son accent, son vocabulaire particulier, ses injures, et qui se voit ici constamment sous-titrée (comme dans les films de Woody Allen , il y a autant à lire qu'à regarder.) Et cette relation au début idyllique et incandescente, où tout roulait (et roucoulait, où "le corps exultait" (tout le monde à écrit sur l'amour, n'est-ce pas ?), va connaître ses premiers heurts, ses premières tensions,ses premières colères, Chacun(e), à son tour, y mettant du sien (ou de l'huile sur le feu.) Avec toujours ce regard de la réalisatrice à la fois enjoué et précis (et donc parfois cruellement clinique -cliniquement cruel-). Mais plus on progresse et plus on s'éloigne de la simplicité et de l'évidence de l'embrasement initial. Comme si chacun des deux restait sur son quant-à-soi. Avec, chacun(e) son cercle familial, amical, qui vient encore compliquer l'affaire (la scène du repas quand elle va manger chez lui et sa famille n'a rien à envier avec la scène terrible, où lui vient manger avec elle et ses amis). L'idéal serait, bien sûr, de laisser les proches en dehors de ça.Jusqu'à cette scène finale qui m'a laissé pantois, et fait dire à Catherine, lorsque les lumières se sont rallumées, "Je ne comprends pas la fin..." (alors que je comprenais chacun des plans qui se succèdent jusqu'à cette image finale), en réalisant juste après que j'aurais plutôt dû dire "je n'accepte pas la fin", ce qui aurait été beaucoup plus juste...(midinet un jour...). J'ai d'ailleurs posé la question au grand Sylvain M. assis quelques rangées devant. Je l'ai carrément apostrophé alors qu'il s'apprêtait à sortir. Ca m'intéressait d'avoir son avis de mec. Il est resté vague (mais concis) et j'étas plutôt d'accord avec son résumé.
Car c'est cette image finale qui va rester en tête quand on va repenser au film. Qui va effacer, contrebalancer, faire chavirer, court-circuiter etc., l'aspect "comédie irrésistible" du film. Oui, ce qui reste, c'est quand même un goût plutôt amer (cf le, j'exagère à peine, "dites ces mots : ma vie et retenez vos larmes" de Il n'y a pas d'amour heureux). Oui, j'exagère à peine. Station-service, extérieur nuit, il neige. Cut.
Mais c'était vachement bien, à la fin, de discuter avec Catherine, d'avoir sur le film et son contenu un point de vue féminin (comme celui de la réalisatrice) et de confronter nos points de vues (nos façons de voir) sur ce qu'est, justement, une relation amoureuse...