les sanglots longs
FRANTZ
de François Ozon
Je n'ai pu le voir qu'en deuxième semaine (mais c'était toujours à 5€!). Ozon, ça dépend. Des fois c'est oui, des fois c'est non, et d'autres bof. Toute la gamme, quoi. Là, j'avais de mes copines plutôt des échos oui, voire oui oui, et j'y allais plutôt confiant. Bon, c'est sûr il est loin le Ozon provo et trash des débuts. Il a grandi, mûri, s'est comme qui dirait respectabilisé.
Le classicisme c'est bien, tant que ça ne vire pas à l'empesé, au ripoliné, à l'amidonné. Grands sentiments en costumes, pâmoisons diverses, et manche à balai où je pense (un peu de trivialité n'a jamais nui, au, justement, "classicisme").
La bande-annonce raconte une histoire qui, habile, n'est pas exactement celle que nous raconte le film (et qu'on s'est faite, justement, en regardant la bande-annonce). Ça commence à mi-chemin entre Heimat (le film) et, disons Le ruban blanc, de Hanekechounet : Noir et blanc (avec tiens, un peu de couleurs avant, qui se sont tiens tiens évanouies. Ca parle allemand, (normal, nous sommes en Allemagne) et nous découvrons la tombe de Frantz, un jeune soldat récemment tué (nous sommes en 1918), tombe fleurie assidûment par une jeune fille dont nous découvrirons les parents, ou tout comme (elle devait épouser Frantz, et eux l'ont gardée comme leur fille). mais fleurie aussi par un mystérieux jeune homme, français, qui fait jaser et grincer des dents dans cette petite ville en ces temps de post-armistice où "les blessures ne sont pas encore cicatrisées", loin de là...
Ozon est malin, il nous fait nous faire toute une histoire (une certaine histoire), sauf que pas vraiment (je ne vous gâcherai pas le plaisir de la découverte). Et qu'il fait ensuite bifurquer ladite histoire, non pas vers celle qu'on aurait crue, souhaitée, mais, (après, d'ailleurs, une délicieuse fausse piste) oh qu'il est malin, une autre histoire. Tout ça dans un noir et blanc classieux, avec quelques passages -un peu systématiques et donc insistants ?- à la couleur, et même un entre les deux, à la façon des autochromes de Lartigue ou du traitement chromatique ("désaturé") de la Journée particulière de Scola (la scène dite "du champ de bataille".)
Un film sur le mensonge et le non-dit (sur le courage et sur la lâcheté, et même doublement) qu'on pourrait relier de très loin avec Juste la fin du monde, de Dolan. Il a quelque chose à dire, il fait le voyage pour, et il repart sans l'avoir fait tout à fait. Si l'image est aux petits oignons, l'interprétation l'est tout autant : face à un Pierre Niney idéalement frémissant et fiévreux (pffff je croyais avoir trouvé ça tout seul et je m'aperçois que le "fiévreux" figure arghhh! dans la critique de Première... tant pis je laisse), la jeune Paula Beer s'y révèle carrément magnifique (est-ce le noir et blanc ? j'ai pensé à Ida), et a d'ailleurs été -fort justement- récompensée par un prix d'interprétation à Venise.
Les Cahiaîs, toujours aussi horripilants, décrètent que le "premier film" (en Allemagne) est mauvais, tandis que le "second" (en France) est bon. Mouais. Tsss, quel chauvinisme, quel cococoricotisme, non ?