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lieux communs (et autres fadaises)

19 mars 2022

ces petits riens

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JANE PAR CHARLOTTE
de Charlotte Gainsbourg

(Je ne l'aurai jamais attendu que deux mois...). Deux personnages "publics", la mère et la fille qu'on connaît, l'une depuis qu'elle était jeune (Jane), et l'autre depuis qu'elle est toute petite (Charlotte), deux figures médiatiquement (sur)exposées, deux silhouettes filiformes en jean et t-shirt blanc reconnaissables, iconiques, deux voix aussi, très reconnaissables (l'une avec ses anglicismes charmants, qu'on soupçonnerait presque de temps en temps d'être un peu forcés pour la beauté de la chose, et l'autre idem avec ses inflexions enfantines adolescentes, nimbée d'une timidité qu'on pourrait soupçonner (tout autant que celle de sa maman) d'être un peu forcée aussi -mais, qu'on se le dise, J'ADORE la voix de Charlotte Gainsbourg, qu'elle parle ou qu'elle chante, (chuchote, susurre) d'ailleurs...-
Bref, Charlotte parle de sa mère, et parle à sa mère, en compagnie de Jo (Attal), sa petite dernière (ce qui fait comme une mise en abyme de mères et de filles). Et c'est touchant. D'évoquer, justement, les rapports mère/fille, entre elles deux mais aussi avec les soeurs de Charlotte (Kate et Lou), la mort de Kate, et l'ombre immense (et tue pendant un certain temps) de Serge G., qui finira par apparaître in extremis (le deus ex machina, bien sûr), sur des petits films intimes et familiaux, à l'issue d'une scène très émouvante (Jane revient, avec Charlotte, pour la première fois, dans l'appartement-mausolée de la rue de Verneuil, racheté -et bunkerisé- par Charlotte).
Un film touchant, émouvant, gracieux, à deux voix, à demi-mot, aussi... Un film sur le temps qui passe, et l'amour qui reste.

"Mieux vaut n'penser à rien que n'pas penser du tout.
Rien c'est déjà, rien c'est déjà beaucoup.
On se souvient de rien, puisque l'on oublie tout.
Rien c'est bien mieux, rien c'est bien mieux que tout.
Mieux vaut n'penser à rien que de penser à vous.
Ça ne vaut rien, ça ne m'vaut rien du tout.
Comme si de rien n'était, je pense à tous
Ces petits riens qui me venaient de vous."
(Serge Gainsbourg)

 

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18 mars 2022

chichon

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ENQUÊTE SUR UN SCANDALE D'ÉTAT
de Thierry de Peretti

Un titre pas très emballant, mais pourtant extrêmement juste. Encore une fois Thierry de Peretti tape fort (Les Apaches (2013), puis Une vie violente (2017) nous avaient bien secoués). Du cinéma maquisard, insulaire, teigneux, des histoires viriles formidablement filmées (un sens du cadrage -et aussi de l'ellipse-  qui me laisse(nt) pantois.)
Jusqu'ici, Thierry de Peretti, c'était la Corse, et voici qu'il délaisse le maquis pour un marigot politico-machin, mais continental, où grenouillent un certain nombre de prédateurs, de bandits, et de flics censés les arrêter, gendarmes & voleurs qui de temps en temps échangent leurs rôles et leurs places respectives, tout ça avec des cargaisons de shit qui se chiffrent en dizaines, voire en centaines de tonnes (ça n'a rien à voir avec votre petit dealer habituel en bas de la tour B.).
Le film démarre avec, justement, une grosse livraison de shit, arrivée par la mer, transférée dans des grosses bagnoles, sous la surveillance de Hugues (Roschdy Zem, remarquable) puis livrée dans une propriété dont le même Hugues referme la porte derrière lui (pour le spectateur lambda, il s'agit d'un trafiquant.). Le spectateur l'a vu aussi, il est témoin, il sait ce qui s'est passé.
Sauf que le même Hugues, quelques temps après, contacte Stéphane, un journaliste de Libé (Pio Marmaï, plus joliment barbu que jamais) pour lui faire des révélations fracassantes sur le vrai "commanditaire" de cette cargaison, et celui qui l'a embauché comme "infiltré". L'Infiltré c'est justement le livre de Hubert Avoine et Emmanuel Fansten dont le film s'est inspiré. Et va s'intéresser à l'histoire qui va lier ces deux hommes.
Procédant par sauts brusques dans les lieux et dans les dates, le film progresse à un train d'enfer, et l'utilisation de l'ellipse par le réalisateu ra toujours un effet aussi fort (brutal). Une distribution soignée (Vincent Lindon en sphynx omnipotent, Alexis Manenti en collègue de Libé, Julie Mourier en directrice de rédaction, Valéria Bruni-Tedeschi en procureur(e), Maryline Canto en juge, Sofian Khammes en journaliste tv) soutient énergiquement cette histoire en forme de réquisitoire (justifié).
Au cours d'un procès en diffamation, le plaignant (le salaud faux-gentil, Lindon splendide en contre-emploi) s'emploiera à démontrer que ce que le spectateur a vu au début du film est faux (ou n'a jamais existé). La vérité n'est plus ce qu'elle était, mais le cinéma, heureusement, continue de s'employer à la faire exister. Dans la mesure de ces possibilités.
Un constat très amer (socio-politiquement), mais en fin de compte l'histoire d'une belle amitié (virile, celles qu'on préfère.)

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En plus, la B.O est magnifique (mais, hélas n'existe pas en tant que telle, et la liste des morceaux au générique de fin est vraiment très longue...)

 

16 mars 2022

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(suite à la phrase, hier "Catherine a fait refaire son toit"..., comme qui dirait "de fil en aiguille"...)

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ça donne envie de faire refaire son toit

(oui, je crois que j'aime bien les couvreurs...)

15 mars 2022

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(imbitable) " Les deux pieds dans la techno-culture de son époque, il propose une réflexion sur la construction de la subjectivité sur fond de structures socio-médiatiques." (les Inrocks)

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 Oh oh Micheline et Marcello...

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"N'importe quoi pourrait être n'importe quoi d'autre et tout cela aurait autant de sens." (Tennessee Williams)

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Romain Goupil a été l'assistant de Chantal Akerman sur Les Rendez-vous d'Anna

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(je ne sais plus du tout d'où vient cette image, mais elle m'en évoque une autre)

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le commentaire est facile...

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Colin Farrell dans The Batman, voui voui...

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Curiosités Juridiques
"Est condamné à un an de prison ferme l’enseignant qui apporte souvent des viennoiseries à ses collègues le matin mais ne leur dit pas qu’il éjacule dessus d’abord."
Tribunal de Saint-Denis, 27 janvier 2022

"Est condamnée à 4 mois de prison avec sursis, la voleuse qui répond "Mytho de tes morts ! " au juge qui doute quand elle explique n'avoir jamais dit "Mange tes morts ! " au vigile.
"Est condamné à un an de prison (dont la moitié en sursis), l’homme totalement ivre qui, après avoir causé un accident de la route, crie "chat-bite" et touche les parties intimes du gendarme en train de le contrôler."

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émeutes au stade, au Mexique

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Je suis rentré dans la pharmacie pour acheter un masque FFP2, la pharmacienne me l'apporte en disant "0,40€", je n'ai pas assez de monnaie dans ma poche (10 cents en pièces orange), dans mon porte-feuille juste un billet de 50€, et la somme est trop faible pour une carte de crédit, je suis embarassé, la pharmacienne me dit "Je ne sais pas quoi vous dire...", j'envisage d'acheter autre chose pour compléter, et à ce moment, le mec qui attendait ses médicaments à la caisse à côté (j'ai juste remarqué sa casquette à l'envers...) fouille dans sa poche, en sort une pièce de 50 centimes qu'il pose sur le comptoir devant moi, simplement, sans rien dire. Je me confonds en remerciements, et la pharmacienne, avec un certain esprit d'à propos dit "je lui rends la monnaie à lui!".
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"J'organise une manif des gens qui comme moi sont complètement désabusés. Pour commencer je propose de ne même pas y aller."
(touit)
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Catherine a fait refaire son toit (huhuhu)

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(je ne sais pas pourquoi, mais j'ai un faible pour Benzema...)

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 (no comment)

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14 mars 2022

allez les petits gars!

CONNEMARA
de Nicolas Mathieu

Je viens de le finir, à regret, j'ai pourtant fait durer la lecture autant que je pouvais le supporter, pour en profiter le plus longtemps possible. Savouré. Je l'ai refermé, reposé, j'ai essuyé une larmichette (on ne se refait pas...) Au revoir Hélène, au revoir Christophe, au revoir Cornécourt...
J'avais lu, un peu par hasard LEURS ENFANTS APRES EUX et j'avais été enthousiasmé (le mot est faible, je m'étais pris une sacrée belle claque), et j'adore ces grand bonheurs-là (de lecteur) qui ne trompent pas, qui donnent, régulièrement, au fil du roman, envie de recopier des passages entiers ; les lire, jubiler, les relire, jubiler encore plus, et se dire "Oui, c'est ça, c'est juste, c'est exactement ça...". Une écriture somptueuse, précise, riche, dense avec un sens aigu du mot qui va donner soudain à la phrase un air de feu d'artifice, je pourrais même oser la qualifier de poétique (si si), tout autant que son voisin de dictionnaire (j'avais écrit de calendrier...), politique...
J'avais été séduit dès la première page, les premières lignes, (cette histoire de baguette et de vache qui rit), happé. Et cette façon de parler d'ados (de les faire parler, de les regarder vivre, de leur (re)donner la parole) était spécialement séduisante).
J'ai tout de suite acheté Connemara (heureuse coïncidence, un chèque-cadeau bienvenu, juste à point) et je l'ai commencé assez vite (je sortais de En attendant Dogo, de Jean-Bernard Pouy, qui m'avait -finalement- donné beaucoup de plaisir) en me demandant si le miracle allait se reproduire (bien qu'ayant déjà ça et là des échos  louangeurs, promettant même "encore mieux que le précédent..." waouh je nourrissais donc de grandes espérances mais en restant prudent...)
Il est, au début, question d'une femme, Hélène, la quarantaine, puis au chapitre suivant d'un homme, Christophe, la quarantaine idem, tous deux originaires de Cornécourt, une petite ville (imaginaire) de l'est (comme l'auteur en avait déjà inventé une autre pour son précédent roman), à la seule différence qu'elle (Hélène) en est partie dès qu'elle l'a pu  tandis que lui y est resté (n'a pas essayé d'aller voir ailleurs), et qu'un hasard romanesque bienvenu (ils se connaissaient étant ados) va faire se rencontrer à nouveau, après tout ce temps...
Et le roman embraye doucement, et on est toute ouïe, (façon de parler, on ouvre grand les yeux) et on voit se déployer la grand-voile (claquante, la métaphore est sonore) de l'écriture somptueuse de Nicolas Mathieu, et on a les cheveux dans le vent (comme quand, gamin, on lisait du Jules Vernes allongé sur son lit), et pourtant ça ne parle que de gens, mais on se laisse aller au grand bonheur de cette lecture (de cette écriture) affûtée, lyrique, brillante, terrienne, qu'on a tant de plaisir à retrouver...
Une femme, un homme, et chabadabada ? Un peu de, mais pas que, car l'auteur a l'intelligence d'alterner les phases temporelles (l'adolescence notamment, où on se dit qu'Hélène et Christophe auraient pu devenir copains -dans l'absolu- avec les protagonistes de Leurs enfants après eux, s'ils s'étaient retrouvé par hasard avec eux dans le même bahut imaginaire, ou au moins dans le même patelin, puisque l'époque est la même..., fermons là cette parenthèse imaginaire...) de revenir à cette jeunesse qui était tout le terreau de Leurs enfants après eux, de la mettre en perspective, de voir de quelle(s) façon(s) les différentes petites graines y ont germé
Roman humain, familial, social, Nicolas Mathieu furète dans tous les coins de la narration, pose, au fil des chapitres (un pour elle un pour lui) son regard attentionné et précis sur chacun des deux axes (Hélène, Christophe) de cette belle ellipse, et de leur entourage (les parents, les enfants, les copines, les potes).
Leurs enfants après eux se construisait sur quatre ans (92, 94, 96, 98), et autant de "fêtes", tandis que Connemara surfile l'année 2017 d'allers-retours temporels, d'âges de la vie, d'événements marquants, d'univers spécifiques de part et d'autre (le monde de l'entreprise ici, celui du sport là), dans une vaste et attachante chronique sociétale (sentimentale aussi) -on pourrait parler de politique-, qui va se conclure en grandes pompes, sous les doubles auspices pétaradants de (le même week-end) un mariage et une élection présidentielle! (Nicolas Mathieu aime bien les fêtes!)
Avec un détail supplémentaire qui augmente encore mon plaisir de lecteur : si il sait très bien parler des gens, il a aussi une façon, quasi photographique (sensorielle, en tout cas), de parler des hommes (bien que le récit soit très très "hétéro-normé"), des hommes dans tous leurs états :

"Les premiers levés émergèrent de leurs tentes vers neuf heures du matin, l'air de sortir d'un abri antiatomique après le cataclysme. Tout d'abord ils se mirent à errer dans les prés, les cheveux en bataille, portant souvent la même chemise que la veille, mais en pantalon de survêt et des tongs aux pieds, certains la clope au bec, beaucoup avec des lunettes de soleil sur le nez. On fit bientôt la queue dans les sanitaires. Des hommes allèrent même jusqu'à se raser. Le soleil frappait déjà fort."

*

"Ils burent comme cela deux verres cul sec en échangeant des paroles solennelles sur l'amitié et le temps qui passe. C'était l'heure virile du contentement de soi, de la lourde ivresse, quand on s'autorise des accolades et que la cravate ne tient plus qu'à un fil."

*

"Là il se vidait la tête et patinait jusqu'à l'épuisement. Après l'entraînement, assis à poil dans le vestiaire, il se regardait dans le miroir, sa queue qui pendait entre ses cuisses épaisses, les épaules endolories et massives, ses cheveux trempés de sueur, son ventre soulevé par l'essoufflement et ses muscles tous dessinés, du cou au nombril et jusqu'au jarret. Il constatait alors cette vitalité tellement visible en lui, qui lui passait par la peau, rouge aux joues, brûlante par tout le corps."

*

"Sur la nappe blanche les bouteilles laissaient une empreinte circulaire bien nette. C'était du linge épais, comme on en faisait jadis, d'increvable matière, des savoir-faire enviés et capables de parcourir des générations. Elle avait beaucoup servi cette nappe, des dimanches et à Noël, pour le gigot pascal, des occasions et des fêtes. Elle avait vu des hommes boire des vins de garde et bâfrer des viandes en sauce, des hommes avec leurs grosses pattes, leurs engueulades politiques, des rires d'ogres, le cul vissé à leur chaise tandis que des épouses tempérantes et soucieuses faisaient la navette de la salle à manger vers la cuisine, se retrouvant finalement pour la vaisselle et papotant alors à leur aise, le rire facile et la dent dure, alors qu'avachis, la ceinture ouverte et s'offrant des coups de gnôles locales, les hommes tentaient une parole définitive en écrasant un mégot au fond d'une tasse à café."

(et tout autant dans les scènes de sexe, aussi fiévreuses que dans Leurs enfants après eux)

Nicolas Mathieu est un romancier ample doublé d'un styliste remarquable.

"Ils quittèrent la pièce avec sur leur talons le chat qui n'avait pas lâché le père d'une semelle depuis qu'il était arrivé. Hélène resta donc seule dans sa robe superbe, avec son reflet et l'immensité du printemps que la fenêtre ouverte contenait à grand-peine."

Remarquable, oui

(même si, si je peux me permettre un petit bémol, je trouve que la couverture du livre est moy-moy...)

Connemara

13 mars 2022

sigh!

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Tiens, un coup de mou!

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On ne sait pas trop d'où ça vient tout d'un coup c'est là. Pourtant ce mois de mars est plein jusqu'à la gueule d'événements festifs (films, danse, concerts), de retrouvailles prévues sans pass et sans masque, de choses plaisantes, ensoleillées, qui remplissent de joie

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(en plus dans une semaine, enfin juste un petit peu plus, c'est la fin de l'hiver, une date importante du calendrier s'il en est, qu'on fête depuis très longtemps)

pourtant, oui, un coup de mou

(hier soir par exemple au spectacle de danse, il m'a fallu un certain temps pour rentrer dedans (parce que pour moi a priori le baroque et le hip-hop ne vont pas très bien ensemble, parce que le ThéV' était blindé blindé, parce que les gens étaient démasqués démasqués...)

et le film d'avant (oui j'étais au cinéma à 18h pour un film de 2h et j'enchainais la danse à 20h30) ne m'avait pas entièrement convaincu

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("ce pauvre gars a toutes sortes de problèmes à la maison")


en plus j'étais trop habillé, j'avais mal à la jambe, j'avais soif, je ne voyais personne dans le hall avec qui j'avais envie de parler, avant le pestacle tandis que j'attendais Manue, et c'est Patrick G., avec ses lunettes vert fluo, qui est gentiment venu s'y coller (il attendait aussi sa copine, et se trouvait dans la même situation que moi) et nous avons échangé civilement

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à la fin du spectacle, dans le hall grouillant de monde, Pascal B. est venu discuter un peu, et ça m'a une fois de plus haché le coeur menu menu

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Co & Pépin sont partis vite, Manue ne voulait pas rester pour boire un coup, Catherine était fatiguée et voulait rentrer, j'avais soif et j'avais faim et nous sommes donc sortis de conserve.

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(Ukraine, guerre, carburants, contaminations, FFP2, glycémie, chimio, hémoglobine glyquée, élections, candidats, actionnaires, chaussettes de contention, corticoïdes, nycturie, bricolage, thermostat, stationnement, diversité, horaires, plaquettes, etc.)

12 mars 2022

positif

"Mercredi 2 mars. Une journée comme les autres, sinon que dans l’après-midi, je vaccine des enfants en centre. Peu de monde, la campagne vaccinale des 5-11 ans n’a jamais décollé en France, à la différence de nos voisins européens. Alors qu’en Espagne et au Portugal, près de 60 % des enfants ont été vaccinés, en France on plafonne à moins de 6 %. Les pouvoirs publics se sont très peu impliqués, voulant éviter un tollé du côté des antivax et vaccinosceptiques. La longue omerta au cours de l’été 2021 autour des réels effets indésirables vasculaires chez l’adolescent de sexe masculin a échaudé de nombreux parents. Il aurait pourtant été plus simple et plus honnête d’expliquer qu’il existait un faible signal en faveur de rares myocardites (dont la très faible fréquence et l’évolution constamment bénigne furent mises en évidence en novembre 2021).

Cette transparence aurait rendu plus audible le fait que la dose pédiatrique utilisée dans la classe d’âge inférieure (5-11 ans) ne s’accompagne d’aucun effet de ce type. Et enfin la déferlante omicron a découragé de nombreux parents, qui passent leur temps à courir de l’école vide mais ouverte à la pharmacie pendant que leurs enfants slaloment entre les virus. Nous essuyons ainsi chaque jour depuis décembre de nombreux désistements parce que l’enfant qui devait se faire vacciner a le Covid.

L’après-midi est longue, et dans ce vaste espace aéré, la tentation de baisser le masque FFP2 est grande. Parce qu’aujourd’hui le masque me gêne. Normal : je suis enrhumé. Alors c’est pénible, cette sensation de sécheresse constante. Je sors du centre et vais m’asseoir dans l’herbe à l’extérieur en regardant couler la Nive. Le soir, de retour à la maison, je me teste, par acquit de conscience. Pour la cinquantième fois probablement depuis le début de la pandémie. Négatif, évidemment. J’ai reçu des patients au cabinet pendant des mois, travaillé en Covidrome puis en centre vaccinal, toujours porté des FFP2, même quand la France n’avait pas de masque chirurgical. Evidemment que je suis négatif, cette blague…

Deux traits rouges

Jeudi 3 mars. «Tu tousses… mets ton masque, me dit ma femme.

— Mais les fenêtres sont ouvertes… et je me suis retesté ce matin, tant qu’à être parano, autant y aller à fond : négatif !

— Ben tu le dis toi-même, on peut être négatif au début… Si tu es symptomatique, tu mets un masque, comme tout le monde.»

Nous sommes en voiture et en ronchonnant, je mets mon masque. Ce n’est quand même pas à moi qu’on apprend les mesures barrière, merde.

Toute la journée je toussote. Je reconnais bien les signes de la rhinopharyngite, et je me fais la remarque que c’est la première depuis plus de deux ans. L’hygiène des mains, et le port du masque, ont radicalement diminué ce type de désagrément. Le soir, ayant déposé les sacs de courses à la maison, je me teste à nouveau. J’en ai tellement fait, des PCR en centre, des antigéniques, que je n’y prête pas plus attention que ça. Je finis de mettre la table, je ramasse la cassette pour la foutre à la poubelle. Deux traits rouges.

«Merde. Je suis positif

— C’est une blague ?

— Non, je suis positif

— On a passé la journée en voiture, je vais le choper.

— Mais non, j’avais mon masque !

— Mais tu n’as pas arrêté de te moucher !

— Mais je ne peux pas me moucher avec le masque !»

Je m’enferme dans une chambre. Ma femme se teste, elle est négative pour l’instant. J’appelle les rares personnes que j’ai vues pendant les deux jours précédents, dont un ami avec qui j’ai fait un bref aller-retour en voiture en déchetterie, fenêtres ouvertes là aussi, sans masque. Il a été légèrement enrhumé comme moi, mais rien de plus.

Vendredi, samedi, dimanche se suivent. Un tunnel. Je ne fais rien, je ne peux rien faire. Je suis triple vacciné, je n’ai pas à affronter les angoisses de ceux qui chopaient un Covid au début, et c’est probablement un omicron, sans atteinte pulmonaire. J’ai de la fièvre, mais ma saturation en oxygène ne descend jamais en dessous de 95. Le plus perturbant, c’est intellectuellement. Rien n’imprime, rien n’avance, j’ai l’impression que mon cerveau mouline constamment sans avancer, comme une mise à jour Windows complètement plantée. Des patients m’envoient des messages, demandent des informations, des téléconsultations. Des administrations me relancent pour des paperasses. Je ne peux répondre à rien. Je fais savoir à Libé que j’ai le Covid, et j’apprends que, malgré la promesse des jours heureux, beaucoup de personnes connaissent quelqu’un qui a le Covid actuellement.

 Quelques minutes d’inattention

Lundi, mardi, mercredi. Ce n’est guère mieux. Mes symptômes sont d’une banalité extrême mais je serais incapable de travailler, de faire un effort. Je sais pertinemment que l’administration hospitalière a poussé des soignants malades à poursuivre leur activité, mais j’en serais incapable, et avec le recul je me demande si ce n’est pas la meilleure manière d’occasionner des séquelles cognitives même minimes, cette tentative de «surmonter» en force le brain fog, le brouillard cérébral des premiers jours. Ma femme, très prudente, est restée négative. Je poursuis l’isolement, d’autant que je suis toujours positif. J’annule tout ce qui était prévu, une séance de vaccination que je refile à un collègue, un déplacement à Paris pour une émission télé programmée pour la sortie de mon livre Tenir la ligne, chronique d’une pandémie. La seule émission que j’aurais faite en direct en plateau depuis le début du Covid, tant j’ai fui les foires d’empoigne médiatisée. «Ces raisins sont trop verts, etc.»

J’arrive à me concentrer suffisamment pour écrire une chronique, dans laquelle je parle de l’illusion de la fin du Covid. Ça fait maintenant un mois que j’ai l’impression de me répéter, de ressasser que la fin du port du masque à l’intérieur, sans information sur l’aérosolisation, sans investissement sur l’aération des locaux, est une décision incohérente. Un mois que je tente d’alerter sur le sort fait aux immuno-déprimés, que le vaccin ne protège pas, et sur le risque pour les enfants. Et au fond de moi je sais que malgré ces prises de position, au quotidien je me suis fait avoir comme un bleu. J’ai beau résister en paroles, en écrits. Le fond de l’air, la petite musique des jours heureux à venir, la minimisation constante du risque résiduel, j’y ai moi-même succombé. J’ai passé près de deux ans parmi les soignants, en première ligne, sans jamais baisser la garde, et chopé le Covid pendant quelques minutes d’inattention, sur un court trajet en campagne dans une voiture aux fenêtres ouvertes avec un ami asymptomatique. J’ai failli infecter ma femme. J’aurais pu infecter d’autres amis. Je fais part de mon état à quelques journalistes qui ont reçu un exemplaire presse de mon livre et l’une me répond par SMS : «T’as conscience que se choper le Covid en mars 2022, c’est comme se faire buter par les Allemands une semaine après la libération de Paris ?» Voilà, bravo. Je meurs entouré de sarcasmes." (Christian Lehmann / Libération)

 

11 mars 2022

rata alada

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THE BATMAN
de Matt Reeves

My god!
Je l'ai vu à la séance de 13h30, en VO, comme un pacha, tout seul vautré dans la salle 10, sans masque, j'aurais même pu mettre les pieds sur les sièges de devant si j'avais voulu (mais je ne l'ai pas fait)
Et, et ?

CA M'A ESTOMAQUÉ!

Trois heures, quand même (si on va jusqu'à la toute toute fin du générique, hein) et bien j'ai été en état de sidération presque tout le temps (excepté une scène imbécile de poursuite en voitures -passage obligé dans les bourrineries semble-t-il-, et une autre de roucoulade et pâmoison bécoteuse entre super-héros, toutes deux tout à fait dispensables, la poursuite d'ailleurs assez confusément filmée (fallait bien que tout pète à la fin), et le bisou final tellement attendu qu'il en fait sourire (de mièvrerie), ce qui n'est pas mal finalement parce qu'on n'a pas vraiment eu l'occasion jusque là d'exercer ces muscles là (dans ce film, je veux dire). Ah et aussi Batman en Mère Thérésa, ça aussi ça prête à sourire. Mais sinon noir noir noir.
Bon, c'est du grand public, hein (le film a déjà fait 1 000 000 d'entrées en une semaine) mais en VO (tout de suite ça a plus de gueule) et on ne se sent pas complètement stupide et popcorné comme si on matait Fast & Furious 18. Même si je ne suis pas vraiment fan des films avec des mecs en collants (disons que j'ai passé l'âge...) . Mais celui-là a de la gueule.
Donc je récapitule : Batman, c'est Bruce Wayne, un jeune homme, orphelin, (ses parents ont été assassinés quand il était petiot), très riche, alors il a décidé de mettre un super costume noir noir noir et de devenir Batman, le justicier (mais des fois aussi le Vengeur) pour arrêter tous les méchants. Et à Gotham -City c'est pas de la tarte parce que (presque) tout le monde l'est, méchant, veule, corrompu, menteur, violent (par exemple dans les flics il y en a UN qui n'est pas pourri, coup de bol c'est celui-qui mène l'enquête, en compagnie de Batman (qui, tiens, là, n'a pas de jeune ami nommé Robin...) mais du coup on va s'inquiéter jusqu'au bout pour lui.)
Pour l'ambiance générale et la déréliction, on en aura déjà eu une petite idée dans le flippant Joker de Todd Phillips (d'ailleurs dans la scène d'ouverture, on peut voir dans le métro -clin d'oeil référencé ?- toute une flopée de délinquants grimés en jokers...). Gotham City est une mégalopole (du futur) fuligineuse (oui, c'est exactement ça...) Et notre batmanchounet y est donc ton  sur ton (ce qui favorise les choses). Mais, à ce propos, ce qui me gêne un peu, c'est comme pour Superman ou pour Zorro : que jamais personne ne s'étonne de ne jamais voir en même temps le justicier masqué et le personnage public qui l'incarne en secret... ET AUSSI la vitesse et la facilité avec laquelle ils passent d'une identité à l'autre (pour Batman, c'est particulièrement frappant..), et le fait qu'il y a toujours -comme c'est pratique-  une bouche d'ombre à disposition à proximité, pour qu'il puisse surgir du néant et de l'obscurité pour taper sur (et faire fuir) les méchants, mais bon ne chipotons pas, et plions-nous de bonne grâce aux règles et codes du genre...)
Car il y a, dans cette ville, quelqu'un qui a décidé de s'attaquer à tous les puissants corrompus (pléonasme) et va commencer à les zigouiller de façon "originale" (inspirée), l'un après l'autre, en laissant à chaque fois une lettre pour Batman, avec des codes à déchiffrer, des devinettes à résoudre (un peu le genre de ce qui s'était fait, virtuosement, avec SE7EN) pour pouvoir passer au cadavre suivant. C'est le Grand Méchant, on va  l'appeler Scotchman, vu la prédilection qu'il semble avoir pour ce matériau...
Donc voici Batman et le flic honnête sur la piste du mystérieux ScotchMan. Ils vont aller de surprise en surprise (plutôt dans le genre mauvaises, les surprises), jusqu'à ce que se dévoile une vérité que même le scénariste, je suis sûr, il ne l'avait pas imaginée au début... Pire que ça tu meurs. (Et ça s'épluche comme les oignon : on croit qu'on est arrivé au bout, mais non, il y a à chaque fois une couche supplémentaire...)

J'ai l'air de rigoler, hein, mais c'est juste parce que je suis sorti du cinéma, parce que, hein jusqu'à 16h30 j'étais moins fier (je faisais moins le malin...) tout seul dans ma salle en pleine pyrotechnie.
Un film noir, très noir (sombre, très sombre) où le pessimisme n'y va pas avec le dos de la cuillère... Le budget est colossal, les décors sont pharaoniques, et on se dit qu'on en a vraiment pour ses 6,60€ (ça fait du 2,20€ de l'heure)
Robert Pattinson fait parfaitement le taf (waouh les gros biscottos!) les combats (comme les gueules des méchants) semblent vraiment venir directement d'un comic (manquent juste les grosses onomatopées PAF! BANG WHIZZZZ! du bruit des coups au-dessus des adversaires), et l'ambiance est aussi chiadée que le scénario est nihiliste (Tous pourris, tous tous tous... Même... ? Voui voui, même lui! (vous verrez bien de qui(s) il s'agit quand vous irez le voir!)
Voilà donc comment j'ai passé cet après-midi un excellent moment. Du cinoche à grosses burnes certes, mais pas tout à fait que. Je précise que je le vois en tant qu'objet singulier, je ne connais rien à la saga Batman, et je ne compte pas d'ailleurs forcément m'y intéresser davantage à l'avenir, mais je suis obligé de re-reconnaître que j'ai bien flippé ma race pendant ces trois heures...
Et j'ai eu la surprise de découvrir au générique de fin que dans le film jouait COLIN FARRELL et je ne l'avais absolument pas reconnu!!!
(C'est pas le flic, c'est pas le majordome, c'est pas Catwoman...), et c'est une excellente idée d'avoir fait jouer le méchant Scotchman par le doux Paul Dano (l'ado mutique de Little Miss Sunshine), avec ses lunettes en plastique et son visage poupin.
Je suis sorti ravi (et content de (re)voir la lumière du jour!).

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10 mars 2022

tatac tatam

La sélection du mois dernier de la Cinétek avait pour thème le train...
Parmi les 10 films proposés, j'ai revu avec plaisir des morceaux de CERTAINS L'AIMENT CHAUD, film que j'aime beaucoup (même si je trouve qu'il est très long à démarrer), mais j'ai découvert

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LE HASARD
de Krzysztof Kieslowski
(1987)

Que j'avais envie de voir depuis longtemps, comme L'IRONIE DU SORT (d'Edouard Molinaro) tous deux basés sur le "Et si..." (ou plutôt l "ou bien..." de Smking / No smoking) à savoir les différentes versions de la vie d'un même personnage selon qu'il arrive ou non à prendre un train...
Dans Le Hasard, la même scène se reproduit trois fois à l'identique (lejeune homme arrive en courant à la gare, il bouscule un homme qui tient une bière, et court après le train qui vient de démarrer... Une fois il le prendra, deux fois il n'y arrivera pas, et donc Kieslowski nous propose trois versions différentes de sa vie (bien symbolisées sur l'affiche ci-dessous).
Un film très kieslowskien, très polonais, où il est question d'amour, de politique, de religion, de milice, bref tout le "joyeux" arsenal de l'univers socio-politique de ces années-là.
Plaisant.
(à noter que le train, s'il joue un rôle décisif dans la narration, n'apparaît finalement que très peu dans le film...)

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LES RENDEZ-VOUS D'ANNA
de Chantal Akerman
(1978)

Que j'avais vu à sa sortie (on avait découvert peu de temps avant l'inaugural -et impressionnant- JE, TU, IL, ELLE, de la même réalisatrice). J'en gardais le souvenir d'un film un peu ennuyeux (j'avais 22 ans...) et, paradoxalement, si j'en avais complètement oublié l'histoire, il m'en restait des images très précises (d'Aurore Clément, surtout), parce que -je m'en suis souvenu- j'avais acheté, je ne sais plus où ni vraiment pourquoi, des photos du film.
J'envisageais d'y jeter juste un oeil, et finalement je suis resté jusqu'au bout.
D'abord pour Aurore Clément. L'incroyable pureté de son visage. Elle joue ici une cinéaste, la trentaine, qui parcourt l'Europe pour aller présenter ses films. Elle voyage en train (au contraire du film de Kieslowki, le train sera beaucoup utilisé dans le film, avec toute cette mythologie ferroviaire que j'aime tant : compartiments, quais de gares, rails, arrêts nocturnes, sifflements, crissements, bruit des freins, couloirs avec voyageurs qui fument et discutent le visage à la fenêtre, vraiment j'adore ça...) et va d'une ville à l'autre (d'un pays à l'autre) : l'Allemagne, la Belgique, la France (sa destination). Et rencontre des gens (un(e) à la fois) avec qui elle parle : des hommes, des femmes, des inconnu(e)s ou pas. De train en hôtel (et d'hôtel en train).
Chantal Akerman n'a alors que 28 ans (l'âge du personnage interprété par Aurore Clément) et le film est vraiment impressionnant (j'ai trouvé qu'il avait excellemment vieilli, et ne correspondait pas vraiment au souvenir que j'en avais...) Pendant un long moment du film, la réalisatrice filme des lieux cadrés de façon impeccablement symétrique, puis elle se libère de cette contrainte, en restant focalisée sur son actrice (que j'ai trouvée vraiment extraordinaire), en tournant essentiellement de nuit, et créant ainsi un objet aussi fascinant que paradoxal : il n'y a pas toujours vraiment d'échanges entre deux interloctuteurs, entre Anna et les autres. Chacun est dans son monologue, son bloc de mots, sa pose hiératique et sphingienne (c'est peut-être l'aspect le plus systématique, et parfois un peu aussi agaçant, "poseur" justement, du film), sauf peut-être dans la scène avec sa mère (Léa Massari, qu'on est un peu étonné mais ravi de trouver là), et encore.
Finalement, tout est fascinant dans ce film, qui est comme un écrin nocturne au milieu duquel rayonne cette pierre précieuse et mystérieuse (et du coup j'ai cherché d'autres films où elle joue).
Chantal Akerman utilise le "réalisme" comme dans Jeanne Dielman (réalisé quelques années avant) mais en en cassant le rythme, en jouant la durée, un peu, mais pas trop (il s'agit d'actes banals, ordinaires, communs, dans des lieux qui le sont tout autant), dans ce bel ojet cinématographique ou ferroviaire rime avec solitaire.
Magnifique.

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10 mars 2022

deux films avec un magnétophone à K7

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VOUS NE DÉSIREZ QUE MOI
de Claire Simon

C'est toujours un grand plaisir de retrouver Claire Simon, à chaque nouveau film (récemment il y a eu LE FILS DE L'EPICIERE, LE MAIRE, LE VILLAGE ET LE MONDE, en septembre 2021, en salle, et, auparavant, j'avais pu voir GARAGE, DES MOTEURS ET DES HOMMES, en juillet 2021 sur France 3 -et ensuite en streaming sur France.tv-, ce qui fait un rythme de travail assez soutenu, celui-ci, VOUS NE DÉSIREZ QUE MOI, est daté de 2020, tandis qu'un prochain, LE CORPS DES FEMMES, est d'ores et déjà annoncé...
Ce projet est un peu à part puisqu'il met en scène des acteurs "connus" (Emmanuelle Devos et Swann Arlaud) au service d'un texte "réel", préexistant, un peu comme dans Claire Simon l'avait fait dans le magnifique LES BUREAUX DE DIEU (2008) où elle avait utilisé des vrais textes d'entretiens pour les faire rejouer par des (magnifiques) actrices, dans cette touchante évocation d'un Centre du Planning Familial.
Ici, le texte pré-existant est une retranscription de cassettes audio, enregistrées en 1982 par Michèle Manceaux, journaliste et romancière, qui était allée interviewer, à sa demande, Yann Andréa, le jeune amant de Marguerite Duras, car celui-ci souhaitait, justement, évoquer Marguerite et la relation qu'il avait avec elle. Tout ça dans une pièce de leur maison de Neauphle-le-Château,  tandis qu'à l'étage inférieur, Guiguitte (je me permets de l'appeler ainsi, amicalement, bien que n'ayant jamais été un inconditionnel de la dame, ni dans ses livres, ni dans ses films, mais étant, par elle, tout de même fasciné) s'agite, s'agite (et lui craint d'ailleurs qu'elle ne finisse par monter) et manifeste sa présence.
Deux cassettes seront ainsi enregistrées, lors de deux entretiens consécutifs (un par jour). C'est le texte intégral de ce qu'a dit Yann Andréa qui sera joué scrupuleusement par un Swann Arlaud très impressionnant dans son incarnation, face à une Emmanuelle Devos / Michèle Manceaux impériale (comme à son habitude).
Claire Simon a filmé leur échange avec beaucoup d'intelligence et de finesse (et toute la sensibilité qu'on lui connaît) en de longs et patients (et périlleux) plans-séquences. La réalisatrice reste très près des deux comédiens, attentive, à l'affût. Proximité fait loi.
Deux k7 donc, avec un entre-deux, comme une respiration, qui (ne) suivra (que) la journaliste, dans un morceau de sa vie extérieure à la maison de Neauphle, une soirée paisible, une cheminée, un whisky, et le beau visage songeur d'Emmanuelle Devos.
La gageure était comment figurer la présence de Marguerite, comment la re-présenter ? (comme aurait dit quelqu'un que je connais "elle ne pourra pas venir car elle est morte..."), et Claire Simon relève le défi honnêtement (il me semble qu'elle utilise juste une fois la figuration, de façon très fugitive et floue, derrière une fenêtre, une silhouette, un pull beigeasse, de trois-quarts dos, lorsque Michelle M. quitte la maison le premier soir, mais n'en suis-je même pas très sûr), en insérant des extraits durassiens (je devrais écrire durassiennissimes), de films (India Song et sa fameuse Anne-Marie Stretter, et la blanche voix-off qui l'évoque /qui l'invoque) mais aussi de vraies vidéos d'époque montrant Duras herself (interviews, et même une scène de tournage de L'homme atlantique je crois, où elle malmène (c'est vraiment le mot) Yann Andréa, justement.)
Car leur relation est quand même assez hors-norme : hormis la différence d'âge (comme dirait le même quelqu'un que je connais : "Je suis atypique! ma femme est beaucoup plus vieille que moi!"), il sera aussi question de l'intensité de la passion qui les unit, mais tout autant de l'inexorable mainmise qu'exerce Marguerite D. sur son jeune amant (comme a dit Fanny en sortant : "Aujourd'hui on l'aurait qualifiée de perverse narcissique...") homosexuel à qui elle interdit tout de même de l'être!.( sans doute est-ce ce que Guigitte nomme La maladie de la mort...)
Interviennent aussi, en tant qu'inserts (autant poses que pauses) un certain nombre d'aquarelles érotiques, splendides, signées Judith Fraggi, évoquant réalistement, en contrepoint, les rapports -physiques- des deux amants. (c'est vrai que j'avais beaucoup de mal à imaginer M.D en train de faire l'amour...)
Et le spectateur moyen (moi, donc) de se laisser porter par la délicatesse (et la fragilité) de cette reconstitution, de l'attention portée aux moindres détails (le reflet des mains dans la fenêtre, les cris d'oiseaux dans la bande-son en amorce annonciatrice de ceux d'India Song), de ces quatre-ving quinze minutes à la fois décomptées et suspendues...
Un sublime (forcément sublime) objet de cinéma, qui ne peut pas laisser indifférent, en témoignent ces deux critiques aux antipodes :

"Grâce à l’intensité de jeu d’Arlaud et Devos, ce film étrange réussit à pousser les meubles du portrait d’écrivain pour faire place à une parole rare et peut-être scandaleuse : l’intelligence de l’homme détruit et, inextricablement, construit par cet amour." (les Cahiaîs)

"Les banalités s'enchaînent sur un ton assez docte. Swann Arlaud s'en tire comme il peut. Emmanuelle Devos ne fait rien. Duras, elle, reste au rez-de-chaussée. Elle a bien raison." (le Figaraud)

 

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MEMORY BOX
de Joana Hadjithomas & Khalil Joreige

Après le magnéto à cassettes de Michèle Manceaux, voici celui de Maïa, (on change de lieu mais pas forcément d'époque, enfin si mais pas tout le temps, vous comprendriez mieux si vous l'aviez vu...), la mère d'Alex, installée avec elle au Canada (elle a quitté le Liban) et qui reçoit, la veille de Noël un très gros carton en provenance de Beyrouth et de son passé, contenant ses journaux d'adolescente et les photos les lettres et les cassettes qu'elle envoyait à sa meilleure amie, lorsque celle-ci s'était expatriée, une trentaine d'années auparavant... Maïa refuse dans un premier temps d'affronter ce passé (son passé) mais c'est sa fille qui s'y plonge alors, en cachette, découvrant quelle adolescente a bien pu être sa mère, qui a toujours refusé de lui parler de son passé...
C'est le principe de l'omelette norvégienne, de faire coexister un Canada d'aujourd'hui, particulièrement hivernal et enneigé, avec la chaleur et le soleil et l'énergie d'un Liban d'hier (d'un Liban adolescent), et celà produit le même revigorant et plaisant choc thermique (et émotif).
Le film est enthousiasmant, dans cette façon de nous replonger, via les yeux d'une adolescente contemporaine, dans ce que fut l'adolescence de sa propre mère, et surtout de nous faire revivre, "de l'intérieur", cette guerre imbécile et fratricide (comme le sont toutes les guerres), cette guerre civile (merci wikipedia) qui ravagea le pays entre 1975 et 1990.
D'autant plus que les cahiers en question sont ceux de la réalisatrice, Joana Hadjitomas, et cette histoire donc, sa propre histoire...
Le film commence dans la neige et finira en plein soleil, dans une scène magnifiquement émouvante (oui, j'ai versé une larmichette) où, à n années de distance, les mêmes personnages dansent -avec la même joie- sur One way or another de Blondie (j'avoue que, contrairement à beaucoup d'autres morceaux de la B.O, j'ai dû shazamer en douce pendant le film pour savoir de qui et de quoi donc il s'agissait).
A propos de B.O, tout au long du film, j'avais les oreilles et le coeur qui frétillaient, à reconnaître, souvent dès les premières notes, des morceaux -souvent des tubes- que moi-même j'avais beaucoup écoutés (et aimés) pendant la même période, celle de mon adolescence (en tout cas ma prime jeunesse). Je prenais plaisir à en donner les titres à Catherine chaque fois que je le pouvais...
On aime ici beaucoup le travail de Hadjithomas / Jaureige (on a déjà programmé leur splendide  et étonnant Lebanese Rocket Society, (2013) mais celui-ci est encore plus fort, par la richesse, la multiplicité, (le foisonnement), des technique utilisées (en fait, tous les registres de l'image) et le travail titanesque qui a été accompli (car contrairement à ce que j'ai dit plus haut, et de façon plutôt écervelée, et avant qu'Hervé ne me gourmande, le film n'est que "basé sur" les cahiers de Joana Hadjitomas, et ceux (j'avsis quand même eu un léger doute) que l'on voit dans le film ne sont pas les siens, et il a donc fallu en fabriquer de nouveaux, en utilisant les photos des actrices et des acteurs...), ce qui rend le film encore plus admirable.
Un film formidable, bardé d'émotion, d'énergie, d'espoir, bref, tout à fait ce dont on a besoin en ces temps troublés mortifères et poutinassiers...
Allez vous faire du bien, courez-y!

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"Dans le film circulent les époques, les générations mais aussi les technologies,le passage du temps s’éprouvant autant dans le récit, dans ce que vivent les personnages d’une époque à l’autre, que dans la matière même du film. Ce jeu libre avec les régimes d’images et de sons est-il le coeur de tout votre travail, y compris dans ce film qui semble tout récapituler ?

JH - Nous n’aimons ni frontières ni définitions. On aspire à une grande liberté, la possibilité de pouvoir se mouvoir en faisant des films de cinéma,des documentaires, des vidéos d’art, des installations photographiques, des performances, des sculptures… Cela dépend vraiment de notre intérêt, notre inspiration, notre recherche… Dans Memory box, on a cherché à transformer nos recherches artistiques et formelles en quelque chose de cinématographique et d’accessible, quelque chose de jouissif pour le spectateur." (dossier de presse du film, passionnant, consultable , chez leur distributeur, Haut et court)

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