entregent
MOMMY
de Xavier Dolan
"Les sceptziques seront confondzus..." disait la dame dans la bande-annonce, et j'aimais bien cette phrase, transcendée par cet ineffable accent québecois. Je l'étais (sceptique) puisque je n'y étais pas allé (voir Mommy), et je le fus (confondzu) parce que j'ai fini par y aller, mercredi, premier jour du Festival Télérama où, dans le bôô cinéma, on passe, cette année, tout. Les 16 films. Et puisque j'en avais tout vu, sauf le garçon et le monde et, donc, Mommy, les 3,50€ furent donc un bon prétexte pour y aller, ainsi que la perspective de le voir assis entre mes amies Manue et Catherine.
Deux heures et quart plus tard, me voilà assis à la fin du générique, remué par ce que je viens de voir, et agité par tout un tas de pensées. Oui, Xavier Dolan m'exaspère toujours autant, mais il faut reconnaître que tout ça est très bien fait. Bien conçu, bien réalisé, bien filmé, (avec toujours ce sens aigu du réalisateur qui nous dit "regardez comme je sais bien filmer..."). Peut-être le fait que je ne sois pas un parent, d'une façon générale, ou une mère, plus précisément, fait qu'il y a là-dedans quelque chose que je ne pourrai jamais réussir à appréhender, de la même façon que, étant athée (ou agnostique) je ne pourrai jamais comprendre qu'un musulman ne puisse supporter la représentation du visage de son prophète. On est un peu dans le même genre de ferveur, quand je pense au visage de mes amies (Marie, Isabelle, Dominique, Fabienne...), comme il s'illumine lorsqu'elles parlent du film (et me vient alors le visage de Catherine Mouchet dans Thérèse...).
J'avoue que le premier quart d'heure, j'étais sur la défensive. S'habituer au flot de joual (les sous-titres sont bien utiles, quand le gamin se lâche), à la violence de chacun des deux personnages (la mère/le fils, oui voilà bien une problématique qui me restera - hélas ? - à tout jamais étrangère) principaux, au format carré, qui confine notre oeil de spectateur blasé habitué aux grands horizons du scope, à la répétitivité de l'alternance du rythme (méchant/gentil, calme/énervé), et puis paf! une scène de skate avec une morceau voix/piano (Craig Armstrong, si j'ai bien lu le générique) fait mouche (je me surprend à penser "ça c'est très bien, d'utiliser en accompagnement une musique qui a priori ne va pas du tout avec ce qui est montré..." et je me rappelle que Xavier Dolan est toujours très doué pour les bandes originales de ses films (j'ai adoré celle de Laurence, anyways alors que je n'ai pas aimé le film -oh cette grandiose séquence d'ouverture en caméra subjective sur A new error de Moderat...) , et cette idée de faire écarter le cadre par le gamin (et, bon, de tirer ensuite un peu sur cette corde, et c'est drôle de constater que beaucoup de spectateurs/trices ne s'en rendent pas compte, des changements de largeurs successifs, même moi, par exemple, je ne pourrais pas être absolument certain de celle de la dernière scène : wide or narrow ?), puis, un peu plus tard, cette très belle scène dans le karaoké, et ainsi de suite...
Oui oui je fais amende honorable : Mommy est un film fort, un excellent film (même si je ne le rangerais pas tout en haut de l'étagère en tant que film de l'année comme beaucou(e)p le firent dans leurs différents top 10 de 2014), et Xavier Dolan est un jeune homme aussi doué qu'il est exaspérant (et cela explique sans doute ceci.) Il faut lui reconnaître qu'il a la chance d'avoir un trio d'actrices/teurs extraordinaires, des stradivarius de l'acting (si les deux actrices sont vraiment bluffantes, on les connaissait déjà, on savait qu'elles étaient capables du meilleur, mais le môme, enfin, le jeune, est tout aussi magnifique, et ce d'autant plus que c'est la première fois qu'on le voit, et qu'il nous laisse, contrairement à lui, sans voix...) Il faut lui reconnaître, sans doute, tout autant, un sens du marketing, un don certain pour se vendre et (sur)vendre son film, et une roublardise d'autant plus confondante qu'elle est déguisée en naïveté (il y a quand même quelques scènes que je rangerais entre racolage et putasserie, non ?)
..et je ne peux résister au plaisir de vous citer les deux critiques qui n'ont pas succombé à la folie du ***** (cinq étoiles : magnifique et indispensable) :- le résumé d'écran large :
"Mommy se voudrait enlevé, coloré et pop. Mais Dolan accouche d'une souris cramoisie, hystérique et vulgaire."
- et l'article de critikat, ici, que je trouve plutôt juste et bien fichu, non ?
PS : ça y est Pépin, j'ai rempli ma part de notre contrat! et toi?