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lieux communs (et autres fadaises)
15 avril 2015

mettre votre langue dans ma glotte et souffler comme un phoque

CORPS A COEUR
de Paul Vecchiali

Une drôle d'expérience : la première fois que je l'ai vu, j'avais 22 ans, et la seconde, j'en avais 58! Comme le temps a passé vite ("la vie, on l'a comme pas vécue"). J'en gardais un souvenir ébloui, et là, au début, en le reregardant, je n'en voyais plus que les défauts... On ne voit pas un film de la même façon à 20 ans et quelques, et presque 40 ans plus tard...
Il s'agit d'une copie restaurée, dans le cadre d'une rétrospective Vecchiali, et, dommage, on s'en aperçoit dès les premières minutes, le son est pourri n'est pas très bon. Hélas, le Requiem de Fauré qui leitmotive la bande-son en ressort parfois un peu crachotant et esquinté. J'ai eu beacoup de mal à trouver des critiques "actuelles" pour mettre dans notre plaquette de programmation (les critiques, visiblement, ne se sont pas dérangés) et heureusement que j'avais sur mes rayons une exemplaire de la Saison cinématographique de l'époque, que j'ai donc recopié /recollé.

"Il y avait longtemps que nous n'avions vu un film pétri d'une aussi grande sensibilité. Voici un vrai mélodrame, sincère, comme on ne sait plus en oser, un mélodrame dans lequel chaque protagoniste ose, abandonnant toute fausse réserve, aller jusqu'au bout de sa passion, dans lequel les réserves et les conventions habituelles sont bousculées : qu'il s'agisse de montrer nue et heureuse une femme de plus de cinquante ans ou de filmer un homme s'abandonnant sans retenue au désespoir et aux larmes, au mépris de toute "bienséance". une écriture cinématographique intelligente et enluminée (plans de la "découverte" par Pierre de Jeanne-Michèle, scènes provençales), un montage superbe, une musique riche accompagnant avec bonheur le délire des images, donnent à cette œuvre d'auteur une superbe originalité.
(...) Mais il est difficile de parler objectivement de ce film qui ne laisse jamais indifférent et qui s'adresse totalement à la subjectivité et au pouvoir émotionnel de chaque spectateur. Quels que soient ses défauts, il a le mérite, de nos jours immense, d'une totale sincérité."
(critique d'époque : La Saison Cinématographique 1980 )

Je sais que j'avais vraiment adoré le film (j'ai même encore, dans une valise, l'affiche originale et le jeu de photos) et j'essaie de retrouver ce qui à l'époque m'avait tant plu : le couple Silberg/Surgère, probablement, la musique (j'avoue que c'est là que j'ai découvert ce fameux Requiem), la discrète allusion à l'homosexualité (l'amour porté en silence à Pierrot par son patron -et un peu artificiellement révélé par l'ex-femme de celui-ci-) doublée de la façon qu'a Vecchiali de filmer amoureusement la virilité de N. Silberg (mmm ce torse tous ces poils, ohhh et même, à la fin, cette jolie quéquette -oui oui ça aussi avait dû compter-), la galerie des personnages de "la ruelle" qui gravitent autour de Pierrot, les dialogues très écrits (j'avais recopié amoureusement quelques-uns des dialogues d'Hélène Surgère -qui est absolument magnifique, j'en profite pour le répéter, et qui n'a pas eu au cinéma la carrière qu'elle méritait- ) la chronique d'un amour fou non-partagé puis partagé quand même -ça aussi j'avais dû adorer- même si..., et le mélo qui va jusqu'au bout avec spoiler la mort de Jeanne-Michèle... Je crois me souvenir que j'y étais même allé plusieurs fois...

Je continue de penser que la vision de chaque film est unique. A un instant n, un film donné produira un effet e, et à un instant n+1, il produira un effet n+1. C'est pourtant le même film, c'est pourtant la même personne, mais le résultat sera à chaque fois différent, sensiblement ou carrément diamétralement opposé.

Là, par exemple, j'avoue que je suis resté un peu à distance. (Mon moi de presque 60 ans regardait du coin de l'oeil mon moi de 20 ans, avec un petit sourire, en coin aussi, comme s'il avait envie de lui dire "Tsss... tout ça pour ça ?") Je n'ai pas ressenti grand-chose je dois le reconnaître, et pourtant, je suis sûr qu'à l'époque ça m'avait mis la larme à l'oeil. Ce que j'ai le plus apprécié, c'est ce à quoi je ne m'étais pas vraiment intéressé alors : les personnages féminins "secondaires" (Anna, Emma, Mélinda, l'employée de la pharmacie) que je trouve très justes. J'aime aussi la façon de représenter l'obsession, l'idée fixe, que suscite l'amour (ces flashes incessants du visage d'Hélène Surgère qui viennent "hanter" Pierrot.) Le son, je l'ai déjà dit, est un peu pourri, et dès que ça monte en intensité, ça devient pénible, voire inaudible (la séance d'enregistrement de Mélinda est un calvaire auditif), et il semble que c'est pareil pour le jeu des acteurs : tant qu'on est dans un registre "normal", tout va bien, mais dès qu'on "monte" un peu dans la gamme des émotions, ça devient parfois pénible, parce qu'excessif et donc difficilement crédible (les larmes de Pierrot par exemple).

(et je n'arrive pas à terminer ce post que je publie donc comme ça dans l'état.)

14 avril 2015

louie louie louie louaaaaaaaaah

Bonne nouvelle! Il est de retour mon gros rouquin préféré... Oui, la saison 5 de Louie vient de débuter sur FX, et je n'ai pas pu résister au plaisir de voir immédiatement le 1er épisode. Ce sera une saison courte (seulement 8 épisodes prévus) mais je trouve toujours ça aussi bien...

Louie-season-5

On retrouve Louie décidé à se rendre à un "repas de parents d'élèves" (potluck en vo), tout seul donc (ni Pamela ni enfants), où il tient, contre l'avis de l'hôtesse, à apporter un plat de son fameux poulet frit. mais, bien entendu, rien ne se déroulera tout à fait comme c'était prévu...
Toujours ce même plaisant système de petits segments narratifs plus ou moins indépendants, reliés entre eux -tiens c'est nouveau- par les images d'un joueur de banjo... L'épisode commence en parlant des aliens et se termine en évoquant les racistes, et toujours avec ce ton aussi inimitable. Funny, not hilarious.  Louie s'est laissé un peu pousser la barbe et n'a pas maigri, mais c'est comme ça, vraiment, qu'on l'aime! Mmmmh...

13 avril 2015

qu'il est donc doux de rester sans rien faire

... tandis que tout s'agite autour de soi...
(Jacques Higelin, Poil dans la main)

LIBRE ET ASSOUPI
de Benjamin Guedj

Un joli "petit" film, vu cet après-midi, et que je n'aurais en principe jamais dû voir, mais le hasard a fait que. J'étais sur un site de téléchargement un endroit interdit où on n'a pas le droit d'aller et où donc je n'irai jamais puisque je n'ai pas le droit et donc j'ai vu l'affiche d'un film qui me disait vaguement quelque chose, (j'avais dû la voir au moment de la la sortie du film et je n'avais pas eu plus envie de le voir que ça, d'ailleurs je dirais même qu'il n'est jamais arrivé jusqu'à nos contrées cinéphilement reculées, et donc je l'avais oubliée) mais qui acquérait soudain un intérêt nouveau, puisqu'y figurait Félix Moati (fort apprécié récemment dans A 3 on y va), et, j'ai honte mais je suis franc, l'accroche suivante le concernant :"le kiff pour Bruno c'est d'être en slip, il est slipiste" (oui j'ai honte, messieurs les publicitaires je ne vous félicite pas d'utiliser de si vils arguments et surtout, que ça marche!)
Je l'ai donc téléchargé souhaité très fort et hop! il est apparu miraculeusement sur mon ordinateur au bout d'un certain temps, alléluia, alléluia! et j'ai pu ainsi commencer à le regarder, prêt à zapper sans pitié à la moindre déconvenue...
Et bien, que nenni! Nulle tristesse ni colère ne se lisait sur mon visage au moment du générique de fin, au contraire. C'était plutôt la combinaison d'un sourire attendri et d'un semblant de larmichette pointant, ce qui chez moi est plutôt bon signe...
Le film commence avec un jeune homme (Baptiste Lecaplain) qui parle à la caméra (à moi donc) et m'expose, de but en blanc ses mécaniques intimes masturbatoires ("parce que c'est un sujet délicat pour en parler et comme ça ça sera fait") avant de se présenter, et là, j'ai un moment de trouble : ses envies, ses ambitions, son plan de vie, sont exactement les mêmes que les miens furent : Rien ! Il ne veut rien. Il n'a pas envie de travailler, il veut juste rêvasser, regarder le plafond, oui, il veut ne rien faire (vous saisissez la nuance ?) alors qu'en principe l'âge est arrivé pour lui de se trouver un job, etc.
Le voilà en coloc avec Anna, une ancienne copine de fac (il est bardé de diplômes), et Bruno, un jeune homme  barbichu (voilà Félix Moati, un peu gentiment bourrin et amoureux transi d'Anna -Charlotte Le Bon-). Jeunes gens, appartement, cohabitation, confidences, insouciance, fou-rires, le contexte est familier, et tout à fait plaisant. Les histoires des mecs (qui tournent bien sûr autour des filles, bien sûr), mais celles des filles aussi (qui essayent de comprendre les garçons, c'est un film très hétéronormé, mais ça ne me dérange pas, voyez comme j'ai l'esprit large.) Dans cet appart, entre ces trois personnages, flotte un délicieux parfum d'adulescence, d'inachevé (le désir de Bruno pour Anna, la complicité d'Anna et Sébastien dans le dos de Bruno, la complicité "virile" des deux garçons)  comme si les gamineries, (les palabres et les jeux),  servaient surtout à (se) protéger, à laisser sans réponse des questions trop explicites.
Sébastien (le jeune homme qui ne veut rien faire) va "s'inscrire au RSA", où se lie d'amitié avec son conseiller -enfin, le deuxième-  (Denis Podalydès), qui décide même de le couvrir dans sa quête d'inaction, et la vie continue... Anna bosse (dans une maison d'édition), bruno enchaîne avec vaillance les petits boulots merdiques, et Sébastien ne fait rien, ou presque. Jusqu'à ce que...

Le film est très agréable, parfois un peu indolent (à l'image de son personnage principal) mais plein de petites notations délicieuses, de scènes drôles, surprenantes, attendrissantes. (le musée, l'ours, Valentine Caillou...). Un vrai "film de gens" comme je les aime (qui m'a évoqué lointainement, par sa structure, ce qu'il raconte, et ses fréquentes adresses-public le délicieux 2 automnes, 3 hivers), qui accompagne avec tendresse ces trois jeunes gens dans leur passage à l'âge adulte, chacun à sa manière, et qui laisse, oui, un petit goût agréable, le sucré  dissimulant la légère amertume que pourrait apporter le fait de grandir,  l'"installation", l'entrée dans une certaine norme, la fin des rêves d'adolescence, ou pas, d'ailleurs.
Oui, un joli petit film.

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12 avril 2015

et, pourquoi pas ?

A TROIS ON Y VA
de Jérôme Bonnell

Oui, qui se souvient de Pourquoi pas! le deuxième film de Coline Serreau ? Un trio amoureux (deux mecs et une fille : Sami Frey et Mario Gonzalès, et Christine Murillo -dont ma soeur dit que c'est notre cousine mais je ne suis pas sûr...-), dans la France de la fin des années 70, un parfum d'utopie amoureuse, de l'amour, de l'humour, on s'en était bien bien régalé à l'époque, avec les copines et les copains (j'avais arghh à peine 20 ans), on avait même cru d'ailleurs un moment que ça pouvait être un modèle mais on s'était vite rendu compte que non non.
J'ai repensé à Pourquoi pas! en voyant A trois on y va. Par la similarité de la situation amoureuse (ici, on a deux filles pour un garçon, les temps changent), par l'injonction donnée par le titre, par ce ballet des sentiments, ce trouble, cette confusion, oui, qui constitue(nt) l'essentiel de la matière -soyeuse et chatoyante- du film.
Jérôme Bonnell, d'abord, parlons-en un peu. Un réalisateur qu'on aime beaucoup par ici (n'aurait-on pas d'ailleurs passé quasiment tous ses films dans le cadre de notre programmation dans le bôô cinéma ?). Un réalisateur "discret" sans doute, mais pour lequel j'éprouve une énorme tendresse, surtout depuis le magnifique J'attends quelqu'un, (et la révélation que j'en avais eu de la divine Florence Loiret-Caille). Il y a des noms de réalisateurs, comme ça, qui me font éprouver de l'impatience quand je vois qu'ils vont sortir un nouveau film : Bonnell, Ameur-Zaimèche, Weerasethakul, Jarmusch, Porumboiu, Zang-Khe... Tiens ça y est je bave...
Parlons aussi d'Anaïs Demoustier, découverte-en moineau notamment !-  dans l'aérien Bird people de Pascale Ferran (tiens, elle aussi, que j'aime énormément, avec une belle constance...) ; elle "confirme", ici, (plus que dans le film d'Ozon) toutes les raisons qu'elle a de me plaire, mais il faut dire qu'elle est magnifiquement entourée/soutenue par ses deux "partenaires" amoureux : Sophie Verbeeck et Félix Moati.
C'est l'histoire d'une jeune avocate qui vit un début histoire d'amour compliquée avec une autre jeune femme, histoire qui va encore se compliquée quand une nouvelle relation va se nouer entre la jeune avocate et le copain de l'autre demoiselle... Bonnell filme tout ça avec son élégance habituelle, mais sans jamais trop s'apesantir, tout se joue comme une comédie un peu légère, sensuelle, pleine d'élans, de doutes, d'hésitations, de virevoltes, de ressorts comiques parfois presque boulevardiers (Ciel mon mari! cache-toi ma chérie) mais surtout beaucoup de grâce, de tendresse, d'attention(s). Une construction plaisamment (et discrètement) géométrique, avec des parallèles et des symétries, entre autres figures (sans oublier les hyperboles et les tangentes -celles qu'on prend-).
Plus que d'un film choral, il serait surtout question ici d'un trio (à cordes) cherchant l'accord parfait pour jouer le mieux possible la même (vieille) partition. C'est délicieux, c'est drôle, c'est attendrissant. A la sortie, j'ai dit "c'est charmant" comme j'aurais pu dire "ça m'a enchanté".
Et je ne partage pas les réserves de Jean-Luc (et d'autres) sur les fameuses trois dernières minutes. Telles que, ça me va tout à fait, il y a des indices qui pouvaient l'annoncer, me semble-t-il. (j'aurais été un peu gêné au contraire que ça se termine comme ça juste avant sur la plage.) Les happy endings de 2015 ne sont pas ceux de 1977, et c'est tant mieux!

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11 avril 2015

à gorge déployée

THE CUT
de Fatih Akin

Non, je plaisante... (le titre).
Finalement, j'ai quand même réussi à le voir (mauvaise semaine pour "nos" films dans le bôô cinéma : il était programmé deux fois seulement -comme le film de Tariq Teguia-, une, justement en même temps que lui -c'est ballot!- et l'autre, heureusement, en ce Mardi de Pâques -ah bon, ça n'existe pas ? -). On avait tenu à le passer, malgré les critiques pas franchement enthousiastes, parce que, bon, c'est quand même notre Fatihchounet chéri-chéri de Head on, de Soul kitchen, et, surtout surtout de De l'autre côté, alors, hein...
En plus, l'affiche annonçait Tahar Rahim (en gros) et Simon Abkarian (en plus petit), deux raisons de plus de ne pas de priver... 2h19 (dont un générique final de plusieurs kilomètres qu'on a suivi jusqu'au bout avec Christine pour voir où ça avait été tourné : Malte et Jordanie!), et des milliers de kilomètres aussi dans le film, puisque notre héros part d'Anatolie en 1915 pour arriver à Minneapolis (et même un peu plus loin) en 1923!
Fatih Akin a visiblement fait péter la tirelire dans une superproduction (il faut voir la liste impressionnante des co-producteurs) qui a dû coûter plus que bonbon (il nous avait habitués à plus simple!), une ample fresque historico-familiale, qui, si elle se laisse voir avec plaisir (je n'ai même pas fermé l'oeil une demi-seconde!) laisse quand même à la fin un léger léger arrière-goût de déception. Jusque là, Fatih, j'adorais sans arrière-pensée (Ah si Polluting paradise n'était -franchement- pas inoubliable mais bon c'était "juste" un doc.)

Là, j'ai pensé "Il s'est pris les pieds dans le tapis de ses moyens" et comme la formule m'a plu, alors je vous la livre telle quelle.

Le début du film est agréable, Tahar Rahim est mimi comme tout en forgeron aux mains noires, sa femme est jolie, ses fillettes adorables, les voisins charmants, et tout et tout. La vie au village, youp la boum. Ca bascule assez vite et tragiquement, puisqu'il est s'agit du génocide des Arméniens par les Turcs (et Tahar, qui s'appelle Nazaret dans le film, est Arménien), sujet toujours tabou en Turquie, d'ailleurs. Le voilà emmené en pleine nuit, avec tous les hommes de plus de 15 ans, puis employés à casser des cailloux pour construire des routes, et finalement emmenés* dans une marche terrifiante qui aboutira à l'égorgement de presque tous les hommes sauf un (Nazaret, gracié par celui qui devait lui trancher la gorge mais en est incapable et ne fera qu'enfoncer son couteau dans son coup, lui causant une vilaine blessure et le privant de la parole, mais produisant assez de sang pour faire croire qu'il est mort.) Je ne devrais pas l'avouer, ça va faire mauvais genre, mais il y a une scène qui pourrait devenir culte dans mon cinéma personnel d'après minuit, lorsque Tahar, mourant, frotte son visage barbu contre le visage barbu de son frère* allongé à ses côtés, mais qui lui est mort. Une scène magnifique.
Puis son "sauveur" revient le chercher à la nuit, et les voilà tous les deux qui crapahutent dans le désert, rencontrent des soldats déserteurs, les suivent, et  là  Nazaret décide, après avoir appris qu'elles sont toujours vivantes, de revenir sur ses pas, pour partir à la recherche de ses deux filles jumelles, Arsinée et Lucinée... Il rejoint d'abord un camp de réfugiés. La reconstitution est tellement colossale qu'elle pourrait avoir coûté la moitié du budget du film, c'est la première scène où on se dit "là, peut-être c'est quand même un peu too much...", surtout que le plus important (l'essentiel) est un plan rapproché sur Nazaret et sa belle-soeur*. C'est là qu'il l'a retrouvée, mourante, et qu'elle lui donne un indice pour retrouver ses filles. Le jeu de piste commence, il durera des années et des milliers de kilomètres. Et de toutes ces années, ce qui gène un peu, c'est que notre Tahar joli ne change pas d'un iota -ou si peu- qu'on a quand même du mal à le croire (bon, vous me direz, huit ans, c'est pas la mort tout de même et ça fait plaisir de voir Taharchounet au naturel, plutôt qu'artificiellement vieilli).
Au cours de son voyage, il va changer de pays, rencontrer des gens, certains l'aideront (un fabricant de savons particulièrement bon, un coreligionnaire attachant -Simon Abkarian-), avec toujours cette obsession : retrouver ses filles, tout ça fait avancer le film à un rythme soutenu, alternant les visions sanglantes (réelles ou rêvées) et les scènes de violence avec des moments plus doux (la séance de cinéma, par exemple).
Un film ambitieux, donc, trop peut-être, mais qui ne mérite pas toutes ces bouches pincées criticatoires qu'il a suscitées (dans les Inrocks, Kaganski le qualifie tout de même de "baudruche académique"!) Peut-être que Fatih Akin a vu trop grand, peut-être qu'il a été parfois maladroit dans le traitement de certaines scènes, peut-être qu'il n'était pas indispensable d'aller aussi loin, mais, il y a à la base de tout ça une envie, une énergie, une sincérité indéniable(s) (qu'on connaît bien chez Fatih Akin), qui, par le traitement du film, pourrait parfois  passer pour de la candeur ; n'empêche, on ne peut qu'être touché par cette aventure humaine, impressionné  l'évocation d'un sujet rarement abordé au cinéma.

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* : corrections apportées suite aux remarques de Christine

10 avril 2015

nous qui désirons sans fin

REVOLUTION ZENDJ
de Tariq Teguia

Le troisième film du monsieur (on a déjà passé les deux premiers dans le bôô cinéma). J'avais mis Rome plutôt que vous dans mes films de l'année. Puis j'avais mis aussi Inland dans mes films de l'année. Et je mettrai encore Revolution zendj dans mes films de l'année. Du cinéma qui m'émerveille, me fait venir les larmes aux yeux et palpiter le plexus , oui, qui m'enchante et me fait ronronner cinéphiliquement de contentement.
Le début, par exemple, est fracassant : du blanc cramé sur l'écran (Tariq Teguia aime les blancs cramés), on devine un homme qui marche (j'ai pensé au topographe d'Inland), qui se rapproche de nous, doucement, flouement (je suis obligé d'inventer des adjectifs) tandis que monte lentement un son de guitare(s) qui lui aussi m'électrise (je n'ai pas réussi à voir au générique de fin de qui il s'agissait) et que viennent s'inscrire sur l'écran les petites polices (Tariq Teguia aime les petites polices) des noms du générique, sur fond rouge-orangé me semble-t-il, jusqu'au très graphique titre, découpé en carré.
On est ensuite dans le film, le même homme qui marche, d'autres hommes, des visages enturbannés, filmés frontalement, cadrés splendide. Qu'est-ce que tu fais là ? lui demandent-ils (et ils semblent alors le faire au spectateur aussi.) Ils le laissent passer. Nous aussi.On le suit, on les suit. (J'avais presque du mal à reprendre mon souffle tellement je jubilais.) Et on passe à autre chose, ailleurs. Oui, la première chose qui frappe c'est l'ahurissante perfection plastique. Tout le temps, à chaque plan, à chaque image. Sans personnages dedans, déjà, chaque cadre (tableau) leur préexiste, de toutes ses forces. Couleurs, textures, composition, angle de prise de vue, focale, chaque plan mérite la contemplation. L'admiration. Le temps qu'on prend.
Passé(e) cette fascination initiale (qui perdurera pendant tout le film, jusqu'à la dernière seconde), le spectateur doit (peut) ensuite être attentif, car y  paraissent des personnages (certains devant, d'autres plus fuyants, parfois même fantômatiques), qui y disent (se disent, nous disent) des choses, et qu'il s'agit alors de reconstruire le propos (ou à chacun de se reconstruire son propos, de par les éléments que le réalisateur nous propose -ou pas-) de tenter d'organiser toute cette fulgurance, -mais est-il vraiment indispensable de vouloir donner du sens à toute proposition plastique  ?- de mettre en place puis de baliser, s'il le souhaite, des petits sentiers transversaux de compréhension. Ou bien d'accepter de se laisser porter, envahir, transporter. De perdre pied, de lâcher prise. D'être voyagé plutôt que voyageant. Ici ou là, quels sens, quelles directions, quels choix. Le film devient alors un atlas fascinant où chacun voyage à sa guise. Mieux qu'un musée, un état des lieux, contemporain,vivant, remué, retracé, distordu, revisité...
Avec ce troisième film, on commence à avoir (un peu) l'habitude de ce que Tariq Teguia nous donne à voir. De ces fragments narratifs, visuels, chromatiques. De ces notes (aussi bien être celles du carnet que celles de la portée.). Propositions, installations, détournements, situations. Il semble que cette fois que le propos se soit -géographiquement- encore élargi. Il est question de l'Algérie, toujours (le "personnage principal" est un journaliste algérien) mais il sera aussi question du Liban, de la Grèce (le deuxième personnage principal est une jeune fille, grecque, qui nous emmenènera d'ailleurs jusqu'à Athènes, dans un final rageusement rouge et noir), de l'Irak (où l'on verra le troisième personnage principal en plein délire de reconstructions commerciales et lucratives) et même des Etats-Unis. Beyrouth Bagdad Bassorah (j'ai retenu les villes en B. même si on finira sur une ville en A).
Question aussi de révoltes, de soulèvements, de répression, de révolution, oui ("La révolution, ça veut dire tourner... " Béjart, samplé par Hugues Le Bars). De foyers de. D'épicentres. d'insurrections qui viennent. Le "zendj" du titre est celui d'une tribu d'esclaves noirs qui se seraient révoltés au XIème siècle en préférant la mort à la soumission, et c'est à leur recherche que s'est lancé le journaliste algérien). C'est dommage, le film ne passe plus (il n'était projeté que deux fois, dont l'une où je ne pouvais pas être là) et je ne pourrai donc pas le revoir dans l'immédiat (peut-être à Paris à la fin du mois ?).
Hervé, me semble-t-il avait émis quelques réserves, historiques peut-être, ou sur la définition de certains personnages, je ne suis plus sûr. Moi, presque rien. (Peut-être juste sur le pourquoi de la nécessité de remettre deux fois la même scène (le "théâtre moderne" des jeunes grecs) filmée quasiment de la même façon.) Je me suis juste laissé allé, comme un bout de bois entrainé par le courant, flottant admirativement, ballotté baladé entre élégie et épopée, me disant, à la fin, ébloui, "oui, pour moi, c'est ça le cinéma, c'est vraiment ça, c'est tout à fait ça."

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8 avril 2015

servitude

JOURNAL D'UNE FEMME DE CHAMBRE
de Benoît Jacquot

Ah... Jeanne Moreau...  (soupir)
Eh bien, contre toute attente (je partais d'un mauvais pied), Léa Seydoux compose, il faut le reconnaître, une Célestine qui n'a pas à rougir de la comparaison avec son aînée (entre Jacquot et Bunuel c'est peut-être une autre paires de manches. Comme dirait mon ami Philou "Je n'ai aucun avis sur la question...")... Benoît Jacquot dit s'être recentré sur le livre d'Octave Mirbeau, et je veux bien le croire puisque je n'ai pas lu le bouquin en question. Cette Célestine est tout de même bien effrontée, pour une personne qui a "la servitude dans le sang" : elle marmonne des insultes à l'égard de sa patronne (Clothilde Mollet, plus que parfaite dans l'autoritarisme pincé), tient tête aux mains baladeuses (et pire) du mari de la patronne (Hervé Pierre, idéal de veulerie satisfaite et bonhomme), s'entiche du jardinier (Vincent Lindon hélas coincé en position "je ne bouge pas un muscle de mon visage pour montrer quel monstre de virilité je suis"), et va et vient entre différents postes successifs -il y a parfois des temporalités que je n'ai pas bien saisies- mais toujours finissant par revenir chez les Lanlaire, (oui oui c'est leur nom dans le film, je ne sais pas si c'est ça dans le bouquin).
Du Bunuel j'avais surtout gardé la scène des bottines (oui oui le vieux Señor Luis était fétichiste des pieds féminins et des chaussures qui vont avec) et de Georges Géret, grandiose dans la saloperie mâle (et Jeanne, bien sûr). Du Jacquot je garderai surtout Léa et Clothilde. C'est leur affrontement qui m'intéresse, bien plus que les rapports de la demoiselle avec l'ensemble de la gent masculine environnante. Benoît Jacquot est un cinéaste qui aime filmer les femmes, et les place toujours au centre de chacun de ses dispositifs filmesques (avec des résultats parois éblouissants : Godrèche dans La désenchantée, Ledoyen dans La fille seule, Kiberlain et Huppert dans La fausse suivante, et des plantages tout aussi retentissants -je ne donnerai pas de noms pour ne fâcher personne-) il est donc normal qu'il filme sa Célestine avec amour et convoitise (gourmandise) en laissant le spectateur mâle moyen rester sur sa faim : on tourne autour, on regarde vu de l'extérieur, mais on n'en aura guère davantage, ni téton ni lingerie ni ni. et pour moi c'était très bien comme ça. Le film est à ce diapason-là, plutôt class(iqu)e, un peu engoncé, corseté, comme les tenues de l'époque ("Vous avez une bien jolie toilette, lui dit la patronne à son arrivée, vous l'enlèverez de suite."). On tourne autour, oui, on reste en-dehors. Plutôt dans l'illustration que dans la subversion ou la malversation.
Mais bon,oui oui, je crois bien que j'ai adoré Léa Seydoux dans ce rôle, alors que je me préparais à tout le contraire. Chapeau ! (d'époque, et à plumes, s'il vous plait). Et en plus le plaisir de retrouver, dans un second rôle, le touchant Patrick d'Assumçao (de L'inconnu du lac!)

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(J'aime beaucoup l'affiche)

4 avril 2015

peliculas latinas (2)

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Dimanche soir, le cinquième film... Dans cette même salle où le son est très fort. Manque de bol, il y avait beaucoup de musique, et j'ai donc passé une grande partie du film avec les bouts de mon gilet enfoncés dans mes oreilles pour que mes tympans n'explosent pas. La plus grande originalité du film (et la raison pour laquelle on l'avait choisi), c'est qu'il nous vient de République Dominicaine, et le fait est suffisamment rare pour qu'on le souligne. Pour le reste, le film serait à rapprocher de L'evangelio péruvien vu précédemment. Des cojones et de la testostérone, certes (une guerre des gangs entre les deux moitiés de l'île, Haïtiens et Dominicains, un peu à la West side story) de la violence et du sang (des gros flingues -qui dans cette salle font plus de bruit qu'un train de marchandises passant à grande vitesse-), de l'amour aussi (à la Roméo et Juliette, non pas Capulet et Montaigu, mais, justement Roméo Haïtien et Juliette Dominicaine) un zeste de bible (deux demi-frères, l'un Dominicain - Caïn le fourbe- et l'autre Haitien - Abel le gentil) avec en prime un total refus de happy-end (non seulement le gentil meurt mais le méchant n'est pas puni, mais, surtout, le super super méchant -il y a un personnage de flic pourri pourri assez croquignolet- non plus. Un peu comme dans la vraie vie, quoi.

 

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Le meilleur pour la fin. Et nous voilà lundi soir, pour le sixième film, déjà, dont Hervé m'avait déjà auparavant vanté l'excellence (c'est le plus "vieux" de la sélection, décembre 2013), ce que Téléramuche souligne d'ailleurs aussi en haut de l'affiche. Séance de 18h, avec Manue, une trentaine de spectateurs/trices (trices en majorité, d'ailleurs), les meilleurs auspices, donc. Dès le début (et ça le fera pendant tout le film), je ressens ce truc au plexus, qui se soulève un peu et m'annonce un accès d'émotion intense (une bouffée de), et les larmes toujours au bord des yeux.
Dans les toilettes, une fille se déguise en garçon, avant d'aller rejoindre deux autres ados. On comprend assez vite que, guatémaltèques, ils souhaitent arriver aux Etats-Unis, en traversant pour cela tout le Mexique. Les trois amigos sont rejoints par un quatrième larron, un jeune indien, Chauk, qui les suit d'abord de loin,  pour se rapprocher de plus en plus du trio, malgré les réticences de certains. Les voilà embarqués dans cette Odyssée trans-mexicaine, de train en train, pleins d'illusions, passagers clandestins  d'un voyage cataclysmique qui va leur faire affronter successivement toutes les violences auxquelles peuvent avoir affaire les malheureux qui se lancent dans ce genre de périple. Le film est aussi magnifique que le récit en est éprouvant.  Avec des images  aussi belles que certains personnages sont épouvantables. Diego Quemada-Diaz nous harponne irrémédiablement, alternant sans concessions -sans répit- les petites histoires en pointillé du quatuor/ trio/duo -il y a un effet 10 petits nègres tout au long du film- les approches, rejets, attendrissements de ces ados entêtés et la violence des saloperies auxquelles ils doivent faire face, réussissant toujours à nous surprendre, à nous émouvoir, à nous révolter, à nous choquer. (Tous ces gens qui font de la misère des autres leur pain quotidien). Jusqu'à cette scène finale, glaçante, où le "rêve américain" révèle enfin son vrai visage, sinistre et pitoyable. Un grand film.

29 mars 2015

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Premier jour. Un joli film cubain "né sous une bonne étoile". Très, oui, très joliment filmé (et on voudrait nous faire croire qu'à Cuba ils sont pauvres!), l'histoire d'un joli couple (elle -dixit Joseline est "belle de partout"- tandis que lui -les yeux la barbe les frisettes- est mimi joli tout plein, et bien tout autant joli de partout qu'elle en ce qui me concerne, j'aimerais bien avoir un profesor comme lui) un peu à l'étroit dans sa maisonnette-hangarounet, où s'entassent les lits de la grand-mère un peu acariâtre et de la (grosse) fillette née d'un premier mariage de elle (à tel point qu'ils sont obligés d'aller forniquer ailleurs, les pauvres, même pas tranquilles chez eux), et un peu à l'étroit aussi dans ses finances : l'argent est rare et tous les moyens sont bons pour le faire rentrer, même ceux "que la morale réprouve" (ou que la policia verbalise). Elle travaille dans une usine vide, qui "attend sa réouverture prochaine", lui est instit et apprend, notamment à nager à ses élèves sur des chaises au fond d'une piscine sans eau... Un film doux, coloré, ensoleillé, verdoyant, épicé, tendre... Un peu indolent aussi, question scénar (tout est pratiquement joué dès le début, et pas grand chose ne sera solutionné à la fin, la vie continue, l'herbe est verte et les tracts continuent de pleuvoir), où quelques péripéties joueraient le rôle de glaçons dans un cocktail genre Cuba libre,  parfait pour ouvrir cette semaine sud-américaine.

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Là, c'est le deuxième jour, et ça rigole déjà nettement moins. Un film expérimental brésilien (si si) qu'on annonce de 1h35 mais qui m'a paru en durer deux. L'histoire d'un conducteur de tram et d'une surveillante vidéo du trafic, "librement adaptée d'une nouvelle d'Edgar Poe", et filme en -petit- format carré (arrondi dans les coins) format parfait par exemple, pour une scène de photos style photomatons ("changez de coiffure"). On s'ennuie assez longuement et assez longtemps (Il est seul, il est taciturne, ils se croisent, elle le draguouille, il ne répond pas à ses avances...), le format et le cadrage insistent sur la solitude et la mornitude et la démoralitude du héros (et donc du spectateur), oui on s'ennuie, et pourtant, et pourtant...  Soudain joue un certain effet de sidération, (à partir, me semble-t-il d'un plan magnifique de deux visages qui se croiseront jamais) où le spectateur (moi, donc) se sent moins exclus, et est comme pris par la main. Ou peut-être accepte de jouer le jeu. Il y a des chansons brésiliennes (qu'en principe j'abhorre, mais qui là sont tellement décalées qu'elles en deviennent savoureuses, une sur "quel bonheur" et l'autre sur "il est bon de se rappeler qu'un verre vide est rempli d'air") qui font penser que peut-être l'imperturbable et keatonien sérieux du récit (et de son personnage principal) ne seraient en fin de compte qu'un clin d'oeil complice déguisé. Ca vous donne en tout cas envie de lire cette fameuse nouvelle.

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Là c'était gala, un film en sortie nationale, on avait même réussi à avoir une actrice présente pour rencontrer les spectateurs (mais ce qui n'a pas été un argument décisif pour augmenter leur nombre et leur motivation, tant pis pour eux). Téléramuche l'avait chroniqué-expédié en quelques lignes à la limite du mépris, mais bon ça n'est pas tous les jours qu'on a la chance de voir un film péruvien!, et on s'était donc lancés. le film a été -assez idiotement  je trouve- retitré Un octobre violet à Lima (qu'on pourrait davantage supputer chronique lysergique et hallucinatoire) et raconte les histoires de plusieurs personnages (un flic et sa femme malade, un supporter de foot et son copain en prison, un faux-monnayeur et son envie de participer à la Procession du Seigneur des miracles) toutes histoires qui vont se croiser bien sur lors de la séquence finale, celle de ladite procession filmée "en vrai" (ambiance qu'on pourrait rapprocher de celle de la Bataille de Solférino, par le nombre et la ferveur de ses participants). Si le film a l'énergie, le rythme et les cojones, il pêche néanmoins par quelques maladresse(s) (flottements question interprétation, complexification inutile de la temporalité, utilisation insupportable de l'Adagio d'Albinoni pour "dramatiser" la scène finale..., surgissement réguliers des poncifs qu'on se doit de trouver dans tout bon mélodrame) mais comme je le disais, on n'a pas tous les jours une actrice péruvienne, et toute mimi de surcroît, qui vous fait la gentillesse de se déplacer, alors n'imitons pas Téléramuche, et indulgeons, et attendons donc le prochain film du réalisateur!

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Troisième jour : Une avant-première ! Le nouveau film de Lisandro Alonso, qu'on aime énormément ici et dont on a passé tous les films ou presque dans le bôô cinéma (et qui sortira le 22 avril!). J'avoue que sur le papier ça me faisait un peur : Viggo Mortensen, des dialogues en danois, co-production d'une demi-douzaine de pays, le film avait-il vraiment sa place dans la semaine latino ? Dès le début, je dois dire que j'ai été rassuré et conquis. D'abord par le nombre de spectateurs à la séance, qui confirmait donc qu'on avait bien fait de prendre le risque, mais, surtout, par le film lui même. Dès le premier plan, on est happé. Sous le charme. Séduit. Un format pas courant (rectangulaire arrondi dans les coins, comme les vieilles diapos en kodachrome 64, dont il a d'ailleurs le rendu magnifique des couleurs), une caméra qui se pose et reste encore même quand le personnage a quitté le cadre (de très longues focales, pour de très longs plans, c'est ça le bonheur cinématographique, exacerbé chez Lisandro Alonso). C'est Viggo Mortensen qui est au centre du  projet -et y a  aussi apporté des sous- (il a même composé la -parcimonieuse- musique), et c'est  normal qu'on ne voit que lui ou presque pendant une grande partie du film. L'ambiance rappelle, par exemple, celle de La dernière piste de Kelly Reichardt (film "en costumes" mais minimalisé, western "déchenillé", comme on dirait ici). Ici, la Patagonie, la fin du XIXème, des soldats, argentins, danois.  Mortensen joue un gradé danois dont la fille s'est enfuie pendant la nuit avec un jeune soldat, et qui part donc à sa recherche à travers la pampa. Et c'est sublime. (quand je suis enthousiaste, je suis enthousiaste!). d'autant plus que la toute dernière partie vous oblige soudain, spectateur béat,
-1) à remonter votre mâchoire avec votre main pour arrêter de baver d'admiration
-2) à reconsidérer tout ce que vous venez de voir et à vous interroger
Ca, c'est du cinéma, et du grand!

 

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J'ai vu celui-ci juste après Jauja, et c'était peut-être une erreur. D'abord parce que Jauja m'avait fait vraiment beaucoup d'effet, et ensuite parce que celui-ci, même s'il a obtenu le prix de la meilleure photo à Venise, est tout de même très très aride, quasiment documentaire à peine scénarisé, et que, étant fatigué, j'ai donc hélas eu du mal à résister et oui j'ai honte j'y ai pas mal dormi. Je me suis réveillé sur une image finale qui m'a fait me poser des questions, une image rétrospectivement glaçante. Ah, c'est un film chilien, qui parlent de dames qui élèvent des chèvres et font du fromage dans la misère, et apprennent que, par décision gouvernementale, lesdites chèvres doivent être abattues parce qu'elles bouffent toute l'herbe. On est au temps de Pinochet, mais, là où vivent les trois soeurs, tous ces évènements se déroulent très loin, et leur écho n'en parvient que très assourdi. Du cinéma incontestablement courageux, pour ne pas dire vaillant. Chapeau, donc.

26 mars 2015

de charisme en syllabes

UN HOMME IDEAL
de Yann Gozlan

Il y avait Pierre Niney, avec sa tête de chaton et ses grand yeux délicats, il y avait l'affiche, qui me faisait miroiter une bluette romantique, il y avait la séance de 16h (il était 15h55), il y avait Le printemps du cinéma, et ses séances à 3,50€, il y avait deux heures à tuer avant d'aller chez les S, et j'y suis donc entré, sans savoir du tout ce que j'allais voir.
Ca commence plutôt pas mal : un pauvre jeune déménageur, aspirant-écrivain, trouve un manuscrit écrit par un soldat français lors de la guerre d'Algérie. hop! il l'envoie à un éditeur en le signant de son nom (après l'avoir recopié sur son ordi), et re-hop! l'éditeur le rappelle, il adore le roman, le roman est publié, il obtient un prix, le jeune homme comblé en profite pour dégotter la femme de sa vie, et hop hop hop! "trois ans après" nous dit le film, le voilà qui arrive en ouikinde, dans sa belle voiture ed'sport, chez ses beaux-parents, qui ont une super-belle maison friquée sur la côteavec sa fiancée chérie et on se demande alors qu'est-ce qui pourrait bien arriver dans cet océan de bonheur narratif, ensoleillé de surcroît où tout n'est que politesses, citronnade, piscine, et armes de collection.
Sauf que, bien sûr.
L'éditeur téléphone, et le presse d'envoyer son nouveau texte, ce pour quoi il a reçu une avance faramineuse (et bien sur, le jeune homme est incapable d'écrire une nouvelle ligne) et il lui répond que c'est en cours et que ça avance bien (premier mensonge), puis la banquière téléphone à son tour pour lui dire qu'il est très à découvert, et qu'il faut renflouer, et il lui dit que son éditeur doit lui envoyer une avance et que ça va s'arranger (deuxième mensonge), et voilà qu'il reçoit une lettre anonyme contenant la photo de l'homme à qui il a volé son roman (là il ne peut rien répondre, mais il ne va pas tarder à faire connaissance avec l'horrible maître-chnateur qui le menace de révéler la vérité à tout le monde.) Aïe aïe aïe.
A partir de là, le film part en vrille, le jeune homme se met à faire des mensonges de plus en plus gros, et des conneries de la même taille (faux attentat, vrai-faux cambriolage, vrai meurtre avec débarrassage de corps nocturne et jetage dans la mer et retour à la nage) les gens se mettent à être de plus en plus cons et coopérants (personne n'entend rien, personne ne se réveille la nuit, personne n'a de doutes) et le scénario semble progresser au coup par coup, en poussant de moins en moins de délicatesse le cursueur de l'invraisemblable) puisque chaque problème est "réglé" par le jeune homme par la mise en place d'un autre, à ce ryhme-là on n'est pas près d'en sortir. D'autant plus que le réalisateur ne se prive pas, pour pimenter la sauce, de rajouter quelques scènes de cauchemars ou de fantasmes (imaginons le pire qui pourrait arriver, genre "on dirait que le sang du cadavre dans le placard coulerait du plafond sur la nappe immaculée de la salle à manger...), assez gratuitement (Il faut bien faire "thriller").
Les histoires d'imposture peuvent être assez plaisantes, mais là, pour le coup tout s'enchaîne de façon dommageable (les scénaristes se sont dit "qu'est-ce qui pourrait arriver de pire ?") soit parce que trop prévisible, soit par ce qu'invraisemblable (cette façon énervante qu'ont les "problèmes" de ne se manifester qu'un à la fois, pour que le spectateur puisse suivre (pourquoi à un moment l'éditeur arrête-t-il de téléphoner, la banquière de bloquer, le maître-chanteur de harceler ?), comme quand Bruce Lee est entouré par douze redoutables tueurs ninja de la fureur du dragon de la mort qui tue, mais qu'il attendent chacun leur tour pour venir bien se faire tataner et karatéker par le champion). ici, pareil, chacun attend sagement son tour, et le spectateur a le temps a la fois de voir venir venir les choses et de faire la liste des invraisemblances...
J'avais un peu pressenti le coup, quand Zabetta, à la caisse du bôô cinéma, m'en avait juste dit "Pierre Niney est très bien" -elle l'avait vu la veille- (sous-entendu "mais le reste du film bof bof...")
La fin tagada tsoin tsoin est très horriblement morale (oh le pauvre renégat en sweat à capuche trempé qui regarde par la vitrine de la librairie le monde bourgeois et champagné qui l'a rejeté -ou qu'il a rejeté ?- et s'éloigne à tâtons dans la nuit solitaire et glacée...). Bon, c'était 3,50€ mais je l'ai vu en plus dans un salle pleine de vieillard(e)s cacochymes qui commentaient à voix plus ou moins haute, comme s'ils étaient en tête-à-tête dans leur salon, ce qui n'a pas vraiment arrangé mon humeur...

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