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lieux communs (et autres fadaises)
21 décembre 2008

verre pilé

MY MAGIC
d'Eric Khoo

J'avais adoré Be with me. Celui-là je l'appréhendais un peu, au vu du résumé. Dans Be with me, il était question d'amour (trois ou quatre histoires enchevêtrées, heureuses ou malheureuses). Dans My magic aussi il est question d'amour, mais filial, cette fois-ci, celui d'un père pour son fils. Vu hier soir, donc, et c'est un film d'une insondable tristesse. Construit autour d'un personnage impressionnant (un magicien -un vrai, d'ailleurs-, qui croque du verre, se transperce aux endroits les plus divers avec des accessoires idem, allume spontanément ses mains et autres joyeusetés) alcoolique (très alcoolique), qui vit avec son jeune fils depuis le départ de sa mère, (à qui il téléphone régulièrement alors que depuis longtemps la ligne en a été coupée), et va soudain cesser de penser à lui, et à sa souffrance, pour tenter d'offrir à son fils un avenir plus reluisant que le sien.
Un film effroyablement réaliste, où le calvaire de cet homme qui souffre (de plus en plus) pour de l'argent (qu'il destine à son fils) nous met, spectateurs, à la même place que ce boss aux yeux fixes et cruels, qui ne cillent jamais, mais semblent se repaître de cette souffrance donnée en spectacle, et revendiquée en tant que tel, puisqu'elle est monnayée.
Pour Eric Khoo, la réalité, le présent, ne sont qu'une mince cloison entre les souvenirs et les rêves, cloison contre laquelle pourtant on ne cesse de se cogner la tête, de la plus violente et la plus absurde des façons. Douloureusement. Le monde est cruel, dira à un moment le père à son fils. Le film se clôt pourtant sur une scène très douce, muette, apaisée (la scène originelle ?) où le présent (le réel) est aboli, où l'on se réfugie dans l'ailleurs, comme on se coucherait dans la neige lorsqu'on est très fatigué. L'illusion du secret, c'est le secret de l'illusion.(Cette phrase, qui me fascine depuis longtemps, était citée en ouverture d'un film, que j'aimai beaucoup, il ya longtemps, et que je n'ai jamais revu. Il s'appelait Trompe-l'oeil. Et, miraculeusement, elle résume celui-ci...)

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19 décembre 2008

sur la plage abandonnée...

LES PLAGES D'AGNES
d'Agnès Varda

J'y suis allé, poussé par la curiosité et aussi par l'enthousiasme extrêmement laudatif de mon ami Hervé, tout en me posant la question "Peut-on aimer ce film si on est réfractaire à l'univers de Jacques Demy ?". La réponse est oui (avec quelques nuances). Agnès Varda y raconte sa vie, la dépeint la repeint la recrée la scénarise l'accommode la réinvente. Parler de soi est un exercice périlleux, sans tomber dans la complaisance le nombrilisme ou la flagornerie. Moi je. Ainsi, la scène d'ouverture (celle des plages belges, avec les miroirs) qui m'a quasiment cueilli à froid, m'a vraiment subjugué, ravi (au sens propre), émerveillé. Comme un gosse. En quelques minutes, j'avais déjà les larmes aux yeux devant la beauté et la force de cette installation, et ce qu'elle répercutait en moi. Il y a plusieurs moments, ainsi, qui sont extraordinaires, et d'autres plus... ordinaires.
Ce qui est bien, c'est que ça m'a permis de réviser le cursus d'une cinéaste que je ne connaissais pas forcément si bien que ça (enfin si, livresquement : je connaissais  les titres de ses films, (La pointe courte, Lion's love, Murs murs, Documenteur...) tout en en ayant vu très peu). C'est un peu comme si je ne l'avais jamais vraiment rangée parmi les "vrai(e)s" cinéastes.)
Le film est un Je me souviens en images (ou en marabout de ficelle), une re-création / récréation, de l'enfance à aujourd'hui, avec des trucs et des machins, des dispositifs, des installations, des coq-à-l'âne. Agnès Varda, pour moi, c'était surtout la copine à Jacques Demy, et donc quelqu'un dont l'univers a priori  ne m'intéressait pas plus que ça. Mais là, force est de reconnaître qu'on y prend beaucoup de plaisir, que c'est vrai qu'elle a une façon extrêmement sympathique agréable et originale de raconter tout ça, sous forme de pêle-mêle, de fourre-tout. Entre collage et bricolage. Elle parle, elle parle d'elle, elle nous parle d'elle, de ce qui lui tient à coeur : de son père, de ses soeurs, de son compagnon, de ses enfants, de ses voisins, de sa société de prod, de ses copines, avec la même simplicité souriante :des photos et des extraits de films, des documents d'archives, mais aussi des vidéos confectionnées sur mesure pour l'occasion. C'est touchant, attendrissant, et plusieurs fois oui oui j'ai eu les larmes aux yeux.
J'en ai appris  un peu plus sur Jacques Demy, sans que cela  ne me donne forcément davantage envie de voir ses films, ni sans le connaître vraiment mieux (il y a des zones d'ombre chez ce monsieur, desquelles Agnès V. s'approche mais avec des prudences de chat...)
Disons-le, la seule chose qui m'a un peu gêné (agacé ?) c'est le name dropping qui revient régulièrement, comme une soirée diapos en famille où l'on entendrait "là c'est mon copain Jim Morrison, là c'est  mon voisin Calder qui m'offre un mobile pour me remercier, là c'est Jean Vilar qui vient boire le café, là c'est Brassaï qui me prend en photo, là c'est Fidel Castro qui me fait coucou..." (mais peut-être est-ce juste de la jalousie de ma part ? Tss tss.) Ca prouve au moins qu'elle a bien vécu.
On sort du film, paradoxalement, avec le coeur plutôt aérien,  dans les cheveux le vent du large et dans la tête le bruit du ressac. Paradoxalement, parce que s'il y est, finalement, beaucoup question de mort, rien de morbide n'y subsiste. Juste la joie (de vivre). Et beaucoup de balais.
Moi aussi j'aime beaucoup les plages...

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18 décembre 2008

objectif

L'HOMME A LA CAMERA
de Dziga Vertov

Les hasards de la programmation ont fait que j'ai vu ce film le même jour que celui d'Agnès Varda, et que j'ai d'ailleurs, dans un premier temps, failli les chroniquer ensemble, tant ils m'apparaissaient avoir des points communs, surtout dans leur façon (personnelle) de jouer avec le cinéma (d'ailleurs Agnès varda cite Dziga Vertov, tandis que l'homme à la caméra lui renvoie le ricochet avec une image de personne enterrée sous le sable sur la plage).
L'homme à la caméra, ça faisait des siècles que j'en connaissais le nom, sans jamais avoir eu l'envie d'en voir le moindre morceau. Pour moi c'était le prototype du cinéma hyper intello et monumentalement chiant, le genre d'oeuvre qui faisait se faire pipi dessus de joie aux journalistes des Cahiaîs du Cinéma (aux temps héroïques où, écrivait je ne sais plus qui,  ce vénérable magazine n'était pas encore traduit en français.)
La programmation d'un ciné-concert semblait donc une occasion idéale pour accéder à l'oeuvre en question, en mettant les chances de son côté. Si le film ne plaisaot pas, il y aurait toujours au moins la musique! Première surprise, en arrivant : la salle était pleine (alors que je supputais qu'au grand maximum une trentaine de pékins seraient mobilisés par l'évènement).
Deuxième (et de taille, mais, comme dans la pub, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis) surprise : j'ai passé un excellent moment. Doublement, grâce au film et grâce au concert (les musiciens ont été annoncés comme le groupe Absent : guitare(s), batteries, électronique, boucles sonores et déflagrations soniques, cette musique-là m'a vraiment scotché), et, plus encore, par l'ensemble des deux. (Le film tout seul et sans rien, comme ça, à sec, eût sans doute, je pense, été plus indigeste...)
Un film sans (rien) : sans acteurs, sans scénario, sans intertitres ni sous-titres (mais avec tout de même un vrai générique, pour expliquer tout cela, et des sous-titres pour le traduire!) Et de quoi-t-y donc qu'ça cause ? Une journée dans une ville russe, du réveil au coucher, du matin jusques au soir, du travail aux loisirs, de la naissance à la mort, etc., avec un filmeur qui filme tout, tout le monde, et partout (l'homme à la caméra du titre), une monteuse qui monte (le montage du film que nous sommes en train de voir) et des spectateurs, qui spectactent, regardant le film que nous sommes nous-mêmes spectateurs en train de regarder.
Et derrière tout ça, un réalisateur qui s'amuse, expérimente, bricole, bidouille, avec un plaisir évident, une joie manifeste. Qui se permet tout, mais dans la gamme du ludique, plutôt sourire que sourcils froncés. Et la musique puissante (mes voisines ont trouvé que c'était parfois trop fort, mais moi que nenni) qui acompagne tout ça, puissamment, intelligemment, magistralement, quoi. Ah que la Russie était jolie en 1928, et comme tout le monde y semblait joyeux... Propagande dites-vous ? Nan, juste retranscription!

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14 décembre 2008

survol

Décembre, le moment des bilans divers pour le listophile que je suis. Le rituel du "top 10". Les films qui marquent, les films qui ont marqué, les films qui restent. Parfois pour des raisons strictement cinématographiques et parfois pas forcément. On se rend ainsi compte (c'est bien, le blogchounet pour garder des traces) qu'il y a des films qui s'évaporent, d'autres qui se désagrègent, d'autres encore qui se dissolvent, et là, de place en place, dressés comme menhirs ou balises sur l'axe temporel, ceux qui subsistent.  Pas forcément en entier, mais bon, ceux qui sont encore là.
Je ne publie pas ma liste avant la fin décembre (il est déjà arrivé que le dernier film vu dans l'année y rentre illico -je me souviens avec émotion de Be with me, vu quasiment un 31 décembre...), je suis donc en train de faire les élagages préliminairs (pour le moment restent en lice une douzaine de films : (carte du monde) trois français (incroyable!), deux américains, un mexicain, un argentin, un italien, deux israéliens, un turc, un belge et un algérien... (finalement, qu'est-ce qu'on voyage, huhuhu)
Mais rien n'est encore joué!

11 décembre 2008

bêtes et méchant(e)s

BURN AFTER READING
de Joel & Ethan Coen

Bon d'accord, c'était en v.f dans le bôô cinéma, mais tant pis j'avais envie, alors... Y avait du monde dans la salle, et  sur l'écran aussi y en avait. Une sacrée brochette. Après un générique très gougueul eurf (avec de la musique qui tape de Carter Burwell),on attaque avec John Malkovich (un peu alcoolo), qui vient de se faire virer de la CIA,se fait engueuler par son épouse Tilda Swinton (un peu salope frigide, c'est le film qui le dit), dont on sait très vite qu'elle le trompe avec Georges Clooney (un peu bellâtre avec la chaîne en or). Premier triangle. Ailleurs, dans un club de gym, batifolent Frances Mc Dormand (peroxydée) qui rêve de chirurgie esthétique, Brad Pitt (qui bénéficie d'une création capillaire assez mimi) en moniteur de fitness gentiment neuneu, et Richard Jenkins en balourd aux yeux tristes secrètement amoureux de la blonde. Second triangle.
Ces deux univers qui n'avaient à priori aucune chance de se télescoper vont pourtant le faire, sous le prétexte d'un cd qui contient les codes bancaires (et les mémoires) de John Malkovich. Et bien entendu, chez les Coen, il est toujours question d'engrenage, où, quand on y met le doigt, on est sûr que c'est au minimum le bras, sinon tout le reste, qui va y passer. Et ça ne manque pas. Il y a un effet de contagion assez plaisant dans le film. Comme si les frérots avaient trouvé deux graines, qu'il les avait plantées, et filmé ensuite leur croissance anarchique, sans se départir de leur calme apparent même en s'apercevant qu'il s'agissait de plantes carnivores Sans s'émouvoir particulièrement, en observateurs, quoi.
Le spectateur feuillette ce catalogue de blaireaux, de loosers, de menteurs (et de menteuses), de naïfs, d'abrutis (et e), et d'imbéciles (c'est unisexe), qu'il refermera, comme la chemise contenant ces documents top secret (burn after reading) lors de l'échange final et assez irrésistible entre les deux mecs de la CIA  visiblement dépassés par les événements, sans avoir forcément tout compris  (parce qu'il n'y a justement rien à comprendre...)
Le filmage est, comme toujours chez les frangins, à la fois simplissime et très élaboré. Prosaïque mais narquois. Avec cette distance ironique, sans être lourdingue, qui introduit de-ci de-là un genre de travelling coudé, un cadrage zarbi, une accélération inattendue, une transition hasardeuse... Bref, c'est peut-être un "Coen mineur", mais ça passe plutôt bien, pour un mercredi soir.

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3 décembre 2008

comme les rois mages...

LE CHANT DES OISEAUX
d'Albert Serra

C'était la première "délocalisation" du Festival belfortain Entrevues dans notre bôô cinéma. A 18h on projeta La vieille fille, que je n'ai hélas pas eu l'occasion de revoir, et, à la séance suivante, le lauréat de l'édition 2008, Le chant des oiseaux, d'Albert Serra.
Serra avait déjà été primé en 2006 pour Honor de cavalleria, ce qui prouve l'attachement du festival à l'oeuvre de cet homme (quand même, deux films du même réal' primés en deux ans, c'est un peu étonnant, non ?) Disons le franchement, je n'avais pas aimé Honor de cavalleria. Disons que je m' y étais ennuyé, copieusement, somptueusement, ascétiquement, enfin bref d'un bout à l'autre. Il s'agissait d'une "relecture" de Don quichotte, montrant juste les allées et venues de celui-ci avec son écuyer, Sancho.
Aujourd'hui, rebelote. Serra a cette fois-ci choisi pour héros les rois mages  et nous relate leurs pérégrinations minimal(ist)es, entre le moment de leur rencontre, et jusqu'à leur adoration de Jésus. J'ai plutôt bien aimé la première scène, mais, assez vite, (paradoxalement), on sait où on va. J'ai eu le sentiment d'être devant un Honor de Cavalleria 2 : le retour, tant les deux films sont pour moi proches dans leur démarche (!) (et le fait de reprendre les deux acteurs du film précédent n'arrange rien.) Le film enfonce le clou du film de déambulation. Il dure 1h20, mais il pourrait en durer cinquante (c'est d'ailleurs parfois le sentiment qu'il donne), ça n'a plus d'importance. Je m'attendais tellement à m'ennuyer que je n'ai pas été déçu. J'ai soupiré, ronchonné intérieurement, échangé avec mon jeune voisin ("Finalement, Bresson, c'était commercial..." m'a-t-il chuchoté), j'ai quelquefois été touché par la beauté d'un plan, la composition d'une image, je me suis parfois laissé transporter (certain escaladage de dune aussi étiré et hypnotisant pour moi que certaine montée et descente par une ouvreuse boîteuse de salle de cinéma vide dans Goodbye Dragon Inn, de Tsai Ming Liang,ou certaine poursuite de deux points dans le vert lors de la scène finale d' Au travers des oliviers, de l'ami Kiarostami) mais souvent, la plupart du temps, je me suis retenu de regarder ma montre.
J'étais pourtant d'humeur à rédiger un billet indulgent, sur ce cinéma radicalement radical (et extrêmement extrémiste!), quand je suis tombé  (là) sur une interview du réalisateur qui m'a mis de très mauvaise humeur. Interview ui m'a semblé être un sommet de prétention, de mauvaise foi, de chevilles gonflées et quasiment de mépris.  On lui avait (trop) vanté les dialogues de son premier film ? Il les supprime. On lui avait dit que les paysages étaient jolis ? Il les éradique. Les acteurs ? Bah, interchangeables (dans le film) mais il "a repris les mêmes parce qu'ils sont bons et que ce sont les seuls qu'il connaît". Le scénario ? A quoi bon. Le montage ? quelle importance. Tout ça pour se figer dans une pose auteuriste et messianique genre ohlala z'avez vu j'ai fait le film le plus religieux de tous les temps...
Alors la, pour le coup, ça m'énerve vraiment.

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30 novembre 2008

tu sais traire ?

L'APPRENTI
de Samuel Collardey

En avant-première régionale (le film sort en franche-comté une semaine avant le reste du monde) et en présence du réalisateur et de deux acteurs, dans une salle (pleine quasiment!) du bôô cinéma. On avait déjà reçu le monsieur pour son court-métrage Du soleil en hiver (qu'on avait, par ici mais pas seulement, beaucoup apprécié) et voilà qu'il nous revient (le preuve qu'il a de la suite dans les idées) avec son premier long-métrage, distingué par le prix de la semaine de la critique à Venise (pour une première participation, on pourrait rêver pire), qui raconte la même histoire : les relations entre un jeune en formation (à tous les sens du terme) et son maître de stage, un paysan du Haut-Doubs.
Un film entier (comme on dirait fromage au lait entier, pour filer la métaphore laitière), mais plutôt rayon "au lait cru" que "pasteurisé". On est là, une nouvelle fois, à faire le grand écart (hihi j'avais écrit grand écran) entre le documentaire et la fiction : les acteurs jouent tous leur propre rôle, portent leur vrai prénom, habitent leur vraie maison, le tournage suit chronologiquement l'année de stage en alternance de Mathieu, (de septembre à juin), chaque scène est saisie dans une prise unique, mais est-ce bien pour autant du vrai réel pris sur le vif ? Samuel Collardey explique qu'il n'a jamais voulu voler aucune image, au contraire, il en revendique le statut cinématographique : débarquant avec sa grosse caméra, ses projos et tutti quanti, il apportait à chaque fois à ses acteurs une situation qu'il leur proposait de jouer (ou rejouer) en impro, en fonction de ce qui avait été filmé la fois précédente. Et il laissait la caméra tourner jusqu'au bout. En reconnaissant que ce mode de tournage n'aboutissait pas toujours à une "bonne" scène, et acceptant sa responsabilité dans ce choix ("ce n'était pas le bon moment", "ce n'était pas une situation adaptée", etc.)
Et tout ça donne un sacré film. Qui a fait jubiler des critiques qui ont situé le réalisateur comme un rejeton du couple Pialat/Depardon (huhu l'idée du couple me fait sourire). A mon sens, s'il a bien l'acuité documentaire et le sens du cadrage d'un Depardon, Collardey a surtout de Pialat  la rigueur du constat social, l'observation méticuleuse et en gros plan des relations humaines, sans en avoir (heureusement) conservé l'âpreté (l'amertume ? le nihilisme ?).
Des engueulades, il y en a, et des prises de bec et des remontages de bretelles, mais il y a surtout le reste (la vie) : l'apprentissage du métier (rentrer les vaches, ça n'est pas si facile que ça en a l'air), la vie à l'internat, les soirées avec les potes (à aligner les  bières et à parler cul et teubs), les premiers émois amoureux (car c'est  bien d'apprentissages(s) qu'il est question), du chat internet au premier baiser,  certaines  retrouvailles et certaines confessions (prononcées ou écoutées), sans oublier de sacrées parties de rigolade.
Le film est complètement dans l'instant, dans la captation immédiate (d'une situation, d'un paysage -ah ces panoramiques noyés de brume...-, d'un échange, ou même d'un silence) plutôt que dans l'élaboration d'une intrigue, et jamais cette succession de scènes parfois montées très cut n'apparaît comme une juxtaposition gratuite (artificielle) de vignettes folkloriques. Bien au contraire. Car au fil de ces instants (derrière chacun d'eux ?) on sent que quelque chose se crée, s'élabore, se met en place, que ce soit au niveau de "l'architecture interne" de Mathieu ou des interactions entre lui et Paul. Sans que rien ne doit vraiment précisé, défini. (Pourtant Collardey avait au départ écrit un scénario, qu'il a dès le début du tournage complètement abandonné), ce que d'aucuns lui ont d'ailleurs reproché, et dont il est d'ailleurs conscient, ayant regretté lors de la discussion d'avoir peut-être été trop timide avec la fiction. La question la plus cruciale étant "Mathieu aura-t-il son BEP ?", autant dire que le spectateur n'est pas vraiment  torturé par le suspense ou  l'attente du dénouement. Le plaisir est ailleurs.
Pourtant, à bien écouter le réalisateur, ce qui se joue sur l'écran n'est pas tout à fait du vrai vrai, puisqu'il  reconnaît avoir suggéré (provoqué, induit) les éléments-clés de certaines scènes (les remontrances de la femme de Paul en épluchant les pommes, l'apprentissage de la chanson à la guitare, le chant dans l'étable, etc.) Là où Claire Simon faisait du faux à partir du vrai (en faisant rejouer par des actrices des entretiens qui avaient vraiment eu lieu), Samuel Collardey adopterait peut-être le dispositif inverse : faire du vrai à partir du (peut-être un peu) faux ?  Mais tout ça reste théorique, et on s'en fiche, au fond, parce que tout ça est simplement passionnant.
Malgré ses maladresses, malgré les faiblesses que certains lui reprochent, on ne peut que se réjouir, se dire que les bonnes fées du 7ème art se sont penchées sur le berceau de ce nouveau venu (hmm si c'est pas du lieu commun et du cliché, ça...) Allez, Samuel, au boulot!

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21 novembre 2008

ferrailleurs

CHOP SHOP
de Ramin Bahrani

Willet's point, le "triangle de fer", à New-York, un genre d'immense garage à ciel ouvert, plutôt de magasin général de pièces détachées où l'on vient faire réparer sa bagnole pour "moins cher" que dans un garage conventionné, à condition de ne pas être trop regardant sur l'origine desdites pièces détachées ... C'est là que vit et travaille le jeune Alejandro, hébergé par Rob, un de ces "garagistes", qui l'emploie également, à la fois comme rabatteur de clients et comme mécano d'occasion.
Alejandro est démerdard et volontaire. Au début du film, il sort vraiment de nulle part : pas de background, pas d'explications. Simplement il est là, il en veut, il avance... Dès qu'il aura trouvé cet hébergement, il en fera profiter Isamar, sa grande soeur, avec qui il va partager une mezzanine exigüe (mais comme dit Alejandro "il y a un lit, un frigo et même un micro-ondes!")
Encore un film dans cette nouvelle lignée celle du documentaire à peine scénarisé. C'est le décor-même qui a donné envie au réalisateur d'y tourner une histoire, tandis que les "garagistes" (et les autres personnages) tiennent leur vrai rôle et portent leur vrai prénom, et que le jeune héros, Alejandro, a effectivement bossé six mois dans cette joyeuse (?) zone mécanique pour se mettre dans la peau de son personnage...
Je n'ai pu dans le film m'empêcher de penser à Khamsa, vu récemment dans ce même bôô cinéma : un tout juste ado (pas tout à fait complètement extrait de l'enfance), décidé à s'en sortir à la force du poignet dans un monde adulte et brutal, sans concessions. Survivre et plus si affinités. Même vitesse, même force, même volonté chez les deux jeûnots, avec, pour chacun,  un genre de rêve lointain qui permet de tenir, d'aller de l'avant (pour Khamsa c'était devenir boulanger, pour Alejandro c'est acheter et retaper un van pourri pour y vendre les spécialistés culinaires de sa soeur)... Et, dans les deux cas, il est question de laissés-pour-compte, de ferraille, de précarité, de fric à amasser, et même de baskets neuves!
Le film est plein de cette même belle énergie, il suit sa ligne, jamais il ne s'auto-apitoie, jamais il ne larmoie. Et se permet même le luxe de nous planter là, cut, sec, au détour d'une scène qu'on pourrait presque pu trouver joliette et anodine dans n'importe quel autre film, mais qui permet, avec une extrême économie de mots et de sentiments, de  terminer le film comme il l'avait commencé...

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18 novembre 2008

procès d'intention

C'EST DUR D'ETRE AIME PAR DES CONS
de Daniel Leconte

Le fameux "procès des caricatures de Charlie-Hebdo" vu de l'intérieur, jour après jour. C'est bien fait, rapide, nerveux, ça se regarde comme un vrai polar... C'est complexe et  protéiforme, la défense, l'accusation, les témoins, chacun apportant sa vision de l'événement, les musulmans, l'intégrisme, l'intolérance, les religions en général, et les politiques qui défilent (ce n'est forcément le meilleur moment!)... On n'est jamais trop sûr de bien comprendre tous les enjeux, d'un côté comme de l'autre, mais,  on se dit que c'est un document salutaire.

18968285_w434_h_q80Charlie-Hebdo 

"On est mal placés pour parler des acteurs puisque c'est nous. Mais on a trouvé le film génial, palpitant et on a envie que tout le monde se précipite pour le voir."

16 novembre 2008

essuie-glace(s)

LA FRONTIERE DE L'AUBE
de Philippe Garrel

Le noir et blanc est magnifique : grenu, graineux (?) comme j'aime, les noirs charbonnent à souhait, profonds tels des lacs de ténèbres, tandis que les blancs surexposent et quasiment crament la pellicule. Laura Smet est très bien (dans la première partie du moins). Autrement ? Ah lala, autrement... Je suis resté à la porte, sur le seuil, de l'autre côté du miroir. De glace. Louis Garrel, qui était pourtant si parfaitement idoine dans, disons, Les chansons d'amour, ici est à côté de la plaque (sensible). Il n'a pas la carrure, ni l'épaisseur, la densité. C'est un film à l'ancienne (non non je n'ai pas dit vieillot), comme un fantôme de film qui nous serait revenu des années 70, une mystérieuse émanation poétique exhalée par une faille du continuum espace-temps. L'amour, la mort, l'au-delà, tout ça aurait moins prêté à sourire sans la faiblesse de ces dialogues, hélas quelque peu plombants (il eut peut-être mieux valu, tant qu'à faire un film à l'ancienne, le garder complètement muet, avec juste des intertitres, tant ce qui est prononcé n'a que peu d'intérêt.) Si le début tient plutôt bien la route (la rencontre, le coup de foudre, bref la partie terre à terre, où on retrouve avec plaisir cette manière de filmer de Garrel au plus près des visages, de femmes surtout) , la suite (l'éther à terre ?) se ratatine et se délite hélas inexorablement. Dommage...

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